Médecin en grève contre la loi Rist - Richard Handschuh : "Cette loi va dépecer la médecine !"

  • l’année dernière
Avec Richard Handschuh, médecin généraliste à Paris et membre du syndicat MG France

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##C_A_LA_UNE-2023-02-14##
Transcript
00:00 Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Patrick Roger.
00:04 Il est 7h11, donc il y a un nouveau mouvement,
00:10 cabinet fermé aujourd'hui, les médecins libéraux qui protestent
00:14 contre notamment la loi qui va être
00:16 examinée au Sénat aujourd'hui, qui prévoit une réorganisation du système
00:20 de soins, une augmentation d'1,50€ du tarif de la consultation.
00:24 Nous sommes donc avec Richard Hanchoux, qui est médecin généraliste,
00:28 membre du syndicat AMG France.
00:30 Quelles sont les causes de votre colère et de vos inquiétudes,
00:34 Richard Hanchoux, aujourd'hui ?
00:36 Alors notre inquiétude, elle est au comble, parce que le projet de loi
00:39 prévoit de désorganiser totalement le parcours de soins du patient.
00:44 Il prévoit en gros de supprimer le médecin traitant
00:47 et de laisser le patient totalement libre,
00:52 mais surtout totalement seul pour organiser sa santé.
00:57 Alors ça oui, il faut le dire, parce que les auditeurs doivent se dire,
00:59 s'ils ne sont pas au courant de ce projet, qu'est-ce qui se passe ?
01:02 On va laisser les patients seuls.
01:04 Vous voulez dire, et là, vous parlez des professions paramédicales
01:09 qui seront plus simples, qui seront plus accessibles,
01:14 c'est-à-dire que globalement, on pourra aller directement
01:17 chez un kiné ou une infirmière pour se faire soigner.
01:20 Et là, vous dites que cette simplification ne va pas dans le bon sens ?
01:24 Alors ce n'est pas seulement avec les paramédicaux,
01:27 c'est avec l'ensemble du système de santé.
01:29 Le médecin traitant, il est là pour connaître son patient
01:31 et pour organiser avec lui le parcours de soins.
01:34 D'aller directement chez le kiné, moi qui travaille à Paris,
01:38 je trouve ça formidable quand j'ai un patient qui a besoin d'un kinésithérapeute,
01:41 il a des mois d'attente avant de pouvoir le voir
01:43 parce qu'on n'a pas de kinésithérapeute disponible.
01:45 Le fait qu'il y aille tout seul en tapant à sa porte,
01:47 je ne pense pas que ça lui facilitera le rendez-vous
01:50 et surtout savoir quel type de pathologie il a,
01:54 qu'est-ce qu'il y a en dessous.
01:56 Une entorse simple chez un enfant,
01:59 tout le monde comprend.
02:02 Vous avez un patient de 85 ans qui souffre de douleurs au niveau du cou,
02:07 il vaut mieux quand même avoir une certaine exploration avant de le soigner.
02:11 Mais ça c'est pour les kinésithérapeutes, les infirmiers.
02:15 Nous travaillons avec eux, nous travaillons en collaboration avec eux,
02:18 nous travaillons autour d'un projet de soins pour ces patients en coordination.
02:24 D'envoyer le patient tout seul chez n'importe quel spécialiste d'organe,
02:29 d'envoyer le patient tout seul chez le kinésithérapeute ou chez l'infirmier,
02:34 croyez-vous qu'il sera mieux soigné ?
02:36 - Richard, en dessous dans le projet, il n'est pas question d'envoyer
02:39 des patients chez tous les spécialistes quand même, si ?
02:42 - Si, dans le projet on vous dit que puisque nous manquons de médecins traitants,
02:47 le patient pourra aller directement.
02:49 Mais ça ne résout absolument pas le problème.
02:51 Ce qu'il faut c'est donner aux médecins traitants la possibilité,
02:54 par l'organisation qu'on va lui proposer,
02:56 de prendre en charge les patients et de gérer leur santé.
03:01 - Et puis le problème, Richard, en dessous,
03:05 c'est d'avoir aussi avant tout un médecin traitant,
03:08 parce qu'aujourd'hui il y a plus de 6 millions de français
03:10 qui n'ont pas de médecin traitant,
03:11 et puis pour avoir un rendez-vous chez un médecin traitant,
03:14 dans certaines villes, et ce n'est pas forcément à la campagne d'ailleurs,
03:17 c'est tout aussi vrai dans les grandes villes que dans les milieux ruraux,
03:21 il faut se lever de bonne heure pour avoir un rendez-vous
03:24 chez un médecin généraliste.
03:26 - L'arrondissement dans lequel je travaille,
03:28 qui est un arrondissement populaire de Paris,
03:30 est un désert médical.
03:32 Donc oui, bien sûr, ce n'est pas une question de ville ou de campagne,
03:36 nous avons ce problème d'accès aux soins partout.
03:38 Mais ce n'est pas en imposant aux jeunes médecins
03:41 d'aller dans des déserts médicaux qu'on va résoudre le problème.
03:44 Ce n'est pas en imposant...
03:45 - Ah oui, mais comment fait-on ?
03:47 Alors comment fait-on, Richard, en dessous ?
03:49 Parce qu'on est là pour essayer de trouver des solutions.
03:51 - Alors d'abord, on sait très bien que si on impose
03:54 à nos jeunes confrères des contraintes supplémentaires,
03:56 ils ne s'installeront pas.
03:58 On sait très bien que si on impose à nos anciens collègues
04:02 des contraintes supplémentaires, ils s'en iront.
04:04 Et c'est vraiment un sentiment extrêmement amer que nous avons,
04:09 et qui risque d'aggraver nettement ce problème.
04:12 - D'accord, mais alors qu'est-ce que vous proposez ?
04:14 Qu'est-ce que vous proposez ?
04:15 - Alors nous proposons une organisation des soins
04:17 autour du médecin traitant,
04:19 lui permettre d'avoir justement des collaborateurs,
04:22 d'avoir des infirmières de pratique avancée en coordination avec eux,
04:28 d'avoir des assistants de cabinet médicaux dans nos cabinets,
04:33 qui nous permettent de nous décharger
04:35 de toute une partie de notre travail
04:37 qui est purement administratif ou qui est organisationnelle,
04:40 et de nous concentrer sur les pathologies les plus sévères.
04:43 - Et pour ça, vous voulez une augmentation de la consultation,
04:46 parce que pour certains, ils disent "mais on peut pas, on n'y arrive pas"
04:51 pour se payer une secrétaire, des assistants, etc.
04:54 - Alors nous demandons effectivement d'avoir des aides
04:58 pour embaucher du personnel,
05:00 nous demandons avoir des aides pour pouvoir organiser nos cabinets.
05:03 Le tarif de la consultation n'est pas à l'ordre du jour aujourd'hui,
05:07 c'est la négociation conventionnelle,
05:10 et sincèrement, si je vais défiler, si je vais faire mon cabinet,
05:14 c'est pas pour 1€, 2€ ou 3€ de plus,
05:17 c'est vraiment pour que la procédure médicale...
05:18 - Non mais ça, ça en fait partie, les chats en dessous,
05:20 ça en fait partie, puisqu'il y a eu dans les discussions
05:24 et puis dans les premiers mouvements de grève,
05:26 cette volonté de doubler, bien sûr, le prix de la consultation.
05:30 Et il y a eu une proposition d'augmenter d'1,50€,
05:33 de passer de 25 à 26,50€,
05:35 ce à quoi certains disent "non, on veut pas de cette aumône,
05:38 nous on veut un vrai tarif".
05:40 - Alors nous voulons vraiment une organisation de la santé et du soin primaire.
05:45 Évidemment, les propositions qui nous sont faites,
05:47 j'imagine qu'elles ont bouleversé
05:51 et qu'elles ont vraiment choqué l'ensemble de la profession,
05:55 mais les propositions excessives, de toute façon, sont irréalistes.
06:01 Donc nous souhaitons bien entendu une revalorisation,
06:04 mais nous souhaitons surtout pouvoir organiser
06:06 la façon dont nous soignons nos patients,
06:09 et ce n'est pas en dépessant la médecine générale
06:11 et en laissant le patient libre dans un monde sauvage.
06:15 Vous savez, les gens les plus organisés, les plus argentés
06:20 trouveront toujours la façon de se soigner,
06:22 peut-être pas au mieux, mais ils le trouveront.
06:23 En revanche, nous savons très bien
06:25 que nos malades en difficulté financière,
06:27 que nos malades en difficulté organisationnelle,
06:31 eux vont souffrir considérablement,
06:33 et si on laisse l'accès libre partout, à tout le monde,
06:36 eh bien les plus démunis seront laissés sur le pavé,
06:40 et ça, mon syndicat MG France ne le veut absolument pas.
06:44 – Oui, bon bah écoutez, je vais poser la question à la ministre
06:46 en charge de cette organisation territoriale, Agnès Firmin-Lebaudot,
06:50 vous avez des discussions avec elle,
06:51 elle sera mon invitée à 8h15, vous discutez avec elle ou pas ?
06:56 – Écoutez, les discussions avec les politiques sont compliquées,
06:58 sont très compliquées.
06:59 – Bon, alors écoutez, je vais jouer les intermédiaires alors.
07:02 Donc alors, si vous avez une question à lui poser...
07:04 – Vous pouvez lui donner mon numéro de téléphone,
07:07 il fera la bienvenue pour que nous puissions parler de façon constructive,
07:11 parce que réellement, la façon dont se profilent ces projets de loi,
07:16 ces frais de projet de loi, nous fait extrêmement peur,
07:20 et l'avenir de la médecine générale,
07:22 et l'avenir donc de la santé de nos patients,
07:25 est en danger actuellement.
07:27 – Bon, et Charles Ronsou, je vais lui transmettre, bien sûr.
07:30 Juste une dernière question,
07:31 est-ce que vous n'avez pas, vous aussi les médecins, une certaine responsabilité ?
07:35 Parce que certains, ces dernières années,
07:38 ont bloqué aussi pour le numerus clausus,
07:42 il y a quelques années c'était des médecins eux-mêmes
07:44 qui ne voulaient pas que ça augmente,
07:45 et puis ensuite certains vont plus vers des filières de spécialistes,
07:49 et pas de la médecine générale, et puis...
07:53 – Vous avez parfaitement raison, vous avez parfaitement raison.
07:57 La médecine à l'acte ponctuel que nous proposent justement nos politiques actuellement,
08:05 sont favorables à ces usines à consultation,
08:09 et à ces téléconsultations, voire consultations en cabine dans les supermarchés,
08:13 et bien ça, ça ne marche pas.
08:15 Ça, ça désorganise totalement le système de santé,
08:18 et nous risquons de voir nos jeunes confrères aller vers ces systèmes
08:22 qui sont moins contraignants,
08:23 et qui leur permettront de gagner leur vie de façon tout à fait remarquable,
08:27 en ayant un investissement, comment dirais-je,
08:31 en ayant une présence beaucoup plus légère pour eux,
08:35 et leur conserver leur vie de famille et l'ensemble de leurs activités.
08:39 Non, moi vous savez, ça fait 44 ans que je suis installé dans mon gabinet,
08:43 je continue à faire des visites à domicile,
08:45 je continue à voir des patients gravataires,
08:47 je suis à la quatrième génération que je soigne,
08:51 les médecins aiment leur métier,
08:53 mais ils veulent qu'on leur donne les moyens,
08:55 et qu'on ne leur coupe pas les ailes.
08:56 - Merci beaucoup à Richard Hanchoux,
08:58 donc on a compris évidemment le message,
09:01 et je le ferai passer tout à l'heure à la ministre qui sera mon invitée à 8h15.

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