Journée du 8 mars : l’interruption volontaire de grossesse bientôt dans la Constitution ?

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Transcript
00:00 et on en parle avec Sophie Soubiran, avocate, porte-parole de la Fondation des femmes.
00:03 Bonsoir, merci d'être avec nous ce soir.
00:05 - Bonsoir.
00:06 - Vous avez été invitée à l'hommage national de Gisèle Halimi en tant qu'association
00:10 et vous aviez décidé de ne pas y aller.
00:12 Pourquoi ?
00:13 - Absolument, oui, la Fondation des femmes a été invitée.
00:16 Et la Fondation des femmes était dans la rue cet après-midi, nombreuse.
00:21 - Vous avez préféré la rue à l'enceinte de l'hommage national ?
00:24 - Nous avons estimé que le calendrier était tout de même un petit peu étonnant
00:28 et qu'au moment où nous avons une mobilisation aussi forte sur un projet de loi
00:34 qui va toucher et impacter au premier chef les femmes...
00:38 - La réforme de la retraite ?
00:39 - Absolument. Il était tout de même assez curieux de prendre cette décision,
00:44 je crois, le 2 mars pour le 8.
00:47 Et voilà, il était plutôt à notre place d'être dans la rue avec les associations
00:52 et de manifester plutôt.
00:55 - Que vous inspire Gisèle Halimi, vous qui êtes avocate ?
00:58 - Vous avez une aînée qui nous porte,
01:04 qui nous inspire évidemment énormément dans tous nos combats
01:09 et qui est une grande, grande figure de lutte contre les violences faites aux femmes
01:17 et pour le droit des femmes, et notamment avec le sujet qui est celui de l'IVG et du droit...
01:24 - Elle a fait une grève de la faim, Gisèle Halimi,
01:26 j'entendais Anik Khojan, journaliste du Monde qui la connaissait bien,
01:30 à l'âge de 10 ans, c'est ce que rapportait Anik Khojan,
01:33 parce que c'est elle qui devait tout faire à la maison, c'était une vraie rebelle.
01:37 Et puis ce qu'on retient, bien sûr, c'est ce procès de 1972
01:40 dans lequel elle a défendu une jeune fille qui a avorté après un viol.
01:44 Pour vous, c'est une plaidoirie mythique, cette plaidoirie de 1972 ?
01:48 - Oui, bien sûr, c'est une plaidoirie mythique,
01:50 c'est une plaidoirie qu'on a réentendue d'ailleurs à nouveau récemment,
01:54 et c'est quelque chose qui nous porte énormément.
01:57 Vous savez, quand on lutte pour les droits des femmes,
02:01 l'institution judiciaire parfois est un peu intimidante,
02:03 et je crois que la force juridique de la Fondation des Femmes nous permet ça aussi,
02:07 nous permet, en toute modestie bien sûr, mais de porter des combats,
02:14 de vouloir faire avancer la jurisprudence,
02:16 et d'ailleurs la Fondation a quelques succès à son actif là-dessus.
02:21 - Lesquels ?
02:23 - Notamment pour tout ce qui est, vous savez, on entend beaucoup parler du harcèlement,
02:29 du harcèlement lié au shitstorm, vous avez entendu parler de ça dès le début,
02:35 du harcèlement sur les réseaux sociaux.
02:39 Là-dessus, on a eu de belles jurisprudences.
02:42 Le sexisme en général dans l'institution judiciaire a quand même une place encore forte.
02:49 - Les luttes n'est pas terminée.
02:50 - Elle devrait entrer au Panthéon Gisèle Halimi ?
02:53 - Certainement, absolument.
02:55 - Le président français a annoncé un projet de loi, vous faisiez allusion,
02:58 pour inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution.
03:01 On va l'écouter Emmanuel Macron.
03:03 - Gisèle Halimi, par ses mots, avait fait changer la loi.
03:12 Je veux aujourd'hui que la force de ce message nous aide à changer notre Constitution,
03:19 afin d'y graver la liberté des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse,
03:26 pour assurer solennellement que rien ne pourra entraver ou défaire ce qui sera ainsi irréversible,
03:34 pour adresser aussi un message universel de solidarité à toutes les femmes qui voient aujourd'hui cette liberté bafouée.
03:42 - Il faut l'inscrire ce droit à l'IVG dans la Constitution ?
03:44 - Bien sûr, c'est une annonce que nous attendions avec impatience,
03:48 qui est le résultat d'une lutte des associations de très très longue date.
03:54 C'est le droit de pouvoir disposer de son corps et de pouvoir choisir de procréer ou non,
04:00 c'est un droit absolument fondamental pour les femmes.
04:03 Et permettre de le sanctuariser, c'était quelque chose de très très important.
04:09 - Donc le fait qu'il soit légal, légalisé depuis 1975 en France, ça ne suffit pas ?
04:13 - Les exemples internationaux récents, notamment celui des États-Unis,
04:18 nous ont montré que c'était malheureusement pas une garantie suffisante.
04:22 Et donc c'est un message fort, on espère que ce sera suivi,
04:26 mais c'était vraiment une annonce attendue avec beaucoup beaucoup d'impatience.
04:31 - L'inscrite dans la Constitution, ça protégera véritablement ce droit ?
04:34 - Absolument, absolument, bien sûr.
04:36 On n'est jamais à l'abri d'une remise en question, vous savez, l'histoire du droit des femmes.
04:41 Alors on ne dit pas forcément cyclique, mais en tout cas, on n'avance pas toujours dans le même sens.
04:46 Et les retours en arrière sont fréquents.
04:50 - Donc là finalement c'était une bonne annonce d'Emmanuel Macron.
04:53 - Oh mais tout à fait, ça a été.
04:54 - Vous étiez à la fois dans la rue contre la réforme des retraites, et qui est sa réforme,
04:57 mais en même temps là, vous soutenez en fait ce qu'il vient de dire.
05:00 - Mais tout à fait, tout à fait.
05:01 - Chaque année, selon l'Observatoire national des violences faites aux femmes,
05:04 94 000 femmes sont victimes de viol ou d'une tentative de viol,
05:08 et au moins 213 000 Françaises de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques
05:15 ou sexuelles de la part de leurs conjoints ou de leurs ex-conjoints.
05:18 122 femmes ont été tuées par leur partenaire ou leur ex-partenaire en 2021.
05:24 Elisabeth Borne envisage de mettre fin à la prescription pour les violeurs récidivistes.
05:29 Est-ce que c'est une bonne mesure ?
05:31 - Alors, si c'est une mesure, oui ça l'est.
05:34 En allant un petit peu, parce que le diable est dans les détails,
05:36 dans le communiqué de presse relatif à cette annonce de plan interministériel,
05:42 on voit qu'il s'agit en fait de faire expertiser la possibilité
05:46 de faire passer cette prescription glissante, y compris pour les victimes majeures.
05:50 Donc, on est un petit peu dubitatif de devoir à nouveau avoir une énième expertise,
05:55 avoir une énième demande de vérifier la possibilité.
06:00 Voilà, je crois que les droits des femmes ont besoin de choses concrètes.
06:04 - C'est-à-dire en fait, si elle l'annonce effectivement et qu'il y a encore des hésitations...
06:08 - Elle annonce qu'une expertise sera diligentée.
06:11 - Une expertise sur la mesure ?
06:13 - Absolument. Ce qui est quand même, vous voyez, en termes d'avancées concrètes et pragmatiques,
06:19 pas la même chose que de dire que c'est une mesure qui va entrer en vigueur.
06:25 - Et vous la soutenez cette mesure ?
06:28 - Oui, absolument, les associations la soutiennent.
06:30 C'est une mesure qui fonctionne jurisprudentialement pour les victimes mineures.
06:36 Et le fait de se poser la question pour les victimes majeures est très bien.
06:39 Mais normalement, on ne devrait plus être au stade uniquement de se poser des questions.
06:42 Voilà, au niveau de l'effet d'annonce, il y a quelque chose qui est un petit peu...
06:44 - Vous voudriez que ça accélère en fait ?
06:47 - Non, on voudrait que les choses soient concrètes.
06:49 Voilà, nous parler d'une mesure d'expertise, vous voyez,
06:52 c'est quand même le contraire de quelque chose de concret.
06:56 - Alors, les victimes justement de viols, de harcèlement, est-ce qu'elles sont aujourd'hui...
07:00 Est-ce qu'il y a eu des améliorations au sein des commissariats ?
07:02 Parce que ça fait plusieurs années qu'on en parle.
07:04 Dans l'accueil, je sais que votre fondation en fait soutient beaucoup cela.
07:09 Est-ce qu'il y a eu des progrès qui ont été faits ?
07:11 - Il y a eu des progrès certainement.
07:13 Le Grenelle a fait beaucoup avancer les choses.
07:16 Le parquet de Paris est extrêmement volontaire.
07:18 On a une procureure qui est vraiment très, très dirigeante sur le sujet.
07:24 Maintenant, nous en sommes, je crois, nous sommes le 8 mars,
07:28 il y a déjà 29 féminicides cette année,
07:30 ce qui correspond en fait peu ou prou au nombre qu'on avait malheureusement
07:34 à déplorer et à décompter au mois de mars 2019 aussi.
07:37 Donc, on doit bien constater qu'il y a des mesures qui sont prises,
07:41 mais elles ne sont toujours pas suffisantes.
07:42 Et dans la pratique quotidienne et concrète,
07:45 oui, il y a toujours des femmes qui se font pas recevoir
07:47 comme elles devraient l'être au sein des commissariats.
07:50 C'est un problème de moyens, encore une fois.
07:52 Le message n'est pas de dire que les femmes doivent avoir peur
07:54 de passer la porte des commissariats, bien au contraire,
07:56 mais simplement qu'il faut vraiment y mettre les moyens,
07:58 que la formation doit être vraiment prise à bras le corps.
08:01 - Donc, ça n'a pas été fait encore, alors qu'on parle justement
08:04 de former les policiers à l'accueil des victimes.
08:08 - C'est fait, mais ce n'est pas suffisant.
08:10 Vous voyez, les chiffres montrent que ce n'est pas suffisant.
08:12 Et il se trouve concrètement qu'il arrive encore trop souvent
08:17 que les dames ne soient pas assez bien reçues.
08:20 Et puis, il y a encore malheureusement les bons commissariats
08:24 où on envoie nos clientes et puis ceux dans lesquels
08:26 on sait que ça va être un peu plus difficile pour elles
08:27 d'être correctement entendues.
08:28 Donc, voilà, ça nécessite de continuer,
08:32 de continuer de manière vraiment volontaire sur le sujet
08:36 et que ce soit la même chose sur l'ensemble du territoire aussi.
08:38 - Pour revenir à la réforme des retraites,
08:40 puisque vous étiez dans la rue à la fois pour le 8 mars
08:42 et contre cette réforme, en quoi est-elle défavorable aux femmes ?
08:47 - Vous savez, il y a la question des carrières hachées
08:50 qui sont en général celles des femmes.
08:53 Il est très fréquent, il est encore très fréquent que dans le...
08:56 D'abord, il y a le problème de l'égalité salariale tout court.
08:59 On n'y est pas encore loin de là.
09:01 - Ça, c'est même indépendant de la réforme des retraites.
09:03 - Oui, mais enfin, ça joue sur la question de combien,
09:06 à combien les femmes vont pouvoir prétendre au moment de leur...
09:10 - Quel est le différentiel ?
09:11 Qu'est-ce que vous calculez, vous, à la Fondation des femmes ?
09:14 - Alors, je n'ai pas le chiffre.
09:16 - Vous ne prenez au dépourvu.
09:17 - Oui, on est encore sur un différentiel énorme.
09:21 - À 100, c'est ça ?
09:23 - Oui, c'est ça.
09:24 Et alors, à ce niveau-là,
09:26 évidemment que cette réforme qui va faire augmenter l'âge de la retraite
09:30 et puis sur des carrières qui ne sont pas continues
09:33 comme peuvent être celles des hommes,
09:34 parce qu'on sait très bien ce qui se passe quand une femme...
09:38 Quand, entre l'homme et la femme, on se demande,
09:39 encore dans un couple hétérosexuel, qui doit s'arrêter de travailler
09:42 parce que son salaire est équivalent à celui de la nounou,
09:44 on sait qui s'arrête de travailler.
09:46 En plus, moi, j'ai le problème professionnellement aussi,
09:50 qui se pose beaucoup, des femmes qui,
09:55 au moment d'une séparation, se retrouvent extrêmement paupérisées,
09:59 extrêmement précarisées dans le cadre d'un divorce ou d'une séparation.
10:03 Ça, évidemment, ce sont des petits arrêts qui vont, à terme, créer...
10:10 - Avoir un impact sur cette réforme des retraites,
10:13 enfin, sur cette inégalité entre les hommes et les femmes ?
10:15 - Oui, absolument.
10:17 Il a été montré que ce seraient vraiment les grandes pardantes...
10:21 de la réforme.
10:22 - Merci beaucoup, Sophie Soubiran, d'avoir été avec nous,
10:24 avocate porte-parole de la Fondation des femmes.

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