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mūsae et Moodmood s'associent pour lancer le 1er mouvement de parole qui dédramatise la santé mentale

Nous avons reçu Victoire Dauxerre, actrice, ancienne mannequin et autrice du livre "Jamais assez maigre". Dans cette première partie d'interview elle s'est livrée sur les dérives du monde de la mode, le monopole de la maigreur et la déshumanisation des mannequins. Tout ce qui l'a poussé à développer des troubles du comportement alimentaire, jusqu'à une tentative de suicide.

➡️ Si vous avez des pensées suicidaires, appelez le numéro national prévention suicide au 31 14.

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Video by Agnès Sanso
Production Jade Himbert
Direction et journaliste Christelle Tissot
Directrice artistique Siobhan Keane

Transcription
00:00 Bonjour, je m'appelle Victoire Doxère, je suis comédienne et autrice du livre "Jamais assez maigre"
00:05 qui dénonce les dictats de la maigreur dans le milieu de la mode.
00:08 J'ai écrit ce livre qui a été publié en 2016 parce que j'étais mannequin lorsque j'avais 17-18 ans
00:13 et j'ai sombré dans l'anorexie à ce moment-là parce qu'en fait je rêvais pas du tout de faire ce milieu-là
00:19 mais j'ai été repérée dans la rue quand j'avais 17 ans, je passais mon bac
00:23 et on m'a demandé de rentrer dans une taille 32 alors que je fais 1m78
00:29 et j'ai donc dû perdre énormément de poids pour répondre aux critères de beauté
00:34 et j'ai voulu dénoncer tout ce qui se passe là-dedans, tous les abus, qu'ils soient financiers, émotionnels, physiques
00:42 pour que toutes les jeunes filles qui s'identifient au monde de la mode ne croient pas au milieu du rêve
00:48 et tout ce qu'on nous fait croire parce que derrière les paillettes malheureusement
00:51 il y a beaucoup de malheurs et beaucoup de destructions
00:54 et ensuite ça prend aussi beaucoup de temps effectivement de se reconstruire
00:57 parce que ça peut faire rêver de penser que correspondre à cet idéal c'est beau et magique
01:04 alors qu'en fait moi j'ai fini en hôpital psychiatrique après une tentative de suicide
01:09 simplement pour correspondre à cet idéal et on pense aussi que c'est un choix parfois ou une faiblesse
01:18 ou juste pour correspondre à quelque chose ou que c'est une maladie superficielle
01:24 alors que l'anorexie c'est une maladie mentale donc c'est jamais un choix, c'est jamais une faiblesse
01:29 c'est quelque chose qui nous arrive malgré nous, c'est à dire que moi par exemple j'ai commencé à faire un simple régime
01:35 et ensuite j'entendais vraiment cette petite voix dans ma tête que j'appelle la salope dans mon livre
01:39 parce que c'est comme si j'avais une doux personnalité
01:42 et c'est à dire que je savais que ce n'était pas sain de me restreindre mais c'était impossible de faire autrement
01:50 et j'avais une peur constante, une anxiété et je ne pouvais pas me retenir de faire autrement
01:56 parce que j'avais peur sans arrêt et au départ c'était mes bookers, donc les agents qui m'encouragent
02:01 c'est à dire que dès que je revenais dans l'agence on m'applaudissait dès que j'avais perdu du poids
02:06 j'étais prise à de plus en plus de défilés, le plus maigre j'étais, le plus je travaillais
02:11 et donc forcément c'était hyper insidieux mais ça m'encouragait d'aller dans cette voie
02:17 et maintenant c'est ce qu'on voit de plus en plus aussi avec les réseaux sociaux
02:20 parce qu'il y a cette incitation à la comparaison aussi
02:23 et donc on n'est jamais heureuse finalement dans son corps, on se compare aux autres etc
02:27 et donc c'est très difficile de sortir de ça
02:30 et c'est pour ça qu'aujourd'hui je travaille, je milite j'allais dire pour le non-jugement c'est sûr
02:36 et la bienveillance parce qu'on peut toutes ne pas s'aimer pour quelque chose
02:41 et on renvoie aussi une image très différente de ce qu'on ressent à l'intérieur
02:46 j'ai jamais rencontré une mannequin qui se sentait bien dans sa peau
02:49 c'est à dire que moi par exemple je pouvais renvoyer de l'extérieur une soi-disant image de perfection
02:55 lorsque j'étais mannequin parce que je correspondais à ces idéaux de beauté, à une maigreur extrême
03:00 je rentrais dans ce fameux 32 et donc j'étais soi-disant parfaite
03:04 et de l'extérieur d'ailleurs on me disait "t'es prise à tous les défilés, t'es parfaite, tu corresponds à tout"
03:09 mais moi j'ai jamais été aussi malheureuse et j'ai jamais été aussi mal dans ma peau
03:13 et je voyais du gras partout et parce que c'est ce qu'on appelle d'ailleurs la dysmorphophobie
03:17 c'est à dire qu'on se voit bien plus grosse qu'on est, j'avais l'impression d'avoir des bourrelets partout
03:24 et plus je maigrissais, plus je me trouvais grosse
03:26 et donc il y avait ce truc où moi je me détestais, j'avais une estime de moi qui n'arrêtait pas de se détériorer
03:31 et donc si par exemple quelqu'un pouvait me dire "ah mais t'es belle" ou etc
03:34 je disais "mais pas du tout, j'ai tel ou tel défaut"
03:36 et parce que dans la mode de toute façon on ne nous trouvait que des défauts
03:40 il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas
03:42 d'ailleurs on est photoshopés en permanence
03:44 donc c'est à dire que je maigrissais et pour les défilés c'était très bien
03:47 parce qu'il faut être seulement un porte-manteau
03:49 mais pour les photoshoot ensuite on allait me rajouter de la poitrine, me rajouter des joues
03:54 gommer telle ou telle partie
03:55 ou ça pouvait être par exemple les jambes d'une mannequin, le buste d'une autre, le visage d'une troisième
04:00 donc tout est faux
04:01 mais ensuite, ça c'est ce qui est terrible je trouve dans le rapport entre femmes
04:06 les mannequins peuvent apparaître comme une menace pour certaines autres femmes
04:10 alors qu'elles se détestent déjà elles-mêmes
04:13 et donc il y a ce truc de "ah bah elle, elle est belle, on va pas l'aimer ou la rabaisser"
04:18 mais elles se détestent déjà elles-mêmes
04:20 et il y a beaucoup ce truc je trouve entre femmes de...
04:23 encore une fois, on revient à ce truc de comparaison sur les réseaux sociaux
04:26 où il faudrait plutôt admirer chez les autres ce qu'on n'a pas
04:30 mais ça revient pas forcément au physique, c'est comme pour tout
04:33 c'est plutôt valoriser l'unicité de chacun
04:36 et les qualités et ce que quelqu'un d'autre a qu'on n'a pas
04:40 c'est plutôt, oui, quelque chose à valoriser, à encourager et à ne pas prendre comme une menace pour nous
04:46 mais ça c'est un truc de la société de toute façon d'essayer de nous monter tous les uns contre les autres
04:51 aux Etats-Unis, il y avait moins de maigreurs
04:53 la maigreur est la pire en France
04:55 parce que la haute couture, c'est quand même vraiment le truc des grandes maisons françaises
05:00 parce qu'aux Etats-Unis, ils ont aussi des trucs plus commerciaux
05:02 où ils acceptent plus de formes
05:04 j'ai été refusée aux Etats-Unis parce que j'étais trop maigre
05:06 alors qu'en France, vraiment, c'est la maigreur extraordinaire
05:11 enfin, c'est ultra valorisé
05:13 et aujourd'hui, en France, il y a encore ce truc
05:16 même si toutes les marques un peu mainstream, machin, acceptent beaucoup plus la diversité, etc.
05:22 on reste dans l'extrême maigreur pour les marques françaises de haute couture
05:26 donc le terreau de la maigreur, c'est quand même Paris
05:29 moi, dans la mode, je ne me suis jamais rendue compte que quelque chose n'allait pas par rapport à mon alimentation
05:35 c'est ça qui est terrible, parce qu'on était toutes dans des troubles du comportement alimentaire
05:39 et c'est-à-dire qu'on se donnait même des trucs que je ne donnerais pas
05:42 parce qu'on finit à l'hôpital à cause de ça
05:45 mais c'est vraiment un comportement qui est encouragé
05:48 parce qu'on nous demande d'être de plus en plus maigre
05:50 moi, ce qui a été le déclic, pour m'en sortir, c'est vraiment, malheureusement, la déshumanisation
05:56 c'est ce qui a été le plus difficile pour moi
05:58 c'est-à-dire qu'on me poussait dans le dos pour avancer
06:01 on me repassait à même la peau
06:03 on me plantait des épingles dans la peau
06:07 on m'arrachait les cheveux, les ongles
06:09 mes cheveux ont mis 5 ans à repousser à cause des conséquences de l'anorexie
06:13 mais aussi parce qu'on vous met de la glue pour un défilé
06:16 et puis ensuite on vous lisse par-dessus et puis on vous crête par-dessus à un autre défilé
06:20 donc vous n'êtes pas du tout considérés comme un être humain
06:22 et je n'aimais pas du tout aussi la personne que je devenais
06:25 enfin je trouve que ça faisait naître en moi les pires sentiments et comportements
06:30 parce qu'on subissait tellement d'abus
06:32 qu'on le reproduisait aussi sur les autres
06:34 parce qu'on renvoyait la violence qu'on nous faisait subir
06:37 et donc c'est plutôt tous ces trucs-là qui m'ont permis de m'en sortir
06:41 et je pense que j'avais trop faim aussi au bout d'un moment
06:44 mais faim à tous les sens du terme
06:46 et je dis souvent ça, j'avais faim d'humanité
06:48 et donc je me suis mise à manger, manger, manger
06:50 en revanche à ne plus pouvoir m'arrêter
06:52 donc je suis vraiment passée de l'anorexie, la restriction à la boulimie
06:56 et mon corps m'a sauvée dans le sens où j'ai grossi
06:59 donc je ne pouvais plus rentrer dans les vêtements
07:01 et c'est ça qui m'a permis après de sortir de ce milieu
07:04 l'impact émotionnel, physique, psychologique, c'est très lourd
07:09 c'est pour ça d'ailleurs que j'ai voulu écrire un livre
07:11 parce que je me disais si ça peut aider au moins une personne à ne pas vivre ça
07:15 ce sera toujours ça de gagné
07:16 parce que je pense que c'est essentiel de faire de la prévention
07:19 parce que guérir de ça, c'est évidemment possible et heureusement
07:23 mais c'est long et compliqué quand même
07:26 si on peut ne pas le vivre, c'est mieux

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