Ukraine, un an de guerre: le procureur général d'Ukraine, Andriy Kostin, en charge de l'enquête sur les crimes de guerre, répond à BFMTV

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Andry Kostin, procureur général d'Ukraine, explique ce vendredi soir au micro de Jean-Baptiste Boursier sur BFMTV comment il enquête sur les crimes de guerre dans son pays.

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Transcript
00:00 Monsieur le procureur, merci d'être avec nous.
00:02 Le monde entier connaît malheureusement aujourd'hui les noms de Butcha,
00:05 les noms d'Irpin, les noms de Mariupol.
00:07 Combien d'autres villes ukrainiennes
00:09 qui ne sont pas connues sont aussi concernées par ces crimes ?
00:12 Depuis le début de la guerre,
00:18 beaucoup de villes en Ukraine ont été victimes
00:21 et témoins de crimes de guerre commis par les Russes
00:24 et d'autres nationalités que les Russes ont emmenées avec eux
00:28 sur le territoire ukrainien.
00:30 Le 1er avril,
00:36 le monde entier a vu ce qui s'est passé
00:38 dans les villes comme Butcha,
00:41 Irpin,
00:43 Wurzel,
00:45 Borodienka.
00:47 Dans ces villes, il y a eu tout ce que l'on peut imaginer.
00:50 Des pillages,
00:52 des viols,
00:54 des meurtres
00:56 et des tortures de civils.
00:58 Tout l'éventail de ce que l'on peut voir
01:01 quand on parle de crimes de guerre.
01:04 Quand nous avons libéré les régions de Kharkiv,
01:12 les régions de Kherson,
01:15 nous avons vu exactement les mêmes choses,
01:18 les mêmes crimes,
01:21 la même ampleur.
01:25 Maintenant, les villes comme Izum ou Kherson
01:28 sont devenues aussi connues que Butcha,
01:30 car là-bas, nous avons les mêmes crimes.
01:34 Chaque ville où les Russes mettent les pieds,
01:38 on découvre des crimes de guerre.
01:41 Et il reste encore Mariupol,
01:44 mais nous n'y avons pas accès,
01:47 donc nous ne savons pas le nombre et l'ampleur
01:50 des crimes de guerre commis dans cette ville.
01:53 En octobre dernier,
01:55 depuis que la Russie a décidé de détruire
01:57 les infrastructures civiles,
01:59 comme les centrales électriques par exemple,
02:01 chaque ville ukrainienne
02:03 est devenue une ligne de front.
02:05 Cela fait des milliers d'enquêtes,
02:07 peut-être des dizaines de milliers d'enquêtes.
02:09 Est-ce que vous avez les moyens,
02:11 seulement les moyens d'investiguer
02:13 tous ces lieux, de faire votre travail ?
02:15 Aujourd'hui, 68 000 enquêtes sont ouvertes
02:21 et nous savons que 99% de ces enquêtes
02:24 iront jusqu'au tribunal en Ukraine.
02:26 Nos tribunaux, nos procureurs,
02:30 travaillent depuis les premiers jours de la guerre.
02:32 Au sein du parquet général,
02:35 il y a un département spécial consacré
02:37 aux crimes de guerre.
02:39 Dans dix autres régions en Ukraine,
02:42 il y a aussi des départements spéciaux
02:44 où les procureurs reçoivent une formation
02:47 pour travailler sur les crimes de guerre.
02:49 Nous sommes aussi très reconnaissants
02:51 pour toute l'aide occidentale.
02:53 Nous nous rappelons bien des experts français
02:56 qui sont venus ici pour trois missions
02:58 et qui nous ont aidés à investiguer
03:00 les crimes de guerre
03:02 dans la région de Kiev et de Kharkiv.
03:04 La vice-présidente américaine Kamala Harris
03:09 a utilisé le terme de "crime contre l'humanité".
03:11 Plusieurs présidents occidentaux,
03:14 et c'est le cas d'Emmanuel Macron,
03:16 n'utilisent pas ce terme.
03:18 Nous comprenons la position
03:20 de nos amis américains
03:22 et nous pensons aussi
03:24 que maintenant,
03:26 vu l'ampleur et la quantité
03:28 des crimes de guerre sur notre territoire,
03:30 qu'ils peuvent être considérés
03:32 comme des crimes contre l'humanité.
03:34 Mais traiter de tels dossiers,
03:36 cela prend beaucoup plus de temps.
03:38 Il y en a tellement.
03:40 Et c'est ce qui nous permet
03:42 de faire un travail
03:44 de plus en plus efficace.
03:47 Donc, nous travaillons maintenant
03:49 avec nos partenaires
03:51 de la Cour pénale internationale de la Hague.
03:53 C'est dans ce sens-là
04:12 que nous travaillons
04:14 avec les partenaires
04:16 de la Cour pénale internationale de la Hague.
04:18 Malheureusement,
04:20 le président Poutine,
04:22 son vice-premier ministre
04:24 et le ministre des Affaires étrangères
04:26 ont une immunité par leur législation.
04:28 Pour pouvoir les juger,
04:30 il faudra créer un tribunal spécial
04:32 ou les juger devant un tribunal international.
04:34 Ce qui est important,
04:36 c'est qu'ils doivent être jugés
04:38 pour avoir déclenché cette guerre.
04:40 S'ils n'avaient pas déclenché cette guerre,
04:42 il n'y aurait pas 68 000 enquêtes
04:44 pour crime de guerre.
04:46 Un dernier mot.
04:48 Qu'est-ce que vous ressentez, vous,
04:50 après ces 9 ans de guerre
04:52 et un an après cette invasion
04:54 de votre pays par la Russie ?
04:56 C'est une question très difficile
05:04 car nous n'avons pas le temps
05:06 d'analyser nos sentiments, nos émotions,
05:08 tout ce qui se passe à l'intérieur de nous.
05:10 Moi, comme chaque Ukrainien,
05:12 nous sommes sur la ligne de front.
05:14 Il y a deux lignes de front.
05:16 Nos militaires qui luttent pour rétablir
05:18 l'intégrité de notre pays
05:20 et nous, les procureurs,
05:22 nous travaillons pour rétablir la justice.
05:24 Mais je vous le redis,
05:26 je n'ai pas le temps de m'écouter
05:28 et de comprendre ce que je ressens.
05:30 Merci beaucoup, monsieur le procureur.

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