Les 4 vérités - Manuel Bompard

  • l’année dernière
Chroniqueur : Jean-Baptiste Marteau


Jean-Baptiste Marteau reçoit Manuel Bompard, député LFI des Bouches-du-Rhône, dans Les 4 vérités.

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Transcript
00:00 Bonjour Manuel Montparne, député LFI et coordinateur de la France Insoumise, merci d'être avec nous.
00:08 Bon, on va reparler quand même de ces retraites, on ne peut pas dire que la stratégie de la France Insoumise fasse l'unanimité.
00:13 A gauche évidemment, y compris au sein de la NUB, certains ne sont pas d'accord exactement avec la stratégie que vous avez employée,
00:18 et vous l'avez bien entendu, y compris chez les syndicats, puisque Philippe Martinez de la CGT disait hier, je cite,
00:22 que Jean-Luc Mélenchon n'est pas un allié du mouvement social lorsqu'il fait de l'obstruction.
00:26 C'est dur quand même ces propos.
00:28 Écoutez, je pense que dans ce contexte, il faut éviter justement une division.
00:34 Et donc je respecte le point de vue de Philippe Martinez, mais je ne le partage pas.
00:38 Je pense que le gouvernement a fait un choix, c'est de limiter à 10 jours le temps de débat à l'Assemblée Nationale pour la réforme des retraites.
00:45 Et nous, notre responsabilité en tant qu'opposant à cette réforme, c'était de faire en sorte qu'il ne puisse pas en 10 jours faire voter le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans.
00:55 C'est ce que nous avons fait, et c'est ce qui permet, je pense, au mouvement social, à partir du 7 mars,
01:01 puisque la date du 7 mars est posée sur la table, de pouvoir se déployer pour obtenir le retrait de cette réforme.
01:07 – Mais les syndicats, ils auraient aimé justement qu'on aille sur le vote de cet article 7 pour compter,
01:10 pour voir effectivement ceux qui s'opposaient, ceux qui le soutenaient,
01:13 quand il dit le leader de la CGT qui reproche à la LFI de vouloir s'approprier le mouvement social
01:17 pour reléguer les syndicats au second plan.
01:19 – Non, alors d'abord, ce n'est pas les syndicats, vous avez entendu effectivement M. Martinez dire ça,
01:23 il y a 8 organisations syndicales dans l'intersyndical UNI, donc je ne sais pas si ce point de vue…
01:28 – La CGT ce n'est pas rien.
01:29 – Non, non, bien évidemment ce n'est pas rien,
01:30 mais je ne sais pas si ce point de vue est le point de vue de l'ensemble des organisations syndicales.
01:34 Nous, le choix que nous avons fait, et c'est le choix souverain des Insoumis
01:38 en tant que députés à l'Assemblée Nationale, c'était de faire en sorte de ne pas permettre au gouvernement
01:43 d'avoir une victoire, qui permette ensuite de dire aux Françaises et aux Français
01:47 qui sont très majoritairement opposés à cette réforme,
01:49 ça ne sert plus à rien d'aller manifester puisque l'Assemblée Nationale
01:52 a adopté le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans.
01:55 Et donc je crois au contraire qu'en mettant en place cette stratégie,
01:58 nous avons donné un coup de main, nous avons aidé la mobilisation sociale
02:02 pour pas que le gouvernement puisse utiliser un vote à l'Assemblée Nationale
02:06 pour tenter de démobiliser la rue.
02:07 Et je pense que c'est pour ça que nous avons fait ça, et je crois que nous avons bien fait de le faire.
02:10 – Mais justement, vous pensez quand même que l'image qu'a rendue l'Assemblée Nationale
02:13 quand on a vu ces débats extrêmement, ou ces rappels aux règlements incessants,
02:16 vous pensez justement que ça a aidé le mouvement social, cette image ?
02:18 – Oui, je crois qu'il y a beaucoup de cinéma, parce qu'en vérité ce débat n'a pas été un débat
02:22 beaucoup plus houleux, beaucoup plus violent que beaucoup d'autres débats
02:25 dans la Ve République.
02:26 Ce débat, il n'a pas été inutile, contrairement à ce que j'entends parfois,
02:30 il a permis par exemple de pointer les difficultés, les faiblesses, les mensonges
02:34 du gouvernement sur cette réforme des retraites.
02:36 Par exemple, nous avons pu interroger à plusieurs reprises le ministre Dussopt
02:39 sur cette fameuse retraite à 1200 euros, qui initialement, le gouvernement
02:43 faisait le tour des plateaux de télévision pour dire "toute personne qui a une carrière complète
02:47 va pouvoir bénéficier d'une retraite minimum à 1200 euros".
02:49 – C'est plus compliqué.
02:50 – C'est plus compliqué que ça.
02:51 Quand on l'interroge aujourd'hui pour savoir combien de personnes seraient concernées,
02:54 après des jours et des jours où nous l'avons interrogé, il a sorti un chiffre
02:57 de 40 000 personnes qui pourraient en bénéficier.
03:00 Aujourd'hui on demande d'où vient ce chiffre, quelle en est la source,
03:03 il ne répond pas à cette question.
03:04 Et puis vous avez montré tout à l'heure un tableau, ce qui fait partie d'un deuxième point
03:08 sur lequel nous avons interrogé le gouvernement, il est quand même totalement absurde
03:11 d'imaginer qu'une personne qui a commencé à travailler à 17 ans,
03:14 doivent cotiser 43 annuités, alors qu'une personne qui a commencé à travailler à 18 ans
03:18 doivent cotiser 44 annuités.
03:19 Sur ce sujet non plus, nous n'avons pas eu de réponse.
03:21 – Vous n'avez pas été au bout du débat, parce que l'amendement LR n'a pas été étudié.
03:23 – Exactement, mais vous avez pu suivre l'actualité comme moi et voir qu'il y a un flou,
03:28 puisque même M. Pradié qui portait cette revendication aux côtés des Républicains,
03:33 vendredi soir à l'Assemblée Nationale a demandé où on en est exactement.
03:36 Donc vous voyez, le débat n'a pas été inutile, il a permis de mettre l'accent sur les mensonges
03:40 et les contradictions qu'il y a dans ce projet de loi.
03:42 – Y compris au sein de la France Insoumise, tout le monde n'était pas d'accord là-dessus,
03:44 on a entendu Clémentine Autain et d'autres qui auraient aimé une autre stratégie.
03:47 Ça se passe comment dans votre mouvement ?
03:48 C'est vous qui décidez et les autres qui exécutent ?
03:50 – Non, pas du tout, le groupe parlementaire de la France Insoumise à l'Assemblée Nationale,
03:55 chaque jour de l'examen du texte, a adapté sa stratégie au regard des rapports de force
03:59 qui existaient dans l'Assemblée.
04:01 – Mais vous avez voté en interne, vous avez demandé l'exemple.
04:03 – Bien sûr, on a à plusieurs reprises, le groupe a dit on va aller plutôt dans cette direction
04:07 ou dans une autre direction.
04:08 Et il me semble qu'à la fin, cette stratégie, elle a été la stratégie partagée par tout le monde,
04:12 vendredi soir dans l'hémicycle, nous étions tous ensemble pour mener cette bataille.
04:16 Écoutez, il faut être clair, il faut être franc, notre objectif c'est d'empêcher
04:20 le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans,
04:23 et nous le faisons avec les moyens qui sont à notre disposition,
04:25 et à l'Assemblée Nationale, les moyens qui sont à notre disposition
04:28 c'est notamment le droit d'amendement, qui est un droit garanti par la Constitution.
04:31 Donc en ce qui me concerne, je suis fier aujourd'hui de dire que grâce au groupe
04:35 de la France Assoumise à l'Assemblée Nationale, le report de l'âge de retraite à 64 ans
04:39 n'a pas été adopté.
04:40 – Plus globalement, quand vous voyez l'image qu'ont rendue les débats
04:42 à l'Assemblée Nationale la semaine dernière,
04:44 vous ne vous dites pas que Marine Le Pen c'est la grande gagnante de ces 15 jours ?
04:46 – Non, je ne crois pas à Marine Le Pen, elle a été totalement silencieuse,
04:48 elle a dormi pendant 10 jours, elle a à peine déposé un amendement,
04:52 elle n'a pas fait un travail d'opposition à cette réforme.
04:56 Nous, nous avons porté la parole des 80% des Français qui sont opposés à cette réforme,
05:00 des 93% des actifs qui sont opposés à cette réforme.
05:03 – Mais la forme c'est important Manuel Bompard, quand vous voyez le chahut que ça a donné,
05:06 ça n'a pas rendu l'image de l'Assemblée forcément…
05:08 – Arrêtez avec cette histoire, je vous le dis franchement…
05:10 – Pour vous c'était une bonne image ?
05:12 – Non mais je ne vous dis pas que c'était une bonne image,
05:14 mais pourquoi on s'est retrouvé dans une situation qui était une situation extrêmement tendue ?
05:18 Parce que le gouvernement a fait un choix qui d'un point de vue démocratique
05:21 est inacceptable, il a considéré qu'en 9 jours de débat à l'Assemblée Nationale,
05:25 on pouvait expédier la réforme des retraites, enfin tout ça n'est pas sérieux.
05:30 – 21 séances dit Élisabeth Borne, il faut 15 lors de la précédente réforme en 2010.
05:35 – Bien sûr, et vous savez que la première réforme sur les retraites en France,
05:38 il y a eu 5 mois de débat à l'Assemblée Nationale,
05:40 et là on va nous dire qu'en 9 jours de débat, c'était un délai qui était un délai raisonnable.
05:44 Non, ce n'est pas sérieux, une réforme aussi importante que la réforme des retraites,
05:48 elle nécessite qu'on prenne le temps d'en discuter, le temps d'en débattre.
05:51 Bref, aujourd'hui vous avez une grande partie des Français qui sont opposés à cette réforme,
05:55 il y a la date du 7 mars qui est maintenant sur la table,
05:57 puisqu'il y a des manifestations extrêmement massives et le gouvernement n'entend rien,
06:01 n'écoute personne, alors qu'on a les manifestations les plus importantes depuis 30 ans dans ce pays.
06:05 Moi je dis le 7 mars maintenant, bloquons le pays,
06:08 c'est ça la manière d'obtenir le retrait de cette réforme.
06:10 – Alors justement, on bloque tout le 7 mars dit Jean-Luc Mélenchon,
06:13 vous le répétez également ce matin, ça veut dire quoi ?
06:14 – On bloque tout, ça veut dire qu'on se met en grève, qu'on bloque les transports,
06:21 que les secteurs de l'énergie se mettent en grève également,
06:24 et on oblige le gouvernement à reculer,
06:26 puisque pour l'instant il ne recule pas sous le coup des manifestations
06:30 qui sont portées, des manifestations très importantes.
06:31 – Mais donc vous demandez notamment aux salariés des grèves reconductibles ?
06:33 – Ben ça c'est les salariés qui le décident,
06:35 ce n'est pas à moi de dire à leur place ce qu'ils doivent faire.
06:37 Mais en tout cas nous on participe de cet objectif, on va soutenir cet objectif,
06:41 on a initié par exemple une caisse de grève,
06:43 on a déjà récolté plus de 150 000 euros qu'on mettra à disposition des salariés
06:47 pour les aider dans ces mouvements de grève,
06:49 je sais que c'est difficile de faire la grève,
06:51 mais aujourd'hui c'est la seule manière, le seul moyen d'obtenir le retrait de ce projet de loi.
06:56 Donc oui bien évidemment à chaque fois que les salariés
06:58 prendront des décisions de mouvements de grève,
06:59 et de mouvements de grève reconductible, nous les soutiendrons.
07:01 – Oui parce que si on bloque tout uniquement le 7 mars,
07:03 vous dites que ce ne sera pas suffisant, on l'a vu ces dernières semaines.
07:05 – Ben ça c'est au gouvernement de répondre à cette question,
07:08 moi honnêtement je préfère que ça dure le moins longtemps possible,
07:12 mais ça c'est au gouvernement d'être raisonnable,
07:14 et pour l'instant le gouvernement n'est pas raisonnable sur ce sujet,
07:16 donc je dirais à Emmanuel Macron,
07:17 c'est pas un problème de s'être trompé parfois,
07:19 il vaut mieux reconnaître qu'on s'est trompé et reculer.
07:21 – Alors le Sénat avant ça va prendre le relais de l'Assemblée nationale
07:24 à partir du 28 février en commission, le 2 mars en séance publique,
07:27 vous ne disposez pas de groupe LFI au Sénat,
07:29 qu'est-ce que vous attendez de ce débat, est-ce qu'il peut être utile ?
07:32 – Je souhaite que ce débat soit un débat qui permette de poursuivre
07:35 le travail que nous avons commencé à l'Assemblée nationale,
07:38 c'est-à-dire de pousser le gouvernement dans ses retranchements,
07:41 de pointer les mensonges, les faiblesses, les problèmes de ce texte de loi,
07:46 et je souhaite que les sénatrices et les sénateurs puissent le faire,
07:49 et je souhaite que là aussi ils prennent tout le temps nécessaire
07:52 et surtout qu'ils ne se hâtent pas, qu'ils n'aillent pas trop vite,
07:54 je ne vois pas pourquoi on devrait accepter le calendrier mis par le gouvernement
07:58 qui n'est pas du tout un calendrier obligatoire,
08:00 on aurait pu avoir beaucoup plus de temps pour débattre de ce projet de loi,
08:03 donc j'espère que les sénatrices et les sénateurs vont s'opposer
08:06 de manière aussi forte que ce que nous avons pu le faire à l'Assemblée nationale.
08:08 – Vous pensez que le travail parlementaire encore à l'Assemblée à la fin
08:11 avec la commission exparitaire peut arriver à contraindre le gouvernement
08:14 ou ça se passera forcément dans la rue ?
08:15 – Je pense que si on veut obtenir aujourd'hui le retrait de ce texte de loi,
08:18 c'est dans la rue, clairement.
08:20 – Ce n'est pas au Parlement ?
08:21 – Non, je ne le crois pas, bien sûr que le Parlement n'est pas inutile,
08:24 il permet de montrer encore une fois les problèmes
08:27 et les contradictions qu'il y a dans ce texte de loi,
08:30 mais si on veut gagner aujourd'hui, on a bien entendu que ça passera
08:33 par un rapport de force et ce rapport de force s'organise
08:36 à partir du 7 mars dans la rue.
08:37 – Un mot quand même, vous avez parlé d'Aurélien Pradi au chef des Républicains,
08:40 ça chauffe également chez eux au sein de LR,
08:43 vous comprenez que quand on est numéro 2 d'un parti
08:45 et qu'on n'est pas d'accord avec le patron du parti,
08:48 il faut être démis de ses fonctions ?
08:49 – Non, écoutez, je ne sais pas, après moi ça c'est les affaires des Républicains,
08:52 ce que j'observe c'est qu'Aurélien Pradi a été plus efficace que Éric Ciotti
08:56 pour défendre les positions qui étaient les positions des Républicains,
08:59 puisque si j'en crois ce qui s'est passé vendredi à l'Assemblée Nationale,
09:03 son bras de fer a permis d'obtenir par le gouvernement
09:06 la reprise d'un de ses amendements, donc je trouve ça un peu curieux
09:09 au moment où les Républicains s'alignent sur sa position
09:11 qui soit l'immogé de ses fonctions, mais ça c'est les affaires des Républicains.
09:14 – Un autre thème pour terminer, Emmanuel Bompard, un mot de l'Ukraine,
09:16 vendredi ça fera un an que Vladimir Poutine a commencé à envahir le pays,
09:19 les chars français seront livrés à partir de la semaine prochaine
09:22 à un ancien ministre français de la Défense, des chars légers, des AMDX dit-il,
09:26 c'est une bonne chose qu'on livre ces chars ?
09:27 – Moi j'ai dit déjà à plusieurs reprises qu'il me semble que toute décision française
09:31 d'aller un peu plus loin dans le fait de fournir des armes
09:34 nécessiterait un débat au Parlement pour connaître…
09:36 – Pour réclamer un débat au Parlement.
09:37 – Oui, pour connaître quelle est la stratégie,
09:38 il me semble que c'est une illusion de considérer
09:40 qu'on peut sortir de ce conflit uniquement par la voie militaire,
09:43 donc je trouve qu'il faudrait poser sur la table
09:45 quelle est la stratégie du gouvernement français
09:48 pour approfondir la voie diplomatique, si on veut aller à la paix,
09:51 il faut qu'on aille à la paix le plus rapidement possible,
09:52 je ne pense pas que ça passe par une escalade militaire
09:54 mais par le renforcement des procédures diplomatiques.
09:57 – Mais il faut certainement vous dire qu'un débat au Parlement
09:58 ça va vous contraindre, vous à la France Insoumise, de vous positionner,
10:01 c'est pour ou contre ?
10:02 – Moi je n'ai pas peur de me positionner,
10:04 mais j'aimerais pour me positionner avoir l'ensemble des éléments tactiques,
10:08 stratégiques qui permettent de se positionner dans des bonnes conditions
10:11 et encore une fois je pense qu'il ne faut pas s'enfermer
10:13 dans l'illusion que c'est en renforçant en permanence
10:17 les fournitures d'armes à l'Ukraine qu'on va sortir de cette situation,
10:20 je pense qu'il faut approfondir la voie diplomatique
10:22 et je regrette qu'on ait l'impression en tout cas
10:26 que la France ne soit pas un acteur majeur de premier plan
10:28 pour essayer de faire en sorte de mettre tout le monde autour de la table
10:31 et pour créer les conditions pour qu'on puisse revenir à la paix
10:33 le plus rapidement possible.
10:34 – Manuel Bompard, coordinateur de la France Insoumise, député,
10:37 merci d'avoir été notre invité, bonne journée.

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