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"Les gens vont dire : 'Il est devenu cinglé…'"

On a parlé de cinéma avec Fabrice Luchini, et il n'avait pas dormi de la nuit. Un régal. 😅
Transcription
00:00« Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance », écrit Pascal.
00:06T'as vu, y'a une feuille qui est tombée à ce moment-là.
00:09T'as vu ce qui s'est passé ?
00:10Écrit Pascal.
00:14« Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance »
00:18Boum !
00:19C'est presque un signe à la Hugo.
00:21Tu sais, Hugo dit le fruit doit tomber, la feuille doit tomber, la plume doit s'envoler.
00:27Et au moment où je te dis ça, les gens vont dire qu'il est devenu cinglé.
00:30C'est pas faux.
00:31J'ai pas dormi.
00:32Y'avait pas de climat.
00:33Donc j'ai dormi à 44 degrés.
00:36J'ai jamais vu ça.
00:37J'ai essayé de lire Victor Hugo, j'étais ahuri.
00:40J'étais comme ça.
00:41Et là, j'ai fait 37 interviews.
00:45Je sais plus ce que je dis, mais je sais qu'il y a Brut.
00:48Alors, vas-y.
00:52Oh non, j'ai pas d'opinion là-dessus.
00:55Ma matrice, c'est le théâtre.
00:57Je vais pas vous faire le mec inquiet, impliqué, qui fait des déclarations définitives comme certains acteurs.
01:07Je vous préviens, moi, hein.
01:09Je vous préviens, moi, hein.
01:11Non, j'ai pas d'opinion.
01:13J'ai pas d'opinion.
01:15Yvodon, ils viennent.
01:16Tant mieux, ils viennent pas.
01:18Godard disait ça.
01:20Vous savez, on a toujours un Tunisien en bas de chez soi qui, vers 23h, peut te dépanner.
01:25Toi, t'as un problème, tu veux faire un vieux croque-monsieur.
01:28Y a quelqu'un qui dit, mais c'est bon, y a l'Arabe qui est ouvert.
01:31Y a le Tunisien, je te dis.
01:33C'est un petit commerçant.
01:35Tout petit.
01:36Bon, marché fermé, Samaritaine fermée, Auchan fermé.
01:41Et tu vas au petit magasin.
01:44Moi, mon métier, c'est l'artisanat.
01:46Mon théâtre, ma chaise.
01:48Je peux traverser l'Europe, je peux aller en Amérique, je peux attaquer du Hugo.
01:52J'ai bien assez vécu puisque dans mes douleurs, je marche sans trouver de bras qui me secourent.
01:58Puisque je ris à peine aux enfants qui m'entourent.
02:02Puisque je ne suis plus réjoui par les fleurs.
02:05Et ça, ça dure 2h30.
02:07J'attaque, j'ai besoin d'une chaise.
02:09Donc, je suis très content de faire et du théâtre et du cinéma.
02:12Mais j'ai pas d'opinion de sociologue.
02:15Les gens disent, le directeur de CNC a dit que ça revenait, tant mieux.
02:19Est-ce que vous vous souvenez de votre première fois au cinéma ?
02:22Les Canons de Navarone, Place Lichy, avec mon père.
02:24Ça racontait quoi, le film ?
02:26Les Canons de Navarone.
02:27Mais parce que les gens qui nous regardent ne l'auront peut-être pas vu.
02:29Mais c'est un truc énorme, les Canons de Navarone.
02:31Vous vous rappelez ?
02:33Anthony Quinn, les Canons de Navarone.
02:35C'était le Gaumont, 3000 places, qui a été remplacé par un truc d'outillage.
02:40Genre le Castorama ?
02:41Oui, Castorama.
02:42Castorama.
02:44T'imagines l'époque, on avait le Pathé, le plus grand cinéma d'Europe.
02:49C'est devenu Castorama, avec les mecs qui sortent avec des plans, super contents.
02:53Je les admire en même temps.
02:55Parce que je me dis, au sens pascalien du terme, ils ont du bol.
02:58Parce que tout le but, c'est de se divertir.
03:01Tu comprends ?
03:02Voilà, Castorama a remplacé.
03:04Premier film de ma vie avec mon papa, les Canons de Navarone.
03:07C'est l'histoire de l'attaque d'Américains
03:11qui vont attaquer un endroit où les Allemands ont tout pour eux.
03:14Et ils vont niquer les Allemands.
03:16C'est merveilleux.
03:18Est-ce que vous vous rappelez la première fois que vous avez emmené votre fille au cinéma ?
03:21Oui, je crois que je lui ai montré.
03:24C'est le seul truc que j'ai fait pas trop mal.
03:26Je lui ai montré tout l'Aiguitry.
03:28Actuellement, la grande aventure pour les êtres humains,
03:32pour échapper à la finitude, je veux pas employer des mots à la Pascal,
03:36mais c'est qu'ils veulent des enfants.
03:38Ils veulent des enfants.
03:40Et Niclou a filmé le bouleversement d'un homme à la recherche d'une fille.
03:46Début du film, il y a une tragédie.
03:48Il développe pas.
03:49Niclou, cac, il cut.
03:51Il y a un drame, le fils meurt.
03:53On développe pas.
03:54Parce que sinon, là, on est niqués.
03:56C'est plus 30 000, c'est 2 700 entrées par an.
03:59Mais il fait pas longtemps.
04:01Il fait rapide.
04:02Et très vite, on apprend qu'avant de mourir, malheureusement,
04:07il a mis en action un enfant.
04:11En Belgique.
04:12Quand on m'a proposé ça, c'est un producteur, François Croce, qui m'appelle.
04:16Il l'a bien vendu.
04:17Il m'a dit, j'ai un rôle incroyable pour toi.
04:19Et bizarrement, je l'ai cru.
04:21Je suis peut-être naïf.
04:22Je suis peut-être couillon.
04:24Et je l'ai cru.
04:25Et puis c'est vrai qu'il parle peu, mon personnage.
04:27Mais c'est pas parce qu'il parle pas que ça parle pas beaucoup.
04:30Il arrête pas de parler.
04:31Mais il dit pas un mot.
04:32J'avoue que quand j'ai dit oui, je me suis dit, ça c'est du film pour Cannes.
04:35Ça c'est du quinzaine de réalisateurs.
04:37C'est 33 000 entrées sur France.
04:40C'est 1200 le premier jour sur la France et sur l'Europe.
04:43Je me suis dit, là, on va pas rigoler.
04:45C'est du Nickelodeon.
04:46C'est Valley of Love.
04:47C'est du chef d'oeuvre.
04:48D'accord ?
04:49Et je vois le film, c'est pas du tout ça.
04:51Les salles sont pleines.
04:53Le film est large.
04:54La seule réalité, c'est comme au théâtre.
04:56La seule réalité, c'est ceux qui viennent.
04:58Le miracle de ceux qui viennent.
05:01Il y a tout pour qu'ils ne viennent pas.
05:03Il y a Hidalgo qui fait qu'on ne peut plus bouger dans Paris.
05:06Il y a à télé peut-être 76 000 chaînes.
05:09Il y a brut 700 000 programmes.
05:12Il y a réunion, échangisme, des milliers de possibilités.
05:18Il y a la pétanque, le sport.
05:21Il y a tout pour ne pas aller au spectacle.
05:23Et pourtant, ils viennent.
05:24Le film, il parle de la famille, il parle de la transmission.
05:27Bien joué.
05:28Est-ce que pour vous, la salle de cinéma, c'est un lieu de transmission ?
05:31Tu vas loin.
05:32Tu vas toujours très loin.
05:33C'est ton côté excessif.
05:34C'est ton côté rebelle.
05:36C'est ton côté mélenchoniste, presque.
05:38Tu vas loin.
05:39Tu casses les codes.
05:41Je pense que transmettre...
05:44Il ne faut pas en créer des mots trop abstraits.
05:45C'est beau, comme tu l'as dit.
05:46Mais moi, je n'ai pas cette ambition-là.
05:49C'est un miracle.
05:50Ils viennent, la salle de cinéma.
05:52Là, il faut remercier Jack Lang.
05:54Parce que c'est une exception culturelle qui a marché.
05:57Il faut arrêter d'être que dans la provoque.
06:00On est le seul pays européen.
06:02Quand tu t'imagines...
06:03Moi, je tourne demain à 13h30.
06:05Rendez-vous.
06:0613h30.
06:07Christophe Honoré.
06:08Chiara Mastroianni.
06:09Benjamin Biollet.
06:10Poupot.
06:11On tourne.
06:12Demain.
06:13Catherine Deneuve.
06:14Pas trop nous emmerder.
06:16Je le tourne demain.
06:1713h30.
06:18P.A.T.
06:19J'arrive vers midi.
06:20Hébité.
06:21J'aurais mal dormi.
06:22Gros insomniaque.
06:23Je vais y jouer.
06:24Je débarque.
06:25Je joue avec Chiara Mastroianni, qui va devenir Mastroianni.
06:28Parce qu'elle en a marre qu'on lui dit...
06:30Moins Catherine, plus Marcello.
06:32Elle en a marre et elle tombe sur un acteur que je joue,
06:35qui l'aime de manière amicale.
06:37C'est une histoire d'amour, d'amitié.
06:39Pourquoi je vous dis tout ça ?
06:41Pourquoi je vous dis tout ça ?
06:43Ma dernière question, c'était un jeune.
06:45Ce qui commence à s'intéresser au cinéma,
06:47c'est quoi le film ou les deux films qu'il faut absolument,
06:50selon vous, avoir vu ?
06:52Parce que sinon, on rate sa cinéphilie et on rate sa vie.
06:55Moi, je vais être très bizarre.
06:57Je vais être très, très bizarre, moi.
06:59Qui voit « Bonne chance » de Guitry ?
07:02Fait en 13 jours.
07:04Un mec tombe amoureux d'une meuf, de Lubac,
07:07et il la filme.
07:13Moi, j'aurais été plus confortable si vous m'aviez dit
07:16« Dites-nous cinq livres et comme ça, on serait tranquilles. »
07:20Alors, moi, je vous dirais un Flaubert.
07:24« L'éducation sentimentale », « Le cœur simple » surtout.
07:27Je vous dirais évidemment « Le voyage au bout de la nuit »
07:30parce que c'est l'événement majeur du XXe siècle avec Proust.
07:33Et je vous dirais qu'ils veulent qu'on s'arrache.
07:36Ils en ont marre.
07:38Et je dirais qu'un grand Guitry, c'est merveilleux,
07:41que Clouseau, avec Jouvet, « Quai des Orfèvres »,
07:45ça va leur sembler Zarbis aux jeunes.
07:48Mais voilà ce que je vous dirais.
07:50J'ai beaucoup aimé passer ce moment avec vous
07:52parce que vous êtes comme le film de Niclou.
07:55Vous parlez peu, mais ça parle.
07:58À très bientôt.

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