Ils se battent pour que leur boulanger ne soit pas expulsé
"On voudrait qu'il puisse avoir une vie normale de gamin de 20 ans…"
Mory Mara est boulanger et menacé d'expulsion. La boulangerie où il travaille a reçu l'ordre de mettre fin à son contrat. Et pour ses employeurs comme pour l'association Patron.ne.s solidaires, ce départ est inconcevable.
Mory Mara est boulanger et menacé d'expulsion. La boulangerie où il travaille a reçu l'ordre de mettre fin à son contrat. Et pour ses employeurs comme pour l'association Patron.ne.s solidaires, ce départ est inconcevable.
Transcript
00:00 - Juste un pain au chocolat. - Combien ? OK.
00:02 C'est du pain au chocolat qu'on a fait la nuit.
00:05 Et puis...
00:06 Il y a mon chef qui commence à 2h du matin.
00:10 Il fait la nuit et puis moi je commence à 3h.
00:13 On fait ensemble, il met un pouce.
00:15 Et puis là, ils sont nickels.
00:17 Je m'appelle Morimara.
00:19 J'ai 20 ans.
00:20 C'est ici que je travaille.
00:22 Je vous présente mon chef Rémi.
00:28 Ça fait 4 ans qu'on travaille ensemble.
00:30 C'est lui qui m'appuie sur tout ce qu'il fait.
00:34 Du pain, des croissants, tout ça.
00:36 Je suis venu en France à 16 ans.
00:38 Et j'ai commencé à sortir de mon pays
00:41 parce que j'avais des problèmes de famille.
00:44 Et je suis venu au Mali.
00:45 Au Mali, je suis parti en Algérie.
00:48 Et en Algérie, je suis parti au Libye.
00:50 Et la souffrance qu'est le Libye aussi,
00:54 traiter des gens comme des esclaves,
00:56 c'était pas facile pour nous aussi.
00:58 On s'est rencontrés en 2018.
01:00 Il est venu lors d'un stage
01:02 parce qu'il voulait devenir boulanger.
01:03 Ça s'est très bien passé,
01:05 donc on l'a gardé comme apprenti.
01:06 Pendant la crise du Covid,
01:07 il a fait tout son apprentissage
01:09 uniquement en entreprise.
01:10 Du coup, ce qui lui a valu
01:12 d'échouer à son CAP,
01:14 c'est la partie écrite.
01:15 On l'a gardé comme boulanger, salarié,
01:18 parce qu'on avait besoin de lui déjà.
01:20 Et puis qu'il était formé parfaitement
01:21 et qu'il faisait parfaitement de travail.
01:23 Si demain, il ne travaille plus là,
01:24 déjà, moi, je pense à lui.
01:25 Qu'est-ce qui va devenir ?
01:27 Qu'est-ce qui va se passer ?
01:28 Parce que c'est déjà un jeune
01:29 qui a tellement vécu de choses horribles,
01:32 qui est passé par des choses
01:34 que aucun être humain devrait vivre.
01:36 Ce qui va se passer,
01:36 c'est qu'on va devoir réduire un peu la voilure
01:39 au niveau de nos fabrications,
01:41 de notre développement.
01:42 Donc économiquement,
01:43 ça va avoir un impact immédiat
01:44 parce que de toute façon,
01:45 on ne trouvera pas de boulanger tout de suite
01:47 ou alors vraiment, il faut un coup de chance.
01:49 On n'a déjà pas besoin de ça
01:50 parce qu'entre les problèmes énergétiques,
01:52 les problèmes de matières premières,
01:53 les problèmes, justement, sociaux
01:56 qu'on rencontre,
01:57 où on a du mal à trouver du personnel,
01:59 on n'avait pas besoin de ça.
02:01 Aujourd'hui, je suis vraiment fier de moi
02:03 parce que quand j'ai commencé mon apprentissage,
02:09 je ne travaillais pas tout seul.
02:11 Mais aujourd'hui, je travaille tout seul
02:13 parce que je connais bien maintenant mon boulot.
02:15 Tout ce que je fais, le pain, les cookies, la brioche,
02:19 tout ce que je fais, comme le pain,
02:21 qui sont tous là,
02:23 tous là,
02:24 c'est mon boulot.
02:25 Je ne fais pas à moi, je fais à mes clients.
02:31 Et les clients qui viennent,
02:33 ils sont super contents,
02:35 et puis on a des belles baguettes,
02:37 et ils sont tous contents.
02:39 On a reçu en novembre 2021 sa première OQTF
02:44 et on a immédiatement pris une avocate sur Lyon
02:48 pour lui permettre de se défendre au mieux.
02:50 On a saisi le tribunal administratif de Lyon
02:52 qui nous a rendu réponse ensuite
02:54 et que c'était négatif.
02:56 Suite à quoi on a continué de se battre,
03:00 on a fait appel,
03:01 on a joint directement la préfecture,
03:03 on a fait appel à des soutiens extérieurs.
03:06 Malheureusement, rien n'y a fait,
03:07 et donc il y a 15 jours,
03:08 on a reçu ce fameux courrier de la préfecture
03:11 nous demandant de mettre un terme à son contrat
03:14 et de nous laisser 15 jours
03:15 pour avoir, à notre avis, un droit de réponse.
03:18 Ça fait bientôt 3 ans, 3 ans et demi,
03:20 qu'il travaille tout seul l'après-midi,
03:22 qui gère le magasin, les cuissons,
03:25 la production des croissants,
03:26 la mise en place pour le lendemain
03:28 pour que je puisse ouvrir moi le magasin.
03:31 Ce moment-là, c'est difficile pour moi
03:32 parce que le métier que tu fais, ça fait 4 ans.
03:35 Tu te lèves dans la nuit
03:37 à 4h-2h du matin de venir bosser
03:39 et on te dit plein journée de laisser ce métier.
03:42 Je peux dire que c'est difficile.
03:44 Je cotise l'amituel,
03:45 j'ai une maison que je paie à chaque mois,
03:47 je paie mon électricité, ça fait 3 ans.
03:50 Et si on me dit de laisser le boulot,
03:51 comment je paie mon électricité,
03:53 comment je paie mon courant,
03:54 comment je paie ma maison,
03:56 comment je me nourris,
03:58 ça va être difficile pour moi.
03:59 Les producteurs, les artisans,
04:02 les patrons ont besoin de ces jeunes.
04:06 Les faire partir dans leur pays
04:07 ne va pas régler du tout les problèmes
04:10 puisque effectivement, ils vont devoir partir.
04:12 Mais bien d'autres vont arriver
04:14 parce qu'il y a des tremblements de terre,
04:16 parce qu'il y a de plus en plus de misère
04:19 dans les pays lointains
04:22 et que ces jeunes vont venir, vont revenir
04:25 ou d'autres vont arriver.
04:27 Et qu'il va falloir les accompagner.
04:30 On ne peut plus du tout les ignorer,
04:32 il va falloir les accompagner.
04:33 On va l'embaucher définitivement,
04:35 qu'il puisse s'établir en France,
04:37 avoir des papiers, avoir passé le permis,
04:39 faire une vie de gamin de 20 ans normale.
04:47 Monsieur Marat, étant salarié
04:48 dans la même entreprise depuis trois ans,
04:50 en contrat d'apprentissage puis en CDI,
04:53 et justifiant ainsi d'une expérience professionnelle
04:56 et de perspective d'intégration,
04:58 peut demander un réexamen
05:00 de sa situation administrative
05:02 en postulant à l'admission exceptionnelle
05:05 au séjour en qualité de salarié.
05:07 Démarche qu'il doit cependant réaliser lui-même
05:10 ainsi qu'indiqué en août 2021,
05:12 le recours à des tiers et mandataires
05:15 étant prosprit pour les demandes de titre de séjour.
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