• l’année dernière
À 12 ans, un tiers des enfants a déjà été exposé à des sites pornographiques. Un chiffre alarmant que s’est emparé notre invité Samuel Comblez, directeur des opérations chez e-Enfance (association de protection des mineurs) pour lutter contre ce fléau sur internet. C’est pour cette raison que le gouvernement a annoncé il y a quelques jours s’emparer de ce dossier sensible en mettant en place à partir de septembre, un dispositif interdisant l’accès des mineurs à ces contenus pour adultes. Une nouvelle mesure saluée par ce psychologue de l’enfance, venu nous parler des conséquences de la pornographie sur la jeunesse. Comment endiguer cette surexposition ? La réponse avec Samuel Comblez. 

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Transcription
00:00 Il est 8h10, l'heure de retrouver l'invité d'actualité.
00:03 Maya, vous recevez ce matin Samuel Comblé,
00:05 psychothérapeute et directeur des opérations chez e-Enfance,
00:08 association de protection des mineurs sur internet.
00:11 Bonjour Samuel Comblé.
00:12 Bonjour.
00:12 Merci d'être avec nous ce matin.
00:13 À 12 ans, un tiers des enfants a déjà été exposé à des sites pornographiques.
00:18 Ce chiffre est hallucinant.
00:20 Il est d'ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement a annoncé
00:23 il y a quelques jours la mise en place à partir de septembre
00:25 d'un dispositif interdisant l'accès des mineurs à ces contenus.
00:28 Ce n'est pas déjà interdit ?
00:29 Alors c'est interdit, effectivement.
00:31 La pornographie est interdite avant 18 ans.
00:33 Et effectivement, le gouvernement prend ses responsabilités
00:37 puisque la majorité des jeunes aujourd'hui vont sur internet
00:39 pour regarder des images pornographiques.
00:41 Il est important de pouvoir bloquer, de complexifier cet accès.
00:44 Et le gouvernement va donc proposer une liste de solutions techniques
00:49 que les sites pornographiques devront utiliser
00:52 pour que les jeunes aient moins accès à leurs sites.
00:55 Parce qu'aujourd'hui, ils proposent quoi les sites pornographiques
00:57 pour garantir que c'est bien un majeur qui va les consulter ?
01:00 Alors ils proposent des solutions qui sont totalement inadaptées
01:02 et hors la loi justement, puisqu'aujourd'hui
01:04 quand vous allez sur un site pornographique
01:06 pour déclarer que vous êtes majeur, vous devez cliquer, vous savez,
01:08 sur une petite croix qui dit que vous êtes majeur.
01:10 C'est tout ? Donc en trois clics, c'est fait.
01:13 C'est très facile.
01:14 Évidemment, tous les mineurs vont déclarer qu'ils sont majeurs
01:16 et avoir accès à ces images qui ne sont pas du tout préparées pour eux.
01:20 Elles sont extrêmement impactantes.
01:21 Et donc l'idée, c'est de pouvoir faire en sorte
01:23 que quand on va déclarer qu'on est majeur
01:25 au travers de ces solutions techniques qui vont être proposées,
01:28 qui vont être beaucoup plus efficaces et beaucoup plus filtrantes,
01:31 de pouvoir considérer que quand on est sur le site, on est effectivement majeur.
01:34 Vous avez été consulter, vous, Association, pour la mise en place de ce dispositif ?
01:38 Alors effectivement, on travaille avec le ministre Jean-Noël Barraud,
01:42 avec Charlotte Cobell également, voilà.
01:44 Et on travaille main dans la main pour pouvoir justement faire avancer ce sujet.
01:48 Ça fait des années que l'Association e-Enfants
01:50 collabore justement avec le gouvernement
01:52 pour pouvoir considérer que les enfants n'ont pas leur place sur des sites pornographiques.
01:58 Ce qu'on demande, c'est que la loi soit respectée parce qu'en fait, ce n'est pas nouveau.
02:01 Cette complexification de l'accès des mineurs au site Internet
02:06 existe depuis maintenant plusieurs années, on peut parler en années.
02:08 Et on ne peut pas vraiment dire que les sites pornographiques
02:10 aient pris leurs responsabilités et respectent cette loi.
02:13 Et donc, on espère que ce système va faire avancer les choses.
02:15 Et leur mettra un coup de pression supplémentaire.
02:17 Mais ça veut dire quoi ? Il va falloir passer par une appli, un tiers de confiance ?
02:21 On peut imaginer ce type de dispositif ?
02:23 Exactement. Alors, c'est peut-être le tiers de confiance qui serait le plus adapté
02:27 puisque la majorité des détracteurs des solutions qui sont proposées
02:30 mettent en avant la protection des données personnelles
02:33 pour empêcher que ce système se mette en place en considérant qu'évidemment,
02:36 quand on est sur un site pornographique, on n'a pas envie d'être affiché dans une liste
02:39 ou que nos données soient divulguées.
02:41 Parce que l'idée, ça ne va pas être de contraindre les utilisateurs
02:44 à donner leur intérêt.
02:45 Exactement, ce n'est pas ça l'idée.
02:47 Le système veut, pour objectif, dire qu'on veut juste savoir si vous êtes majeur ou mineur.
02:53 À partir du moment où vous dites que vous êtes majeur,
02:54 c'est que vous n'êtes pas mineur et donc vous pouvez accéder.
02:56 Je dirais que le nom de la personne n'a absolument aucune importance.
03:00 Et donc, l'idée, ce serait de faire à peu près ce que le système bancaire fait.
03:03 Quand vous achetez un produit sur Internet,
03:05 un système tiers va certifier qu'effectivement, vous êtes cette personne
03:09 et que du coup, vous pouvez accéder à l'achat de ce produit.
03:13 Et bien là, ça sera la même chose.
03:14 On va devoir passer par un tiers pour certifier qu'on est majeur.
03:17 Si les sites ne respectent pas cette obligation, ils encourt quelles sanctions ?
03:20 Ils seront interdits en France, tout simplement.
03:22 Et c'est prévu également par la loi.
03:25 Et ce n'est pas nouveau non plus.
03:27 À partir du moment où on donne trop facilement accès à des images pornographiques,
03:31 la loi intervient et sanctionne, tout simplement.
03:34 Le gouvernement explique que la France sera le premier pays à mettre en place un dispositif,
03:37 un tel dispositif de protection des mineurs.
03:40 C'est vrai, ça ?
03:40 Exactement.
03:41 Alors, la Louisiane a commencé depuis le 1er janvier 2023 à mettre un système en place
03:46 sur la base de la production de la carte d'identité de l'utilisateur.
03:51 Et donc, pour qu'un Américain habitant en Louisiane puisse accéder à un site,
03:55 il doit d'abord fournir sa carte d'identité.
03:57 Ce n'est pas le choix de la France.
03:58 La France propose un système qui sera beaucoup plus protecteur, justement,
04:02 pour l'identité des personnes.
04:04 Et on verra donc comment les choses vont se mettre en place dans les mois à venir.
04:06 Vous y croyez, vous, à l'efficacité de ce dispositif ?
04:08 Il faut y croire parce que, de toute façon, on a pris énormément de retard.
04:11 Trop d'enfants regardent des images pornographiques.
04:13 Trop d'adolescents sont impactés psychologiquement par ces images.
04:16 Tout à l'heure, vous donniez des chiffres qui sont évidemment alarmants.
04:18 Alors, on va les redonner.
04:19 Un tiers des enfants de 12 ans ont déjà eu accès à des contenus pornographiques.
04:23 Plus de 8 mineurs sur 10.
04:26 Déjà, sur quel type d'écran les jeunes consultent ces images ?
04:29 Sur leurs écrans, sur leurs tablettes, sur leur téléphone portable.
04:32 Loin du regard, évidemment, des adultes,
04:34 puisque les enfants ont une utilisation très autonome des outils numériques
04:38 et en particulier, évidemment, des sites pornographiques.
04:41 On ne peut pas leur en vouloir, les sites pornographiques,
04:42 parce que les enfants ont besoin d'avoir des réponses à leurs questions
04:44 s'agissant de la sexualité.
04:46 Et c'est vrai que les parents et les adultes en général en France
04:48 ont un petit peu de mal à parler de ce sujet.
04:50 Est-ce que ces images, ils les recherchent ou est-ce qu'ils tombent dessus ?
04:53 Ou est-ce que c'est les deux ?
04:55 Alors, on a tendance à dire qu'effectivement,
04:57 il peut y avoir une exposition accidentelle à ces images.
05:01 C'est vrai, mais elle n'est pas majoritaire.
05:02 Il faut reconnaître que quand même,
05:04 beaucoup de jeunes vont sur les sites pornographiques de manière volontaire
05:07 parce qu'encore une fois, ils recherchent des réponses à leurs questions,
05:10 parce qu'ils en parlent trop et qu'ils ont besoin
05:12 de pouvoir échanger avec leurs amis tout simplement sur ces sujets.
05:16 Et puis parce qu'ils ont besoin de satisfaire une curiosité.
05:19 Ils n'y vont pas comme un adulte irait pour s'exciter.
05:22 Ils y vont parce qu'ils ont une curiosité tout simplement qu'ils cherchent à satisfaire.
05:26 Vous êtes psychothérapeute.
05:28 Quels sont les effets que produisent ces images pornographiques chez les mineurs ?
05:33 Alors, tout dépend de l'âge.
05:35 Pour les plus jeunes, ça peut avoir un impact psychologique extrêmement important
05:41 sur la base d'une sidération.
05:43 Un jeune enfant va se dire, est-ce que c'est ça ?
05:45 - Un choc. - Exactement.
05:46 Est-ce que c'est ça que je vais devoir faire quand je serai adulte ?
05:49 Est-ce que c'est ça que même mes parents font dans leur intimité ?
05:52 Et donc, il y a une espèce de moment un peu figé comme ça,
05:56 où l'enfant ne sait pas comment gérer ces images qui sont extrêmement impactantes.
06:01 À partir de l'adolescence, on peut avoir évidemment aussi ces mêmes conséquences,
06:06 mais peut-être aussi sur la base d'une forme de complexe qui peut naître
06:10 parce que les acteurs de sites pornographiques ont en général des mensurations
06:14 qui ne sont pas la norme.
06:15 C'est d'ailleurs pour ça qu'ils font ce travail.
06:17 Et pour certains adolescents, ça peut être complexe de se dire
06:21 que leur corps ne correspond pas à ce qu'ils voient dans les images
06:24 et ça peut aussi avoir un impact.
06:26 Donc, ça veut dire que ça va changer leur représentation de la sexualité
06:28 et peut-être plus tard leur pratique sexuelle aussi.
06:30 Absolument.
06:31 Leur représentation de la sexualité, leur représentation de la femme aussi,
06:34 de la place de la femme dans les relations sexuelles,
06:36 puisque les sites pornographiques font plutôt l'apologie d'un homme très dominant,
06:41 parfois violent, et une femme qui est soumise et systématiquement soumise.
06:45 Et c'est vrai que ça donne à comprendre
06:49 que les actes sexuels doivent systématiquement se réaliser de cette manière-là.
06:53 Ce qui est aussi très inquiétant, moi, quand je parle avec des adolescents
06:59 de leur relation sexuelle, c'est qu'ils ont une sexualité qui est très scénarisée,
07:04 qui se déroule de manière assez mécanique,
07:06 comme dans un site pornographique où il y a des étapes dans un scénario.
07:09 Les jeunes racontent aujourd'hui leur sexualité de manière très froide,
07:14 et pas du tout créée sur la base de leur relation, de leur complicité.
07:19 Il n'y a pas du tout de sentiments, c'est assez froid comme relation
07:24 et c'est ça aussi qu'il faut faire évoluer.
07:26 Nous, parents, que peut-on faire ?
07:28 Vous dites qu'il y a un tabou autour de la sexualité.
07:30 On en parle quand ? À partir de quel âge et à quel moment ?
07:32 Je pense qu'il faut en parler le plus tôt possible,
07:34 puisque tout à l'heure on disait qu'on peut être exposé accidentellement.
07:37 Donc je pense que dès l'école primaire, ça peut paraître très tôt,
07:39 mais c'est nécessaire, il faut parler.
07:41 À l'Association Une Enfance, on a fait le choix de parler
07:43 de sexualité et de pornographie dès 6 ans.
07:46 Et je peux vous dire que les enfants sont très accueillants de ces sujets.
07:49 D'abord parce qu'ils en parlent encore une fois dans la cour de récréation,
07:51 donc ça prolonge, je dirais, ces échanges entre eux.
07:55 Et puis parce que le jour où ils seront confrontés à ces images accidentellement,
07:59 ils sauront de quoi il s'agit et ils sauront qu'ils n'ont pas fait de bêtises
08:02 en les regardant, parce que c'est souvent le premier réflexe qu'ils ont.
08:06 Et du coup, on n'en parle pas aux parents.
08:07 Exactement, parce qu'ils ont peur d'être privés de leur accès à Internet.
08:11 Et puis parce qu'il faut que ce sujet, qui n'est pas banal,
08:14 rentre dans les échanges entre parents.
08:17 Alors, il ne faut pas non plus culpabiliser,
08:18 parce que tous les parents ne sont pas forcément capables
08:21 ou n'ont pas forcément envie de parler d'un sujet qui en même concerne l'intime.
08:25 Ce qu'il faut, je pense, en tant que parent,
08:26 c'est de pouvoir au moins offrir la possibilité d'avoir l'information.
08:30 Il y a un site très bien fait, le gouvernement a lancé d'ailleurs une campagne cette semaine,
08:33 justement de promotion de ce site qui s'appelle jeprotègemonenfant.gouv.fr.
08:37 Et c'est un site justement qui aide les parents à pouvoir trouver des supports,
08:42 des vidéos, des livres, etc. à la fois pour eux en tant que parents
08:45 et aussi pour les jeunes pour pouvoir avoir des supports de médiation,
08:48 pour pouvoir faciliter les échanges.
08:50 Eh bien, on revoit vers ce site et les associations pour mieux en parler en famille.
08:53 Merci Samuel Combé d'avoir été avec nous ce matin.

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