Tunisie : vaste vague d’arrestations d’opposants

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Transcript
00:00 On en vient à cette série d'arrestations dans les milieux politiques et médiatiques en Tunisie,
00:06 ce qui fait craindre une répression accrue dans le pays.
00:08 Les questions notamment, bien sûr, de membres du principal parti d'opposition Ennardin,
00:13 mais aussi du directeur de la plus grande radio privée de Tunisie, Mosaïque FM.
00:18 Bonjour Magide Boudène.
00:20 Vous êtes avocat franco-tunisien, vous présidez l'association des avocats en droit international ici à Paris.
00:26 On assiste là à une véritable dérive autocratique du pouvoir tunisien.
00:30 C'est un continuum.
00:33 On a transformé la justice en fonction, ce n'est plus une autorité.
00:41 Et donc, ça soulève de grandes inquiétudes.
00:45 Mais cette inquiétude, elle est très ancienne, puisque aujourd'hui, paradoxalement,
00:52 d'habitude, on reproche aux dirigeants qu'ils ne mettent pas la pratique en conformité avec les textes.
01:00 Voilà un chef d'État qui met les textes en conformité avec une pratique qui est une pratique qui bafoue la justice.
01:09 Puisque depuis maintenant 40 ans, il n'y a pas de système judiciaire indépendant.
01:15 Les juridictions internationales ont condamné la Tunisie pour ce manque de justice et pour déni de justice.
01:22 Mais personne ne veut en parler.
01:24 Quand on est dans l'opposition, on crie, on veut l'indépendance de la justice.
01:28 Et les mêmes, quand ils sont au pouvoir, ils exercent cela.
01:31 Donc la justice, c'est un jouet.
01:33 Aujourd'hui, il y a d'ailleurs une fronde d'une partie de la magistrature contre les projets qui ont été portés par l'actuel président Kayser, qui est pourtant un juriste.
01:43 Bien sûr, mais les juristes, ils ont cette possibilité.
01:47 C'est pour ça qu'il avait été élu, d'ailleurs, Kayser, parce qu'il était indépendant des partis et il promettait de rendre le pouvoir au peuple tunisien et notamment de mettre fin à la corruption.
01:57 Vous savez, c'est très, très simple.
02:00 C'est l'application de droits.
02:03 Quand on ne respecte pas les choses basiques, les droits fondamentaux, on peut faire dire à la justice tout ce qu'on veut.
02:14 Le problème est là, c'est qu'il y a maintenant une nécessité d'avoir des garanties pour ces procès parce que les accusations sont quand même très graves.
02:23 Mais aussi, il faut qu'on voit qu'on a besoin que ces problèmes soient réglés.
02:32 Puisque quand on a le premier magistrat, le président de la Cour de cassation, qui est inculpé pour avoir manipulé tous les complots contre la sécurité intérieure et extérieure de l'État.
02:46 C'est d'ailleurs Kayser lui-même qui le dit.
02:48 Alors là, est-ce que c'est normal de voir le président prendre position dans des procédures en cours ?
02:53 En principe, c'est pour ça qu'il met les textes en conformité avec la pratique.
03:01 Dans la pratique avant, c'était quoi ?
03:03 C'était qu'on donne des textes qui ont l'apparence d'être démocratiques et puis on manipule par dessous de la table.
03:10 Et là, c'est clair, tout est sur la table.
03:12 Oui, il y a visiblement une vindique contre un parti en particulier.
03:16 C'est Ennarda.
03:17 C'est lui qui est dans le comité animateur du pouvoir aujourd'hui.
03:20 Ce parti, on va dire, islamo-conservateur ?
03:25 C'est un parti islamiste qui est antidémocratique, qui veut se parer de la démocratie.
03:31 Mais ce n'est pas une raison pour ne pas permettre un procès juste et équitable.
03:38 Que ce soit pour lui, que ce soit pour les magistrats, le procureur de la République, qui avait des pouvoirs extraordinaires,
03:45 qui peut mettre n'importe qui en prison. Personne n'en a parlé pendant dix ans.
03:50 Le président de la Cour de cassation qui a eu une dérive extraordinaire.
03:53 Jusqu'au directeur de la radio privée la plus écoutée.
03:56 C'est l'équivalent d'RTL, finalement, ici en France, Nouraine Boutard.
03:59 Il faut dire ça.
04:00 Oui, mais tout est maintenant... Le problème est devenu tellement clair, c'est tellement évident que ça pose un problème.
04:08 C'est un problème de culture de la justice en Tunisie.
04:12 Quand il y a un affrontement comme ça, cette fois-ci, ça donne l'impression que les choses vont aller jusqu'au bout.
04:20 Oui.
04:20 Parce que les problèmes ne sont pas réglés.
04:22 On l'a vu à l'occasion des élections législatives.
04:24 Le peuple a boudé les urnes, il a voté avec ses pieds, comme on dit.
04:27 Mais pour autant, on ne voit pas de mobilisation massive aujourd'hui contre le pouvoir.
04:31 Est-ce qu'il y a une faculté d'indignation et d'exaspération que peut exprimer le peuple tunisien à l'encontre de son président ?
04:39 Ou vous pensez qu'il continue aujourd'hui de réunir une majorité silencieuse de Tunisiens ?
04:43 Non. Il y a un dépit, il y a un désaveu, il y a une désaffection, mais par rapport à l'ensemble de la classe politique.
04:53 Et c'est pour ça que c'est important aujourd'hui, quelles que soient les manipulations, il y a une désinstrumentalisation de toutes parts.
05:01 Il faut absolument que ces problèmes, qui sont à l'origine du mal tunisien aujourd'hui, c'est l'absence de justice.
05:07 Il faut que ces problèmes, comme par exemple ces magistrats, qu'il faut juger non seulement pour les sanctionner,
05:16 mais pour que les procès dont ils étaient, qu'ils avaient manipulés, soient ouverts. C'est ce que veut la population.
05:23 Il ne faut pas se décier. Et que ces hommes d'affaires qui interfèrent, on ne l'accepte pas dans les pays démocratiques.
05:29 Des hommes d'affaires qui interfèrent dans le fonctionnement régulier de l'État, ce n'est pas possible.
05:35 Un dernier mot, rapidement s'il vous plaît, Agit Bouhiam, parce que le temps nous manque.
05:38 Les racines du mal, on les connaît en Tunisie, ce sont elles qui déjà étaient à l'origine de la révolution de Jasmin,
05:45 du temps où un vendeur ambulant s'était immolé. C'est cette crise économique et sociale qui n'en finit pas. On en est toujours là aujourd'hui.
05:52 Absolument, parce que la classe politique, quand elle s'est renouvelée, en fin de compte, elle n'a pas réglé les problèmes économiques et sociaux de la population.
06:02 Elle s'est mise à s'enrichir et puis elle a fait, au lieu de changer le régime de Ben Ali, elle s'est accoquinée avec l'ancien système et elle a reproduit le même système.
06:14 Et c'est pour ça que, même maintenant, ça continue. C'est pour ça que la situation ne se règle pas. Et c'est ça le vrai problème.
06:21 Merci Magide Boudaine d'avoir été avec nous.
06:23 Merci.
06:24 Avocat franco-tunisien, vous présidez l'Association des avocats en droit international, ici même à Paris.

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