• l’année dernière
L’actrice Golshifteh Farahani se confie sur son histoire et sa solidarité auprès des jeunes Iraniennes et des Iraniens en ces temps difficiles, qui persistent, pour son pays natal.

Jaleh Bradea échange avec elle sur leur passé commun et leur envie de croire et d’agir pour un avenir meilleur pour la nation persane.

Un RDV plein d’émotions et d’espoir pour soutenir les femmes qui se battent parfois pour le premier des droits … celui d’exister.
#femmes #vie #liberté


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Transcription
00:00 *musique*
00:29 Bonjour Goldshifteh, Jeanne.
00:30 Bonjour.
00:31 Ça veut dire "chère Goldshifteh".
00:33 Bienvenue dans ce numéro très spécial d'Envie d'agir,
00:36 où je suis particulièrement heureuse d'accueillir Goldshifteh Farrokhani,
00:41 une actrice iranienne que vous connaissez très bien.
00:44 Alors moi-même, je suis d'origine iranienne, comme vous savez,
00:48 et je ne pouvais pas rêver de meilleure ambassadrice que vous
00:51 pour venir parler de ce qui se passe actuellement en Iran.
00:55 Tout ça autour de la Journée internationale des droits des femmes
00:58 qui a lieu le 8 mars partout dans le monde.
01:01 Le monde entier connaît ce slogan.
01:03 "Zan zendegi ozodi", ça veut dire "Femmes, vie, liberté".
01:08 Qu'est-ce que ça vous évoque à vous, ça ?
01:10 Ça vous évoque "Femmes, vie, liberté".
01:13 La révolution en Iran a commencé par les femmes, à cause des femmes,
01:19 avec les hommes, pour les femmes,
01:22 et après c'est devenu quelque chose qui est allé au-delà de l'humanité.
01:27 Tout à fait, je crois que vraiment j'ai entendu par des historiens très sérieux
01:30 que c'est la toute première fois où un soulèvement comme ça,
01:34 une révolution menée par des femmes est autant soutenue par des hommes.
01:38 C'est pour ça, je crois, c'est un événement historique, on ne l'a jamais vu.
01:41 Là, on parle de 8 mars, ce qui s'est passé en Iran cette année,
01:47 c'est au-delà de l'imagination,
01:49 parce qu'on n'a jamais vu dans l'histoire de l'humanité
01:51 que les hommes meurent pour les femmes, pour les droits des femmes.
01:56 C'est pour la liberté, la liberté, c'est la vie et la femme.
02:00 C'est quoi la femme ? La femme est la vie.
02:04 La femme donne la vie.
02:05 Et...
02:07 - Et donc, femmes, vie, liberté.
02:09 - Oui. - Vous avez tout dit.
02:10 - Oui.
02:11 - Est-ce que vous voulez bien nous rappeler,
02:12 pour ceux qui peut-être n'auraient pas suivi, ce qui m'étonnerait,
02:15 mais qu'est-ce qui s'est passé ?
02:16 Qu'est-ce qui était l'élément déclencheur de cette révolution ?
02:20 - Le déclencheur, comme vous dites,
02:22 c'était vraiment, on dit, le dernier poids de très, très léger
02:26 sur le chameau qui a cassé le dos de chameau.
02:30 Ça veut dire que... - C'est une expression personne, ça.
02:32 - Oui, c'est pas apparaître de nulle part.
02:34 - Non, c'est comme on dit la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
02:36 - Exactement. - C'est le trop-plein.
02:38 C'était plus possible. - C'était plus possible et c'est devenu...
02:42 Je dis ça parce qu'on avait beaucoup d'événements qui pouvaient déclencher.
02:45 Par exemple, l'avion, 750 dos qui l'ont tiré sur l'avion
02:49 avec tous ces passagers-là, tous ces enfants.
02:53 L'octobre, il y a deux ans,
02:56 ils l'ont tué 1 500 personnes dans la rue,
02:58 1 500 personnes dans nos jours, c'est quand même énorme.
03:02 On a eu beaucoup d'événements qui l'ont pas...
03:04 Oui, c'était en fait, les gens, ils n'en pouvaient plus,
03:07 mais ça, c'était quelque chose qui, d'un coup, s'est devenu charnel.
03:10 Nous tous, on a une histoire personnelle.
03:14 Et voilà, c'était charnel, c'était viscéral.
03:18 - Quel rôle ont joué, du coup, les réseaux sociaux ?
03:20 Forcément, il me semble que je n'ai jamais vu
03:23 une si grande solidarité,
03:25 y compris de la part de ceux qui ne sont pas là
03:27 ou de celles qui ne sont pas là-bas.
03:29 - J'ai vu à tel que à quel point c'est important pour traduire,
03:33 pas seulement les mots, mais traduire les choses culturelles,
03:36 traduire qu'est-ce qui se passe,
03:38 parce que les gens en dehors d'Iran, ils ne savent pas.
03:40 Alors nous, qu'on a bien vécu,
03:43 on est bien vécu de les deux côtés de ce pont-là,
03:46 on a de la responsabilité de pas seulement...
03:49 Parce que les étrangers, ils ne peuvent pas seulement
03:50 passer sur les chaînes d'information iraniennes
03:52 parce qu'ils ne comprennent rien.
03:54 Et moi, j'ai réalisé à quel point c'est important
03:56 que je continue, je ne lâche pas.
03:59 - Revenons aussi un petit peu en arrière.
04:01 En 2008, il s'est passé quelque chose de très important.
04:05 Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
04:07 - Oui, alors en 2007, j'ai tourné le film "Mensonge d'État"
04:10 qui a vraiment coupé ma vie en deux à ce moment-là,
04:13 parce qu'après ça, ma vie a été coupée en deux encore de nouveau,
04:16 en trois, quatre... - C'était la première fois.
04:17 - Oui, c'était la première fois que ma vie a été coupée en deux.
04:20 Quand je suis retournée en Iran,
04:23 j'ai eu des ennuis, j'ai eu des soucis énormes
04:26 avec la Service secrète, avec le tribunal national.
04:30 En fait, la même chose,
04:32 que j'ai mis la sécurité de la nation en danger.
04:36 - Ce qu'on entend tout le temps, là, en ce moment.
04:37 - Oui, exactement, en jouant dans un film américain.
04:40 Et ça, c'est quelque chose qui peut se finir en exécution.
04:44 Ils disaient que le CIA m'a utilisé,
04:46 parce que j'étais très connue en Iran,
04:48 pour détruire le visage d'Iran, le visage d'Islam,
04:52 et moi j'ai dit "Ridley Scott, c'est pas ça".
04:54 Bref, en sept mois,
04:57 j'étais entre la Service secrète iranienne et la Cour nationale,
05:01 qui est vraiment l'endroit le plus effrayant
05:04 de ces deux endroits-là, que vous pouvez imaginer.
05:08 Et je suis sortie en août 2008 d'Iran,
05:11 et je savais déjà que je ne vais plus pouvoir retourner en Iran.
05:15 Ça veut dire que, pour moi,
05:17 que j'étais complètement bannie et abandonnée
05:21 de la part d'un pays, de ma patrie.
05:23 Ça veut dire que j'étais abandonnée par 80 millions de personnes.
05:28 C'était pas une blague.
05:31 J'étais seule.
05:32 Même ma famille m'a abandonnée.
05:33 C'était quelque chose d'inexplicable.
05:36 Et là, 15 ans après, regardez où on est.
05:39 La génération Z, qu'on a perdu 56 enfants,
05:43 je crois d'adolescents,
05:44 les enfants de 10 ans, de 8 ans, de 2 ans,
05:47 qui ont été tués par les balles dans le corps.
05:50 Et oui, cette génération,
05:53 il commençait avec eux, avec la génération Z,
05:56 avec leur courage, avec...
05:58 En fait, quand on a 15 ans, on n'a peur de rien.
06:01 C'est ça qui est dangereux.
06:02 Mais ces enfants-là, c'est les enfants à nous.
06:05 Nous, notre génération qui n'en pouvait plus.
06:09 Je voudrais qu'on revienne un tout petit peu à cette chanson
06:12 dont les paroles sont très très puissantes.
06:14 Moi, il y a 40 ans, en Iran,
06:29 je voulais déjà être un garçon.
06:32 Et vous, comment c'est ? Comment vous étiez ?
06:34 C'était quoi la Golshishtey qui était en Iran ?
06:36 Est-ce qu'elle voulait, elle aussi, être un garçon ?
06:39 Oui, j'avais deux identités parce que j'ai rasé ma tête.
06:42 Mon prénom était Ami.
06:45 J'étais un garçon, carrément.
06:46 En fait, j'ai complètement abandonné ma féminité en Iran
06:49 parce que je pensais que ça m'arrête pour avancer.
06:54 Eux, ils veulent laisser leurs cheveux longs.
06:57 Ils ont le courage de ne pas les cacher.
07:01 D'après vous, c'est quoi être une femme iranienne ?
07:07 Moi, c'est drôle.
07:08 Moi, j'ai toujours essayé de casser les cadres.
07:11 Et quand on dit la femme iranienne,
07:13 on la met déjà dans un cadre.
07:16 Si les femmes iraniens, elles se battent pour la liberté,
07:18 elles se battent pour le monde.
07:20 Elles se battent pour la liberté de femmes dans le monde.
07:23 Oui, elles sont en Iran géographiquement.
07:25 Elles sont iraniennes, elles sont les femmes.
07:27 Mais chaque personne aujourd'hui qui se bat pour la liberté,
07:30 il se bat pour l'humanité.
07:32 C'est pour ça qu'on ne peut pas les abandonner.
07:34 Chaque endroit dans le monde.
07:35 Et là, quand même, cette révolution en Iran,
07:39 c'est une évidence, c'est une représentation de lutte pour la liberté.
07:44 Si on ne donne pas assez d'importance à ça,
07:47 ça veut dire qu'on est en train de tourner le dos
07:51 à centaines d'années de pas de se battre pour la liberté.
07:57 Qu'est-ce que tu attends, toi, des gouvernements,
08:02 ou globalement du monde entier, en fait ?
08:05 Alors, le gouvernement islamique est un cadavre.
08:08 Je dis toujours que cette révolution,
08:10 il a arraché une jambe d'un corps.
08:14 Ce corps-là, il ne peut plus marcher, il ne peut pas tuer les gens.
08:16 C'est une monstre énorme.
08:18 Et nous, on est les êtres humains, les femmes et les hommes en Iran,
08:22 c'est les êtres humains devant une monstre gigantesque,
08:24 brutale, horrible, violent,
08:27 qui jette son feu, qui tue, qui torture.
08:31 C'est un gouvernement plus brutal qu'on peut imaginer.
08:35 Il viole les femmes, les filles dans les prisons.
08:38 Les femmes demandent des pilules pour ne pas tomber enceintes des soldats.
08:43 C'est inimaginable, ce qu'il se passe.
08:47 Il faut qu'on perçoive les gouvernements.
08:50 Il faut être avec le peuple iranien et pas le gouvernement.
08:55 Nous, on tend la main, on dit "choisissez".
08:59 Vous voulez rester à côté d'un régime qui ment,
09:03 qui menace avec la nucléaire, qui envoie là des armes en Russie.
09:07 Vous voulez rester avec lui ou vous voulez rester avec le peuple iranien ?
09:12 Moi, je crois qu'il faut rester dans le bon côté de l'histoire.
09:15 Est-ce que tu as l'impression qu'en Iran,
09:19 ils se disent aussi que ce régime est mort ?
09:22 Absolument.
09:23 Moi, je crois que quand il y a une chambre-bataille
09:27 et les gens sont par terre, en train de saigner,
09:31 c'est très dur pour eux de savoir qu'ils vont gagner.
09:36 Ils ont perdu leurs enfants, leurs parents et leurs proches en prison.
09:41 Mais nous, ce qu'on voit de loin, c'est très triste, c'est horrible.
09:46 On ne peut rien faire, on fait tout ce qu'on peut,
09:49 mais on voit que c'est fini.
09:51 Et c'est à nous, quand ce feu-là, ça baisse un peu,
09:55 qu'on souffle sur le feu, vraiment avec toute la force qu'on a.
10:02 Si tu avais un message à passer à une petite fille en Iran ?
10:06 C'est cette petite fille qui me donne les conseils.
10:09 C'est cette petite fille qui me donne les messages.
10:12 Avec son existence, avec l'espoir qu'elle a, avec le courage qu'elle a.
10:17 Moi, à vrai dire, j'ai rien à dire.
10:20 Tout ce que je veux dire, c'est que moi, je fais tout ce que je peux.
10:24 Je me mets devant toute ma force, tout ce que je peux,
10:29 pour toi, pour cette fille-là, pour ces garçons-là, pour l'Iran,
10:34 pour la liberté, pour l'humanité, pour la sens de la liberté.
10:39 Et on est là, on est là et on tient.
10:45 Merci beaucoup, Golshifteh.
10:47 Merci.
10:48 Quelle joie !
10:49 Pour moi aussi.
10:50 À très bientôt.
10:52 On continue ?
10:52 Oui.
10:53 On continue.
10:54 Et quant à nous, on se retrouve aussi très vite sur C8.
10:57 Merci.
10:58 Merci beaucoup.
10:59 Sous-titrage Société Radio-Canada

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