• l’année dernière
Si le rideau est définitivement tombé pour San Marina et Camaïeu, un bon nombre d'enseignes françaises sont encore en redressement judiciaire. Go Sport, Kookaï, André… Aatant de boutiques qui faisaient la fierté du prêt-à-porter français et qui sont aujourd'hui dans la tourmente.

Le secteur du prêt-à-porter français traverse une crise. Du changement général de consommation à la désuétude d’un modèle économique, les raisons de la chute de ces grandes enseignes sont multiples.
Si les effets néfastes d’une pandémie internationale et de la montée des prix se sont avérés être des facteurs inévitables, certaines raisons précisément liées à l’industrie du textile sont aussi à prendre en compte, et ce depuis de nombreuses années.
Pour Fabienne Chameroy, directrice du Master métier de la mode et du textile à l’Université d’économie et de gestion d’Aix-Marseille, ces liquidations successives s’expliquent avant tout par les changements de code et de mode de consommation.
D’après l’enseignante chercheuse “si ces marques ont eu un certain succès il y a quelques années, elles ont eu depuis un souci de désirabilité auprès de leur clientèle”. Car face à un marché de la mode en constante évolution, assurer l’identité de sa marque, tout en y intégrant des nouveaux codes, reste central pour continuer d’être désiré.
Avant la période Covid déjà, renouveler sa clientèle n’était pas chose facile pour ces enseignes, et selon Fabienne Chameroy, la crise a eu un effet accélérateur. D’après elle, ces marques dont l’objectif était de multiplier les points de vente physiques, ont parfois raté le tournant de la digitalisation, souffrant d’autant plus des habitudes post-confinements.
“La vente sur internet s’est beaucoup développée ces dernières années et les maisons qui n’ont pas su suffisamment su l’utiliser sont aujourd'hui en difficulté. Et si le magasin physique reste très important, il doit être repensé de façon complémentaire à la partie digitale, notamment en lui attribuant un rôle très précis.”
Selon l'enseignante-chercheuse, qui vient de finir un travail de recherche sur la place de la boutique physique dans une stratégie de digitalisation, “l’expérience client en magasin doit désormais être différente de celle que l’on trouve sur internet ou son smartphone. Il faut lui trouver une animation particulière, en faire un lieu d'attractivité et d'accueil”. Pour exemple, elle cite les points de ventes qui sont éphémères, proposent des produits de seconde main ou à personnaliser.

Mais au-delà des modes de consommation, le phénomène de compétition est aussi à la base de la fermeture de ces enseignes. Prises en étaux entre des marques très dynamiques et des enseignes bas de gamme, ces magasins n’ont plus su trouver leur place. Approuvant l’avis de Fabienne Chameroy, Jocelyn Meire souligne la difficulté des enseignes françaises à trouver leur identité dans un marché qui se bipolarise. Pour le fondateur de Fask, un collectif de professionnels des métiers de la mode à Marseille, “tout cela évolue dans un contexte de bipolarisation entre le haut de gamme, soit le luxe, et la fast fashion. Entre les deux, il y a tout le milieu de marché, dont appartiennent ces enseignes qui ferment”. Selon lui, le modèle économique qui prévalait il y a quelques années semble se transformer. “La stratégie qui consistait à acheter en très grande quantité, très loin et pas chère, puis à revendre dans pleins de points de ventes, est en pleine révolution.” C’est pourquoi, au sein de son collectif, ils sont nombreux à croire en autre chose : le “re made in France”. Ainsi, relocaliser et donner de la capacité de production au territoire Sud est un de ses objectifs premiers de Fask. “Si la grande question reste à quel point le marché va évoluer vers davantage de made in France, celui-ci s'agrandit et les perspectives d'évolutions sont bonnes voire excellentes”.
Ainsi, malgré la fermeture consécutives de ces enseignes, et la mise en redressement judiciaire de nombreuses autres, cette dure période pour le prêt-à-porter français ne semble être qu'une transition. Avec des codes et des habitudes de consommation qui ne cesse d’évoluer, d’autres terrains de jeux s’ouvrent peu à peu pour les créateurs et professionnels de la mode marseillais.

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