Violences sexuelles, dépression et trouble borderline avec Nadège Delepine (PARTIE 1)

  • l’année dernière
TRIGGER WARNING : Ce témoignage traite de sujets comme les violences sexistes et sexuelles ainsi que le suicide qui peuvent heurter certain·es d’entre vous.

(PARTIE 1) - Pour notre série « Tu n’es pas seul·e » du mois de la santé mentale, Nadège @nadegedelepine témoigne de la place de la santé mentale à travers le sujet des violences sexuelles et de la dépression.

Nadège est journaliste et travaille dans la presse féminine depuis sa sortie d’école il y a un an. Dans cet épisode de « Tu n’es pas seul•e », on a parlé de troubles #borderline, de #slutshaming, d’hospitalisation en #hôpital #psychiatrique et de #résilience après des traumatismes subis. Elle raconte notamment comment briser le tabou et prendre la parole peut aider à se décharger de ce qui est trop lourd.

STAY TUNED pour les prochains témoignages.

Direction : @musaetomorrow
Journaliste : @christelle_tissot
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DA by : @musaetomorrow @_siobhankeane_
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#santementale #santémentale #dépression #violencessexuelles #bordernline #bipolarité #semainedelasantementale #anxiété #triggerwarning #trauma #psychiatrie
Transcription
00:00 ...
00:04 Là, il faut bien se rendre compte que c'est les mots que je mets
00:07 des années après, après une très longue thérapie.
00:10 Sur le moment, je pensais simplement que j'étais inadaptée socialement,
00:14 parce qu'il y avait quelque chose qui tournait pas rond chez moi.
00:16 Donc ça provoquait évidemment beaucoup de honte.
00:18 Et donc j'étais très mal à l'aise d'en parler.
00:21 ...
00:27 Je m'appelle Nadej, j'ai 27 ans.
00:30 Je suis originaire de Genève, en Suisse, et je suis journaliste.
00:33 Je travaille dans la presse féminine.
00:35 Je pense que ça fait énormément de mal,
00:37 le fait de pas verbaliser, en fait, quand ça ne va pas.
00:41 Moi, j'en ai beaucoup souffert tout au long de ma vie,
00:44 et donc pour moi, c'était très important d'apporter mon témoignage
00:49 pour dire que c'est OK, en fait, de pas aller bien.
00:53 Et faut pas avoir peur, en fait, de parler de ces sujets-là,
00:59 parce que ça peut aider aussi d'autres personnes
01:02 quand on partage son histoire.
01:04 Les premiers questionnements autour de ma santé mentale,
01:07 ils sont apparus très jeunes, vers l'âge de 12-13 ans,
01:12 quand je suis rentrée au collège.
01:14 J'étais une petite fille très sociable, très joyeuse,
01:18 avec beaucoup d'énergie,
01:21 qui adorait traîner avec les grands, très sûre d'elle, etc.
01:24 Et en fait, quand je suis rentrée au collège,
01:27 j'avais l'impression de plus du tout comprendre
01:30 les normes sociales qui avaient cours,
01:33 ce qui a créé, en fait, progressivement,
01:36 un très, très grand isolement.
01:39 Et donc, je me suis complètement renfermée sur moi-même,
01:42 et ça aboutit à ce que je fasse ma première dépression,
01:46 à l'âge de 13 ans.
01:48 C'était très violent, surtout à cet âge-là,
01:51 où, en fait, on sait même pas ce que c'est.
01:54 On parlait beaucoup moins de santé mentale qu'aujourd'hui.
01:57 Je savais que j'allais pas bien, je savais que c'était pas normal,
02:00 mais je savais pas comment m'en sortir, je savais pas vers qui me tourner.
02:04 Et donc, voilà.
02:05 Et donc, ça a été une constante dans mon parcours.
02:09 Aujourd'hui, j'ai 27 ans,
02:12 et y a pas un jour où le problème de la santé mentale se pose pas à moi.
02:17 Là, il faut bien se rendre compte
02:23 que c'est les mots que je mets des années après,
02:25 après une très, très longue thérapie.
02:28 Sur le moment, je pensais simplement que j'étais inadaptée socialement,
02:33 parce qu'il y avait quelque chose qui tournait pas bon chez moi.
02:35 Donc, ça provoquait évidemment beaucoup de honte,
02:39 et donc, j'étais très mal à l'aise d'en parler,
02:41 même avec les personnes avec qui j'aurais pu avoir des contacts.
02:45 Y a une amie qui traversait des épisodes un petit peu similaires aux miens,
02:51 avec qui j'ai pu me confier.
02:54 Je pense pouvoir dire sans hésitation
02:56 que je pense pas que je serais encore là si elle avait pas été là.
02:59 Je vivais avec ma maman à cette période-là,
03:03 et elle a commencé à s'inquiéter,
03:05 parce qu'elle a vu que je me suis beaucoup renfermée sur moi-même,
03:08 que je parlais plus, que je m'enfermais...
03:11 J'y lisais énormément.
03:13 C'était un petit peu, pour moi, un moyen d'échapper à la réalité.
03:17 J'y disais tout le temps, soit avec mes écouteurs dans les oreilles,
03:19 soit dans mes bouquins,
03:20 et elle s'est dit qu'il y a quelque chose qui cloche.
03:23 Donc elle en a parlé avec les enseignants de mon école,
03:27 qui, eux, n'ont pas vu le problème parce que j'avais des bonnes notes,
03:31 et que, du coup, vu que j'avais des bonnes notes,
03:33 c'était évident que ça allait.
03:34 Autrement, j'aurais été en échec scolaire, en fait, si ça n'allait pas.
03:38 Malgré ça, elle l'a pas désespérée.
03:41 Elle a dit "Non, je pense que ma fille, elle a un problème",
03:45 et on est allés consulter un pédopsychiatre,
03:50 qui était spécialisé notamment dans les thérapies familiales.
03:53 Et donc on a pu recréer un dialogue, à ce moment-là, avec ma mère,
03:58 avec mon père aussi,
04:00 et surtout, c'est la personne qui m'a accompagnée
04:04 de mes 13 ans jusqu'à mes 22 ans.
04:09 Donc pendant très, très longtemps, c'est cette personne qui m'a suivie
04:13 et qui a été en grande partie responsable de ma stabilité
04:18 tout au long de mon adolescence et du début de l'âge adulte.
04:22 La question du diagnostic, elle est extrêmement compliquée,
04:30 parce que j'ai mis de mes 13 à mes 26 ans
04:37 pour avoir un diagnostic clair et définitif.
04:41 Donc d'abord, j'ai fait une première dépression à l'âge de 13 ans,
04:46 donc j'ai été mise sous antidépresseur à cette période-là,
04:49 avec des rendez-vous très fréquents chez le psy, etc.
04:53 J'ai fait une seconde dépression vers l'âge de 16 ans,
04:56 où de nouveau, j'ai été mise sous médicament.
05:00 À peu près une année après, j'étais très instable émotionnellement
05:07 et très, très stressée par la fin du lycée, l'obtention du bac, etc.
05:12 Et à ce moment-là, on m'a diagnostiquée des troubles bipolaires.
05:16 Donc en plus des antidépresseurs,
05:17 j'ai commencé à prendre des médicaments spécifiques
05:19 pour les troubles bipolaires et pour l'anxiété,
05:22 parce que je faisais des crises d'angoisse très, très fréquemment en classe.
05:26 Dès que les profs se mettaient à parler des examens,
05:30 j'arrivais plus du tout à me contenir,
05:33 et ça relève presque de la phobie scolaire, en fait.
05:38 À la suite de ça, j'ai participé à une sorte d'étude,
05:45 justement pour diagnostiquer un petit peu
05:49 ce qui se passait dans la tête des adolescents.
05:51 Et là, on m'a posé un diagnostic de HPI, haut potentiel intellectuel,
05:57 mais c'est quelque chose que j'ai pas du tout intégré.
06:03 Pour moi, c'était quelque chose de complètement secondaire
06:06 et c'était pas vraiment un problème,
06:08 c'était une caractéristique tout au plus.
06:11 Donc je me suis pas particulièrement intéressée à ça.
06:14 Et ensuite, il a fallu une hospitalisation
06:19 en institution psychiatrique l'année dernière
06:22 pour qu'enfin je sois diagnostiquée avec des troubles borderline.
06:27 Donc c'est un trouble de l'état limite.
06:31 Grosso modo, c'est un problème de régulation émotionnelle.
06:36 Donc on ressent des émotions très, très fortes.
06:39 C'est-à-dire que quand je suis enthousiaste,
06:41 je suis complètement subjuguée par la vie, par l'existence.
06:45 Et quand ça va pas bien, je suis complètement effondrée.
06:50 La mesure est pas possible, en fait, quand on a un trouble borderline.
06:56 Même si c'est difficile d'avoir à un moment donné
06:59 une étiquette qu'on nous appose sur le front,
07:04 c'est aussi nécessaire pour mieux se comprendre et mieux se construire.
07:09 Maintenant que je sais que...
07:10 Enfin, j'aurais adoré savoir déjà à 13-14 ans
07:13 que j'avais des troubles borderline,
07:15 parce que ça aurait été tellement plus simple.
07:19 Je me serais moins posée la question de...
07:21 Mais en fait, je suis complètement timbrée de surréagir
07:25 à chaque fois que j'ai une embrouille avec quelqu'un, que...
07:30 Voilà.
07:31 C'est très compliqué.
07:32 J'ai une personnalité qui est assez originale
07:34 en dehors simplement du fait que j'ai un trouble borderline.
07:38 Raison pour laquelle, à la fois au lycée et à la fois en master,
07:43 j'ai subi beaucoup de harcèlement psychologique de mes pères
07:46 et de slut-shaming.
07:48 C'est en gros le fait de...
07:51 de marginaliser une femme en raison de ses comportements.
07:58 Une femme en raison de ses comportements sexuels.
08:03 Et c'est quelque chose dont j'ai beaucoup souffert
08:06 tout au long de mon adolescence et de mon âge adulte.
08:09 Et donc ça, ça a été quelque chose qui, effectivement,
08:12 a aussi impacté ma santé mentale,
08:14 parce que forcément, ça a impacté mon rapport aux autres
08:18 et leur capacité...
08:19 Enfin, ma capacité à leur faire confiance.
08:21 Et puis, il y a eu malheureusement aussi des événements traumatiques.
08:26 J'en ai vécu deux très violents,
08:29 qui sont des choses qui arrivent dans la vie,
08:33 mais qui sont très difficiles quand ça nous arrive à nous.
08:36 D'abord, en 2020, en février 2020, j'ai perdu mon frère en suicide.
08:42 Il avait 38 ans.
08:44 Et c'était extrêmement difficile.
08:49 D'abord parce que je ne savais absolument pas
08:52 qu'il faisait face à une dépression.
08:56 Donc c'est vraiment...
08:58 Je me suis réveillée un matin et on m'a dit
09:00 "Ton frère, il est mort, il s'est suicidé."
09:01 Et c'était quelque chose qui était extrêmement violent,
09:05 qui est survenu seulement un mois avant le confinement.
09:09 Et donc, j'ai passé les mois de confinement
09:16 dans une spirale de déprime et d'incompréhension,
09:22 et d'essai de trouver des explications
09:26 qui ne viendraient finalement jamais.
09:28 Et une grosse crise existentielle aussi.
09:33 Au-delà du fait qu'effectivement,
09:36 c'est toujours difficile de perdre quelqu'un d'aussi proche,
09:39 le deuil, etc.,
09:42 il y avait aussi la question qui était...
09:45 En fait, peut-être qu'il a raison sous certains aspects.
09:50 Qu'est-ce que vraiment...
09:52 Qu'est-ce que la vie m'amène vraiment ?
09:57 Est-ce que...
09:58 S'il arrive des choses aussi horribles
10:03 fréquemment au cours de ma vie,
10:07 est-ce que vraiment ça vaut la peine d'être vécu ?
10:10 Donc, je me suis posé beaucoup de questions à cette période-là,
10:13 et ça a été très, très difficile d'en sortir.
10:17 Ça a mis plusieurs mois avant que j'en sorte complètement.
10:21 Et je pense que ça, c'est une blessure
10:24 qui restera jusqu'à la fin de ma vie.
10:26 Quand il se passe des choses aussi incompréhensibles,
10:30 en fait, pour l'esprit humain...
10:32 Enfin, moi, j'ai ressenti le besoin
10:34 de m'adresser à quelqu'un d'autre qu'un psy.
10:39 Du coup, je suis allée plutôt du côté de l'Église.
10:40 Alors, je suis pas du tout croyante de base,
10:43 mais il y avait quand même ce questionnement un peu,
10:46 mais comment la vie peut faire une chose pareille ?
10:50 Comment la vie peut m'enlever mon frère qui a 38 ans
10:54 aussi brutalement ?
10:56 Et donc, c'était vraiment un questionnement existentiel,
10:59 et j'ai eu besoin de passer aussi
11:02 par le côté spirituel, la dimension spirituelle,
11:05 pour essayer de faire un peu plus la paix avec tout ça.
11:09 [Musique]

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