À 21 ans, Josepha est oculariste : elle fabrique des prothèses oculaires

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Quand je fais une prothèse pour quelqu’un, je m’investis dans sa vie.” Comme son père, qui lui a transmis son savoir-faire, Josepha est oculariste. Elle fabrique des prothèses oculaires pour les personnes ayant perdu un œil.
Transcript
00:00 C'est vraiment une œuvre d'art. En tout cas, moi, je le dis à mes patients comme ça, je leur dis,
00:02 c'est une œuvre d'art que vous avez dans l'œil.
00:04 C'est pas n'importe quoi, c'est une œuvre d'art.
00:06 C'est impressionnant, c'est pas commun.
00:08 Et du coup, j'en suis venue à expliquer mon métier et ça a bien marché.
00:12 Et maintenant, je passe pour la meuf aux yeux.
00:15 Je m'appelle Josépha, j'ai 21 ans et je suis oculariste.
00:18 Un oculariste, c'est un fabricant, un adaptateur de prothèses oculaires
00:21 pour les personnes à qui il manque un œil.
00:23 On peut avoir des enfants, des bébés, qui viennent à peine de naître
00:26 ou on peut avoir très âgés parce que les accidents domestiques,
00:30 les accidents du quotidien peuvent arriver, mais aussi tout ce qui est maladie,
00:33 une tumeur qui est vue du jour au lendemain.
00:36 Alors, ici, on retrouve principalement, donc déjà, la partie couleur.
00:40 En fait, c'est en plusieurs étapes. On fait d'abord la couleur,
00:44 ensuite un peu de polissage, ensuite de la cuisson,
00:46 puis re de la couleur pour le maquillage des vaisseaux.
00:50 Pour réaliser une prothèse complète, on va dire, c'est entre, selon les formes,
00:53 le temps de la couleur, tout ça, c'est entre 6 à 10 heures.
00:56 Pour pouvoir faire une belle iris, une belle couleur,
01:00 il faut avoir quand même un peu de fibre artistique en soi.
01:03 En fait, on vient peindre par l'arrière, sur des petits palais,
01:06 là, on vient faire la définition.
01:08 Le but sur des palais comme ça, c'est de donner de la profondeur au regard,
01:12 alors que c'est de la peinture.
01:14 Ça, c'est la partie assez difficile.
01:19 Là, on voit qu'elle sort du cuisson, il y a un transparent qui a été coulé.
01:23 Ça, c'est le transparent final.
01:24 Je laisse du coup à la polir.
01:25 On va venir casser, bon, déjà, les bords en trop.
01:28 Attention, ça blesse.
01:30 Et après, on va venir au polissage, vraiment la polir,
01:33 donner le brillant, parce que là, si je laissais à quelqu'un dans l'œil comme ça,
01:36 il va faire des ronds.
01:37 Quand on nous dit, heureusement que vous êtes là, je suis là, merci beaucoup,
01:41 parce que derrière, vous ne voyez pas, mais tout ce qui est forme,
01:43 tout ce qui est couleur, il faut beaucoup de patience et beaucoup d'application.
01:47 Vraiment, quand je fais une prothèse pour quelqu'un, je m'investis dans sa vie,
01:50 parce que je me dis, ce que je vais réaliser, moi, il va le porter tous les jours.
01:53 Donc, il faut que je sois assez compétente pour vraiment leur faire assumer
01:58 de porter ce que j'ai réalisé pour eux.
01:59 Là, on a le visage fini.
02:01 En fait, à partir du moment où on fait un iris pour chaque personne qui est unique,
02:06 je me dis que c'est vraiment une œuvre d'art.
02:07 En tout cas, je me dis à mes patients comme ça, je leur dis,
02:09 c'est une œuvre d'art que vous avez dans l'œil.
02:11 Ce n'est pas n'importe quoi, c'est une œuvre d'art.
02:13 Que ce soit le vaisseau ou le jaune qui est placé dans la sclère de l'œil,
02:18 le blanc de l'œil, ou la moindre petite éclaircie qu'il y a dans l'iris,
02:22 tout est pensé, tout est fait pour vous.
02:24 Donc, c'est un tableau.
02:26 Il n'y a pas forcément d'études, c'est plutôt un métier qui s'apprend sur le tas.
02:30 Un oculariste va en former un autre pour le remplacer ou pour travailler avec lui.
02:35 Depuis petite, je réalisais des prothèses d'oculaire avec ma grand-mère ou avec mon père.
02:41 C'est un peu comme si j'étais née dedans.
02:42 Papa qui nous prenait avec lui des fois en consultation,
02:44 il me disait "Voilà mes filles, peut-être que ce sera ma relève".
02:48 Moi j'avais 10 ans, je jouais avec les patients dans la salle d'attente.
02:51 Et comme c'est un métier familial, j'ai rejoint la lignée d'oculariste.
02:56 Quand on voit une petite différence, on est emmené à regarder.
02:59 Sauf qu'au bout d'un moment, pour la personne qui le vit,
03:01 c'est compliqué de toujours être regardé, de toujours pouvoir expliquer.
03:04 J'avais une jeune fille qui me disait en soirée "J'avais l'œil abîmé".
03:08 Et à chaque fois, c'était toujours "Qu'est-ce que t'as à l'œil ?"
03:10 Sans être indiscret, "Qu'est-ce que t'as à l'œil ? Qu'est-ce qui t'est arrivé ?"
03:13 À chaque fois, ça me saoule de raconter mon histoire.
03:16 Il y a des patients qui vont bien réagir et qui sont habitués.
03:19 Si je peux dire vraiment depuis petit, avoir une prothèse a évolué.
03:23 Et il y a ceux pour qui c'est vraiment un drame,
03:25 qui me disent qu'ils n'auraient préféré pas me rencontrer, ce que je comprends.
03:28 Mais je suis là derrière à leur dire que je suis un peu le carrossier après l'opération.
03:36 Tu vas être la personne qui va vous aider à retrouver un regard
03:39 et à faire que vous oubliez un tout petit peu,
03:42 quand vous regardez dans le miroir, ce qui vous est arrivé.
03:45 [Générique de fin]
03:47 [SILENCE]

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