• l’année dernière
Selon le collectif Nous Toutes, c’est une femme tous les 2 jours qui décède à la suite de violences conjugales, Audrey aurait pu être l’une d’entre elles.
Brûlée vive par son ex-conjoint, ses voisins ont appelé les secours alors qu’elle était en train de perdre connaissance. Aujourd’hui, même si son corps porte encore les marques de ce jour sombre, Audrey n’a jamais laissé cet événement changer la femme qu’elle était, elle est venue nous raconter son histoire.

Merci à Audrey pour sa confiance et pour son témoignage fort.

Retrouvez-la sur Instagram : https://www.instagram.com/larosedescuirs/

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😹
Amusant
Transcription
00:00 J'ouvre la porte du garage et à l'instant où je mets la main sur la clé,
00:04 je sens l'essence couler sur moi.
00:06 Il y a eu une dernière phrase extrêmement violente,
00:09 "T'es qu'une pute, tu resteras ma pute".
00:11 Et c'est là qu'il m'a allumée et qu'il m'a émolée.
00:13 J'ai rencontré un homme alors que mes enfants avaient un an et trois ans.
00:17 J'avais quitté leur père et on a vécu ensemble pendant quelques années.
00:22 On avait une relation qui était assez passionnée.
00:24 On avait deux forts tempéraments.
00:25 Et souvent, quand il y avait des gens à la maison, des invités,
00:29 mais dès le début, il me rabaissait toujours
00:32 ou il me faisait des blagues qui étaient assez malsaines,
00:36 hyper machistes, voire toujours avec une pointe de dénigrement.
00:41 Toujours des choses comme ça.
00:42 Et c'est quelque chose qui a toujours marqué nos amis, etc.
00:44 Et en fait, il n'avait pas du tout ce comportement quand on était tous les deux.
00:46 Il s'excusait toujours, donc les choses s'adoucissaient.
00:49 On passait de mon moment à l'ensemble le reste du temps.
00:51 Donc à chaque fois, je pardonnais, tout simplement.
00:53 Et puis, petit à petit, les disputes ont vraiment augmenté crescendo.
00:56 Et c'est surtout vraiment ce dont je ne me rendais vraiment pas compte à l'époque
01:00 et dont je me suis rendue compte après en voyant le témoignage d'autres femmes,
01:03 c'est qu'il me persécutait réellement, moralement.
01:06 Pour moi, la violence ne pouvait être que physique.
01:08 Et c'est quelqu'un qui n'a jamais levé la main sur moi.
01:11 Il m'a trompée et un jour où je l'ai appris, je l'ai giflé, moi.
01:14 Et en fait, j'étais juste en haut des escaliers de la maison.
01:16 Soit il aurait pu me pousser en arrière, soit j'aurais pu tomber en arrière.
01:18 Parce que j'ai vraiment failli tomber en arrière, je l'ai balayé tous les escaliers ce jour-là.
01:21 Et là, il m'a retenue alors que je venais de le gifler.
01:23 Donc, il n'a jamais eu de geste de violence physique.
01:25 Mais en fait, ce qu'il m'a fait subir, verbalement, était beaucoup plus insinueux,
01:29 beaucoup plus pervers.
01:30 En fait, c'est ça, on est vraiment dans quelque chose d'extrêmement pervers.
01:33 Et c'était surtout quelqu'un d'extrêmement manipulateur.
01:35 Un jour, il m'a posé une corde par terre dans la chambre
01:38 en me disant qu'il avait essayé de se suicider la journée.
01:40 Il a également pris des boîtes de médicaments en m'appelant depuis sa voiture,
01:44 où j'avais été obligée d'appeler la gendarmerie pour essayer de lui porter secours, etc.
01:48 Donc, j'ai subi ça pendant un certain temps.
01:50 Donc, je suis partie vivre chez mon père avec mes deux enfants.
01:52 Quelques jours après, il m'a appelée pour que je l'aide à démonter, en fait,
01:58 un meuble qui lui appartenait à la maison.
02:00 Et en me disant que de toute façon, si je ne venais pas l'aider à démonter ce meuble,
02:02 il refuserait catégoriquement de quitter la maison.
02:04 Ça m'a cassé les pieds et donc, j'y suis allée.
02:07 On monte au premier étage, on commence à essayer de démonter ce fameux lit superposé
02:12 avec un bureau intégré, enfin, un truc qui était totalement indémontable.
02:16 Et puis là, il commence à aller me ressortir des histoires.
02:19 Parce qu'en fait, entre temps, j'ai jamais mis de mot de passe sur mon téléphone.
02:23 Je n'ai jamais mis de mot de passe sur mon ordinateur.
02:25 Et donc, il avait été fouillé dans mon ordinateur.
02:27 Il avait été chercher des mails qui dataient de avant qu'on se rencontre.
02:30 Et là, il m'a reproché d'avoir eu des relations avant qu'on se rencontre et de ne pas lui avoir dit.
02:33 Alors oui, effectivement, il m'a connue.
02:35 Je n'étais pas fière, j'avais deux enfants et une vie derrière moi.
02:38 Au moment où j'ai commencé à entendre ça et ses reproches,
02:41 là, j'ai senti vraiment qu'il commençait à faire très chaud.
02:43 Et je lui dis que je partais.
02:44 Je sentais que j'étais en danger, en fait.
02:46 Et il commençait à me faire vraiment très, très peur.
02:48 Ce qu'il faut savoir dans notre relation, c'est qu'on jouait de temps en temps aux échecs
02:52 et qu'il a toujours gagné aux échecs.
02:53 Et il a toujours eu un coup d'avance sur moi.
02:54 Et cette soirée-là, il avait deux coups d'avance sur moi.
02:56 Je m'explique.
02:57 Donc, je vais pour descendre l'escalier.
02:59 En fait, chez moi, en face de l'escalier, il y a la porte d'entrée.
03:02 À droite, une fenêtre de bâton.
03:04 Et à gauche, il y a la cuisine qu'ils donnent dans le garage.
03:06 Garage qui a une porte extérieure.
03:07 De l'escalier, je vois la porte en face de moi.
03:09 Je savais qu'elle était fermée à clé.
03:10 Il n'y avait pas les clés dessus.
03:11 Je fais « OK, je n'ai pas le temps ».
03:12 Je regarde la fenêtre de droite.
03:14 Les volets étaient fermés.
03:15 Je fais « Je n'ai pas le temps d'ouvrir la fenêtre, d'ouvrir les volets ».
03:16 Donc, je pars directement par le garage, de la cuisine vers le garage.
03:19 J'ouvre la porte du garage.
03:21 Il y avait une clé à l'époque dessus.
03:22 Et à l'instant où je mets la main sur la clé, je sens l'essence couler sur moi.
03:27 Il y a eu une dernière phrase extrêmement violente.
03:31 « T'es qu'une pute, tu resteras ma pute ».
03:32 C'est là qu'il m'a allumée et qu'il m'a émolée.
03:35 À l'instant où il m'a mis le feu,
03:38 je me souviendrai toujours de cette phrase que je lui ai lancée.
03:41 « T'es fou, mes enfants ! ».
03:42 Je suis sortie dans le jardin.
03:43 Je me suis roulée par terre.
03:44 J'ai hurlé au feu, au secours.
03:46 Il m'a mis le feu.
03:47 Il y avait déjà une première fois où on s'était disputé
03:49 et où j'étais partie par la porte du garage.
03:51 C'est ce qui me fait dire qu'il avait un coup d'avance sur moi
03:53 pour en revenir aux échecs.
03:54 Parce que je suis persuadée qu'il savait pertinemment.
03:57 Il avait enlevé la clé de la porte.
03:58 Il savait pertinemment qu'il fallait que je passe par le garage.
04:01 Ce qui lui s'est laissé un certain temps.
04:02 Pourquoi deux coups d'avance ?
04:03 Parce qu'initialement, à l'instant où il m'a mis le feu,
04:05 j'ai pensé que c'était l'essence de la tondeuse
04:07 puisqu'on avait une tondeuse dans le garage
04:08 et un bidon à essence.
04:09 L'enquête de police a montré qu'en fait, non, pas du tout.
04:12 Il avait acheté un Géricane de 25 litres d'essence
04:15 et c'est ce Géricane de 25 litres d'essence
04:17 qui lui a servi à me mettre le feu
04:19 et à mettre le feu à la maison.
04:20 Ce qu'ont démontré la gendarmerie plus tard,
04:23 tout le garage a brûlé.
04:25 Je suppose qu'il en a versé une partie dans le garage.
04:27 Et apparemment, il y a eu un deuxième départ de feu
04:29 à l'intérieur de la maison
04:30 qu'il a mis plus tard.
04:32 Mes voisins sont arrivés,
04:33 ils m'ont emmenée chez le voisin d'en face.
04:35 Là, je leur répétais qu'il fallait absolument
04:38 qu'ils me mettent de l'eau dessus
04:39 parce que je le savais, je connaissais ça.
04:41 Et ils ne voulaient pas, ils n'ont pas voulu le faire
04:43 et c'est vrai que sur l'instant,
04:44 je l'ai répété une fois, deux fois, trois fois.
04:46 Et après, ma seule obsession a été
04:47 qu'il fallait qu'ils préviennent mon père et mes enfants.
04:49 Et en fait, je n'avais que ça qui tournait dans ma tête
04:51 parce que les pompiers arrivent,
04:52 j'étais gelée, j'étais frigorifiée en fait.
04:54 J'avais vraiment cette sensation
04:56 d'être complètement glacée.
04:57 Je n'avais aucune conscience
04:59 de l'état dans lequel j'étais.
05:01 J'entends un pompier arriver,
05:03 me dire "on est là, on vous prend en charge"
05:05 et verser du liquide,
05:07 alors je pense que c'est du sérum fi qui m'a versé dessus.
05:09 Et c'est le dernier souvenir que j'ai dans ce garage.
05:12 Et ensuite, j'étais plongée dans un coma artificiel
05:14 pour leur permettre de gérer les brûlures.
05:16 Quand une personne souffre physiquement,
05:17 son corps ne se régénère pas et ne guérit pas.
05:20 J'étais dans le coma,
05:21 sans savoir exactement à quel moment.
05:23 J'ai vécu l'enfer.
05:25 C'est des cauchemars,
05:26 j'ai un peu de mal à me replonger aujourd'hui.
05:28 Mais le contenu de ces cauchemars,
05:30 j'étais systématiquement enfermée.
05:32 J'étais enfermée dans une yourte,
05:34 dans un mobilhome,
05:36 dans une espèce de champignon bizarroïde,
05:38 je ne peux même pas vous expliquer, c'est irréel.
05:40 Dans des sous-sols,
05:42 rien qu'à y penser.
05:43 Et la deuxième caractéristique,
05:45 c'est que j'étais toujours glacée.
05:47 Il y avait de la neige, il faisait froid.
05:49 Et je pense qu'il y avait un mélange
05:52 entre ce que j'avais vécu,
05:55 ce que je vivais,
05:57 puisque la peau est ce qui nous permet
05:59 de thermoréguler.
06:00 Quand on n'a pas de peau,
06:01 quand il fait froid, on a froid,
06:02 quand il fait chaud, on a chaud.
06:03 Il n'y a plus de protection
06:05 entre l'extérieur et l'intérieur de notre corps.
06:07 En tant que grand brûlé,
06:08 on est sur des lits qui sont à 38,5°C,
06:10 mais ça ne suffit pas toujours
06:12 à réchauffer l'intérieur du corps.
06:13 On nous met à ce moment-là
06:14 des couvertures chauffantes
06:15 qui nous permettent de remonter la température.
06:17 Sauf qu'une fois que cette température est remontée,
06:19 il ne faut surtout pas dépasser le stade de 37°C,
06:22 parce que sinon on a l'impression d'être bouillant.
06:24 Ce traumatisme thermique a été très important.
06:27 Au moment où je me réveille du coma,
06:29 je sais juste que je suis vivante.
06:31 J'ouvre les yeux, je ne vois rien.
06:32 Je crois que ce qui était vraiment le plus dur pour moi,
06:34 c'était le fait de ne pas voir
06:35 et de ne pas pouvoir communiquer.
06:36 C'était vraiment un stress épouvantable.
06:39 Je dois avoir toutes les tonnes possibles
06:42 et inimaginables d'antidouleurs,
06:45 morphines et autres.
06:46 Quand j'ouvrirai les yeux plus tard,
06:48 beaucoup plus tard,
06:49 et que je verrai ce qu'il y a à côté de moi,
06:51 de haut en bas,
06:52 il y a des grandes seringues
06:53 qui pourraient être des seringues
06:54 destinées à des chevaux
06:55 qui sont toutes peines de médicaments.
06:56 Et on me fait passer tout ça dans le sang toute la journée.
06:58 Je suis à peu près lucide,
07:01 mais je n'ai aucune idée
07:04 du fait que mon pronostic vital soit engagé.
07:07 Dans la réalité, j'étais brûlée à 80%
07:09 au deuxième et troisième degré.
07:10 Ce qui veut dire que concrètement,
07:11 aujourd'hui, j'ai l'avant-bras gauche
07:13 qui n'est pas brûlé,
07:14 mon crâne et mon tibia gauche.
07:16 Alors, ça se voit beaucoup moins,
07:17 mais j'ai été brûlée aussi bien à gauche qu'à droite.
07:20 À droite, ça ne se voit plus,
07:21 ça se voit toujours à gauche.
07:22 Et en fait, quand on est grand brûlé,
07:24 les différentes étapes de soins
07:26 consistent d'une part
07:27 à venir enlever la peau qui est brûlée.
07:30 Et ensuite, il y a différents processus.
07:32 C'est-à-dire qu'il y a le fait
07:34 que la peau se répare par elle-même.
07:36 On va mettre différents produits
07:37 qui vont permettre
07:38 une autosicatrisation de la peau,
07:40 qui ne peuvent se faire que sur les parties
07:41 qui sont les moins brûlées, bien entendu.
07:42 Ensuite, il va y avoir différents types de greffes,
07:44 donc des greffes en peau pleine,
07:46 ce que j'ai eu sur la main,
07:47 qui me permet aujourd'hui
07:48 d'avoir une mobilité de ma main à 100 %.
07:50 C'est-à-dire qu'en fait,
07:51 on vient prendre, prélever un morceau de peau,
07:52 qui vient de mon tibia gauche, non brûlé.
07:54 On vient le greffer sans rien changer.
07:56 Il y a d'autres types de greffes,
07:57 donc on prélève toujours la même peau,
07:58 et là, on va l'étirer, cette peau,
08:00 en faisant des petits trous dedans.
08:01 Le reste va se régénérer
08:02 par une fois qu'on a fait cette greffe.
08:03 Donc, on vient appliquer ces pomades
08:05 tous les jours, etc.,
08:07 avec les pansements qui vont permettre à la peau
08:09 de se recréer dans les petits trous
08:10 qui seront laissés entre la greffe.
08:12 Et à la suite de ça,
08:13 c'est là que c'est rigolo, en fait.
08:14 C'est que moi, je pensais que j'allais me lever et marcher,
08:16 et puis rentrer chez moi.
08:17 Et un jour, on est venu me voir,
08:18 et puis on m'a expliqué qu'il allait falloir
08:20 que j'aille au centre de rééducation.
08:21 Ce dont je n'avais absolument pas conscience du tout,
08:23 c'est que je n'allais jamais pouvoir me lever et marcher.
08:26 Parce que quand on a été alité pendant trois mois,
08:28 a fortiori, dans l'état dans lequel j'étais,
08:29 on ne peut pas se lever et marcher,
08:31 parce qu'on ne sait plus se tenir debout.
08:32 Et ça, ça a été un vrai choc pour moi.
08:35 Et j'ai un souvenir assez négatif de ce moment-là.
08:38 En fait, j'ai l'impression d'avoir été vraiment...
08:40 Il fallait que je reste assise dans un fauteuil,
08:41 mais je n'arrivais pas à rester assise dans un fauteuil,
08:42 je ne supportais pas ça.
08:43 Ce n'était que le tout, tout, tout début du chemin.
08:46 Parce qu'après les greffes, il y a eu d'autres opérations,
08:48 qui n'étaient plus des greffes,
08:49 mais qui ont été d'autres opérations.
08:51 Et chaque opération a engendré
08:53 plusieurs semaines de rééducation.
08:55 Il faut savoir que quand on est brûlé,
08:57 la peau se rétracte.
08:58 Alors, on ne se voit encore très peu,
09:00 puisque j'ai été nombreuses fois opéré.
09:02 En fait, il y a ces espèces de cornes qui se forment là.
09:05 Pour vous donner une idée,
09:06 quand je suis sortie de l'hôpital,
09:07 j'avais le cou qui était attaché là.
09:09 Je ne pouvais pas lever la tête plus que ça.
09:11 Et donc, c'est des mois de rééducation
09:12 qui ont permis de redonner une certaine elasticité à la peau.
09:15 Et ce sont les opérations qu'on appelle des lambeaux,
09:17 qui viennent prendre un morceau plein de la peau,
09:20 mais avec les vaisseaux et les parties qui sont en dessous.
09:25 On vient ouvrir un morceau,
09:27 on vient les mettre dans le trou et on vient refermer.
09:29 On enlève quelque part pour en remettre ailleurs,
09:31 pour faire très simple.
09:32 Mais par contre, ce qui s'est passé,
09:33 c'est que ça faisait un mois à peu près
09:35 que j'étais en rééducation.
09:36 Et j'avais ces plaies béantes,
09:38 parce qu'en fait, j'en avais partout,
09:40 et qui ne voulaient pas se fermer.
09:41 Et en fait, on n'était plus du tout dans le système de soins
09:43 que j'avais à l'hôpital,
09:44 où j'avais quand même énormément de médicaments
09:46 qui faisaient que ça m'aidait à supporter les pansements, etc.
09:48 Et là, j'allais, les jours où j'avais soin,
09:50 dans cette salle de douche,
09:51 vous imaginez une salle de douche,
09:52 vous imaginez une grande, grande pièce.
09:54 Et ce jour-là, vraiment,
09:56 je n'en pouvais plus de douleur,
09:57 parce que la douche, c'était vraiment un moment douloureux.
10:00 Alors, pas la douche,
10:01 mais en fait, le fait d'enlever les pansements
10:03 et de refaire les pansements.
10:04 Et là, j'ai l'impression que je vais mourir.
10:05 Et c'est la première fois,
10:07 depuis que j'ai été brûlée,
10:08 qu'en fait, je prends conscience
10:10 que mon pronostic vital est engagé.
10:12 Parce que mon corps peut s'infecter,
10:13 que je peux faire une septicémie,
10:15 et donc que je peux mourir.
10:16 Ce qu'il faut savoir,
10:17 c'était peut-être vrai ou pas, j'en sais rien,
10:19 mais ce qu'il faut savoir,
10:20 c'était longtemps avant que j'ai failli mourir.
10:22 J'en avais jamais eu conscience jusque-là.
10:24 Et ce jour-là, je me mets à pleurer,
10:25 mais vraiment à pleurer.
10:26 Et je rentre dans ma chambre,
10:27 et j'étais vraiment en larmes,
10:28 et j'étais au fond du son.
10:29 Bon, ça a dû durer quelques heures,
10:31 puis je me suis relevé,
10:32 et puis je suis repartie.
10:33 Après, il y a la partie psychique, psychologique.
10:35 En fait, quand aujourd'hui,
10:36 je repense à ce qui s'est passé
10:37 et à mes ressentis,
10:38 en fait, je crois que le seul sentiment que j'ai,
10:40 c'est le soulagement qu'il soit mort.
10:42 C'était un suicide.
10:43 À l'instant où les pompiers sont rentrés dans la maison,
10:45 il était encore vivant.
10:47 Le cœur battait,
10:48 ils ont essayé de le réanimer,
10:49 et le cœur a lâché peu après.
10:51 J'ai eu envie, après,
10:52 ouais, de la colère, bien sûr, j'ai eu de la colère.
10:54 Mais je n'ai pas envie de penser à ça,
10:56 et puis, j'ai...
10:57 Enfin, voilà, c'est fini, c'est passé.
10:58 Il n'est plus là, point.
10:59 De toute façon, il fallait avancer,
11:00 et puis j'avais plus envie
11:01 de lui faire un pied de nez, en fait,
11:03 en disant, "Écoute, de toute façon,
11:04 t'as voulu me tuer, je suis encore là.
11:06 T'as voulu que je t'appartienne,
11:07 je t'appartiendrai jamais."
11:08 Et d'avancer.
11:09 Le reste n'a pas d'intérêt, en fait.
11:10 En fait, je ne me suis jamais dit que je pouvais...
11:12 De toute façon, je n'avais pas le droit d'abandonner,
11:14 tout simplement.
11:15 J'ai deux enfants, ils n'ont que moi.
11:16 Après que je sois brûlée,
11:17 je ne me posais pas vraiment de questions
11:19 de mon rapport à mon corps,
11:20 parce que, déjà, je considérais que j'avais une vie,
11:23 j'avais des enfants.
11:24 Après, j'avais des cicatrices, j'avais des cicatrices.
11:26 Et après, j'ai envie de dire,
11:28 "Ça ne change pas la personne que je suis."
11:30 Donc, aujourd'hui, ça fait cinq ans que j'ai été brûlée.
11:32 Et cinq ans après, je pense que j'ai un regard
11:35 à peu près objectif sur la différence
11:38 entre ce qu'on nous a annoncé et la réalité.
11:40 Pendant près de deux ans,
11:41 enfin, pendant plus de deux ans même,
11:42 je me suis retrouvée un peu dans un monde du silence.
11:44 Seule d'abord dans ma chambre d'hôpital,
11:45 seule en centre de soins.
11:46 D'un point de vue physique,
11:47 on m'a dit, quand je suis sortie de rééducation,
11:49 en gros, que ma vie ne serait plus jamais comme avant.
11:51 Notamment, je n'avais pas le droit d'aller au soleil.
11:53 Bon, alors après, j'ai dû, pendant deux ans,
11:56 porter des vêtements compressifs,
11:58 ce qui est extrêmement contraignant,
11:59 mais ça, c'est une réalité.
12:00 On m'avait dit que je ne pourrais jamais faire de sport comme avant,
12:03 que je ne pourrais pas retourner à la piscine
12:04 pendant très, très, très longtemps, etc.
12:07 En fait, plein de choses qu'on m'a dit
12:08 que je ne pourrais certainement plus jamais faire de ma vie.
12:10 Aujourd'hui, je considère que je vis parfaitement normalement.
12:13 Après, oui, effectivement,
12:14 ma peau porte les séquelles physiques des cicatrices.
12:17 Mais ça, ça ne me gêne pas, je suis avec.
12:18 Il y a vraiment un avant et un après.
12:20 Alors, pas un avant les brûlures et un après les brûlures.
12:23 Il y a un avant, qui est la période pendant laquelle
12:26 j'ai été sous la coupe de cet homme,
12:28 et le après, qui a été la libération.
12:31 Aujourd'hui, je ne suis pas prête à avoir une relation
12:33 avec un homme qui voudrait une vie commune, par exemple.
12:36 C'est hors de question pour moi d'envisager
12:38 qu'un homme puisse rentrer chez moi.
12:39 Donc, pour l'instant,
12:40 je n'ai pas eu de relation en France avec un homme.
12:42 Parce que mettre une frontière entre un homme et mes enfants,
12:45 c'est quelque chose de nécessaire.
12:47 Et un jour, où j'étais chez mon papa,
12:49 et là, il me fait, "Est-ce que tu veux un café ?"
12:51 Je lui fais oui.
12:52 Et sur le même temps, il me fait,
12:53 "Est-ce que tu veux partir au Maroc à Noël ?"
12:55 Et là, je lui fais oui,
12:56 de la même façon que je lui avais répondu
12:57 que je voulais bien un café.
12:58 Enfin, très raccourci, parce qu'il y a eu
13:01 beaucoup de choses qui ont fait que j'en suis arrivée là.
13:03 Mais on repart au Maroc.
13:04 Les gens que j'avais côtoyés 20 ans auparavant,
13:07 donc qui étaient des adolescents, des enfants,
13:09 m'accueillent, mais comme si j'étais partie la veille, en fait.
13:12 Alors qu'on s'était perdu de vue, etc.,
13:14 que j'essayais de les retrouver.
13:15 Et le désert n'a pas changé.
13:16 Et les enfants du désert n'ont pas changé.
13:18 Et les écoles du désert ont très peu changé.
13:20 Alors, je vous explique pourquoi cette phrase.
13:21 En fait, la situation a très peu changé en 20 ans.
13:23 La grande différence, c'est qu'aujourd'hui, il y a des écoles.
13:25 Par contre, les enfants n'ont toujours pas les moyens de fonctionner.
13:28 Et donc, le 25 décembre 2018,
13:31 je cèle ce pacte avec Abdou, en fait,
13:36 qui deviendra le secrétaire de notre association.
13:38 Peut-être qu'il y a 400.000 personnes
13:40 qui vont enfin, bientôt, avoir l'eau dans le sud du Maroc.
13:42 Quand ça sera fait, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas,
13:44 je serai fière.
13:45 Moi, ce que je retiens de tout ça aujourd'hui,
13:47 c'est que, bien entendu, être brûlée,
13:49 c'est quelque chose de très difficile.
13:50 Mais c'est juste un renouveau.
13:53 Et je pense que ce qui m'est arrivé,
13:55 et d'avoir été brûlée,
13:57 m'a permis à un moment de faire "Oh là, stop !
13:59 T'as vu ce que t'es devenue ?"
14:00 Et ça m'a permis aujourd'hui de devenir, pardon,
14:02 une personne meilleure.
14:03 Alors, je suis loin de dire que je suis une personne parfaite.
14:05 Bien, bien, bien loin de moi, cette idée.
14:07 Mais je suis, en tout cas, redevenue une personne
14:10 qui arrive à essayer de mener sa vie
14:12 comme elle pense qu'elle devrait être,
14:14 pour être bien.
14:15 Il y a une deuxième chose qui est donnée
14:17 par le fait d'être passée si près de la mort,
14:20 c'est de se dire que la mort, elle peut arriver chaque jour.
14:22 Et donc, que ça ne sert à rien d'attendre
14:24 je ne sais pas quoi pour vivre.
14:25 Parce que ça peut s'arrêter du jour au lendemain.
14:27 Et le seul message que j'aurais à tous les grands brûlés,
14:30 surtout à ceux qui viennent d'être brûlés,
14:32 même les petits brûlés,
14:33 c'est de vous dire, surtout, regardez loin devant,
14:35 la vie, elle est belle, elle est là,
14:37 et la peau, c'est juste une enveloppe.
14:39 [Générique]
14:44 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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