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Transcription
00:00 Pour ce plateau, Guillaume Lascon, Jariaz, bonjour !
00:02 Bonjour.
00:03 Merci d'avoir accepté notre invitation, vous êtes historien militaire, professeur
00:06 à Paris-Sorbonne et ancien chercheur à l'OTAN.
00:08 On va essayer de prendre un peu de recul avec vous.
00:10 Le constat, non après, c'est que Vladimir Poutine n'a évidemment pas atteint ses objectifs.
00:15 Quels ont été ses principales erreurs selon vous ?
00:18 Ah pfff.
00:19 Vaste programme.
00:20 Effectivement.
00:21 Alors déjà à mon avis, trois erreurs.
00:22 La première, c'est d'avoir sous-estimé la capacité de résistance des Ukrainiens.
00:28 Très clairement.
00:30 Il pensait que les forces russes allaient être accueillies en héros.
00:31 Alors, ça c'est peut-être une autre dimension.
00:34 C'est-à-dire qu'il s'est probablement inventé un discours sur l'Ukraine, qui étaient les
00:40 Ukrainiens, le lien particulier qui unit l'Ukraine à la Russie.
00:44 Et cette dimension historique s'est révélée en fait totalement fausse parce que tout simplement
00:49 l'Ukraine s'est séparée de l'Union Soviétique il y a longtemps et que la nouvelle génération
00:53 n'est plus l'ancienne.
00:54 Et que malgré les liens, malgré les attaches familiales et tout ça, ce lien qui a permis
01:00 en fait la résistance ukrainienne n'avait pas été saisi et je pense que c'est le premier
01:05 biais.
01:06 Le deuxième, c'est d'avoir sur-estimé son armée.
01:09 Et là on vient à deux travers.
01:11 C'est une espèce de culture du mensonge institutionnalisé dans l'armée russe qui fait que probablement
01:17 il n'y a pas, outre la corruption généralisée, il n'y a pas de culture du compte-rendu.
01:22 On ne dit pas à ses chefs la vérité, on leur dit ce qu'ils souhaitent entendre.
01:26 Et donc ce niveau de mensonge remonte probablement jusqu'au plus haut niveau de l'état et
01:31 donc il y a eu cet effet de surprise.
01:33 Puis la troisième chose, c'est que l'effet de rapidité et de vélocité dans lequel il
01:40 s'était lancé, donc une opération spéciale militaire de trois jours qui débouche sur
01:44 un conflit d'une année, c'est tout simplement parce que probablement il a voulu voir trop
01:49 grand la première erreur qu'il a faite ayant été de disperser ses troupes sur quasiment
01:55 sept axes de manœuvre, ce qui était pour une petite force offensive possible sur un
02:01 seul axe, s'est révélé absolument ultra dimensionnant pour la même force mais divisée
02:08 sur cet axe.
02:09 Et donc il y a cet échec et donc cette transformation véritablement de la guerre après quelques
02:16 conquêtes quand même.
02:17 On peut voir qu'encore aujourd'hui, 20% du théâtre ukrainien et du pays qui est
02:21 l'Ukraine est occupé.
02:22 Ce sont les dernières estimations, entre 15 et 20% c'est ça ?
02:25 Alors ça va entre 15 et 20%.
02:26 Une partie l'est en fait depuis 2014 et là encore il faut bien le rappeler.
02:30 La Crimée et une partie du Donbass.
02:32 Bien sûr.
02:33 Et ce que nous voyons en fait aujourd'hui n'est guère que la continuation de ce qui
02:35 s'est passé depuis 2014.
02:37 2022 n'existerait pas s'il n'y avait pas eu 2014.
02:40 La guerre dans laquelle les Ukrainiens sont, c'est pas une guerre d'une année, c'est
02:44 une guerre d'une année plus les 8 années qui ont précédé.
02:48 Oui c'est important de l'expliquer aussi.
02:50 Pourquoi sur France 24 on ne vous écrit pas un an de guerre ? Puisque la guerre en
02:53 fait elle a commencé en 2014 avec l'annexion de la Crimée.
02:56 C'est toujours important de le préciser.
02:59 C'est donc une journée ultra symbolique.
03:01 Mais l'une des informations à retenir c'est donc cette livraison par Varsovie de
03:05 ses premiers chars Léopard à l'Ukraine.
03:07 Ça va changer quoi rapidement sur le terrain ? Ça va changer quelque chose ?
03:10 Alors ça peut, oui.
03:12 Il peut y avoir un effet tactique et symbolique aussi de la livraison de chars.
03:18 Mais il faut bien rappeler quand même trois choses.
03:20 D'abord, livrer des chars, c'est pas en livrer une poignée.
03:23 C'est en livrer beaucoup.
03:25 Un escadron ?
03:26 C'est même pas plus qu'un escadron.
03:27 C'est à dire que littéralement si on en livre, et selon les spécialistes, il faudrait
03:32 entre 250 et 300 machines modernes pour véritablement atteindre au niveau de ce qu'on appelle un
03:38 game changer, c'est à dire un niveau de transformation conséquent qui permette de transformer et
03:44 d'obtenir un véritable effet stratégique sur le terrain.
03:48 Donc déjà...
03:49 On rappelle qu'un escadron c'est 14 chars, donc il faudrait quoi ? 20 escadrons ?
03:52 Il faudrait en réalité l'équivalent d'une grosse brigade de chars.
03:57 Et la deuxième chose c'est que livrer des chars c'est bien, mais un char tout seul dans
04:01 l'environnement ultra létal du champ de bataille, il ne sert à rien s'il n'est pas entouré
04:06 ou survolé par des drones, accompagné de véhicules d'infanterie, s'il n'y a pas de
04:10 véhicules de génie qui permettent de déminer devant.
04:14 Bref, un char tout seul c'est une carcasse.
04:17 Quand il est bien entouré, quand il est capable de manœuvrer et donc d'exploiter derrière,
04:22 ça devient un outil effectivement très efficace.
04:25 Puis la troisième chose c'est que un char moderne c'est aussi la complexité d'un système
04:30 de commandement latéral, horizontal, vertical, dans toutes les dimensions.
04:34 Ce qui veut donc dire qu'il faut aussi penser que ce système là, il va devoir le rattacher
04:41 à un système de maintenance qui lui est extrêmement compliqué.
04:44 Si ces chars là, il faut les remettre en condition, où les remettre-t-on en condition ?
04:49 Probablement pas en Ukraine, mais à nouveau en Pologne ou plus loin.
04:53 Quid du coup de cette contre-offensive annoncée par Volodymyr Zelensky ? Elle est crédible selon vous ?
04:57 Alors, elle est crédible, oui, mais pourquoi pas ? Mais la question c'est quand ?
05:01 On a bientôt, dans quelques semaines, on va à nouveau avoir le temps de la boue,
05:06 la fameuse Raspoutinitsa, qui va à nouveau geler pendant 3-4 semaines à peu près,
05:13 le temps que les conditions météorologiques s'améliorent, qui va geler les combats.
05:17 Ça peut permettre justement plusieurs choses.
05:19 D'abord de stabiliser à nouveau la ligne de front, mais qui veut dire, dans les deux
05:24 cas, pour renforcer les défenses.
05:26 Pour les Ukrainiens, ça peut leur permettre d'arriver au niveau de constituer les troupes
05:31 de manœuvre dont ils ont besoin, et on sait qu'en ce moment, ils montent et ils créent
05:35 de nouvelles brigades.
05:36 Ils élargissent aussi le spectre de la conscription, donc pour être capable sans doute de retirer
05:40 certaines troupes, d'en former d'autres.
05:43 Par exemple, de faire roquer des troupes de secteur qui sont plus calmes vers d'autres
05:46 qui seront destinées à l'offensive.
05:48 Et puis, il faut là encore deux autres choses.
05:50 Il faut la totalité de la manœuvre logistique, et puis il faut un encadrement militaire,
05:57 une capacité de planification et de conduite des opérations.
05:59 Tout ça, c'est compliqué, et même si ça a lieu, il faut que ça puisse déboucher.
06:04 Si, comme le disait Lenski, on peut le COT sur la fin de la guerre, il faut que d'abord
06:09 il y ait une vraie victoire.
06:10 Merci beaucoup Guillaume Lasconjaria d'avoir répondu à nos questions aujourd'hui.

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