La France n'est plus la bienvuenue au Mali et au Burkina Faso. Dans le même temps, la Russie et la Chine mutiplie leurs projets africains. L'Afrique suscite un grand interêt international. Analyse avec le politologue Niagale Bagayoko, et Sonia Le Gouriellec, auteure de "Géopolitique de l’Afrique".
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00:00 Quelles sont les nouvelles influences internationales en Afrique ? Alors que la France est sommée
00:05 de quitter le Mali et le Burkina Faso, la Russie, la Chine multiplient leurs projets
00:10 africains.
00:11 On va en parler pendant 20 minutes avec nos deux invités.
00:13 Niagale Bagayoko, bonjour.
00:15 - Bonjour.
00:16 - Vous êtes la présidente de l'African Security Sector Network, vous êtes également politologue.
00:21 Sonia Legourielek, bonjour.
00:23 - Bonjour.
00:24 - Vous êtes maîtresse de conférence en sciences politiques à la faculté de droit
00:27 de l'Université catholique de Lille.
00:29 Et l'autrice de ce livre "Géopolitique de l'Afrique" paru aux presses universitaires
00:33 de France, c'est un que sais-je, auquel je renvoie nos auditeurs.
00:39 Intense activité diplomatique en Afrique, donc on va d'ailleurs la détailler dans
00:44 un instant.
00:45 La Russie, les Chinois, les Européens, les Indiens, tout le monde veut renforcer en ce
00:49 moment ses contacts sur l'Afrique.
00:51 Niagale Bagayoko, pourquoi l'Afrique suscite-t-elle en ce moment autant d'engouement, autant
00:56 d'intérêts internationaux ?
00:57 - Alors, je pense qu'il faut tout d'abord commencer par dire que l'Afrique change son
01:03 rapport elle-même au monde.
01:06 Et qu'elle est globalement dans une démarche qui consiste à élargir ses partenariats.
01:12 Donc il y a aussi des initiatives en provenance du continent africain.
01:17 L'Afrique n'est pas uniquement là, pas d'intérêts étrangers.
01:22 Je pense que c'est très important de le dire.
01:24 D'autre part, on s'aperçoit qu'aujourd'hui éclatent au grand jour des relations qui
01:30 ont été tissées tout au long des dix dernières ou vingt dernières années.
01:35 On s'est très très peu intéressé aux relations extra-occidentales d'une manière générale.
01:41 Et en réalité de très nombreux partenariats, échanges ont été forcés, bien entendu
01:48 avec les acteurs dont vous parlez.
01:50 - Ça veut dire que la Chine est là depuis très longtemps ?
01:51 - La Chine est là depuis très longtemps.
01:53 - Les Turcs aussi ? Les Russes aussi ?
01:55 - Bien entendu.
01:56 Les Russes c'est un retour dans la mesure où ils ont été extrêmement présents dans
02:02 la phase post-indépendante, dans le cadre de la guerre froide.
02:06 Mais à la faveur de la chute du mur de Berlin, il y a eu une rétraction de leur présence.
02:12 En revanche, vous parliez de l'Inde.
02:14 L'Inde est très présente depuis des années dans l'industrie du médicament par exemple.
02:18 Ce sont des relations très anciennes.
02:21 - Les Turcs aussi, il y a longtemps qu'ils sont là ?
02:22 - Les Turcs, dans toutes les infrastructures, depuis une dizaine d'années.
02:25 C'est une des principales orientations de la diplomatie d'Erdogan, de relancer les
02:31 relations avec le continent africain.
02:32 On parle très peu du Maroc, mais on parle beaucoup du désamour actuel entre le Maroc
02:39 et la France.
02:40 Il faut savoir qu'à l'inverse, le roi Mohamed VI a développé les relations avec l'Afrique.
02:47 Donc c'est un mouvement très général.
02:49 - Sonia Legorielek, quel type de partenariat l'Afrique signe-t-elle avec ces pays ?
02:54 Chine, Russe, Inde ou Turquie ?
02:57 - Ça dépend à la fois de tous ces pays et ça dépend aussi de tous les pays d'Afrique
03:01 dont on parle.
03:02 - Est-ce que c'est de l'armement principalement ?
03:03 - Non, pas nécessairement.
03:05 On a coutume souvent de dire les Afriques justement pour montrer qu'il y a vraiment
03:09 des différences entre les différentes régions, les différents pays.
03:12 Alors ça peut être effectivement pour les Russes ce qu'on appelle parfois la diplomatie
03:16 la kalachnikov où ça va être vraiment sur les aspects militaires et les sécuritaires.
03:20 Comme l'a dit Niagale Bagayoko, la Turquie, moi je les ai vues arriver en Somalie en 2010
03:26 en disant "on est les premiers à remettre le pied en Somalie" alors qu'aucune autre
03:32 diplomatie occidentale n'était sur place.
03:35 Donc c'est plutôt sur des aspects humanitaires, reconstruction, post-conflit.
03:38 Donc ça fait quand même un petit moment.
03:40 Et la Chine, on les a vues arriver depuis quand même très longtemps.
03:43 C'est vrai que pour nous il y a comme un réveil général des opinions publiques occidentales
03:48 mais que ça fait longtemps que les germes sont déjà là.
03:53 Et alors effectivement avec ce qui s'est passé en Ukraine, avec cette question de la
03:57 crise de l'accès à l'énergie, les Européens se réveillent et découvrent qu'il se passe
04:01 des choses en Afrique.
04:02 Mais l'opération Barkhane ça fait 10 ans.
04:04 Je crois que c'est même plus long que la guerre en Algérie.
04:06 Et on en parle très peu dans notre espace public.
04:09 Alors du coup, justement, je rebondis.
04:11 Quelle est la place de la France aujourd'hui en Afrique ?
04:14 De manière vraiment générale, à la toujours pour commencer, pour tenter de mieux poser
04:19 le sujet, on a l'impression que la France disparaît de plus en plus.
04:23 Alors est-ce que c'est une volonté de sa part ? Est-ce qu'elle est de plus en plus
04:26 poussée dehors ? Je vous pose la question Nyagale Bagayoko.
04:30 Bagayoko, pardonnez-moi.
04:32 Vous inquiétez pas.
04:33 Poussée dehors ou pas la France ?
04:37 Oui absolument.
04:38 Aujourd'hui, il est très difficile de nier cet état de fait qui force au constat selon
04:46 lequel il y a un véritable désamour, un véritable rejet, dans d'autres cas, selon
04:53 les zones entre l'Afrique et la France.
04:57 C'est pas que le Sahel ?
04:58 Non, ça a germé au Sahel.
05:01 On peut même dire que ça a germé en République centrafricaine en réalité.
05:05 On en parle moins, mais ça a commencé en République centrafricaine.
05:09 Ça s'est étendu au Sahel, mais aujourd'hui c'est un mouvement qui est très profondément,
05:16 de plus en plus profondément ancré en Afrique de l'Ouest.
05:19 Et on le constate aussi dans certains pays anglophones, ce qui est préoccupant véritablement.
05:26 Lesquels par exemple ?
05:27 En Afrique du Sud, il y a eu des manifestations anti-françaises, donc on est quand même
05:31 loin de la zone privilégiée d'influence de la France.
05:37 Il y a aussi certaines problématiques.
05:41 On parle beaucoup du franc CFA, de la réforme qui a été annoncée par le président Macron
05:47 avec Alassane Ouattara.
05:48 Il faut savoir que ça a été extrêmement mal vécu par les anglophones ouest-africains
05:52 qui estiment que c'est une réforme qui avait été initiée par les ouest-africains entre
05:59 eux, sous la houlette des anglophones, qui est reprise à son compte par la France, ce
06:03 qui est là aussi très mal perçu.
06:05 Donc il n'y a pas que les reproches faits à l'opération Barkhane, qui sont évidemment
06:10 le germe de tout, mais on s'aperçoit aussi que ce qu'on reproche beaucoup à la France
06:16 c'est d'une part son arrogance et d'autre part sa politique de double standard.
06:20 Il est aujourd'hui incompréhensible aux yeux des opinions africaines de voir qu'il
06:25 y a cette inflexibilité vis-à-vis de la junte malienne et qu'à l'inverse on reçoit
06:34 le président actuel du Tchad, qui est le fils du président défunt Idriss Déby, qui
06:39 est à la tête d'une junte militaire qui a accédé au pouvoir de manière inconstitutionnelle
06:45 et que la prochaine tournée du président Macron inclut le Gabon du fils d'Omar Ali
06:51 Bongo et le Congo de Nissa Soungesso, qui sont des dictatures.
06:56 Et si la France n'est plus en odeur de sainteté dans ces pays, Sonia Legourielek, la Russie
07:04 en profite pour aller occuper le terrain.
07:07 Je le disais, une forte activité diplomatique du ministre russe des Affaires étrangères.
07:12 Vous parliez de la Centrafrique justement.
07:14 Sergei Lavrov explique que c'est pour combattre la menace terroriste que ces milices Wagner
07:23 sont sur place.
07:24 Est-ce que l'on sait combien de paramilitaires et quelle est leur mission précise ?
07:28 À qui je pose la question ? Peut-être plutôt à vous, Niagale Bagayoko ?
07:30 Alors, cette société de sécurité privée, Wagner, je pense qu'il est important de la
07:41 qualifier au-delà du terme de milicien ou de mercenaire, parce qu'en réalité, comme
07:46 une société de sécurité militaire privée, dans la mesure où elle ne déploie pas uniquement
07:52 des effectifs combattants.
07:54 Les Etats-Unis parlent d'une organisation terroriste carrément, pour l'opération Wagner.
07:59 Alors c'est l'Union européenne, le Parlement européen qui l'a qualifiée comme telle.
08:04 Les Etats-Unis parlent d'organisation criminelle, en réalité.
08:07 Ce qui me paraît plus approprié d'ailleurs, parce qu'utiliser le terme de terrorisme
08:12 pour tous les acteurs, ça crée quand même des confusions qui rendent difficile la lutte
08:16 contre les uns et les autres.
08:18 Mais donc pour ce qui est de Wagner, j'indiquais qu'elle recourt aussi à des techniques qui
08:26 n'ont rien de militaire.
08:27 Son rôle dans la sphère médiatique, son rôle également dans la pénétration des
08:35 organisations de la société civile est à mon avis beaucoup plus efficace que sa présence
08:40 militaire sur le terrain.
08:41 Vous demandiez combien d'effectifs ? On les évalue au Mali entre 1500 et 2000 et on
08:46 voit très bien qu'il n'y a aucune différence opérationnelle sur le terrain.
08:50 Au contraire, la situation continue encore à se dégrader, comme elle s'est dégradée
08:56 après ou dans le cadre de l'intervention de tous les acteurs internationaux.
08:59 Ils font quoi ? Ils sont essentiellement présents dans le centre du Mali.
09:03 Ils ont choisi en lien, enfin ils ont les autorités maliennes, ils leur ont demandé
09:07 de se déployer dans le centre du Mali où ils luttent essentiellement contre les groupes
09:12 affiliés à Al-Qaïda.
09:13 En revanche, ils sont pour l'instant très peu présents dans la zone où l'État islamique
09:17 est extrêmement actif et extrêmement violent.
09:21 Et on les accuse, notamment les combattants du groupe Wagner, de s'allier aux milices
09:28 pour le coup locales pour se livrer à des vols de bétail et à des exactions.
09:34 On parle de guerre informationnelle aussi, autour de ce qui se passe avec le groupe Wagner.
09:39 Quelle est la réalité de cette guerre informationnelle que la Russie est en train de livrer et à
09:45 laquelle la France est en train vraiment de vouloir contre-attaquer ? Quel est son niveau
09:49 de gravité en fait ? On a envie de savoir ça.
09:51 Elle est extrêmement intense.
09:53 Pour le coup, je pense qu'effectivement, il y a une grande efficacité à la différence
09:58 du terrain strictement militaire.
10:00 Il faut aussi se rendre compte que l'on se focalise sur Wagner mais que des réseaux
10:07 totalement officiels comme Russia TV ou Spoutnik sont extrêmement présents, ont de plus en
10:12 plus d'audience aussi sur le continent.
10:15 Et que surtout, il y a réactivation de techniques de propagande anti-impérialiste qui existaient
10:22 déjà du temps de la guerre froide.
10:23 C'est là qu'il est aussi important de se rapporter à l'histoire parce qu'on voit
10:28 aussi que les réseaux humains qui ont été tissés à cette époque avec notamment un
10:33 grand nombre de russophones par exemple au Mali, qui sont des relais très efficaces
10:38 aujourd'hui.
10:39 Donc oui, elle existe.
10:40 La difficulté à mon avis pour la France aujourd'hui, c'est que la Russie a finalement
10:46 très peu besoin de s'exprimer elle-même.
10:48 On l'entend rarement.
10:49 Il y a quelques déclarations sibyllines, assassines de Lavrov ou de Poutine.
10:55 Mais la Russie parvient aujourd'hui à faire porter ses propres drapeaux par les opinions
11:01 et par les rues africaines.
11:03 Pourquoi la Russie réussit à convaincre à ce point-là ?
11:05 Alors il y a bien sûr de la rémunération de certains groupes.
11:10 Mais il y a aujourd'hui en Afrique un mouvement qu'on appelle néo-panafricaniste qui revendique
11:16 une fierté africaine, qui revendique une souveraineté africaine avec un discours extrêmement
11:22 patriotique et nationaliste qui rejette violemment la France mais aussi plus largement l'Occident.
11:29 Et on se retrouve face au discours normatif de la Russie qui est extrêmement conservateur,
11:37 y compris sur le plan des mœurs et qui répond aux attentes de beaucoup d'Africains.
11:40 Et donc du coup ce rejet dont vous parlez, est-ce qu'il est lisible sur l'ensemble du
11:45 continent africain, Sonia Legorielek ?
11:47 Alors c'est vrai qu'on pourrait différencier effectivement les gouvernements et les opinions
11:51 publiques, comme tu l'as dit.
11:53 Et on le retrouve également, moi je l'ai vu en Éthiopie, j'étais assez surprise,
11:58 qui sort de deux ans de guerre, etc.
12:00 Et j'étais assez surprise au moment, juste avant l'accord de paix, il y avait des drapeaux
12:04 russes qui étaient agités dans une manifestation très certainement organisée par le régime.
12:10 Mais c'était une façon de dire, les Occidentaux, on a le choix en ce moment.
12:14 Et en plus en dressant le drapeau russe, ils savent qu'on commence à avoir peur et qu'on
12:19 se dit "oh là là, il ne faut pas que l'Éthiopie tombe dans les mains de la Russie".
12:22 Et je trouve qu'il y a comme, on essaie de comprendre un petit peu, de quoi est-ce le
12:26 symptôme tout ça, il y a effectivement cette question aussi de l'humiliation qu'on retrouve
12:30 entre les populations africaines et la Russie.
12:33 La Russie, au sortir de l'URSS, il y avait ce fort sentiment d'humiliation au début
12:38 des années 90, qu'on retrouve partagé avec les populations africaines qui disent
12:43 "bah en fait, il y a un double standard, de toute façon les règles internationales,
12:47 les normes internationales sont fixées par les Occidentaux qui dominent les institutions
12:51 internationales, donc des interventions qui sont légales sur le papier, en Libye, au
12:56 Kosovo, etc.
12:57 Pour nous, elles ne sont pas légitimes".
12:58 Et il y a ce reproche souvent de l'hypocrisie et d'être dominé par...
13:03 Et ça, ça revient beaucoup dans les discours, mais pour le coup en Afrique de l'Est, en
13:06 Afrique de l'Ouest, en Afrique du Sud...
13:08 Dans les années 60 déjà, au Mali, l'ancien président Modibo Keïta refusait les aides
13:15 françaises et il s'était déjà tourné vers l'Afrique.
13:17 Je voudrais revenir aux Etats-Unis qui accusent les Russes de venir piller les ressources
13:22 naturelles africaines.
13:23 Est-ce que cette possible perspective inquiète les Africains ?
13:27 La perspective de pillage ?
13:29 De pillage par les Russes, de leur énergie, de leur manganèse, de leur pétrole, de leur
13:35 diamant.
13:36 Ou en général, je ne sais pas, par les secteurs extérieurs en général plutôt.
13:39 Que ce soit les Russes, les Européens...
13:42 Oui, bien sûr.
13:43 Parce que cette question de l'accès à l'énergie fait que l'Europe se réintéresse au continent,
13:48 fait qu'on en réinvestit beaucoup d'argent.
13:50 Donc je pense que c'est ça en général qui peut inquiéter.
13:54 Parce que c'est un retour à cet impérialisme.
13:56 Et c'est vrai que les termes "anti-impérialisme" reviennent beaucoup et les Russes savent très
14:00 bien en jouer au sein des populations africaines.
14:04 Alors glissons justement sur l'aspect plus économique de la situation.
14:08 Pourquoi est-ce que la France investit aujourd'hui aussi peu en Afrique ?
14:11 On peut observer que ses parts de marché en 20 ans ont fondu quasiment de la moitié.
14:16 On a juste envie de poser la question.
14:17 Qu'est-ce qui s'est passé Sonia Legoyalek ?
14:20 Alors il faudrait...
14:21 On peut réfléchir ensemble.
14:23 Il y aurait plusieurs hypothèses.
14:25 Je ne sais pas si tu en as quelques-unes.
14:27 Mais c'est la faute des entreprises qui n'ont pas envie d'aller sur le continent africain
14:30 ou c'est la faute de l'État qui ne sait pas de l'État français ?
14:32 Et puis peut-être qu'à l'Afrique également ?
14:34 Oui, aussi bien sûr.
14:35 Je crois qu'il y a aussi qu'à l'Afrique.
14:36 Moi j'ai souvent vu, on essayait de pousser des entreprises à aller à Djibouti ou dans
14:41 des États où parfois le climat des affaires n'est pas particulièrement serein.
14:45 Donc ça n'attire pas les entreprises.
14:47 Après il y a une autre partie du continent africain qui pourrait attirer un peu plus.
14:51 Mais on n'a pas forcément cette culture et les liens avec tous ces autres États en
14:55 Afrique australe, en Afrique de l'Est.
14:56 Mais la Chine n'a pas peur de venir investir ? L'Inde n'a pas peur de venir investir ?
15:00 On se demande pourquoi la France et les Occidentaux, les Européens ont peur de venir investir
15:04 sur le continent africain ?
15:05 Je ne sais pas si c'est une peur.
15:06 On n'a pas tout à fait le même poids que la France.
15:08 On ne peut pas jouer dans la même cour que les Chinois.
15:10 Lorsque les Chinois sont arrivés en 2013 avec leur nouvelle route de la soie, c'était
15:15 quand même des milliards.
15:16 C'est plus d'un milliard et demi qui a été investi, promis d'investir à Djibouti pour
15:21 construire dix ports.
15:22 La France ne pouvait pas suivre la cadence.
15:24 Quand vous discutez avec les acteurs économiques français, beaucoup vous disent aussi que
15:31 les règles françaises, juridiques et européennes les empêchent aussi d'être aussi présents
15:38 que les autres acteurs que vous avez cités.
15:41 Puisque en réalité, notamment tout ce qui a trait à la lutte contre la corruption,
15:48 au respect d'un certain nombre de droits, élément que je trouve très positif de mon
15:53 point de vue, en tout cas il y a des exigences normatives et en termes d'éthique et de
15:59 respect d'un certain nombre de principes et de droits qui sont mis en avant côté
16:05 européen, qui là encore ne sont pas des barrières pour d'autres acteurs.
16:09 Donc ça aussi, ça peut expliquer pourquoi il y a cette frilosité tout simplement.
16:13 Parce que la réglementation ne pousse pas à des investissements majeurs.
16:19 Il faut que vous ayez en tête que le panorama en ce moment sur le continent africain, c'est
16:26 quand même un retour des autoritarismes assez fort dans beaucoup d'États.
16:29 Et c'est difficile, du coup, on se retrouve un pays comme la France où beaucoup de pays
16:33 européens qui ont plutôt un programme de démocratie libérale, se retrouvent face
16:38 à une contradiction entre à la fois défendre leurs propres intérêts économiques ou autres,
16:43 et donc discuter avec des États autoritaires, et de l'autre effectivement une approche
16:48 plus éthique et libérale des relations internationales où il y a des conditionnalités, il y a une
16:52 éthique, etc.
16:53 Et on se retrouve face à ça.
16:54 Du coup, on a l'impression quand même que la France ne sait pas quelle place, quel rôle
16:57 jouer ces prochaines années.
16:59 Aujourd'hui, elle est complètement, à mon avis, prise dans un dilemme.
17:05 C'est-à-dire poursuivre dans la voie de cette diplomatie qui promeut l'État de droit,
17:12 la démocratie, les droits de l'homme, ou revenir à de la réelle politique comme le
17:18 font un grand nombre d'autres acteurs internationaux.
17:22 Et on voit très bien aujourd'hui qu'elle est totalement prise, c'est ce que j'indiquais
17:26 au début de notre entretien, entre ces deux voies, et qu'elle ne parvient pas à faire
17:32 un choix qui n'est pas facile, il faut bien le reconnaître, mais qui en tout cas, lui,
17:40 revient finalement de manière négative à d'autres États.
17:44 Parce qu'il est très important aussi, on a dressé le panorama des acteurs internationaux,
17:50 mais les acteurs européens sont très présents aussi, et de manière concurrentielle avec
17:55 la France.
17:56 L'Allemagne, notamment, souligne quand même très volontiers qu'elle a une approche différente
18:03 de celle de la France.
18:04 - Il ne reste que 30 secondes quand Emmanuel Macron va se rendre en Afrique centrale en
18:08 début mars pour une tournée de 4 jours à l'occasion du One Forest Summit organisé
18:13 à Libreville au Gabon, vous l'évoquiez.
18:14 Quel pourrait être son propos pour convaincre plus d'investissements ? Est-ce qu'il va
18:19 venir avec du biscuit, on dit dans le journalisme, avec des projets concrets ?
18:23 - Il a essayé de le faire d'ores et déjà cet été en visitant le Cameroun, le Bénin,
18:30 la Guinée-Bissau, et on ne peut pas dire qu'il ait eu un impact majeur, ni qu'il parvienne
18:35 à convaincre véritablement.
18:36 - On va mettre un coup d'épée dans l'eau à vous entendre.
18:39 - Attendons le début du mois de mars quand même.
18:41 - On va attendre évidemment que ça se passe.
18:42 Niagale Bagayoko, merci beaucoup d'être venue ce matin.
18:45 - Merci, excusez-moi d'avoir écorché vos noms.
18:47 - Vous en privons.
18:48 - Sonia Le Gouriellek, je renvoie les auditeurs à votre livre dans la collection que sais-je
18:53 "Géopolitique de l'Afrique".
18:54 Merci beaucoup et bonne journée.