Le normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli, parle de l’école française : «Ce ne sont pas les ministres qui ont le pouvoir dans l’école, ceux qui ont le pouvoir, c'est la direction générale de l'enseignement scolaire».
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00:00 Alors, il va falloir, je ne veux pas cultiver le paradoxe, mais il faut rectifier une idée que vous avez là, l'école va très bien.
00:08 L'école fait très exactement ce pourquoi on l'a programmée depuis 40 à 50 ans.
00:14 Et on est dans le plein rendement.
00:17 J'ai eu la naïveté à un certain moment, en 2005, en ayant une certaine audience avec la première époque de la fabrique du crétin,
00:25 qui était la mort programmée de l'école, je me suis dit, bon, ça va peut-être donner des idées, donner à réagir, etc.
00:35 Non, il ne s'est rien passé, ça a continué, ça s'est accentué, simplement parce que la programmation,
00:45 la vraie programmation de l'école, va dans le sens que nous savons,
00:49 c'est-à-dire on dégage 10% d'élite autoproclamée et 90% de consommateurs.
00:56 C'est un mot qui commence mal d'ailleurs, consommateurs, mais c'est exactement tout ce que l'on veut.
01:01 Alors qu'on soit bien d'accord, ce n'est pas un complot.
01:04 Il n'y a pas trois ou quatre grands esprits qui se sont mis dans un coin pour dire voilà ce que nous allons faire de l'école de la République.
01:10 C'est un mécanisme et ce mécanisme s'est mis en place entre la fin des années 50 et les années 60.
01:17 Vous exonérez, en général on dit de mai 68 qu'elle a été le point de départ de l'effondrement de la transition.
01:24 Et vous, vous le mettez à plus tard.
01:27 C'est un épiphénomène.
01:28 Je vais raconter une belle histoire, j'aime bien raconter.
01:32 En 62, vous savez les ministres, ça n'a absolument aucune importance.
01:35 Quand vous rentrez dans le ministère de l'Éducation, vous avez toutes les photos de tous les ministres depuis 1876.
01:42 Vous en connaissez à tout casser une dizaine, les plus récents.
01:46 Les autres sont d'illustres inconnus.
01:47 Ce n'est pas eux qui ont le pouvoir dans l'école.
01:51 Ceux qui ont le pouvoir sont les bureaux.
01:52 En l'occurrence, ce qu'on appelle la DGESCO, la Direction générale de lancement scolaire.
01:57 En 62, à la tête de la DGESCO, il y a un garçon qui s'appelle René Habi, qui est très proche de Giscard,
02:04 qui lui-même est ministre de De Gaulle et qui va se débrouiller pour faire chuter De Gaulle au référendum 69.
02:10 Ça, c'est l'histoire.
02:12 René Habi va créer une commission qu'on appelle la commission Rouchet pour savoir quel est le français que nous devons désormais enseigner à l'école.
02:19 C'est une question qui semble stupide parce que vous, moi, qui appartenons plus ou moins à la même génération,
02:25 nous avions quand même appris La Fontaine, Lamartine, Victor Hugo, etc.
02:30 Le français, c'était le français qu'avaient écrit et parlé les meilleurs écrivains.
02:37 C'est fini.
02:38 La commission a déterminé que le français, c'était celui de la rue.
02:42 C'est ce qui a permis à un député en marche, il y a deux ans, d'expliquer que le sommet de la poésie, c'était Aya Nakamura actuellement.
02:50 Et sur cette lancée, alors imaginez la langue de la rue qui devient la langue à enseigner.
02:57 C'est au même moment qu'on a imposé ce qu'on appelait les mathématiques modernes.
03:02 Les mathématiques modernes, c'était de façon à ce que les parents ne puissent pas aider les enfants,
03:07 parce qu'on les mettait face à la théorie des ensembles, etc.
03:11 Les parents flottaient complètement l'idée.
03:14 [Musique]
03:17 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]