Maud Bregeon, députée Renaissance des Hauts-de-Seine.
Avant, mon invitée était plutôt du genre à porter une tenue de radioprotection, un compteur Geiger à la main. Depuis qu'elle s'est lancée en politique, c'est encore elle qu'on envoie en première ligne quand il faut éteindre un incendie.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Avant, mon invitée était plutôt du genre à porter une tenue de radioprotection, un compteur Geiger à la main. Depuis qu'elle s'est lancée en politique, c'est encore elle qu'on envoie en première ligne quand il faut éteindre un incendie.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
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00:00 Avant, mon invité était plutôt du genre à porter
00:02 une tenue de radioprotection
00:04 avec un compteur Giger à la main.
00:06 Depuis qu'elle s'est lancée en politique,
00:08 c'est aussi elle qu'on en voit en première ligne
00:11 quand il faut éteindre un incendie.
00:13 Musique douce
00:15 ...
00:27 Bonjour, Maude Bréjean. -Bonjour.
00:29 -Vous disiez en lancement que vous occupiez
00:32 un poste un peu particulier chez EDF.
00:34 Vous êtes intervenue notamment en situation de crise
00:38 à Saint-Martin après le passage de l'ouragan Irma
00:40 pour rétablir le courant sur place,
00:42 mais ça, c'était pas l'essentiel de votre mission chez EDF.
00:46 -Non, l'essentiel de ma mission, c'était mon premier poste.
00:49 C'est comment vous faites en cas d'accident grave,
00:52 une tempête, un ouragan, un tremblement de terre,
00:55 pour réalimenter la centrale en eau, en air et en électricité.
00:59 Faire en sorte qu'il n'y ait pas de fonte du coeur.
01:03 -Du coeur d'une centrale nucléaire.
01:05 Vous parlez de "catastrophe nucléaire".
01:08 -C'était une unité d'intervention créée après Fukushima.
01:12 Après Fukushima, on s'est rendu compte
01:14 que les moyens disponibles sur la centrale
01:16 s'il y avait eu un gros accident,
01:18 fallait pas nécessairement compter dessus
01:20 et être en capacité d'en amener de l'extérieur.
01:23 -Vous montez une cellule de crise à quelques kilomètres.
01:26 -Comment vous montez un poste de commandement,
01:29 comment vous acheminez du matériel,
01:31 comment vous réalimentez les diesels d'ultime secours
01:34 en carburant, comment vous maintenez à bonne pression le réacteur,
01:38 comment vous remettez de l'eau dedans pour le refroidir ?
01:41 -Il faut aimer le risque pour faire ce genre de métier ?
01:44 -Il faut aimer le risque, la découverte, déjà,
01:46 parce que c'était une découverte,
01:48 le monde du nucléaire, je le connaissais pas.
01:51 Il faut aimer le contact humain,
01:53 parce que c'est un vrai travail d'équipe,
01:55 la gestion de crise, avec les techniciens,
01:58 avec les préfectures, avec les pouvoirs publics,
02:01 de façon plus générale.
02:02 Moi, j'ai beaucoup appris,
02:04 parce qu'il y a à la fois des compétences techniques
02:07 sur comment fonctionne une centrale nucléaire,
02:09 les différents matériels dont vous avez besoin,
02:12 et comment vous intervenez en gestion de crise.
02:14 Vous n'êtes pas dans du management,
02:16 vous êtes dans du commandement.
02:18 On travaillait beaucoup, notamment avec le monde des armées,
02:22 qui nous a aidés là-dessus,
02:23 car ils ont l'habitude d'intervention en situation déstructurée.
02:27 -Vous avez fait des études d'ingénieur,
02:29 mais c'est pas ce que vous vouliez faire.
02:31 Vous étiez plutôt attirée par les sciences politiques.
02:34 Pourquoi vous avez renoncé à cela ?
02:36 -Je suis d'une famille où on a toujours beaucoup parlé politique.
02:40 On a toujours beaucoup débattu.
02:42 Mes parents n'en faisaient pas, mais ils s'y intéressaient.
02:45 J'ai eu, effectivement, envie de faire des sciences politiques.
02:49 À l'époque, quand on est au lycée, on pense à Sciences Po.
02:52 Mais en fait, je suis d'une famille où, aussi,
02:55 on m'a toujours dit que l'important, c'était la sécurité de l'emploi.
02:59 J'ai une famille plutôt modeste.
03:01 Mon papa a connu des périodes de chômage dans sa vie.
03:04 -C'est pour être sûre d'avoir un job qu'il vous a dit
03:07 "faites plutôt des études d'ingénieur".
03:09 -Exactement. L'émission du Monde ouvrier m'a dit
03:12 "ingénieur, t'auras du travail, c'est la sécurité de l'emploi".
03:15 Au fond, pour moi, qui étais bonne en maths,
03:18 c'était à la fois la maîtrise du risque
03:20 et la garantie, simplement,
03:22 d'avoir un avenir professionnel stable.
03:24 -Ca ne vous a pas empêché de garder un oeil sur la politique
03:28 avec une orientation plutôt à droite,
03:30 mais votre premier engagement politique,
03:32 c'est en 2017, comme militante,
03:34 pour Emmanuel Macron dans sa campagne présidentielle.
03:37 Vous êtes devenue référente d'En Marche dans les Hauts-de-Seine,
03:41 puis tête de liste au municipal à Levallois.
03:44 Vous avez pas un peu cherché à chasser le naturel,
03:46 cette attirance vers la politique ?
03:48 Est-ce que la politique est pas revenue au galop dans votre vie ?
03:52 -Je n'ai pas cherché à la chasser.
03:54 Même, je me rappelle, durant ma prépa à Paris,
03:57 je regardais, et c'est pas une blague,
03:59 je regardais LCP, je me rappelle,
04:01 sur mon petit poste de télé catholique à l'époque.
04:04 Et effectivement, c'est revenu,
04:06 parce que c'était une période de ma vie
04:08 où j'étais installée professionnellement
04:11 et donc j'avais du temps,
04:12 et puis parce que Emmanuel Macron, tout simplement.
04:15 -On a l'impression que vous avez été un peu happée
04:18 par la politique, comme si ça venait répondre à un besoin
04:21 peut-être par votre job.
04:23 -C'est un besoin d'engagement.
04:25 Il y a quand même un lien entre le travail
04:27 qui était le mien chez EDF et celui qui est le mien en politique,
04:31 c'est la notion de service public et de service à l'autre.
04:34 EDF, le service public de l'électricité,
04:36 c'est les hommes en bleu qui sont venus vous réalimenter
04:39 le soir de la tempête de 99,
04:41 ceux qui font en sorte que vous puissiez avoir de l'électricité.
04:45 -Le besoin d'avoir du sens dans votre travail,
04:47 dans votre action quotidienne.
04:49 -Le plus petit dénominateur commun entre les deux,
04:52 c'est que ce sont des missions dans lesquelles on donne
04:55 pour les autres et dans lesquelles le service public
04:58 a sa place. -Autre date importante
05:00 dans votre engagement politique, c'est octobre 2020.
05:03 C'est une nouvelle étape.
05:05 La République En Marche décide de nommer deux femmes
05:08 venues de la société civile pour occuper les portes-paroles.
05:11 Vous décidez de tenter votre chance parmi de nombreuses candidates
05:15 et le résultat, ça donne ça.
05:18 Musique douce
05:20 -Je m'appelle Maude Bréjon, j'ai 29 ans,
05:23 je suis ingénieure dans le domaine de l'énergie spécialisée
05:26 en gestion de crise.
05:28 Musique douce
05:30 C'était un processus qui a été transparent,
05:32 avec des règles claires et connues de tous,
05:35 parce que ça montre qu'on est un mouvement
05:37 qui s'ouvre largement à la société civile
05:39 et qui prône la parité et qui se l'applique d'abord à soi-même.
05:43 -Vous l'évoquez brièvement dans cette vidéo,
05:46 mais vous avez franchi les étapes d'un casting
05:48 qui était quand même digne de la Starac,
05:51 sauf que là, c'était pour devenir porte-parole.
05:53 -De la Starac, peut-être pas.
05:55 -Il y a eu plusieurs jurys qui ont sélectionné...
05:58 -Je sais pas chanter.
05:59 Mais oui, il y a eu d'abord une vidéo qu'on a dû envoyer
06:02 pour se présenter, montrer comment on parlait devant une caméra,
06:06 et ensuite, plusieurs étapes de sélection.
06:08 -Avec des mises en condition. -Mis en scène,
06:11 comme sur un plateau de télévision,
06:13 on a posé des questions, format un peu grand jury,
06:16 et donc, il y a eu plusieurs étapes successives,
06:19 et effectivement, c'est comme ça que j'ai été recrutée.
06:22 Je crois que ce qui est extrêmement important,
06:24 dans cette étape, c'est que La République en marche,
06:27 qui n'a pas tout réussi par ailleurs,
06:29 démontre là quelque chose d'important,
06:32 c'est qu'elle a eu cette volonté, jusqu'au bout,
06:34 de faire monter des jeunes issus de la société civile.
06:37 Je me rappelle, une amie à moi, Aurélie Taquilin,
06:40 qui venait de chez LR, m'avait dit à l'époque,
06:43 "Tu sais, chez LR, on prenait notre ticket,
06:45 "puis on attendait 25 ans."
06:47 -C'est vrai que là, vous avez été propulsée
06:49 dans des fonctions porte-parole.
06:51 -Si le macronisme a bien réussi, c'est d'arriver
06:54 à mettre sur le devant de la scène des gens qui,
06:57 dans la logique de l'ancien monde, n'auraient pas dû y être.
07:00 -Pendant longtemps, vous avez été porte-parole
07:03 du parti de la majorité présidentielle,
07:05 en restant salarié de DF le jour.
07:07 Vous avez mené une double vie,
07:09 vous deviez aller sur les plateaux télé
07:11 pour défendre l'action de la majorité.
07:14 Comment vous avez survécu à ça ?
07:15 -Euh...
07:17 Au prix d'une bonne partie de ma vie personnelle.
07:19 -Oui, c'est ça. Vous n'avez plus le temps pour vous.
07:22 -Porte-parole, c'est une mission bénévole.
07:25 Il faut bien continuer à payer le loyer et les factures.
07:28 Ce qui est difficile, au fond,
07:30 c'est la gymnastique mentale que ça demande.
07:32 C'est-à-dire, la journée, vous vous occupez
07:35 des centrales du nucléaire et de la production de l'électricité.
07:38 Entre midi et deux, vous allez parler du Covid sur BFM TV,
07:41 puis vous revenez à votre travail,
07:43 et le soir, vous repartez parler d'immigration et de sécurité.
07:47 Je crois que la clé, c'est le travail.
07:49 Je me souviens, quand j'ai été nommée,
07:51 on m'a donné plusieurs conseils.
07:53 Le premier, c'était Gérald Darmanin,
07:55 qui m'a dit "tu prends un ou deux dossiers
07:58 "et tu les travailles à fond".
07:59 Le deuxième conseil, c'est de continuer à parler comme les gens
08:03 et, finalement, sois qui tu es, communique simplement.
08:06 L'authenticité, c'est important.
08:08 Le fait de venir de la société civile,
08:10 peut-être que ça le permet en partie,
08:12 pas uniquement, et les gens font que de la politique le sont.
08:16 -Vous avez presque répondu, mais on vous a formé,
08:19 on vous a donné des conseils,
08:21 avant de vous envoyer sur les plateaux des chaînes info
08:24 face à des adversaires politiques aguerris,
08:26 des journalistes politiques qui cherchaient la petite bête.
08:29 -Il y avait une équipe derrière, déjà,
08:32 qui nous a entraînés à la communication en médias
08:35 pendant quelques heures.
08:36 Comment est-ce qu'on est sur un plateau ?
08:39 La façon dont on s'exprime,
08:40 ça tient déjà beaucoup de qui on est nous-mêmes,
08:43 et puis, encore une fois, ça tient sur le travail qu'on abat.
08:47 On ne va pas en plateau sans ferrailler les dossiers,
08:51 on ne parle pas de sujets sans connaître les chiffres,
08:54 sans avoir un petit peu mûri notre réflexion.
08:57 L'objectif, c'est de ne pas être des machines
09:00 à faire des "Contrôle C, Contrôle V" d'éléments de langage.
09:04 Il faut avoir une réflexion un peu personnelle sur les choses.
09:07 C'est toujours ce que j'ai essayé de faire,
09:09 d'avoir cette approche qui est mienne,
09:12 qui tient à mon vécu, et, encore une fois,
09:14 je crois que les gens, ils cherchent la sincérité.
09:17 Ils ne sont pas forcément d'accord avec vous,
09:20 mais l'important, c'est d'être sincère.
09:22 -Quelques semaines après votre nomination,
09:25 vous êtes retrouvée face à Florian Philippot
09:27 sur le plateau de CNews.
09:29 Je vous vois rire.
09:30 Vous avez sorti une série de punchlines,
09:33 et le journal "Le Média", qui est un journal de la police,
09:36 a fait le tour du web.
09:37 Le petit extrait que vous avez posté,
09:39 on est à 1 800 000 vues sur Twitter.
09:41 On va le regarder.
09:43 -Monsieur Philippot, vous voulez qu'on parle de résultats ?
09:46 La dernière fois que vous avez été présente
09:48 aux élections européennes, vous avez fait 0,65 %.
09:51 C'est moins que le Parti animaliste.
09:53 -Moi, j'ai eu le mérite d'y aller.
09:55 Vous avez fait quoi ? -Je suis éluscitéliste
09:58 à Levalois-PRF. -Et vous avez fait quoi ?
10:00 -J'étais au 2e, on en a fait 33. -Vous avez fait quoi ?
10:03 Vous défendez quoi ? -Je suis ingénieure
10:05 dans le nucléaire. Contrairement à vous,
10:07 je ne fais pas que de la politique.
10:09 Vous êtes énergique, monsieur, pas médecin.
10:12 -Excusez-moi, je suis fils d'instituteur.
10:14 -Vous les aviez préparées, ces formules ?
10:17 Ou elles sont sorties comme ça ?
10:19 -La toute première, j'y avais pensé avant,
10:21 c'est sur le score aux européennes.
10:23 Le reste, on vient naturellement du fait de l'échange.
10:26 Je ne sais pas si je le referai aujourd'hui.
10:29 -Il y a un aplomb. -Il fallait quand même
10:31 avoir un certain aplomb. -Oui, mais en même temps,
10:34 vous parlez de rester soi-même, naturelle,
10:36 et vous dites que vous ne le referiez pas.
10:39 Vous êtes formatée ? -Je pense qu'on se formate
10:41 un peu avec le temps, il faut lutter contre ça.
10:44 Il y a une sacrée dose de provocation.
10:47 J'essaie peut-être aujourd'hui d'être un peu moins...
10:50 Voilà, d'être un peu moins dans la provocation,
10:55 mais peut-être que l'époque est comme ça aussi.
10:57 On est dans une période politique et sociétale
11:00 qui est compliquée.
11:01 Donc j'essaie davantage aujourd'hui
11:04 d'adoucir les choses... -D'arrondir les angles.
11:07 -Et d'essayer de rechercher davantage un consensus
11:09 plutôt que des provocations.
11:11 -On parlait du goût du risque à propos de votre 1er métier.
11:15 Est-ce qu'on ne retrouve pas ce goût du risque
11:17 dans ces fonctions de porte-parole,
11:19 face à des adversaires, sans savoir où on va aller ?
11:22 -Ca tient aussi de mon caractère personnel.
11:25 J'ai toujours été bagarreuse,
11:27 j'ai toujours eu un franc à parler,
11:28 j'ai toujours beaucoup été amenée à m'exprimer.
11:31 Je me souviens, quand j'étais petite,
11:33 mes parents me demandaient mon avis, j'étais écoutée.
11:36 Ca vient aussi de l'éducation.
11:38 -C'est l'heure de notre quiz, un quiz spécial porte-parole.
11:42 Trois petites questions, trois réponses rapides.
11:45 On commence.
11:47 Quel journaliste redoutez-vous le plus
11:49 en interview politique ?
11:51 Ca vient pas naturellement, la réponse ?
11:53 -Non. -Vous avez peur de personne ?
11:55 -Ca dépend plutôt des contextes que des journalistes.
11:58 J'ai fait Apolline de ma l'herbe en début de semaine.
12:01 Elle tient redoutablement. -Elle est coriace.
12:03 -Quel adversaire politique, justement,
12:06 est le plus coriace ? -Je sais pas.
12:08 Ca dépend des moments. Moi, je trouve qu'avec...
12:11 -Il faut une réponse. -Avec l'ANUPS et le RN,
12:13 au fond, on a des divergences qui sont tellement flagrantes
12:16 et qui sont tellement visibles
12:18 que le téléspectateur, à mon avis,
12:20 se fait assez facilement une opinion sur ce que dit l'inquiétude.
12:24 -Pour 2027, vous êtes plutôt Bruno Le Maire,
12:27 Gérald Darmanin ou Edouard Philippe ?
12:29 Je veux pas de langue de bois. -Emmanuel Macron.
12:31 -C'est pas possible. Vous le savez, c'est de la langue de bois.
12:35 Bon...
12:36 -Ca n'a pas de sens, de répondre à ça, maintenant.
12:39 Ca n'a pas de sens. On fait passer une réforme des retraites.
12:42 Je crois que... Et puis, moi, je fais de la politique
12:45 depuis pas très longtemps. Je sais même pas si je le ferai.
12:48 -C'est vrai ? -J'en sais rien.
12:50 -Bon, on suivra ça. -Ouais.
12:52 -Merci beaucoup, Maude Bréjon, d'être venue dans "La politique et moi".
12:56 -Merci.
12:57 Générique
12:59 ...