Le 24 février prochain marquera la première année de l'invasion russe en Ukraine. Etat des armées russe et ukrainienne, espoirs de voir cette guerre s'arrête, jusqu'au-boutisme de Vladimir Poutine ou encore évolution de la position d'Emmanuel Macron... François Clemenceau, rédacteur en chef International du JDD revient sur ce conflit qui a bouleversé l'Europe.
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00:00 Il y aura un moment, tôt ou tard, où il faudra se poser les questions de comment faire en
00:04 sorte qu'il n'y ait plus jamais d'agressions russes sur le sol européen.
00:07 Au départ, c'est vrai que personne n'imaginait sérieusement que l'Ukraine serait capable
00:18 de résister aussi longtemps.
00:19 Lorsque l'armée russe envahit l'Ukraine, tout le monde pense effectivement que ce sera
00:24 une question de jours, peut-être de semaines, mais qu'en tout cas, la disproportion des
00:28 moyens est telle que l'avantage est clairement à l'armée russe.
00:31 Les seuls qui pouvaient déceler une capacité des Ukrainiens à résister sur la longueur,
00:37 ce sont les Britanniques.
00:38 Pourquoi ? Parce que depuis 2014, ils ont veillé à équiper, entraîner, financer
00:46 l'armée ukrainienne pour en faire une armée moderne, une armée à l'occidentale, qui
00:51 rompt avec la pratique de l'époque soviétique et qui est capable d'être plus agile, plus
00:56 audacieuse, plus performante, plus moderne aussi en termes d'utilisation par exemple
01:01 des réseaux numériques et des outils de la cyberguerre.
01:03 Et c'est ça qui va permettre finalement aux Ukrainiens de résister partout et longtemps.
01:08 Alors évidemment, il y a des territoires qui ont été pris par les Russes, on l'a
01:12 vu, jusqu'à l'été, mais pas suffisamment pour que la domination russe sur l'Ukraine
01:18 soit non seulement totale, mais suffisante pour pouvoir négocier.
01:21 Et donc, c'est ce qui va permettre à l'armée ukrainienne, à partir de l'été, d'entamer
01:26 sa contre-offensive et on a vu avec quel succès.
01:28 L'armée russe, on l'a tous constaté, elle n'est pas du tout à la hauteur des
01:36 performances qu'on aurait pu attendre d'elle.
01:38 Pourquoi ? Parce que oui, il y a de la masse, oui il y a des effectifs, mais en même temps
01:43 il y a des carences.
01:45 Carences dans le commandement.
01:46 Il n'y a pas suffisamment d'officiers d'état-major présents, il n'y a pas d'état-major de
01:51 cette opération spéciale sur place pour pouvoir encadrer et planifier les opérations,
01:56 il n'y a pas non plus de commandement intermédiaire en nombre suffisant, ce qu'on appelle chez
02:00 nous des sous-officiers capables d'entraîner et de motiver les troupes.
02:03 Et donc, si vous ajoutez à cela le fait que cette armée russe, on l'a vu dès le départ,
02:07 était quand même mal équipée, mal préparée, avec une utilisation de matériel un peu hybride,
02:13 soit des matériels ultra modernes, trop sophistiqués pour une guerre comme ça, soit des matériels
02:18 dépassés et donc imprécis et qui contribueront notamment à ce qu'il y ait de graves chiffres
02:24 de victimes civiles en Ukraine.
02:26 Poutine, c'est un point d'interrogation.
02:28 Si on s'en tient uniquement à ses discours, il a le temps pour lui, il estime que la russification
02:34 de l'Ukraine prendra le temps qu'il faut, mais qu'il y mettra tous les moyens.
02:37 C'est ce qu'il dit, c'est ce qu'il a promis et on va voir s'il est capable de tenir cette
02:41 promesse dans un délai qui ne soit quand même pas insupportablement long pour les
02:46 russes, parce qu'on a vu que certes l'économie russe est assez résiliente, mais l'opinion
02:50 publique en Russie pourrait se fatiguer plus vite qu'on ne le croit.
02:52 C'est ce qu'on appelle la théorie du conflit gelé et les russes sont passés maîtres
03:02 dans cet art-là.
03:03 Vous le voyez aujourd'hui en Transnistrie, c'est-à-dire en Moldavie, avec des russes
03:07 qui sont toujours là depuis l'époque soviétique, avec de quoi menacer ou intimider ou en tout
03:13 cas bloquer toute tentative de réunification de la Moldavie.
03:17 On le voit en Géorgie où depuis 2008, que ce soit en Ossétie ou en Abkhazie, les troupes
03:22 russes sont là.
03:23 Elles ont pris 20% du territoire de la Géorgie et c'est resté en l'état.
03:26 Il n'y a pas de libération de la Géorgie aujourd'hui dans ces frontières de 1991.
03:30 Et en Ukraine, c'est pareil.
03:32 Parce que si vous regardez le Donbass, 2014-2023, ça fait 9 ans aujourd'hui que cette situation
03:39 n'est pas figée.
03:40 Le front a un peu évolué depuis février dernier, mais tout de même, les russes n'ont
03:44 pas pris la totalité du Donbass.
03:45 Ils ont certes la Crimée, mais on voit bien aussi que la Crimée est à portée de missiles
03:49 de la part des Ukrainiens.
03:50 Il a tout fait pour convaincre Poutine de ne pas se livrer à cette offensive contre
04:00 l'Ukraine et il a échoué.
04:02 Et il le reconnaît lui-même.
04:03 Il n'était pas naïf, il a tenté le tout pour le tout et il fallait sans doute le faire.
04:07 Il était en plus à cette époque-là président de l'Union européenne, dans cette présidence
04:11 tournante et donc au nom des Européens, il est allé essayer de convaincre Poutine de
04:15 ne pas agresser l'Ukraine.
04:18 À partir du moment où il a échoué diplomatiquement avec Poutine, il a quand même malgré tout
04:22 essayé de faire en sorte d'éviter le pire dans cette guerre, c'est-à-dire que Zaporizhia
04:27 par exemple devienne l'équivalent de ce qu'a été Tchernobyl en pleine guerre, un danger
04:33 nucléaire pour toutes les populations d'Europe centrale.
04:35 Et puis il a essayé aussi de contribuer à faire libérer les céréales d'Ukraine pour
04:40 pouvoir nourrir le reste de la planète, dans la mesure où l'Ukraine était l'un des
04:43 plus grands producteurs de céréales au monde.
04:46 Ça, c'est réussi.
04:47 Est-ce que ça veut dire pour autant qu'il a convaincu Poutine d'arrêter la guerre ?
04:50 Non.
04:51 Et c'est là où, dans son amitié, sa complicité avec Zelensky, il n'y a pas de si grave différent
04:58 que ça entre les deux hommes.
05:00 Zelensky a fini par comprendre que Macron, bien sûr qu'avec ses petites phrases malhabiles,
05:05 maladroites, peut-être pas au bon moment, a gassé, mais dans le même temps, tout le
05:09 monde le sait.
05:10 Il y aura un moment, tôt ou tard, où il faudra se poser les questions de comment faire en
05:14 sorte qu'il n'y ait plus jamais d'agressions russes sur le sol européen, quels sont les
05:18 gages qu'il faudra donner à l'Ukraine.
05:19 Cette réflexion, si on ne l'a pas dès à présent, on perd la capacité de savoir jusqu'où
05:25 on peut aller.
05:26 Et donc, Macron, il a évolué, mais on ne peut pas dire qu'il a changé d'avis à 180°,
05:32 ça n'est pas vrai.
05:33 En fait, tous les pays voisins de la Russie se sentent menacés.
05:41 Pas seulement l'Ukraine, mais on l'a vu depuis 2008, à partir du moment où la Russie
05:47 a été capable d'envahir une partie de la Géorgie, tout le monde, à partir de ce moment-là,
05:52 a pensé qu'il était le prochain sur la liste.
05:54 Aujourd'hui, la Moldavie pense qu'elle est la prochaine cible de Poutine.
05:57 Mais vous avez aujourd'hui tous les autres pays frontaliers, et notamment les pays baltes,
06:02 bien sûr la Pologne, qui pensent que Poutine reste une menace très sérieuse pour leur
06:07 propre stabilité.
06:09 Heureusement pour eux, ils font partie de l'OTAN.
06:11 Ils savent que l'article 5, qui détermine la solidarité de l'Alliance Atlantique,
06:16 jouera en leur faveur si jamais les Russes ne bougent que d'un seul centimètre au-delà
06:20 de leur propre frontière.
06:21 Ça, c'est l'assurance-vie de ces pays-là.
06:23 Mais ça ne veut pas dire que le danger est totalement écarté.
06:26 Et c'est pour ça que vous avez ces mesures de réassurance qui sont faites par les pays
06:30 de l'OTAN, et notamment par la France, dans les pays baltes et en Roumanie, pour pouvoir
06:36 dissuader l'armée russe de pouvoir tenter de déstabiliser ou même d'agresser ces pays
06:41 sur le plan frontalier.
06:42 Ce qui se passe en ce moment dans le Donbass, c'est à la fois une forme d'intensification
06:53 de ce qui s'est passé précédemment.
06:54 On avait l'impression que le front stagnait, que c'était une sorte de boucherie.
06:57 On a évoqué la comparaison avec Verdun.
07:00 Tout ça est vrai.
07:01 Mais le fait que depuis quelques semaines, cette armée russe soit mieux organisée,
07:06 qu'elle soit capable d'envoyer davantage d'hommes sur le front, parfois de façon absolument
07:11 surréaliste, en fait, pour déterminer où sont les pièges, où sont les mines, où
07:15 sont les positions ukrainiennes, c'est très consommateur de vie humaine.
07:20 Mais en même temps, ça permet aux Russes de progresser kilomètre par kilomètre.
07:23 Pas des centaines de kilomètres carrés, pour l'instant des dizaines.
07:27 Mais oui, ça fait partie de cette contre-offensive russe annoncée depuis l'automne par les
07:32 Ukrainiens et qui est en train de se réaliser pour l'instant dans le Donbass.
07:36 Et on va voir si elle est capable de s'imaginer, de s'inventer autrement, soit à partir du
07:41 nord, c'est-à-dire via la Biélorussie, vers Kiev, soit dans le sud, pour après avoir
07:48 quitté Kherson, tenter d'y revenir et par là même d'accentuer le front sud de l'Ukraine.
07:54 C'est ça que je veux dire.
07:55 C'est ça que je veux dire.
07:56 C'est ça que je veux dire.
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08:03 C'est ça que je veux dire.