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Cédric, Claude, Allan, Gaye et Wissam sont morts après une intervention de police. Dans le documentaire « Violences policières, le combat des familles », leurs proches confient leurs deuils et demandent justice.

Dans cette vidéo, Inès Belgacem, réalisatrice du docu, raconte les coulisses de ce projet.

Le docu est dispo en intégralité sur StreetPress https://www.streetpress.com/sujet/1675948897-violences-policieres-le-doc

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Transcription
00:00 Un jour, un lendemain, un père de famille, cinq enfants, un travailleur,
00:03 au pied de la tour Eiffel, qui se fait tuer par quatre policiers.
00:05 -Arrête ! Arrête !
00:07 Arrête, je m'en casse !
00:08 Je te tue ! Je te tue !
00:10 Je te tue !
00:11 Je te tue ! Je te tue !
00:14 -Et pendant longtemps, à cause de ces images,
00:16 j'ai vécu un cauchemar.
00:18 Quand je fermais l'œil,
00:20 je me retrouvais à la place de mon père,
00:23 étouffée et étranglée.
00:24 Et j'avais l'impression qu'on m'étranglait jusqu'à me casser aussi le larynx.
00:28 ...
00:47 Je m'appelle Inès Belkacem, je suis journaliste à Street Press,
00:50 et depuis 2016, je travaille sur les violences policières.
00:54 Dans ce documentaire,
00:56 il y a cinq familles qui ont perdu un proche dans une intervention de police
00:59 qui prennent la parole.
01:00 On a par exemple rencontré la famille de Cédric Chouviat, à Paris,
01:04 la famille d'Alain Lambin, en Bretagne.
01:07 Il y a aussi les proches de Wissam Eliamni, à Clermont-Ferrand,
01:10 ceux de Claude Jean-Pierre, en Guadeloupe.
01:12 Et il y a aussi la famille de Gaëlle Camara,
01:14 qui, eux, sont en région parisienne, à Champs-sur-Marne.
01:16 Quand les familles se rendent compte que la police est impliquée,
01:19 quand elles se rendent compte que leur proche est mort,
01:22 souvent, avant même qu'elles aient pu faire quelque chose,
01:26 il y a la préfecture de police ou un site ou des médias
01:31 qui vont sortir la version des policiers.
01:32 Dans la version des policiers, il est toujours expliqué
01:35 que la personne qui est morte, donc le proche de ses familles,
01:38 a fait quelque chose de répréhensible, ou c'était un accident.
01:41 Le meilleur exemple, c'est Cédric Chouviat.
01:44 -Au moment où on était à l'hôpital en train d'attendre un miracle,
01:47 on savait même pas s'il allait mourir ou pas,
01:50 il y a un article du Parisien qui sort.
01:52 -Cédric Chouviat a fait un malaise cardiaque.
01:56 Ils ont menti sur ce qui s'était passé, ils ont dit qu'il était tombé
02:00 et que ce qui lui était arrivé, c'était de sa faute
02:02 et pas de la faute des policiers.
02:03 -Quelques semaines après cet article, il y a les vidéos qui sortent,
02:07 donc les vidéos de l'interpellation de Cédric Chouviat.
02:09 Et on voit bien que le contrôle,
02:12 Cédric Chouviat leur met en question sans qu'il y ait de violence
02:15 et qu'il tombe pas et qu'il n'y a pas de crise cardiaque,
02:18 qu'il y a un plaquage ventral de la part des policiers
02:22 et que Cédric dit sept fois "j'étouffe" avant de mourir.
02:26 Cédric, il a filmé sa propre mort,
02:27 puisqu'il avait son téléphone et qu'il a filmé son contrôle.
02:29 Donc on voit bien que la version des policiers n'était pas du tout vraie.
02:36 Toutes ces familles passent par un deuil très compliqué,
02:39 parce qu'elles ont du mal à comprendre comment leur proche est mort.
02:43 Quand elles essaient d'aller poser des questions,
02:46 d'aller chercher des informations,
02:47 elles se rendent compte qu'elles ont du mal à trouver ces informations.
02:50 Un exemple simple, c'est les vidéos de surveillance.
02:52 Quand les familles essaient de récupérer les images,
02:55 elles se rendent compte que c'est très très compliqué.
02:58 Il y a toujours des raisons différentes
02:59 pour lesquelles elles peuvent pas récupérer ces vidéos.
03:01 Parfois, on explique qu'elles fonctionnaient pas.
03:04 On explique que c'est le temps de l'enquête
03:06 et qu'elles auront pas les vidéos tout de suite
03:09 et que peut-être elles les auront dans un an, dans deux ans.
03:11 C'est ce qui est arrivé par exemple à la famille d'Alan Lambin,
03:13 qui les ont récupérées plusieurs mois après la mort d'Alan.
03:17 -Ca n'a pas été facile de récupérer la vidéo.
03:19 L'IGPN a mis presque un an avant de nous la donner.
03:25 -Mais pour des familles, c'est un laps de temps énorme
03:28 sur lequel elles comprennent pas forcément ce qui s'est passé.
03:30 Comme elles arrivent pas à récupérer des informations
03:32 sur la mort de leurs proches,
03:34 elles doivent mener l'enquête toutes seules.
03:35 Elles se mettent en quête du moindre à dix.
03:38 Elles essaient de comprendre les rouages de la justice,
03:42 les rouages de leur affaire,
03:45 et c'est pas leur travail, en fait.
03:46 Pour prendre un exemple, il y a la famille de Cédric Chouviat,
03:49 qui a lancé un appel à témoignages,
03:50 en demandant "Vous étiez à Teller, Quai Branly, là où est mort Cédric ?
03:54 Est-ce que vous avez été témoin de quelque chose ?"
03:56 Souvent, les familles font ça.
03:57 Eh ben, elles ont reçu plusieurs vidéos, plusieurs témoignages,
04:01 et c'est en partie aujourd'hui grâce à ces vidéos
04:04 qu'elles peuvent aller devant les tribunaux
04:06 et avoir des preuves devant les tribunaux.
04:10 -Les vidéos, c'est la chance de notre malheur.
04:12 C'est une évidence, parce que sans les vidéos...
04:16 Je te le dis, je te le redis.
04:19 La cause est perdue.
04:21 -Les familles essaient toutes d'aller devant les tribunaux pour avoir justice.
04:24 Et leur plus grande peur, c'est d'avoir un non-lieu.
04:27 Un non-lieu, ça veut dire que la justice estime
04:30 qu'il n'y a pas assez d'éléments pour ouvrir un procès,
04:33 ou que les policiers étaient en situation de légitime défense.
04:36 Dans le documentaire, Mahamadou Kamara,
04:38 le frère de Gaël Kamara qui prend la parole,
04:40 lui, ça fait quatre ans que Gaël est mort,
04:43 il était devant les tribunaux et il a eu son lieu.
04:44 Et lui n'arrête pas de répéter
04:46 qu'il ne peut pas y avoir non-lieu quand il y a mort d'homme.
04:49 Lui, il peut pas comprendre que son frère soit mort
04:51 et qu'on lui dise...
04:52 Ces mots circulés, il y a rien à voir.
04:54 -Quand un jeune issu d'immigration, ou bien un jeune Français,
04:56 se fait tuer par des policiers français,
04:59 là, c'est silence radio.
05:01 -On a été, à Clermont-Ferrand,
05:04 rencontrer la famille de Wissam El Yamni.
05:06 Et dans le documentaire, il y a sa sœur Marwa qui témoigne,
05:09 et il y a aussi Zohra, qui est la maman de Wissam.
05:11 Le témoignage de Zohra a été particulièrement intense,
05:14 parce qu'elle s'est beaucoup confiée.
05:16 -Zohra, c'est vraiment un modèle de bravoure pour moi,
05:18 parce que ça fait 10 ans qu'elle a perdu son fils,
05:20 10 ans qu'elle attend d'avoir des réponses,
05:22 et elle, depuis 10 ans, malgré sa peine, malgré son deuil impossible,
05:26 c'est une militante acharnée.
05:28 Dans le documentaire, tous les tournages,
05:30 elle avait son t-shirt "Justice pour Wissam".
05:32 -Ma mère, depuis le début, elle a des autocollants partout de Wissam.
05:36 Et c'est vrai que sur sa voiture,
05:38 il y a un autocollant "Justice et vérité pour Wissam".
05:41 -C'est-à-dire que c'est la militante pour Wissam de tous les instants.
05:45 -Pour ce documentaire, on a aussi été en Guadeloupe
05:48 rencontrer la famille de Claude Jean-Pierre.
05:51 C'était assez particulier,
05:52 parce que c'était la première fois que Fatia, sa fille,
05:54 retournait en Guadeloupe depuis les funérailles de son père.
05:57 Et pour les tournages, on a été dans la ville de Dehé,
06:01 où s'est passé le contrôle qui a mal tourné,
06:04 et je me suis rendue compte qu'on parlait pas tant
06:07 de l'affaire Claude Jean-Pierre en métropole,
06:09 mais qu'en Guadeloupe,
06:10 c'était le visage contre les violences policières.
06:13 -Justice pour Claude Jean-Pierre ! -Justice pour Claude Jean-Pierre !
06:15 -Plus fort ! -Justice pour Claude Jean-Pierre !
06:18 -Plus fort ! -Justice pour Claude Jean-Pierre !
06:20 -Crois-moi ! -Justice pour Claude Jean-Pierre !
06:22 -Moi, les familles que j'ai rencontrées,
06:29 ça fait 4 ans, 5 ans, 11 ans pour la famille de Wissam
06:33 qu'elles traînent ce deuil impossible,
06:36 qu'il y a des rebondissements dans leur affaire,
06:38 au contraire, il se passe rien, et ça mérite un éclairage.
06:41 Nous, l'idée avec le documentaire, c'était de sortir du fait divers,
06:44 c'était de suivre ces familles, de leur donner la parole
06:48 et de le faire surtout sur le long cours qu'elles puissent raconter
06:52 ce deuil impossible, ces galères devant la justice,
06:55 leurs recherches d'indices pour comprendre la mort de leurs proches.
06:59 -Moi, je...
07:00 [Musique]

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