Santé des femmes : "Tout tourne autour de la charge mentale et du sexisme intégré"

  • l’année dernière
Le 16 février, la délégation aux droits des femmes poursuivait les auditions dans le cadre de son rapport d’information sur la santé des femmes au travail. Psychologue, médecin du travail, représentante syndicale : pour cette quatrième audition de la délégation, plusieurs professionnelles de santé étaient conviées autour de la table. Prévention et santé des femmes au travail : quel état des lieux des professionnelles de santé ? 

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Transcription
00:00 Un petit préambule avant de parler des travaux. On parle beaucoup de discrimination.
00:04 On parle de discrimination positive, juste pour rappeler qu'en anglais on parle d'affirmative action.
00:10 Ce n'est pas du tout la même perception. La discrimination positive, le terme discrimination serait peut-être à enlever de ce point-là.
00:18 En santé, on parle d'équité pour plein de raisons et ça c'est acté en tout cas par tous les personnes qui œuvrent dans la santé et qui travaillent sur la santé de la femme.
00:28 En décembre dernier, on a organisé des états généraux des femmes de santé où il y avait plusieurs centaines de personnes.
00:34 Les états généraux chez nous ont comme objectif de trouver des solutions utiles, pratiques et concrètes à de grands enjeux de santé et cette année, le thème choisi était la santé de la femme.
00:44 L'année dernière, je ne résiste pas au fait de vous le dire, c'était la place de la femme dans le secteur professionnel de la santé.
00:51 Vous imaginez qu'on a trouvé énormément de solutions, qu'on a identifié énormément d'enjeux. Je vous en parle quand vous voulez.
00:57 Un petit rappel méthodologique sur ces états généraux. D'abord, on fait une revue de la littérature grise française, c'est-à-dire les études qui ont été publiées et qu'on peut trouver en ligne.
01:07 On en extrait les problématiques qui existent. On les présente aux femmes de santé et les femmes de santé identifient avec nous des grands enjeux sur lesquels elles veulent travailler
01:17 et elles répondent au panorama qu'on leur a fait à cette synthèse de la revue de la littérature.
01:22 14 ateliers collaboratifs ont été créés. L'événement a eu lieu le 9 décembre. 30 solutions ont été proposées et données au cabinet ministériel de la santé, de l'égalité et de la fonction publique.
01:32 Et une lettre ouverte au pouvoir public, signée par 700 personnes, a été écrite pour créer un institut national santé de la femme qui serait public, privé à but lucratif et privé à but non lucratif.
01:46 On est en train de s'accrocher pour trouver la structure juridique qu'il porte, qui aurait comme objectif de porter une stratégie nationale santé de la femme qui n'existe pas.
01:57 Et ça nous a paru absolument incroyable que ça n'existe pas. A noter aussi, il n'existe pas de parcours de santé de la femme en dehors de la maternité, du cancer du col et du cancer du sein.
02:11 Il n'y en a pas. On parle de parcours de santé. Le parcours de santé, c'est la prévention, le soin, le post-soin. C'est l'ensemble de ce qui concerne la santé de la femme.
02:21 Alors on l'a travaillé le jour des états généraux. Je vous en parlerai une autre fois éventuellement.
02:26 Mais à titre d'exemple concret, saviez-vous que les petites filles sont traitées plusieurs années après les petits garçons quand elles ont un retard de croissance ?
02:33 De croissance. Et on sait qu'il est important de donner les hormones de croissance au bon moment.
02:41 Ça c'est un exemple tout à fait concret de ce qui se passe actuellement dans la santé.
02:45 On n'avait pas du tout, du tout, du tout perçu ça avant de faire cette étude de cette revue de la littérature. Pas du tout.
02:52 On avait des échos et les femmes de santé nous demandaient de travailler dessus et on ne s'était pas posé la question du tout.
02:57 Et on a découvert qu'il y avait tellement de trous dans la raquette, il y avait tellement d'inégalités, il y avait tellement de choses qui n'avaient pas été faites,
03:03 qu'on n'a pas été capable de se dire mais sur quel sujet on va travailler.
03:09 Et du coup on a organisé un atelier qui avait comme objectif de réfléchir à quel sujet on allait travailler dans ces états généraux.
03:15 Le thème des états généraux précis et inégalité de santé chez les femmes brisait les paradigmes et proposait une approche positive.
03:21 Vous allez comprendre pourquoi très vite. Ce qui est ressorti de cette synthèse que je peux vous envoyer,
03:27 c'est que si on n'a pas compris que tout tourne autour de la charge mentale des femmes, du sexisme intégré, des tabous et des biais genrés,
03:34 alors on n'a pas du tout compris ce qui se passe dans la santé de la femme. Et c'est ça qu'on a identifié.
03:39 Et on a pu démontrer par les études que la charge mentale est responsable, un, de l'accès aux soins et de l'accès à la prévention.
03:46 Or, si on parle de prévention, les préventions, tout ce qu'on propose, je viens de l'INPES, juste pour préciser,
03:53 donc je suis une fan de prévention, et pendant des années, je me suis moi la première fois envoyée,
03:59 tout ce que nous proposons en prévention, notamment pour les femmes, alourdit la charge mentale.
04:03 Donc elles ne vont pas dans la prévention, puisqu'on leur propose une prévention qui alourdit la charge mentale.
04:09 Et donc, on tourne en rond en fait, dans ce circuit de prévention. Et c'est ça qu'on a découvert.
04:14 On a découvert ça, pourquoi ? Parce qu'il y a ne serait-ce que trois ans, même si à la date de 1985,
04:18 on parlait à peine de charge mentale, encore moins de charge mentale dite médicale maintenant,
04:23 qui est en gros que la femme, si elle a une famille, va penser au rendez-vous de tout le monde, sauf des siens.
04:27 Et donc elle ne va pas aller faire ses dépistages et autres. D'autant plus qu'en plus, derrière, on parle de,
04:33 si son dépistage est positif et qu'elle a un cancer, on va parler de cancer évitable.
04:38 Car pour pouvoir dépister tôt, vous imaginez, pour avoir de l'accubabilité des femmes, d'avoir un cancer évitable,
04:43 parce qu'elle n'est pas allée se faire dépister à temps. Donc voilà.
04:46 Donc ça, c'est juste un peu ce qui se passe, un peu, et c'est ce qu'on a trouvé.
04:50 Donc je vais avancer un peu. Les freins donc à cette prise en charge, en fait, d'être bien soignée ou de prendre soin de sa santé,
04:56 sont en deuxième position à la charge mentale. En première, l'argent.
05:01 L'argent, et on sait que les femmes sont plus précaires, etc. etc. Donc je ne reviens pas sur ces démonstrations-là.
05:06 Donc ce sont les deux points. On s'est retrouvés face à ça, avec cette notion de tabou qui revenait toujours en fond,
05:11 toujours et encore, avec cette notion de banalisation des symptômes, avec cette notion de maladie totalement inconnue de toustes,
05:18 avec cette notion de maladies mixtes, mais qui ont des spécificités féminines.
05:23 Et on s'est dit, mais qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on fait de ça ?
05:26 On a décidé de travailler en amont des états généraux, sur deux grands ateliers, faire en sorte que les préventions,
05:31 les préventions primaires, secondaires et tertiaires, ne soient pas perçues comme des contraintes supplémentaires,
05:37 mais un moyen de lever la charge mentale des femmes. Quelque chose qui n'a jamais été fait dans la santé,
05:42 qui n'a jamais été pensé comme ça. On s'est dit objectivement, on va le dire, voilà, on est entre femmes,
05:47 qu'on était un peu folles de partir là-dessus, qu'on n'y arriverait jamais, et pourtant on l'a fait.
05:52 Et le deuxième point, c'est la littératie en santé, ou comment donner la bonne info, le bon choix au bon moment,
05:57 d'autres termes, comment lever les tabous autour de la femme, la charge mentale.
06:01 Je vais en venir à l'enjeu du travail. 30 solutions donc, et je vais vous en citer quelques-unes.
06:07 En préalable, juste la charge mentale. La grande confusion entre la charge mentale et la santé mentale,
06:12 on l'a eu, on l'a eu, pour plein de raisons, et donc on parlait parfois de santé mentale, parfois de charge mentale.
06:17 Les deux sont intimement liées, en fait, et Covid, pour ne pas le citer, puisque vous nous posez la question,
06:23 a démontré, et on le sait, et a alourdi, en fait, a alourdi la charge mentale des femmes,
06:28 mais a aussi, indirectement, puisqu'on a vu déjà dans les discours tout à l'heure,
06:35 qu'il y avait une différence entre les hommes et les femmes, qui a été montrée dans une étude,
06:41 notamment une étude suisse, qu'on n'avait pas du tout la même façon de percevoir nos risques.
06:49 Le traitement et l'interprétation du stress n'est pas la même. Là, je parle d'études, hein, voilà.
06:54 Les convictions de pouvoir maîtriser son existence, elle est moins marquée, cette conviction, chez les femmes,
07:03 et en plus, on ajoute à ça de plus faibles revenus, donc c'est compliqué, plus pour les femmes que pour les hommes, c'est comme ça.
07:10 Et la perte de l'identité du rôle sexuel, on en parle trop peu, l'infertilité, la ménopause, les expériences d'avortement,
07:18 tout ça font qu'en fait, on a plus de vulnérabilité à ce niveau-là, et donc si on ajoute à ça la charge mentale,
07:26 et bien là, on passe du côté santé mentale. Donc c'est tout cet enjeu, donc on ne peut pas faire fi de la charge mentale en santé publique, en fait.
07:34 Mais jusqu'à présent, rien, rien, rien n'a été pris en compte en santé publique, dans les dispositifs de prévention,
07:42 concernant la charge mentale, à part sans doute pour la médecine du travail, où vous vous en tenez compte,
07:45 mais dans le quotidien et dans l'ensemble des politiques publiques, la charge mentale, elle passe à l'as.
07:50 Il n'y a pas un seul indicateur de charge mentale dans tous les dispositifs qu'on propose.
07:54 Du coup, on a fait plusieurs recommandations, je vous cite au niveau de la charge mentale,
07:59 la recommandation qui concerne les employeurs, donc nous allons dans le milieu du travail et je vais parler,
08:03 et pardon, la médecine du travail, donc je suis très heureuse de vous rencontrer, mesdames, parce qu'on a des choses à discuter.
08:08 Nous proposons que les préventions soient mises en place sur le temps de travail, voire organisées par les employeurs.
08:15 Et tous les employeurs qui ont été aux états généraux étaient d'accord, et certains le font déjà,
08:21 certains ont une journée de congé dédiée à la prévention. Voilà, comme ça, au moins c'est clair, c'est cadré.
08:26 En d'autres termes, d'accorder du temps de santé prévention à dans les accords des salariés,
08:31 et faire venir les préventions aux femmes.
08:35 Donc soit on accorde une journée, soit on prend les rendez-vous, parfois les femmes ne veulent pas, c'est pas toujours si simple,
08:40 soit on fait venir des gens sur le milieu du travail pour faire des campagnes de vaccination, par exemple.
08:45 Donc ça, c'est un des points qu'on a mis en place.
08:49 Au même titre qu'il existe des référents à égalité, il faudrait des référents prévention.
08:54 Voilà, dans les entreprises. Donc on a réussi à le faire pour l'égalité, on pourrait très bien le faire pour la santé.
09:01 Là, on s'est focussé sur la santé de la femme. Certes, vous vous doutez bien que ce genre de propositions sont mixtes, bien sûr,
09:09 et bénéficient à tous.
09:12 La prévention des récidives après une longue maladie et après un congé maternité compliqué est aussi une des demandes que l'on a faites pour les employeurs.
09:22 Qu'il y ait quelque chose vraiment de demandé et de mis en place dans ce cadre-là,
09:27 un retour de maternité compliqué, c'est compliqué. Et c'est sur le dos de la femme.
09:33 Voilà, c'est dans les statistiques et c'est même pas une question d'opinion.
09:37 Afin d'inciter les employeurs à tenir compte de la singularité féminine dans la santé, là, il y a tout un levier qui est complexe.
09:44 Un employeur qui parle de la santé des femmes, c'est tellement tabou que les femmes qui prônent l'égalité ne veulent parfois pas en entendre parler.
09:51 Et en même temps, il le faut, parce qu'il y a une singularité de la femme dans la santé.
09:56 Et c'est toute cette ambiguïté autour de la parole qu'on met dans les entreprises avec le rôle de l'employeur qui doit être travaillé, discuté,
10:04 et pour lequel on a un besoin vraiment de coopération.
10:08 En ce qui concerne des demandes que nous avions en direction des pouvoirs publics, en pensant que c'était plutôt de l'ordre des pouvoirs publics,
10:17 il est nécessaire de mettre en place une macro-étude économique qui montre le bénéfice des préventions au sein de l'entreprise
10:26 par rapport au fait de ne pas le faire avec une entreprise pilote.
10:30 Il y a un moment, il faut quand même regarder les choses en face, on ne va pas dans la prévention quand on est employeur parce qu'on a peur que ça coûte de l'argent,
10:37 sauf qu'en fait le bénéfice, il est réel, on le sait, on en entend parler, tout le monde le dit,
10:42 sauf qu'il n'y a jamais eu une étude économique qui l'a prouvé.
10:45 Il y a les moyens, on a la méthode, on sait faire les études macro-économiques, il faut juste les mettre en place.
10:51 Une fois qu'on a montré que c'est efficace et que c'est une économie que pour l'entreprise, déjà on a un argument qui est contre la performance,
10:58 cet argument qui est tant remonté pour dire "mais vous vous trompez".
11:02 Ensuite, clarifier le rôle et les missions de la médecine du travail mériterait d'être mis en place.
11:09 On sait qu'il y a des guerres entre les groupes de médecine, disons-le clairement,
11:15 et il y a notamment, vous le savez, les trois rendez-vous de prévention qui ne sont pas des consultations,
11:20 qui sont des rendez-vous de prévention qui peuvent donner lieu à une consultation.
11:24 Quel est le rôle de la médecine du travail dans ces trois rendez-vous de prévention ?
11:28 On sait que pour l'instant, les moyens pour les mettre en oeuvre, les médecins sont déjà noyés,
11:33 les gens sur le terrain sont déjà noyés. Quel est le rôle de la médecine de la prévention là-dessus ?
11:37 La médecine du travail, pardon, c'est un absurde, mais elles auraient son jeu à jouer.
11:42 Et puis, on parle beaucoup de la femme au travail. On a oublié ici, on y a pensé, les femmes qui ne travaillent pas.
11:48 Les femmes qui ne travaillent pas, elles ne vont pas non plus dans la santé.
11:52 Elles n'y vont pas parce que du coup, elles ne peuvent pas y aller,
11:55 parce qu'en général, si elles ne travaillent pas, c'est qu'elles s'occupent de leurs enfants.
11:57 Et que quand elles ont des rendez-vous de prévention, elles n'y vont pas non plus.
12:00 Et donc, il serait bien que la CAF organise un système pour qu'elles puissent aller faire leurs examens quand elles doivent le faire.
12:06 On les oublie souvent.
12:09 Enfin, on demande que dans toutes les politiques publiques, dans toutes les politiques de prévention,
12:16 il y ait un indicateur charge mental.
12:18 C'est-à-dire que quand on pense un système de prévention, quand on pense une campagne de prévention,
12:23 quand on pense un dispositif de prévention, on pense à un indicateur charge mental.
12:26 Qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce que ce que je propose va encore alourdir la charge mentale ou pas ? Et si oui ?
12:32 [Musique]

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