« Grand Face-à-Face XXL » ce samedi : le 49-3 et maintenant ? Deux heures d’émission pour comprendre la crise politique et sociale déclenchée par la reforme des retraites, et revenir sur l’avenir incertain du quinquennat d'Emmanuel Macron. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-grand-face-a-face/le-grand-face-a-face-du-samedi-18-mars-2023-6970790
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00:00:10 Bonjour, bonjour à tous et bienvenue dans le Grand Face à Face, un grand face à face au format XXL, le 49.3 et maintenant.
00:00:19 Deux heures d'émission pour revenir sur la crise politique après le choix de l'exécutif d'utiliser l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter sa réforme des retraites.
00:00:29 Deux motions de censure qui seront soumises au vote lundi, appel à la mobilisation par les syndicats jeudi prochain le 23.
00:00:37 Emmanuel Macron qui doit maintenant faire face à l'avenir incertain de son quinquennat.
00:00:41 Alors dans un instant, le duel comme chaque semaine entre Gilles Finkelstein et Natasha Polony.
00:00:47 Et puis de nombreux invités qui vont se succider au micro de France Inter dans le Grand Face à Face pour analyser l'actualité politique et sociale.
00:00:56 L'analyser à chaud, prendre du recul aussi et essayer d'imaginer la suite.
00:01:01 Dans un instant, rendez-vous avec le politologue et chercheur associé au Cevipof, Jérôme Jaffray.
00:01:06 Deux heures donc en direct pour tout comprendre et ouvrir le débat.
00:01:10 Tout de suite, le duel.
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00:01:22 Aussi sur le fondement de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, j'engage la responsabilité de mon gouvernement
00:01:32 sur l'ensemble du projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2023,
00:01:39 modifié par l'amendement de coordination communiquée à l'Assemblée Nationale.
00:01:45 Dans quelques jours, je n'en doute pas, à l'engagement de la responsabilité du gouvernement, répondront une ou plusieurs motions de censure.
00:01:55 Un vote aura donc bien lieu comme il se doit.
00:01:59 Et c'est donc la démocratie parlementaire qui aura le dernier mot.
00:02:04 Le duel avec la directrice de Marianne Natasha Polony et le secrétaire général de la fondation Jean Jaurès, Gilles Finkelstein.
00:02:11 Bonjour les amis.
00:02:12 Bonjour.
00:02:13 C'était jeudi après-midi, vous l'entendiez, une scène qui restera sans doute dans les mémoires politiques.
00:02:18 Jeudi à la tribune de l'Assemblée Nationale, Elisabeth Borne dans un hémicycle survolté.
00:02:24 Les députés de la Nupes qui chantaient la Marseillaise, qui huaient la première ministre.
00:02:29 Des élus du Rassemblement National qui tapaient sur leurs pupitres.
00:02:33 Et des rassemblements spontanés qui ont suivi dans plusieurs villes de France et notamment à Paris.
00:02:38 Place de la Concorde pour dénoncer un déni de démocratie.
00:02:41 Avant d'ouvrir le débat et d'accueillir nos nombreux invités, Gilles et Natasha, retour à chaud sur ce moment que nous vivons.
00:02:49 Question d'abord toute simple, elle vous paraîtra peut-être paradoxale.
00:02:52 Crise politique ou accident politique, Natasha ?
00:02:55 Crise politique majeure et preuve d'irresponsabilité absolument ahurissante.
00:03:02 Mais ahurissante.
00:03:03 Qui porte vraiment les germes de tensions à venir extrêmement dangereuses.
00:03:09 Pourquoi ? La démocratie représentative est abîmée, malade, on le commente ici depuis des années.
00:03:16 Et là, Emmanuel Macron lui tire une balle directement.
00:03:20 Je voudrais juste commencer par un petit rappel sur la Constitution.
00:03:29 Puisque certains expliquent qu'après tout, le 49.3 est dans la Constitution, c'est parfaitement légal.
00:03:34 Donc aucun problème, fermez le banc.
00:03:36 L'article 49.3 est en effet dans la Constitution, donc tout cela est parfaitement légal.
00:03:44 En revanche, il faut se souvenir de ce qu'est la Constitution de la Ve République,
00:03:50 qui à aucun moment n'a été pensée pour permettre à un pouvoir de forcer la main des citoyens.
00:04:00 Alors là, nous avons des citoyens qui disent leur opposition depuis des mois à cette réforme.
00:04:06 Nous avons des corps intermédiaires représentés par des syndicats qui ont été admirables de responsabilité,
00:04:12 qui disent leur opposition.
00:04:14 Nous avions donc des représentants du peuple, en la personne des députés,
00:04:17 qui disaient leur opposition majoritaire, puisque sinon on serait allé au vote.
00:04:23 Et donc on sort cet article.
00:04:25 Je voudrais juste vous citer, c'est Lina qui a ressorti cet extrait à cette occasion.
00:04:29 Donc Michel Debré, le 15 septembre 1958, c'est-à-dire au moment où on discute de la Constitution de la Ve République.
00:04:37 Et il est interrogé sur le problème et si un conflit surgit entre le président de la République et le Parlement.
00:04:42 Alors il répond d'abord, l'essence de la démocratie c'est le conflit.
00:04:45 En dictature, il n'y a pas de conflit.
00:04:47 Et ensuite il explicite le rôle du président.
00:04:49 Il dit, voilà, son rôle c'est de solliciter le Conseil constitutionnel ou le peuple par référendum ou dissolution.
00:04:54 Il n'y a pas d'assemblée souveraine, dit-il, la seule souveraineté c'est le peuple.
00:04:59 Et le président de la République fait appel à lui en cas de conflit.
00:05:03 Il n'y a pas plus démocratique et plus libéral si l'on veut rester dans un régime de liberté.
00:05:08 Voilà, à un moment donné, c'est le peuple qui décide.
00:05:12 Pourquoi ? Parce que la démocratie c'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple.
00:05:17 Gilles, accident ou crise politique ?
00:05:19 Alors je dirais crise politique mais je trouve que c'est intéressant d'essayer de penser contre soi-même
00:05:26 et de voir quels sont les arguments qui peuvent être invoqués pour dire c'est un accident, c'est seulement un accident, un accident parlementaire.
00:05:35 Je le dis d'autant plus que, autant la semaine dernière je crois avoir décrit assez bien ce qui allait se passer cette semaine,
00:05:42 autant je me suis trompé sur le recours au 49.3 dont je pensais qu'il n'aurait pas lieu.
00:05:48 Si j'essaie justement de faire cet exercice intellectuel et de dire quels sont les arguments pour dire c'est un accident,
00:05:58 je crois que le raisonnement qui peut être tenu c'est de dire...
00:06:02 C'est que c'est l'argument avancé par de nombreux membres du gouvernement et de la majorité qui soutenaient évidemment ce texte sur la réforme des retraites.
00:06:09 Évidemment, et comment on peut le défendre ? On peut dire cet accident parlementaire a une cause et il a peu de conséquences.
00:06:16 La cause, la cause principale, c'est la défection des républicains qui n'ont pas assumé leurs responsabilités et la cohérence par rapport à ce qu'ils ont défendu.
00:06:28 Et cet accident parlementaire a peu de conséquences, aura peu de conséquences.
00:06:34 Le gouvernement ne va pas être renversé parce que la motion de censure ne va pas être adoptée.
00:06:40 Le texte va être adopté, le mouvement social va s'essouffler, la crise va passer.
00:06:46 Et donc en gros, pour résumer ce qu'il défend de cette thèse, vous avez un os, vous êtes en train d'en faire un diplodocus.
00:06:53 Je crois que la réalité n'est pas exactement celle-là et peut-être avec un chemin différent, je crois qu'on est face à une crise politique.
00:07:04 Une incertitude sur la crise sociale, ce qu'elle va devenir et comment elle va s'arrêter.
00:07:10 Mais sur la crise politique, je crois que ce qui est révélateur dans cet épisode, c'est qu'on a un pouvoir politique, un gouvernement qui est isolé à la fois de l'opinion, des acteurs sociaux et qui n'a pas trouvé de majorité à l'Assemblée.
00:07:25 Et que cet isolement est un signe ou un risque d'impuissance future. Et je crois que la crise politique, c'est cette crise-là, c'est la crise de l'impuissance.
00:07:35 Et pour terminer par une image, après le diplodocus, pour utiliser une image d'échec, le président et le gouvernement ne sont pas mat', mais ils sont pat'.
00:07:47 Pat', c'est le moment où vous êtes coincé dans un coin de l'échiquier et où vous ne pouvez plus bouger.
00:07:53 On ne peut plus bouger. Alors ça justement, on va en parler dans un instant avec Jérôme Jaffray, essayez d'imaginer la suite de ce quinquennat qui subit donc l'un de ses moments les plus critiques depuis la réélection d'Emmanuel Macron.
00:08:08 Lorsque je reviens malgré tout au discours de la première ministre Elisabeth Borne, Natacha, vous l'entendez dire, la démocratie parlementaire aura gagné in fine.
00:08:16 Le vote, il aura lieu puisqu'il y aura vote sur les motions de défiance et en l'occurrence c'est ce texte qu'elle engage, c'est sur ce texte précis issu de la commission mixte paritaire qu'elle engage la responsabilité du gouvernement.
00:08:30 C'est une manière de dire au fond, les députés finalement auront voté la réforme des retraites. C'est assez curieux comme raisonnement mais il tient la route.
00:08:40 Vous voyez vous-même et vous êtes en train de sourire, vous voyez le sophisme à l'oeuvre dans ce raisonnement. Si les députés n'avaient à voter que lundi prochain sur cette réforme des retraites, ils voteraient de la même manière qu'ils auraient voté jeudi.
00:08:57 Or, visiblement la première ministre pensait qu'il voterait contre le texte puisqu'elle n'a pas pris ce risque. Ça veut donc bien dire qu'il y a un autre enjeu lundi, cet autre enjeu est beaucoup plus complexe.
00:09:10 C'est celui du risque d'une dissolution d'une nouvelle législature avec des députés dont certains sont fragilisés et là on rentre dans de la tambouille politicienne.
00:09:24 Donc on voit bien que l'enjeu n'est pas le même. Il y a donc là une instrumentalisation des armes qui sont dans la Constitution mais qui ne sont pas prévues à cet effet.
00:09:34 Et c'est depuis le début que ça se joue, c'est-à-dire que l'utilisation, on l'a commenté aussi, l'utilisation d'un texte rectificatif de financement de la sécurité sociale, c'est déjà une façon de tordre la Constitution.
00:09:46 Le Conseil constitutionnel aura à se prononcer dessus. C'est-à-dire qu'on doit en revenir toujours au fondement du problème.
00:09:54 Quand on veut respecter la volonté des citoyens, on n'utilise pas des biais pour essayer de contourner.
00:10:03 Si les citoyens sont opposés à cette réforme, alors il faut débattre sur le fond, avec l'ensemble de la nation, sur le système économique qui est le nôtre et la façon dont on peut régler les problèmes que pose le financement des retraites.
00:10:18 - Gilles Finkelstein. - Oui, juste un mot. Ce n'est pas seulement que le vote n'a pas le même objet selon que l'on vote, comme ça aurait pu être le cas sur le texte des retraites, ou que l'on vote sur une motion de censure.
00:10:33 Ce vote ne se fait pas selon les mêmes modalités. Et c'est très important parce qu'évidemment, il va y avoir un vote, mais pourquoi le gouvernement, le président, choisissent cette procédure ? Parce que ce ne sont pas les mêmes modalités de vote.
00:10:49 - Il faut la majorité absolue. - Si vous votiez sur le texte sur les retraites, vous aviez, je vous dis ça par hypothèse, 272 voix contre 270 voix pour 30 abstentions.
00:11:02 Vous avez plus de voix contre que de voix pour. Le texte est rejeté. Pour la motion de censure de lundi, si vous avez les mêmes 272 voix contre, la motion de censure n'est pas adoptée parce qu'il faut une majorité absolue et que, d'une certaine manière, les abstentionnistes sont comptabilisés avec ceux qui votent pour.
00:11:24 C'est une différence essentielle. Il y avait un risque, en tout cas le gouvernement et le président ont considéré qu'il y avait un risque de rejet du texte si c'est le texte qui était voté sur la motion de censure.
00:11:35 Et bien ce risque est évidemment beaucoup plus faible parce que ce ne sont pas les mêmes modalités de vote.
00:11:39 Le diable est dans les détails et j'adore, on y voit beaucoup plus clair. Gilles, le Grand Face à Face XXL continue. On est en direct jusqu'à 14h et tout de suite le débat avec notre invité Jérôme Jaffray.
00:11:49 France Inter, le Grand Face à Face XXL, le débat.
00:11:54 Le recours par le gouvernement au 49.3 traduit l'échec de cette minorité présidentielle. Pourquoi est-ce qu'ils ont eu recours au 49.3 ? Parce qu'ils sont minoritaires à l'Assemblée nationale.
00:12:06 Et ils ne sont pas simplement minoritaires à l'Assemblée nationale, ils sont massivement minoritaires dans le pays. Or on est dans une démocratie.
00:12:13 Et donc le déni de démocratie continue. Après avoir utilisé un véhicule législatif pour empêcher un vrai débat, c'est-à-dire une loi rectificative de finissement de la sécurité sociale,
00:12:24 avoir utilisé le 44.3 au Sénat, on continue à coup de 49.3. Et bien ceci se paiera très cher.
00:12:32 Parce que la démocratie, ce n'est pas simplement la démocratie politique, c'est aussi la démocratie sociale.
00:12:36 Et donc on verra probablement lundi lors du vote, s'il y a une majorité à l'Assemblée nationale qui refuse ce déni de démocratie et ce déni de démocratie en particulier sociale.
00:12:49 On vient d'entendre le centriste Charles-Amédée de Courson, député Liberté Indépendant Outre-mer et Territoire.
00:12:55 Ce groupe liote dont nous découvrons pour l'essentiel l'existence. Bonjour Jérôme Jaffray.
00:13:00 Bonjour. C'est assez intéressant d'entendre Charles-Amédée de Courson qui poursuivait en parlant du président de la République.
00:13:06 Le roi est nu. Vous êtes politologue, chercheur associé au Cevipof et vous connaissez parfaitement la vie de la Ve République.
00:13:13 Une question qu'on se pose aujourd'hui, c'est celle justement que formule l'Amédée de Courson, Charles-Amédée de Courson.
00:13:21 Le roi est-il nu, Jérôme Jaffray ?
00:13:23 À tout le moins, le roi est très isolé. Une précision ou deux quand même par rapport à ce qui s'est dit, puisque je n'ai pas la chance d'être dans votre débat en permanence.
00:13:32 Concernant Michel Debré, je dirais tout de même à Natacha Polony, je pense qu'elle n'a pas la naïveté de le penser,
00:13:38 que comme Premier ministre, il n'a pas vraiment gouverné avec ce qu'il disait le 15 septembre 1958.
00:13:43 Je pense par exemple à la force de frappe qui était un grand débat en 1960.
00:13:47 C'est par le 49-3 qu'elle a été adoptée, Michel Debré étant Premier ministre en 1960.
00:13:53 Quant au centriste Charles de Courson, je parlerai d'un centriste...
00:13:56 Voilà pour le projet de loi rectificatif du duel apporté par Jérôme Jaffray.
00:14:00 Revenons à 2023 et donc Charles-Amédée de Courson et cette motion de censure, l'une des deux qui feront voter lundi.
00:14:08 Vous dites Charles-Amédée de Courson centriste, c'est quand même un centriste radicalisé aujourd'hui.
00:14:11 C'est une espèce nouvelle, tout le monde finalement est radicalisé.
00:14:14 Ce qui est vrai, c'est que ça annonce quand même un changement profond.
00:14:17 Le roi est isolé, disais-je, car le roi est isolé en ce sens qu'il se bat contre toutes les démocraties qui ne sont pas la sienne.
00:14:24 La démocratie politique de son élection.
00:14:26 C'est-à-dire, il se bat contre la démocratie d'opinion, les sondages d'opinion, les manifestations.
00:14:34 C'est une forme de démocratie, même si elle n'a pas le pouvoir de la décision, elle a le pouvoir de l'expression.
00:14:40 Il se bat contre la démocratie sociale, ce sont les syndicats.
00:14:44 C'est-à-dire que dans un projet de loi sociale, le fait de la négociation et le compromis sont des éléments clés du bon fonctionnement.
00:14:51 Et il se bat contre la démocratie parlementaire, troisième point, en ne permettant pas le vote.
00:14:56 Alors c'est vrai que c'est très incompréhensible parce que la logique c'était d'aller au vote.
00:15:00 Vous ne pouvez pratiquer le 49-3 maintenant.
00:15:03 Le 49-3, alors on nous dit "oh, Karl a fait 28 fois le 49-3".
00:15:06 Ça n'est plus un argument. Les choses ont changé, nous avons changé d'époque.
00:15:10 Le 49-3 n'est plus acceptable qu'à l'issue d'un très long blocage à l'Assemblée nationale par le jeu d'obstruction parlementaire.
00:15:18 Et à un moment donné on dit "ça n'est plus possible, on ne peut pas continuer".
00:15:21 Mais si vous avez utilisé la procédure accélérée de l'article 47-1 que tous maintenant nos auditeurs ont appris à connaître par cœur,
00:15:28 c'est contradictoire avec le fait que le débat est interminable et il faut bien un moment en l'achever.
00:15:34 - Vous savez quoi Jérôme Jaffray ? Emmanuel Macron c'est le coup d'État permanent ?
00:15:37 - Non.
00:15:39 - On vient de vous entendre dire qu'il se bat contre toutes les formes de la démocratie parlementaire, sociale.
00:15:45 - Alors ça n'est acceptable que s'il fait comprendre l'intérêt supérieur du pays.
00:15:49 Parce que tous ces éléments, il peut expliquer qu'effectivement il y a un moment donné où l'intérêt supérieur du pays il l'exige,
00:15:57 c'est absolument nécessaire de faire cette réforme.
00:15:59 Or cette bataille-là a été mal menée, a été perdue et du coup on s'est retrouvé avec un projet mal bâti en permanence,
00:16:07 où on a passé son temps à expliquer sur tel ou tel point ça ne fonctionne pas, c'est pas ça, les années de durée de cotisation ne sont pas les mêmes,
00:16:13 - Les 1200 euros.
00:16:15 - Les 1200 euros, les carrières des femmes, enfin bref, toute l'argumentation s'est effondrée au fur et à mesure.
00:16:20 Donc on a une situation où le président se trouve effectivement, et je ne partage pas l'avis de Gilles Finkelstein,
00:16:25 pour reprendre dans le débat, puisque j'y arrive tardivement, quand il dit, mais il le faisait à titre d'hypothèse,
00:16:31 avec sa finesse d'analyse coutumière, qui était que ça n'aurait pas de conséquences.
00:16:35 Ça a d'énormes conséquences.
00:16:38 - Énormes conséquences.
00:16:39 - Énormes conséquences.
00:16:40 C'est-à-dire que vous avez une situation où l'Assemblée ne peut plus fonctionner en vérité pour trouver une majorité sur des textes.
00:16:46 Ça change tout.
00:16:48 Pas de majorité sur les textes parce qu'aucun accord avec les Républicains n'a plus de valeur.
00:16:52 Allez faire un accord avec les Républicains pour voter un texte.
00:16:55 Quant à la gauche, elle est devenue très dure.
00:16:57 Et la partie liotte des centristes radicalisés dont vous parliez aussi.
00:17:01 C'est-à-dire que vous ne trouvez plus une majorité pour voter des textes importants.
00:17:05 Et depuis 2008, je rassure Natacha sur ce point, l'usage de l'article 49.3 est quand même très limité maintenant.
00:17:12 Hormis les textes budgétaires, c'est un texte par session, point final.
00:17:16 - Depuis la commission de la Dure et la réforme de Sarkozy.
00:17:18 - Vous ne pourrez pas recommencer à le faire éternellement.
00:17:21 Tout ça nous conduit à penser que cette assemblée ne pourra plus durer très longtemps.
00:17:26 Et que le président de la République est à la recherche d'un moment pour dissoudre.
00:17:30 Mais si il veut dissoudre pour dire aux Français "Voulez-vous les 64 ans ?"
00:17:34 Il envoie au massacre les députés macronistes, c'est évident.
00:17:38 Et donc, pour lui, c'est beaucoup plus le chaos, le blocage, la violence à l'Assemblée qui en permanence,
00:17:44 qui font qu'il peut essayer de trouver des thèmes.
00:17:47 Ça demande forcément quelques mois.
00:17:49 - L'Assemblée étant pratiquement bloquée pour voter des textes, la question de sa survie se pose.
00:17:54 - Gilles ?
00:17:55 - Oui, alors, trois remarques.
00:17:58 D'abord, quand Jérôme Giffray dit "le président se bat contre toutes les démocraties qui ne sont pas les siennes",
00:18:05 Charles-Henri de Courson a eu une formule très forte.
00:18:08 Il disait qu'il y avait un problème à la fois, il n'y avait ni de légitimité populaire,
00:18:12 ni de légitimité sociale, ni de légitimité parlementaire.
00:18:16 Et le non-recours au vote, c'est ça que ça a créé.
00:18:22 C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu une légitimité parlementaire à opposer à la légitimité populaire
00:18:29 telle qu'elle se manifeste dans les sondages.
00:18:32 Ça aurait permis par ailleurs au président et au gouvernement d'empocher une victoire,
00:18:36 ils en auraient eu bien besoin, de montrer qu'une coalition était possible.
00:18:40 Et c'est donc tout ça qui s'est écroulé.
00:18:43 Deuxièmement, Jérôme Jaffray disait que tout ça, ce 49-3 ne pourrait être acceptable
00:18:48 que si le président fait comprendre que c'est l'intérêt supérieur du pays.
00:18:52 Or, une des grandes difficultés depuis même la campagne présidentielle,
00:18:59 c'est que l'objectif même de cette réforme change tout le temps.
00:19:05 Pendant la campagne présidentielle, pourquoi Emmanuel Macron voulait-il faire cette réforme ?
00:19:10 Au-delà de la dimension purement tactique qui était de récupérer les électeurs de Valéry Pécresse,
00:19:16 à quoi il est très bien parvenu.
00:19:18 Financer les projets d'avenir.
00:19:20 Financer la santé, financer l'éducation.
00:19:23 Puis ça a changé d'objectif et cette semaine même, un autre objectif est apparu.
00:19:28 Donc c'est une grande difficulté de convaincre que c'est l'intérêt supérieur
00:19:31 quand l'objectif varie tout le temps.
00:19:33 Enfin, dernier point sur l'impuissance.
00:19:36 Si Jean-Jacques Jaffray ne m'a pas bien compris, ça m'inquiète.
00:19:41 J'essayais de me mettre à la place de ceux qui pensaient ça.
00:19:47 Ma thèse est exactement la même.
00:19:49 Je terminais en disant que le président de la République n'est pas mat, mais il est pat
00:19:53 pour utiliser une image d'échec.
00:19:55 C'est-à-dire qu'il n'est pas nu, mais il est impuissant.
00:19:57 Et je ne sais pas si l'issue pour sortir de cette impuissance,
00:20:01 c'est le retour devant les électeurs et une dissolution.
00:20:05 En tout cas, ça veut dire qu'il faut changer de dispositif politique
00:20:08 et trouver les voies d'une coalition.
00:20:11 C'est très difficile.
00:20:13 Jérôme Jaffray.
00:20:14 La fin, l'ensemble du propos de Gilles Finkelstein me convient tout à fait
00:20:19 et sa fin encore plus.
00:20:21 C'est-à-dire quand il dit construire une coalition, c'est particulièrement difficile
00:20:24 et plus que cela, c'est maintenant impossible.
00:20:27 C'est-à-dire que c'est à un moment donné le retour devant le peuple
00:20:30 qui est quand même la condition.
00:20:32 Simplement, comme c'est le président de la République qui a l'avantage
00:20:36 de choisir le moment où il décide du retour au peuple et de sa forme,
00:20:41 là il possède un avantage absolument décisif,
00:20:45 mais à user à bon escient et de façon compréhensible.
00:20:49 Parce que vous n'avez plus la possibilité de construire une coalition.
00:20:52 Maintenant, on voit une chose très intéressante qui vient de se passer,
00:20:55 c'est Jordan Bardella.
00:20:57 Jordan Bardella, c'est le président du Rassemblement National,
00:21:00 comme vous le savez, et il prépare manifestement une union des droites
00:21:04 en cas d'élection de Marine Le Pen en 2027.
00:21:07 Car que vient-il de dire, Jordan Bardella ?
00:21:09 Il vient de dire que les députés républicains qui voteraient la motion de censure
00:21:14 n'auraient pas d'adversaire du Rassemblement National contre eux
00:21:18 en cas d'élection législative provoquée par une dissolution.
00:21:21 Et ça, pour des députés LR élus aujourd'hui le plus souvent dans des circonscriptions rurales,
00:21:27 où leur principal adversaire, leur principal risque, c'est le Rassemblement National,
00:21:32 c'est un élément politique extrêmement important.
00:21:34 C'est-à-dire que là où aujourd'hui les macronistes n'ont plus la possibilité de bâtir une coalition,
00:21:39 c'est en réalité le Rassemblement National qui prépare une autre forme de coalition
00:21:44 en cas de victoire de Marine Le Pen et en préparant une absorption d'une partie des républicains,
00:21:49 excusez du changement politique, quand on me dit qu'il n'y a pas de changement politique dans la période actuelle, c'est à rire.
00:21:54 Quant à la nupesse, on voit bien aussi que la tactique Jean-Luc Mélenchon qui le menait a finalement bien marché.
00:22:01 C'est-à-dire empêcher le Parlement de voter en première lecture,
00:22:05 ce qui fait qu'il n'y a eu aucun moment un vote de l'Assemblée Nationale.
00:22:08 Et du coup vous êtes dans une situation où les gens se disent "mais c'est pas normal, on n'a pas voté,
00:22:13 comment ça se fait, c'est pas possible, cette réforme, nous sommes contre et en plus personne ne la vote".
00:22:19 Parce qu'une motion de censure, c'est pas le vote du texte, en aucun cas.
00:22:23 Et en aucune façon. Donc Jean-Luc Mélenchon, à la fois, il a réussi à empêcher le vote,
00:22:28 et il a tout fait pour, il a fait y compris des tweets aux députés pour leur dire de ne pas le faire,
00:22:33 et essayé de mêler un mouvement de rue avec un mouvement parlementaire.
00:22:38 Ça ne dit pas que ça aura le succès final, mais en tout cas, quel désordre il a réussi à créer dans le paysage politique.
00:22:45 - Natacha ? - Premier point, je partage votre idée selon laquelle la phrase de Jordane Bardella est un fait politique majeur,
00:22:55 parce que de fait c'est la première fois qu'on voit une prise de position du Rassemblement National
00:23:02 qui peut potentiellement changer très concrètement beaucoup de choses sur des élections à venir.
00:23:08 Mais je voudrais revenir sur un mot qu'a utilisé Gilles et qui est à mon avis au cœur de tout ce dont nous parlons aujourd'hui,
00:23:14 c'est le mot de légitimité. La question majeure est là.
00:23:18 C'est-à-dire que nous avons depuis plusieurs années des légitimités qui s'affrontent,
00:23:24 la légitimité de la démocratie représentative et des élus face à la légitimité de la rue,
00:23:32 la légitimité qui peut naître en l'occurrence de sondages d'opinion qui montrent une volonté du peuple
00:23:39 qui s'affirme de plus en plus au fur et à mesure que le débat sur cette réforme s'exprime.
00:23:45 Et la question de la légitimité des élus, elle se pose d'autant plus que nous sommes dans un moment
00:23:51 où l'abstention est de plus en plus forte et que donc quand vous avez été élu avec 50% d'abstention,
00:23:58 vous n'avez pas le même poids que quand vous avez été élu avec 20% d'abstention.
00:24:04 En l'occurrence, on tourne autour depuis la réélection d'Emmanuel Macron, c'est la question de savoir
00:24:10 si un président élu dans un second tour face à Marine Le Pen peut avoir le même poids dans ses décisions,
00:24:17 la même liberté qu'un président élu, j'allais dire projet contre projet.
00:24:23 Et c'est quelque chose d'extrêmement important. Pourquoi ? Parce qu'on l'a évoqué plusieurs fois,
00:24:27 mais là ça se joue très concrètement. Est-ce que l'élection d'Emmanuel Macron lui donne
00:24:33 quitus pour une réforme à laquelle une majorité de citoyens est opposée uniquement du fait qu'il a été élu,
00:24:40 c'est vrai, tout à fait démocratiquement, mais il a été élu par des gens qui n'adhéraient pas à cette partie
00:24:45 de son programme et même à beaucoup de parties de son programme du fait de la présence du RN.
00:24:50 Tout cela complexifie énormément les choses et c'est pour ça que je citais Michel Debré.
00:24:54 Évidemment qu'il a eu une pratique en tant que Premier ministre qui contournait, mais la question majeure
00:24:59 n'est pas celle du conflit entre le président de la République et le Parlement, mais du rôle du peuple là-dedans.
00:25:05 Cette constitution de la Ve République, elle porte en elle l'outil du référendum, elle porte en elle la pratique de De Gaulle.
00:25:14 Je termine, la pratique de De Gaulle qui est justement que le président revérifie en permanence sa légitimité
00:25:21 et qu'il est censé incarner cela à la volonté du peuple. C'est tout cela qui se joue et on voit bien que ce n'est pas
00:25:27 la pratique actuelle et qu'on a au contraire une constitution qui renforce l'absence de légitimité du pouvoir.
00:25:34 Alors c'est très dangereux votre discours, permettez-moi de vous le dire, parce que ça signifie en gros que
00:25:40 moi j'ai toujours connu des élections, c'est le principe du second tour. On vote très largement contre l'adversaire
00:25:46 et quel que soit le type de second tour. Mitterrand n'a été élu en 1981 que parce qu'une partie du RPR et de Jacques Chirac
00:25:52 voulaient se débarrasser de Valéry Giscard d'Estaing et pas du tout par enthousiasme me semble-t-il pour François Mitterrand
00:25:57 ou alors je me suis trompé. Quant à François Hollande, il a été élu en 2012 parce qu'on voulait se débarrasser
00:26:03 d'une partie du pays, de Nicolas Sarkozy dont on désapprouvait la façon dont il exerçait la présidence, le style qu'il donnait.
00:26:10 Donc on a une situation où mécaniquement vous avez cette situation où le second tour, au premier tour on choisit,
00:26:17 au second tour on élimine, c'est la vieille règle du scrutin majoritaire à deux tours.
00:26:21 - Donc Marine Le Pen est une candidate comme les autres ?
00:26:24 - Pardon ? - Donc Marine Le Pen est une candidate comme les autres, comme a été Nicolas Sarkozy, comme a été François Mitterrand ?
00:26:28 - Non, l'élu est un élu comme un autre. Ne prenez pas mon raisonnement à l'inverse de ce que je viens de dire.
00:26:33 Mais c'est dangereux parce qu'à ce moment-là, moi j'aurais préféré pour tout vous dire, dans l'analyse politique que vous menez aussi
00:26:40 et que je partage, un second tour. Macron-Mélenchon en 2022 aurait eu une clarté politique, une clarté de choix,
00:26:47 projet contre projet, beaucoup plus grand. On aurait eu probablement une victoire assez serrée d'Emmanuel Macron face à Jean-Luc Mélenchon,
00:26:54 mais du coup, la coalition, non par l'égide Finkelstein, se construisait automatiquement dans un second tour contre Jean-Luc Mélenchon,
00:27:02 elle gouvernait le pays, on rentrait dans la clarté.
00:27:04 - Laissons l'Ukrainie à pas de peu de côté. - Ah oui, mais elle a son charme.
00:27:07 - Elle est passionnante, mais maintenant en 2023.
00:27:10 - Maintenant, là où Natacha a parfois raison, il faut bien le reconnaître, c'est que la campagne présidentielle de 2022 a été très largement escamotée.
00:27:22 La guerre en Ukraine en a été une cause et le président Macron en a profité tactiquement pour escamoter très largement le débat.
00:27:29 C'est la vérité. Donc nous sommes dans une situation... Et deuxièmement, nous avons maintenant un système qui donne beaucoup moins de force à l'élu.
00:27:37 C'est la vérité. La vérité, c'est que vous êtes élu. Le général de Gaulle et Georges Pompidou étaient élus avec 45% des voix au premier tour de scrutin,
00:27:44 on est maintenant élu avec 25% des voix au premier tour.
00:27:47 Les partis politiques classiques sont quasiment en autodestruction permanente et en sici-parité.
00:27:54 C'est donc une performance. Les Républicains, maintenant, s'est éclaté autant que le parti socialiste, enfin bref, je n'insiste pas là-dessus.
00:28:01 Et du coup, derrière, nous avons un affaiblissement de la légitimité de la décision politique.
00:28:06 Et du coup, les gens disent "mais nous manifestons dans la rue, ça a plus de valeur que ce qui se passe au niveau du pouvoir délibérant".
00:28:14 Mais là aussi, c'est extrêmement dangereux parce que les manifestations, celle-ci plaît à beaucoup de Français, il y en a d'autres qui peuvent beaucoup déplaire.
00:28:21 Un mot, puisque vous êtes un grand connaisseur de l'opinion publique, est-ce que vous pensez que le mouvement social peut se poursuivre ?
00:28:26 Ou est-ce que, comme l'imaginait Gilles en tout cas en se faisant l'écho de ce qu'espérait ou du pari d'Emmanuel Macron la semaine dernière,
00:28:35 le mouvement social s'arrêtera mécaniquement une fois la réforme passée et les motions de censure rejetées ?
00:28:41 Vous ne me permettez pas de rester dans l'Ukrainie, vous m'obligez à regarder.
00:28:46 Moi je dirais qu'il n'y a pas vraiment un grand mouvement social, mais il y a un grand mouvement politique de contestation.
00:28:52 C'est-à-dire que la colère sociale est devenue colère politique. Et ce n'est plus la même.
00:28:55 C'est-à-dire la colère politique, ça a réveillé l'antimacronisme extrêmement fort qui existe dans une partie importante du pays.
00:29:02 Ne nous y trompons pas, il y a une hostilité au président qui existe et qui ne s'est pas calmée,
00:29:08 qui n'a pas été résorbée depuis la grande crise des Gilets jaunes.
00:29:12 Et puis un mécontentement profond sur le mode de décision et de règlement d'une réforme dont les Français ne voulaient pas,
00:29:20 qu'ils ne comprenaient pas et dont ils estiment qu'on leur a imposé de force.
00:29:24 Donc vous avez une contestation politique forte qui peut continuer.
00:29:28 Tout le problème de ce type de contestation politique, c'est est-ce que c'est des petits mouvements épisodiques,
00:29:33 mais qui marquent quand même le coup de la colère, de la mécontentement fort,
00:29:37 ou est-ce que ça finit par embraser le pays plus largement ?
00:29:40 Et là, évidemment, c'est la question de la jeunesse qui est derrière.
00:29:43 Parce que tant que, et Jean-Luc Mélenchon le dit souvent, tant que la jeunesse ne se met pas en mouvement, un pouvoir n'est pas prêt à céder.
00:29:50 - Gilles Finkelstein ? - Une remarque sur le passé et une question pour vous sur l'avenir.
00:29:55 Sur le passé, je crois que le grand changement, pour revenir sur votre débat avec Natacha,
00:30:02 c'est qu'on est passé d'un système dans lequel il y avait une bipolarisation entre la gauche et la droite,
00:30:07 à une tripartition de l'espace politique.
00:30:10 Et ce faisant, la puissance propulsive du deuxième tour n'a plus rien à voir.
00:30:14 Et quand un électeur communiste votait au second tour de l'élection présidentielle pour François Mitterrand,
00:30:20 il n'était pas devenu totalement mitterrandiste, mais il se reconnaissait globalement quand même dans le projet.
00:30:26 Quand un électeur de Jean-Luc Mélenchon vote pour Emmanuel Macron au deuxième tour,
00:30:31 eh bien il vote davantage encore contre Marine Le Pen et évidemment pas pour la retraite à 65 ans.
00:30:37 Ma question sur l'avenir, quand on se projette cette fois-ci sur la sortie de crise.
00:30:42 Vous dites, à un moment ou à un autre, c'est le retour devant le peuple, c'est la dissolution.
00:30:48 On voit évidemment mal, dans la période qu'elle pourrait être, l'intérêt du président de la République à dissoudre.
00:30:53 Mais on peut même s'interroger sur l'utilité de cette dissolution comme modalité de sortie de crise.
00:30:58 Est-ce qu'il y aurait davantage une majorité claire qui sortirait ?
00:31:02 En attendant, est-ce que la coalition, et c'est là où j'en viens à ma question,
00:31:06 est-ce que la coalition avec LR ou avec une partie de LR n'est pas malgré tout un terrain à explorer ?
00:31:13 C'est très frappant de voir à quel point les Républicains sortent de cette séquence,
00:31:18 à la fois en contradiction, pour partie d'entre eux, avec ce qu'ils ont raconté pendant des années,
00:31:24 déstructuration idéologique totale, décomposition du parti, en sens où il n'y a plus aucune discipline collective.
00:31:31 Je ne sais plus qui utilisait la formule, il disait c'est une addition d'auto-entrepreneurs qui sont chacun derrière eux-mêmes.
00:31:38 Le clivage est apparu, est-ce qu'il n'y a pas, d'un côté peut-être, ceux qui un jour iraient dans une coalition avec le RN,
00:31:48 mais est-ce qu'il n'y a pas une voie à explorer pour bâtir une coalition avec les autres ?
00:31:52 Jérôme Jaffray.
00:31:53 Alors d'abord, sur les second tours, ce que vous dites est entièrement juste, s'agissant de François Mitterrand et de son élection de 80.
00:31:58 C'est déjà beaucoup moins vrai en 2012, où les électeurs de Jean-Luc Mélenchon au second tour, votant François Hollande,
00:32:04 ne partageaient beaucoup moins le projet de François Hollande que ne le partageaient les électeurs de Georges Marchais,
00:32:10 quand ils votaient François Mitterrand en 81, là-dessus.
00:32:13 La coalition, le problème est simple, il s'agit d'échiqueter les Républicains, c'est ça l'enjeu dont nous parlons.
00:32:18 De terminer.
00:32:19 Il y a un bout.
00:32:20 Ou si on le dit de manière positive pour eux, d'imaginer une alliance formelle avec la droite pour pouvoir gouverner.
00:32:28 Avec les macronistes, vous voulez dire ?
00:32:29 Oui.
00:32:30 Enfin que la droite formalise un accord avec les macronistes pour gouverner.
00:32:34 Il s'agit donc de déchiqueter les Républicains, je le redis très simplement, un bout.
00:32:39 La conséquence serait de dire que ceux qui ne votent pas la censure n'auront pas d'adversaire macroniste en cas de dissolution.
00:32:45 Il y a tant de voix si on pousse le cynisme politique jusqu'à cette formulation qui, à mon avis, ne peut se faire que discrètement.
00:32:52 Elle ne peut pas se faire par déclaration publique, mais c'est la logique de ce que vous dites.
00:32:56 Le problème, Gilles Finkelstein, c'est que vous n'avez pas, il manque 40 voix pour constituer une vraie majorité à l'Assemblée nationale là-dessus.
00:33:04 Vous n'avez pas plus de 15 à 20 députés républicains prêts à entrer dans une coalition.
00:33:10 C'est-à-dire que vous payez cher, vous payez très cher pour une coalition.
00:33:13 Quel Premier ministre dans ce schéma ?
00:33:15 Car évidemment, quand vous me parlez d'une coalition, derrière il y a un changement profond du gouvernement,
00:33:20 un changement du Premier ministre qui doit venir marquer qu'il est dans ce camp.
00:33:25 Je rappelle qu'Elisabeth Borne vient de la gauche et que c'est venant de la gauche probablement qu'elle s'est lancée dans une réforme des retraites
00:33:31 où elle a voulu mettre beaucoup de sucré à côté de salé pour corriger un certain nombre d'inégalités
00:33:36 qui fait qu'elle a simplement mis en valeur toutes les inégalités que notre système de retraite charrie depuis 1945
00:33:42 et qui sont colossales.
00:33:44 Donc je pense que Gilles Finkelstein serait un excellent négociateur de sa coalition qu'il veut bâtir
00:33:49 mais qu'elle ne serait pas à elle seule majorité.
00:33:52 Natacha Polony a encore une question pour vous Jérôme Jaffray.
00:33:54 En un mot, parce qu'il y aurait beaucoup de choses.
00:33:57 Vous parliez tout à l'heure de Charles de Courson en disant "c'est un centriste radicalisé".
00:34:02 Moi j'analyse le macronisme comme du centrisme autoritaire.
00:34:05 Et c'est bien, je pense, le cœur du problème.
00:34:08 Parce qu'en fait, depuis son élection de 2017 où Emmanuel Macron avait promis de revivifier la démocratie,
00:34:15 de s'appuyer sur la société civile, de décloisonner,
00:34:17 il n'a fait que donner le pouvoir à une technocratie dont il s'est entouré
00:34:22 à travers des conseillers d'Etat, il n'y a jamais eu autant d'énarques dans les sphères des ministères.
00:34:28 Et c'est cette technocratie qui a décidé qu'elle savait mieux que le peuple ce qui était bon pour lui.
00:34:35 Et d'ailleurs, la phrase d'Emmanuel Macron, et je pense qu'on va en parler dans la suite de cette émission,
00:34:40 expliquant finalement, je dis, que le vrai problème de cette réforme, c'est qu'il la faut parce que les marchés la demandent,
00:34:46 c'est caractéristique de cette idée que finalement, le peuple peut vouloir tout ce qu'il veut, ça n'a aucune importance.
00:34:54 Ce qui compte, c'est qu'une technocratie soit là pour appliquer ce qui va permettre aux marchés d'être contents.
00:34:59 Parce qu'il croit, sincèrement je pense Emmanuel Macron,
00:35:02 que c'est l'intérêt supérieur du pays pour reprendre l'expression que vous utilisiez.
00:35:06 Et c'est bien un problème, on en revient au cœur du sujet, la démocratie dans tout ça.
00:35:09 Jérôme Jaffray ?
00:35:10 Oui, c'est-à-dire que c'est assez incompréhensible ce que déclarait,
00:35:14 alors c'est des propos rapportés mais semble-t-il de façon précise,
00:35:18 sur le fait que les marchés n'auraient pas supporté qu'il y ait un vote contraire et aurait accablé la France.
00:35:23 Parce que c'est d'abord un discours assez incompréhensible pour les Français,
00:35:26 car effectivement ils donnent le sentiment que la puissance financière est supérieure à toute autre puissance
00:35:30 par rapport à l'expression du peuple.
00:35:32 Première chose qui, en termes de démocratie, est inacceptable.
00:35:35 Et deuxièmement, elle dit aussi à sa façon,
00:35:39 elle contredit totalement le discours du gouvernement en disant
00:35:42 "les choses vont bien en France, elles vont de mieux en mieux".
00:35:45 Si au premier vote contraire on s'écroule, on peut dire qu'on ne va pas vraiment de mieux en mieux.
00:35:50 Le problème, vous mettez le doigt sur beaucoup de choses,
00:35:53 c'est que pour l'opinion publique, le pouvoir est perçu comme un pouvoir brutal.
00:35:58 Et c'est ça aussi le problème.
00:36:00 C'est ça le coût de ce qui vient de se passer.
00:36:03 C'est-à-dire un pouvoir brutal n'est pas un pouvoir qui écoute et qui négocie avec le peuple.
00:36:07 Le drame, le premier drame si vous voulez de l'affaire,
00:36:10 c'est d'avoir conclu un compromis politique avec les Républicains
00:36:13 dont on a vu la vertigineuse efficacité au moment du vote.
00:36:16 C'est-à-dire passer de 65 à 64 ans au lieu de faire ce compromis avec le mouvement social.
00:36:22 C'est-à-dire qu'à un moment donné, recevoir les syndicats et dire
00:36:25 « nous comprenons qu'il y a une certaine brutalité, nous voulons faire,
00:36:28 mais nous intégrons un certain nombre d'éléments que vous demandez et nous passons à 64 ans »
00:36:32 changeait déjà la donne.
00:36:33 Sinon, là vous restez sur un pouvoir qui réussit à la fois à être brutal et sourd, ce qui est une performance.
00:36:38 Merci, ce qui était une performance, c'était de nous expliquer avec autant de clarté une situation aussi compliquée.
00:36:43 Et nous avons aussi découvert l'expression, pour ceux qui ne sont pas de grands joueurs d'échecs,
00:36:47 l'expression « patte », match nul au fond.
00:36:50 Y a-t-il match nul ? C'est ce dont on va continuer à parler.
00:36:53 Merci Jérôme Jaffray d'avoir été l'invité de France Inter.
00:36:56 Le Grand Face-à-Face XXL en direct continue les grands enjeux de la crise politique
00:37:01 après le 49.3.
00:37:03 Analyse et décryptage avec nos invités jusqu'à 14h.
00:37:07 Le Grand Face-à-Face XXL.
00:37:09 Alibado sur France Inter.
00:37:13 Lucille Schmidt et Michael Zemmour, bonjour.
00:37:16 Bonjour.
00:37:17 Et bienvenue, merci infiniment d'être avec nous.
00:37:19 Lucille Schmidt, vous êtes vice-présidente de la fabrique écologique,
00:37:22 le think-tank, co-autrice d'Emmanuel Macron à Contre-temps,
00:37:26 qui portait sur le premier quinquennat.
00:37:27 On va voir s'il reste toujours à Contre-temps au cours de ce deuxième.
00:37:31 Michael Zemmour, maître de conférence à l'université Paris 1,
00:37:34 Panthéon Sorbonne, chercheur au Centre d'économie de la Sorbonne.
00:37:38 Votre intervention sur France Inter un matin à 7h50,
00:37:41 autour des 1200 euros, dispositions phares mais dispositions floues
00:37:45 du projet de réforme des retraites, avait mis le feu au lac,
00:37:49 en tout cas de ceux qui présentaient ce texte et cherchaient à le défendre.
00:37:54 Je le pose de manière non pas ironique mais avec un petit sourire quand même.
00:37:59 Est-ce que vous vous sentez une petite responsabilité
00:38:02 quand vous dites "bon, on a été et je fais partie de ceux qui ont pointé du doigt
00:38:07 un certain nombre de choses qui étaient floues dans ce projet
00:38:10 et qui ont contribué à ce que l'opposition rejette massivement
00:38:14 la réforme des retraites que présentait Elisabeth Borne ?
00:38:18 Oui et non. Oui parce qu'effectivement ce passage sur France Inter a eu beaucoup d'échos
00:38:23 et a fait partie des temps importants d'analyse de la réforme
00:38:27 mais il y en a eu d'autres. Il y a eu notamment la question de l'inégalité femme-homme
00:38:31 par exemple qui a été un moment important.
00:38:33 Non parce que d'abord je ne suis pas le seul à avoir pointé cette faute-là.
00:38:37 Ça avait été fait par d'autres et par moi avant à plusieurs reprises.
00:38:40 Notamment par Gilles qui soulevait la question dès le mois de janvier.
00:38:43 Voilà. Et donc effectivement, par contre, depuis le début de la réforme
00:38:47 il y a eu une vraie difficulté. C'est-à-dire que plutôt que de débattre du fond
00:38:50 que va produire les effets de la réforme et est-ce que c'est un bon choix
00:38:54 est-ce que le jeu en vaut la chandelle, moi personnellement mais beaucoup de monde
00:38:57 on a passé beaucoup de temps à expliquer les caractéristiques de la réforme
00:39:00 parce que le gouvernement de manière constante n'a pas dit la réforme qu'il faisait.
00:39:04 Il a raconté une autre histoire.
00:39:06 Donc cet épisode des 1200 euros est un peu caractéristique.
00:39:09 Il y a bien une revalorisation de certaines petites pensions
00:39:12 assez modérée mais c'est une revalorisation
00:39:14 mais une partie du gouvernement ou du discours politique a raconté une autre histoire
00:39:18 qui était celle d'un minima de pension garantie
00:39:20 qui aurait sans doute été une bonne idée mais qui n'était pas dans la réforme.
00:39:23 En l'occurrence, avec un petit peu de recul avant de donner la parole à Lucille Schmitt
00:39:26 quand vous refaites le film de ce qui s'est passé au cours de ces centaines de jours
00:39:33 de discussion autour de la réforme des retraites
00:39:35 avant qu'on en connaisse les détails et qu'elle soit présentée par Elisabeth Borne
00:39:40 on parlait déjà de ce projet et de ses grandes lignes.
00:39:44 Il y avait, je crois, Jean-Paul Delvoix qui était nommé en charge de la réforme des retraites
00:39:51 il y a 2000 jours faisait le compte Dominique Seux de France Inter.
00:39:56 Quand vous refaites le film et que vous vous dites
00:39:58 "Bon, on a quand même exploré jusqu'au bout ce texte-là,
00:40:02 le gouvernement n'a pas réussi à le faire passer"
00:40:05 vous vous dites "c'est la conclusion logique d'une histoire qui était écrite à l'avance" ?
00:40:08 - Sur cette réforme par rapport au texte de Delovoix,
00:40:12 en fait les deux textes ont une philosophie extrêmement différente
00:40:16 parce que le texte de Delovoix était d'une essence libérale
00:40:19 au sens où c'était le départ à la carte.
00:40:21 Toute votre vie vous acquérez des points et vous partez à la carte.
00:40:24 Et ce texte-là c'est l'inverse, puisque c'est un départ contraint, impossible avant 64 ans
00:40:28 sauf condition particulière.
00:40:30 Mais il y a un point commun entre les deux textes
00:40:32 et qui signe l'échec dans les deux cas
00:40:34 y compris le fait que la CFDT par exemple n'a pas soutenu le texte
00:40:37 dans les deux cas, le gouvernement voulait faire des économies importantes et rapides
00:40:42 c'était le cas avec le texte de Delvoix
00:40:44 ça s'est cristallisé avec l'expression de l'âge pivot
00:40:47 et c'est le cas dans cette réforme.
00:40:49 Donc finalement on a un petit peu le sentiment
00:40:51 qu'il n'y a pas un dessin politique précis pour les retraites
00:40:54 par contre il y a une volonté de faire des économies rapides sur les retraites
00:40:57 et dans les deux cas c'est ça qui crée le blocage.
00:40:59 - Lucille Schmitt, vous pensez que c'est le président de la République qui était à contre-temps
00:41:03 ou est-ce que c'est au contraire justement la difficulté de présenter un projet cohérent
00:41:06 qui a abouti à cet impasse-là, à cette situation de pattes
00:41:11 pour reprendre l'expression du jeu d'échec qu'emploie Gilles Finkelstein ?
00:41:15 - Je pense que présenter un projet cohérent, une réforme des retraites cohérente
00:41:20 c'est choisir un ou deux objectifs
00:41:23 et je pense que l'incapacité à choisir des objectifs clairs
00:41:26 enfin ce qu'on a compris c'est que c'était une réforme à vocation financière de rééquilibrage
00:41:31 et puis on s'est aperçu que ce n'était pas le cas
00:41:33 ensuite on a compris que ça pouvait être une réforme en termes de justice
00:41:36 et on a compris que ce n'était pas le cas et que c'était même une réforme qui crée de nouvelles injustices
00:41:39 tout en dévoilant les injustices du système actuel
00:41:43 par exemple réaliser que les femmes avaient des retraites extrêmement réduites par rapport à celles des hommes
00:41:48 et que notamment il fallait attendre d'être veuve ou d'être...
00:41:51 oui c'est ça que l'homme soit mort pour que ce rééquilibrage se produise
00:41:54 c'est une des découvertes par rapport à cette réforme
00:41:57 et donc on a le sentiment que le seul objectif qui restait
00:42:00 c'était l'affirmation de son pouvoir par Emmanuel Macron
00:42:03 et ça évidemment c'est quelque chose d'inacceptable
00:42:06 lorsque l'affirmation de son pouvoir conduit à modifier profondément en moins bien
00:42:11 pour des millions de français leur vie quotidienne et leur perspective de liberté
00:42:15 tout le monde n'a pas un travail palpitant
00:42:17 tout le monde n'a pas un travail comme le fait d'être président de la république c'est sans doute palpitant
00:42:21 tout le monde n'est pas très bien payé
00:42:23 tout le monde n'a pas l'occasion de passer à la télévision ou à la radio
00:42:27 un certain nombre d'anonymes ont envie tout simplement de retrouver la liberté
00:42:30 de s'occuper de leur famille
00:42:32 de profiter peut-être d'une créativité qu'ils n'ont jamais eue dans leur travail
00:42:36 et ça ce n'est pas possible
00:42:37 il y a un objet très réel dans le fait de modifier un régime de retraite
00:42:40 ça change la vie de chacun et ça c'est pas possible de le faire
00:42:43 uniquement parce qu'on veut affirmer son autorité
00:42:45 Natacha Polony
00:42:46 Oui on en vient en fait aux causes réelles de cette réforme
00:42:52 et il apparaît après des mois de débat que justement l'objectif n'est pas clair
00:42:59 Gilles le disait tout à l'heure mais vous avez tout à fait raison
00:43:01 cette question, la demande des français était sur la question de la justice
00:43:06 ce qui pouvait apparaître, ce qui était l'objectif premier de la première réforme
00:43:13 la réforme à points
00:43:14 et il était en effet tout à fait clair qu'il y avait une dimension de justice
00:43:20 et une dimension libérale, c'est tout à fait ça qu'on peut contester
00:43:23 mais au moins c'était clair, l'âge pivot a été ajouté après
00:43:27 parce qu'il fallait envoyer des gages à la droite
00:43:31 et c'est Edouard Philippe qui a insisté pour qu'on ajoute cet âge pivot
00:43:34 qui a mis le feu aux poutres
00:43:35 la réforme à points aurait pu passer à la veille soutien de la CFDT
00:43:40 mais là la phrase que je citais me semble importante
00:43:44 c'est la phrase d'Emmanuel Macron de jeudi matin disant
00:43:47 mais en fait le vrai problème ce sont les marchés financiers
00:43:50 pourquoi est-elle importante ?
00:43:51 parce qu'on en vient à l'absence totale de clarté sur les débats
00:43:56 qui nous occupent tous collectivement depuis des mois
00:43:59 la question de savoir quelles sont les difficultés réelles que rencontre la France
00:44:03 comment on fait pour rétablir une économie qui fonctionne
00:44:07 on parle de réindustrialisation
00:44:09 mais tout cela est lié
00:44:11 or depuis le début il y a eu un refus de lier ces questions-là
00:44:16 on a 163 milliards de déficit commercial
00:44:19 et on en est à grappiller quelques milliards sur le dos des plus pauvres
00:44:22 avec une réforme qui apparaît comme absurde
00:44:24 le vrai sujet est là
00:44:26 est-ce qu'il y a un pouvoir des politiques
00:44:29 face à des marchés financiers dont ils ont l'impression qu'ils sont tout puissants
00:44:33 ou pas ?
00:44:34 et qui choisit que nous soyons dans les mains de ces marchés financiers ?
00:44:37 il me semble que tant qu'on ne répondra pas à cette question
00:44:39 on se retrouvera avec des crises politiques, des crises démocratiques extrêmement importantes
00:44:44 mais qu'est Elzemour puis Lucie Schmitt ?
00:44:46 cette phrase est importante d'Emmanuel Macron
00:44:49 si je l'ai bien lu, il fallait passer le 49-3
00:44:52 sinon les taux seraient envolés et on aurait eu les marchés financiers
00:44:56 ce qui n'est pas vrai
00:44:57 ce n'est pas vrai, c'est la première chose à dire
00:44:59 c'est une dramatisation à outrance pour expliquer qu'il n'y a pas le choix
00:45:03 pourquoi ce n'est pas vrai ?
00:45:04 parce que d'abord les marchés financiers ne sont pas à l'affût à ce point
00:45:08 ce qui est vrai par contre, c'est que la réforme des retraites
00:45:11 fait partie de la stratégie de finances publiques de la France
00:45:14 une stratégie de baisse des impôts, notamment de baisse des impôts sur les entreprises
00:45:18 c'était le cas au précédent quinquennat et c'est le cas en ce début de quinquennat
00:45:22 et en contrepartie, la stratégie c'est une baisse des dépenses publiques
00:45:25 et les retraites en font partie
00:45:27 donc ça fait bien partie de la trajectoire de la France
00:45:29 d'abord pour répondre aux engagements européens de réduction des déficits
00:45:33 les marchés financiers sont plutôt derrière
00:45:36 et ce n'est pas vrai cette phrase d'Emmanuel Macron
00:45:38 parce qu'aujourd'hui la question du déficit
00:45:41 elle n'est pas urgente
00:45:43 le déficit peut être coûteux, il peut le devenir si l'étau augmente
00:45:47 mais la France n'a pas de problème à trouver des créanciers
00:45:51 et donc on n'est pas dans une situation où la réforme est absolument demandée par les marchés
00:45:55 puis une autre question qu'on peut se poser
00:45:57 c'est que la crise politique ou la crise sociale
00:45:59 ne sont pas particulièrement de nature à rassurer davantage
00:46:02 qu'un vote positif ou négatif sur une réforme en particulier
00:46:05 Lucille Schmitt
00:46:06 oui moi je trouve que cette expression est malheureuse
00:46:08 parce qu'elle me fait penser à celle des puissances de l'argent
00:46:10 et je trouve qu'elle a une connotation presque d'extrême droite
00:46:13 c'est à dire qu'on a l'impression
00:46:15 explication de texte
00:46:16 explication de texte
00:46:17 le sentiment qu'au fond une sorte de vautour va fondre sur la société française
00:46:21 que nous n'en maîtrisons ni les tenants ni les aboutissants
00:46:24 que les politiques sont effectivement comme le disait
00:46:27 le fantasme que les politiques sont dominées par une mondialisation libérale
00:46:30 financière qui n'a pas de frein
00:46:32 et que donc nous élisons avec difficulté
00:46:35 on l'a vu pour cette campagne présidentielle
00:46:37 des personnes qui au fond n'ont pas le pouvoir
00:46:39 ni de nous protéger
00:46:40 ni de débattre avec nous
00:46:42 ni de nous expliquer comment les choses se passent
00:46:44 moi je pense que ce qui a singulièrement manqué
00:46:46 depuis quelques semaines, quelques mois
00:46:48 c'est la parole d'Emmanuel Macron
00:46:50 c'est à dire qu'on sait qu'il s'adresse assez régulièrement aux français
00:46:53 mais souvent dans un discours très autoritaire
00:46:56 et je trouve que pendant sa campagne
00:46:57 il a manqué, c'est pas un devoir d'explication
00:46:59 c'est un devoir démocratique
00:47:01 pendant une campagne présidentielle
00:47:02 de s'adresser à ceux qui vont voter
00:47:04 qu'on vote pour lui ou contre lui
00:47:06 ou pour lui au second tour
00:47:08 alors qu'on avait pas envie de voter pour lui au premier tour
00:47:10 et donc cette absence de parole
00:47:12 qui a été justifiée par le fait
00:47:14 qu'il présidait le conseil de l'Union Européenne
00:47:16 qu'il y avait la guerre en Ukraine
00:47:17 c'était encore davantage une nécessité de parole
00:47:19 et aujourd'hui envoyer Elisabeth Borne
00:47:22 assez régulièrement au front
00:47:23 avec le sentiment qu'elle se contraint
00:47:26 avec le sentiment qu'elle n'arrive pas
00:47:29 ou qu'elle ne peut pas tenir un discours politique ample
00:47:31 - Mais c'est elle qui est responsable devant le Parlement
00:47:33 c'est le gouvernement qui est responsable devant le Parlement
00:47:35 c'est pas le président de la République
00:47:37 ça correspond à la logique des institutions
00:47:39 - Oui mais Alibadou lorsqu'elle passe à la télévision
00:47:41 sur TF1
00:47:43 je crois qu'on peut aussi imaginer que d'autres
00:47:45 viennent à la télévision
00:47:47 - C'était au lendemain de son discours
00:47:49 où elle annonçait le recours au 49.3
00:47:52 - Non mais fallait-il que ce soit elle qui l'assume ?
00:47:55 Je ne suis pas en train de dire qu'il ne fallait pas
00:47:57 mais j'observe que dans la presse
00:47:59 à la radio, partout on nous dit
00:48:01 "le président pense ci, le président pense ça"
00:48:03 à certains de ses porte-paroles viennent nous dire qu'il pense ça
00:48:05 Moi je trouve qu'en démocratie
00:48:07 la question de penser ouvertement
00:48:09 et de ne pas en être réduit aux sources
00:48:11 de seconde ou de troisième main, c'est important
00:48:13 - Gilles Finkelstein ?
00:48:15 - On a beaucoup parlé depuis le début de l'émission
00:48:18 de la confusion
00:48:20 la confusion sur l'objectif de la réforme
00:48:22 la confusion, on ne l'a pas évoquée
00:48:25 sur le diagnostic lui-même
00:48:27 puisqu'il y a eu un rapport du corps
00:48:29 et aucune interprétation et aucune tentative
00:48:31 même d'avoir un diagnostic partagé
00:48:33 la confusion sur le contenu
00:48:35 on est revenu sur les 1200 euros
00:48:37 lundi, la motion de censure va être
00:48:39 débattue, va être votée
00:48:41 - Les ?
00:48:43 - Les motions de censure, si elles sont rejetées
00:48:45 et j'ai dit que les modalités de vote
00:48:47 rendaient l'adoption de ces motions de censure
00:48:49 très difficile
00:48:51 ça veut dire, et c'est ça le principe
00:48:53 de l'article 49 alinéa 3
00:48:55 que le texte va être considéré comme adopté
00:48:57 ce texte, c'est le texte qui est
00:48:59 issu de la commission mixte paritaire
00:49:01 de cette semaine
00:49:03 et si on veut éclairer le débat
00:49:05 j'ai une question à poser notamment à Miquel
00:49:07 sur la question qui a
00:49:09 émergé comme une question centrale
00:49:11 dans ce débat qui est celle des carrières longues
00:49:13 deux questions simples
00:49:15 est-ce qu'on a raison d'en faire
00:49:17 un des nouveaux critères de justice
00:49:19 et deuxièmement
00:49:21 est-ce que, quels sont les salariés
00:49:23 qui pourront partir à la retraite
00:49:25 après 43 années
00:49:27 de cotisation
00:49:29 avant les 64 ans
00:49:31 avant l'âge légal de 64 ans
00:49:33 puisqu'il y a eu beaucoup d'évolutions
00:49:35 sur ce point là
00:49:37 et que l'ensemble est tout sauf clair
00:49:39 Au boulot M. Zemmour
00:49:41 tout le monde tremble
00:49:43 La question des carrières longues
00:49:45 elle est pas nouvelle, elle a été au coeur
00:49:47 de l'accord entre
00:49:49 je crois que c'était un accord entre la CFDT
00:49:51 et François Fillon lors de la réforme
00:49:53 de 2003 et elle a permis
00:49:55 à beaucoup de personnes de partir
00:49:57 justement au titre du fait qu'elles
00:49:59 avaient commencé tôt et sans interruption
00:50:01 Mais là il y a un nouveau texte
00:50:03 C'est celui qui
00:50:05 normalement devrait être adopté grâce au
00:50:07 49-3 sauf
00:50:09 épisode ou sauf surprise
00:50:11 à venir. Et elle a été aussi au coeur
00:50:13 de la réforme lorsque François Hollande
00:50:15 était président de la république avec
00:50:17 la possibilité de partir à 60 ans
00:50:19 si on avait ces années de cotisation
00:50:21 Mais donc cette catégorie de carrière longue
00:50:23 elle a été créée il y a longtemps, ça fait longtemps qu'elle existe
00:50:25 elle a un avantage c'est qu'elle reconnait
00:50:27 à une carrière longue la
00:50:29 possibilité de partir mais
00:50:31 elle a aussi sans doute
00:50:33 érigé un peu en totem, ça a été très clair
00:50:35 dans les discussions entre la droite et le gouvernement
00:50:37 parce que finalement le profil
00:50:39 des carrières longues c'est effectivement des personnes
00:50:41 qui ont commencé à travailler tôt, qui ont travaillé
00:50:43 sans interruption mais c'est aussi un profil spécifique
00:50:45 c'est bien davantage des hommes
00:50:47 deux personnes qui partent
00:50:49 en départ anticipé sur trois sont des hommes
00:50:51 c'est des personnes qui n'ont pas eu
00:50:53 d'accident de carrière et donc d'accident de santé
00:50:55 parce que si vous suspendez votre carrière même si
00:50:57 vous validez vos années vous n'êtes pas
00:50:59 dans les carrières longues et donc finalement
00:51:01 cette attention uniquement
00:51:03 quasiment uniquement, les aménagements principaux
00:51:05 de la réforme en direction des carrières longues
00:51:07 a peut-être contribué aussi à la déséquilibrer
00:51:09 encore davantage par rapport
00:51:11 à d'autres enjeux comme la pénibilité
00:51:13 qui est très mal reconnue ou les inégalités
00:51:15 femmes/hommes. J'en viens à la deuxième partie
00:51:17 de votre question pour aller vite
00:51:19 on peut partir en carrière longue
00:51:21 - Merci de faire ce travail de pédagogie
00:51:23 je le dis très sincèrement parce que mine de rien
00:51:25 il y a un texte et ce texte finalement n'a pas été
00:51:27 commenté une seconde
00:51:29 depuis que la commission
00:51:31 mixte/paritaire a défini
00:51:33 un texte commun, plus
00:51:35 personne n'en parle, depuis qu'il y a
00:51:37 le recours au 49.3
00:51:39 plus personne ne pense
00:51:41 à ce qu'il y a dans ce texte
00:51:43 là qui est issu d'un compromis
00:51:45 entre sénateurs et députés
00:51:47 je vous laisse terminer Michael, c'est moi
00:51:49 - Donc la réforme est une réforme importante
00:51:51 qui décale à la fois l'âge de départ
00:51:53 et qui allonge plus rapidement la durée de cotisation
00:51:55 à l'issue des négociations
00:51:57 la réforme a été atténuée assez
00:51:59 fortement pour les personnes en carrière longue
00:52:01 mais qui vont toujours être concernées par l'allongement
00:52:03 rapide de la durée de cotisation à 43 ans
00:52:05 cela dit, l'accord
00:52:07 entre le gouvernement et les républicains n'est pas
00:52:09 un accord complet puisqu'il y aura toujours des
00:52:11 personnes reconnues comme carrières longues qui devront
00:52:13 travailler jusqu'à 44 ans
00:52:15 ou au moins attendre 44 ans puisqu'il y a deux critères
00:52:17 il y a un critère de durée de cotisation
00:52:19 et un seuil d'âge qui dépend de l'âge auquel
00:52:21 vous avez commencé. Et donc on aura des cas
00:52:23 de personnes qui seront en carrière longue
00:52:25 mais qui devront travailler 43 ans et demi
00:52:27 43 ans et 9 mois, voire 44 ans
00:52:29 alors qu'ils sont reconnus comme carrières longues
00:52:31 et c'est un point aussi qui m'a frappé
00:52:33 c'est à dire que sur les points qui ont été présentés
00:52:35 comme des points d'accord politique
00:52:37 entre le gouvernement et les républicains
00:52:39 que ce soit les 1200 euros
00:52:41 que ça soit la prise en compte de la situation
00:52:43 des femmes ou que ça soit les carrières longues
00:52:45 à chaque fois la présentation qui en a été
00:52:47 faite était un peu distordue
00:52:49 par rapport à la réalité du texte
00:52:51 - Lucille Schmitt - Oui moi je trouve
00:52:53 que le travail que vient de faire Michael Zemmour
00:52:55 est tout de là de la pédagogie, c'est un travail démocratique
00:52:57 c'est à dire que l'un des enjeux importants sur ce genre
00:52:59 de réforme c'est que c'est à la fois ultra politique
00:53:01 extrêmement social
00:53:03 puisque ça bouleverse la vie de chacun d'entre nous
00:53:05 et puis ultra technique
00:53:07 et moi ce qui m'a frappé pendant tout le débat
00:53:09 c'est qu'il y avait une tentation du côté
00:53:11 de ceux qui sont au gouvernement de jouer sur les mots
00:53:13 et que le sentiment
00:53:15 et notamment on a découvert que ce qu'on appelait carrière longue
00:53:17 je le dirais dans un jargon technique
00:53:19 ne correspondait pas à ce que nous ressentons nous comme carrière longue
00:53:21 on a découvert que ce qu'on pensait être
00:53:23 une réforme de droite était qualifié de réforme de gauche
00:53:25 par le ministre du travail
00:53:27 donc on est dans une situation où au fond
00:53:29 l'inversion des mots, voire même le fait d'utiliser
00:53:31 des mots à contresens
00:53:33 donnait le sentiment que nous étions dans un truc
00:53:35 assez horwellien et de ce fait
00:53:37 cette façon dont il faut
00:53:39 comme l'a fait très bien George Orwell
00:53:41 lutter pour redonner aux mots leur sens
00:53:43 qui est un sens commun est un point essentiel
00:53:45 je regrette que le gouvernement n'ait pas réussi
00:53:47 à donner un sens commun aux expressions
00:53:49 qu'il utilisait et par exemple
00:53:51 on a découvert que 49.3 avait pris un sens commun
00:53:53 me semble-t-il pour l'ensemble des français
00:53:55 qui s'appelait déni démocratique
00:53:57 ça c'est très intéressant parce que j'entendais la dissociation
00:53:59 entre démocratie parlementaire, démocratie sociale
00:54:01 ou démocratie tout court
00:54:03 moi je pense qu'il faut donner
00:54:05 un sens à démocratie tout court et arrêter
00:54:07 de segmenter, de saucissonner la démocratie
00:54:09 et puis arrêter de se référer à la constitution
00:54:11 quand ça vous arrange en disant en même temps
00:54:13 on souhaitait voter mais c'était risqué
00:54:15 donc on va pas voter parce que au fond
00:54:17 il faut quand même le dire, dans les régimes autoritaires
00:54:19 on vote mais on connait le résultat du vote
00:54:21 et la discussion, je suis pas en train du tout de dire
00:54:23 qu'on est en dictature, mais la discussion sur
00:54:25 le fonctionnement démocratique et le fait que le vote
00:54:27 doit être risqué c'est fondamental
00:54:29 je termine juste avec un petit témoignage
00:54:31 d'un mot, ah je sais pas, mais en tout cas
00:54:33 j'ai été candidate de gauche
00:54:35 dans les hautes scènes, je sais ce que c'est
00:54:37 qu'un vote risqué et j'ai toujours pris ma chance
00:54:39 je pense que chacun doit prendre sa chance
00:54:41 lorsqu'il s'agit au fond de gagner ou de perdre
00:54:43 et c'est ça le fonctionnement démocratique
00:54:45 "il y aura un vote" c'est la mention de censure
00:54:47 c'est le chef de l'état qui le disait
00:54:49 à l'issue du conseil des ministres
00:54:51 extraordinaire, merci Lucille Schmitt
00:54:53 merci Michael Zemmour d'avoir été les invités
00:54:55 d'Inter, le grand face-à-face XXL
00:54:57 spécial Crisques politiques
00:54:59 l'émission continue en direct juste après
00:55:01 le journal de Frédéric Barère
00:55:03 "le grand face-à-face XXL
00:55:05 Alibado sur France Inter"
00:55:09 le grand face-à-face XXL
00:55:11 continue jusqu'à 14h
00:55:13 le 49.3 et après
00:55:15 et maintenant, émission spéciale consacrée
00:55:17 à la crise politique
00:55:19 que nous traversons, lundi
00:55:21 le gouvernement va devoir affronter deux motions
00:55:23 de censure, décryptage d'une situation
00:55:25 tendue avec nos invités
00:55:27 les syndicats plaient aujourd'hui
00:55:29 à des rassemblements locaux
00:55:31 de proximité, je cite les titres
00:55:33 exacts et nous avons trois invités
00:55:35 avec nous en studio
00:55:37 Gilles et Natacha sont toujours à mes côtés
00:55:39 Dominique Méda, Thierry Pech, Rémi Lefebvre
00:55:41 bonjour à tous les trois
00:55:43 et bienvenue Dominique Méda
00:55:45 vous êtes professeure de sensiologie, directrice
00:55:47 de l'institut de recherche interdisciplinaire
00:55:49 en sciences sociales
00:55:51 à Paris-Dauphine, autrice
00:55:53 de "C'était les années Macron"
00:55:55 vous avez beaucoup écrit, dès le mois de janvier
00:55:57 d'ailleurs, sur l'idée
00:55:59 qu'allonger le temps de travail
00:56:01 avant d'en améliorer les conditions d'exercice
00:56:03 ça ne pouvait être vécu que comme une
00:56:05 véritable provocation, on va
00:56:07 en parler, est-ce qu'on en est
00:56:09 exactement dans cette situation que vous aviez
00:56:11 imaginée, Thierry Pech, bonjour
00:56:13 - Bonjour - Vous êtes le directeur
00:56:15 de la fondation Terra Nova, le think tank
00:56:17 qui s'intéresse de très près
00:56:19 à la vie politique et sociale
00:56:21 française, Rémi Lefebvre, bonjour
00:56:23 - Bonjour - Professeur de sciences politiques
00:56:25 à l'université de Lille
00:56:27 vous êtes venu nous rejoindre
00:56:29 depuis la capitale du nord, auteur de
00:56:31 "Faut-il désespérer ?" de La Gauche
00:56:33 et j'aimerais avant de refaire
00:56:35 le fil des événements et essayer de comprendre
00:56:37 comment nous en sommes arrivés à cette situation
00:56:39 d'extrême tension, Thierry Pech
00:56:41 est-ce que vous diriez aujourd'hui
00:56:43 que dans tous les échecs
00:56:45 qui se juxtaposent et qu'on
00:56:47 pointe du doigt depuis 13h
00:56:49 il y a aussi malgré tout celui des syndicats
00:56:51 il y a malgré tout aussi celui
00:56:53 d'une mobilisation sociale
00:56:55 qui n'a pas réussi à faire
00:56:57 renoncer à un texte pourtant
00:56:59 élaboré contre l'opinion
00:57:01 et qui ne trouvait pas
00:57:03 de majorité à l'Assemblée Nationale
00:57:05 - Le mouvement est
00:57:07 massif, il est diffus
00:57:09 on l'a vu
00:57:11 se former dans
00:57:13 des villes moyennes où on n'avait pas l'habitude
00:57:15 de voir des défilés, je crois qu'il faut
00:57:17 quand même tenir compte de tout ça, mais il est
00:57:19 extraordinairement fataliste en même temps
00:57:21 c'est comme s'il avait intégré
00:57:23 la perspective de son échec final
00:57:25 dans sa mobilisation même
00:57:27 et je crois qu'il y a là
00:57:29 quelque chose qui explique
00:57:31 la relative
00:57:33 stérilité du mouvement
00:57:35 jusqu'à maintenant, on va voir ce qui se passe dans les
00:57:37 - Justement, jusqu'à maintenant
00:57:39 - Parce que
00:57:41 moi vous savez j'étais syndicaliste, j'ai travaillé
00:57:43 à la CFDT il y a 20 ans, et je
00:57:45 sais très bien, un mouvement est
00:57:47 productif quand il a l'espérance de la victoire
00:57:49 quand il a pas l'espérance de la victoire
00:57:51 c'est quand même beaucoup plus compliqué
00:57:53 de le mobiliser dans la durée, dans la profondeur
00:57:55 et dans une forme de radicalité
00:57:57 quand il faut de la radicalité. - Et justement je m'adresse
00:57:59 à l'intellectuel mais aussi à l'ancien syndicaliste
00:58:01 que vous êtes, est-ce que les syndicats
00:58:03 n'ont pas été curieusement surpris
00:58:05 par ce qui s'est produit, à savoir
00:58:07 le recours au 49.3 par
00:58:09 la première ministre Elisabeth Borne
00:58:11 on a vu ces scènes de mobilisation
00:58:13 spontanée, de poubelles qui brûlent
00:58:15 je ne sais pas ce que ça vaut, les cadres
00:58:17 qu'on fait à la télévision
00:58:19 sont toujours à
00:58:21 prendre avec une
00:58:23 forme de recul ou de distance
00:58:25 on a vu les interventions des forces de
00:58:27 l'ordre qui ont tourné en boucle sur
00:58:29 les chaînes info ces dernières
00:58:31 48 heures, est-ce que ça c'est
00:58:33 quelque chose qui échappe à l'intersyndical ?
00:58:35 - Je crois que l'intersyndical... - Certains parlent
00:58:37 d'un risque de zadisation
00:58:39 de la situation sociale. - On va voir
00:58:41 il faut être prudent, mais ce qui
00:58:43 est sûr c'est que les principales
00:58:45 organisations de l'intersyndical voulaient une délibération
00:58:47 parlementaire digne de ce nom.
00:58:49 Elle l'a voulu au moment de
00:58:51 l'examen du texte à l'Assemblée Nationale
00:58:53 qui a été court, mais qui a
00:58:55 tout de même offert plus d'heures
00:58:57 qu'il n'en avait été offert à la réforme Wirth en
00:58:59 2010, à la réforme Touraine en 2014
00:59:01 si ça n'a pas eu lieu c'est
00:59:03 parce que le gouvernement a utilisé
00:59:05 tous les moyens de rationalisation du parlementarisme
00:59:07 que lui donne la Constitution, mais aussi parce que
00:59:09 les oppositions, et singulièrement les oppositions de gauche
00:59:11 ont fait de l'obstruction parlementaire.
00:59:13 Il y a un premier moment de frustration
00:59:15 de délibération politique
00:59:17 pour les syndicats qui est
00:59:19 "le débat n'a pas lieu à l'Assemblée"
00:59:21 "on n'examine pas l'article 7"
00:59:23 en particulier, et on ne le vote pas.
00:59:25 Et les responsabilités à ce moment là sont partagées.
00:59:27 Puis il y a effectivement après le
00:59:29 49-3 qui est un nouveau coup de circuit
00:59:31 si j'ose dire. Une nouvelle
00:59:33 hypothèque sur la délibération
00:59:35 parlementaire. Et je crois que c'est ça le fond du problème démocratique
00:59:37 aujourd'hui. Ceux-là même qui défendent
00:59:39 la démocratie représentative ne peuvent
00:59:41 pas cautionner un système qui est aussi
00:59:43 dysfonctionnel du point de vue du
00:59:45 lieu où il devrait y avoir de la délibération, c'est-à-dire
00:59:47 le parlement. - Rémi Lefèvre ? - La mobilisation
00:59:49 sociale a été historique dans
00:59:51 la rue. Il y a eu bien plus de monde
00:59:53 dans la rue qu'en novembre-décembre 1995.
00:59:55 Par contre le pays n'a pas été à l'arrêt.
00:59:57 Et du point de vue des grèves,
00:59:59 il n'y a pas vraiment eu
01:00:01 un conflit social majeur.
01:00:03 On pouvait s'attendre, l'ARTP
01:00:05 n'a pas vraiment suivi, la SNCF,
01:00:07 les grèves reconductibles n'ont pas vraiment suivi.
01:00:09 De ce point de vue-là, ce qui est aussi frappant,
01:00:11 c'est que la conflictualité
01:00:13 très très forte qu'il y avait eu dans les dernières
01:00:15 manifestations depuis la loi travail,
01:00:17 les gilets jaunes, on ne l'a pas retrouvé
01:00:19 dans les manifestations. Alors à mon avis,
01:00:21 c'est parce que l'intersyndical
01:00:23 tenait le mouvement, que les services
01:00:25 de sécurité des manifs étaient
01:00:27 bien contrôlés. C'est aussi parce que
01:00:29 le gouvernement a changé de stratégie
01:00:31 de maintien de l'ordre. Mais finalement,
01:00:33 les black blocs, on ne les a pas vus.
01:00:35 On les voit peut-être, on va avoir un peu
01:00:37 plus de conflictualité.
01:00:39 Mais ce qui est très frappant, c'est que finalement,
01:00:41 il y a eu une grève pacifique, massive,
01:00:43 régulière, qui a un peu
01:00:45 décliné vers la fin, mais
01:00:47 malgré tout, qui n'a pas mis
01:00:49 une énorme pression sur le gouvernement
01:00:51 et effectivement... - Pas assez !
01:00:53 - Je ne sais pas si c'est pas assez, mais en tout cas,
01:00:55 on ne peut pas dire que ça a été un élément qui a pesé
01:00:57 pour empêcher
01:00:59 le gouvernement de passer en force.
01:01:01 Alors est-ce que ça va changer dans les
01:01:03 jours qui viennent ? On va voir. Il faut aussi
01:01:05 avoir à l'esprit que la CFDT, la condition
01:01:07 de sa participation aussi à l'intersyndical,
01:01:09 c'était que les manifestations se passent bien.
01:01:11 La CFDT qui avait annoncé
01:01:13 d'ailleurs qu'elle arrêterait le
01:01:15 mouvement si la loi passait.
01:01:17 Donc le gouvernement a pris un énorme
01:01:19 risque par le 49-3 parce que concrètement,
01:01:21 les syndicats réformistes, là,
01:01:23 avaient prévenu qu'ils continueraient le mouvement
01:01:25 s'il y avait un 49-3.
01:01:27 - S'il y avait un 49-3 et 49-3,
01:01:29 il y a eu ? Dominique Méda ?
01:01:31 - Je ne trouve pas que cette unité syndicale
01:01:33 qu'on a vue, elle est très intéressante. On ne l'avait
01:01:35 pas connue depuis très très longtemps. Je trouve
01:01:37 qu'elle attire l'attention
01:01:39 sur l'utilité quand même
01:01:41 des syndicats et elle peut relancer
01:01:43 des mobilisations, des
01:01:45 adhésions dans les entreprises
01:01:47 et je pense que là, on a le ferment de quelque chose
01:01:49 de très intéressant dans les années à venir.
01:01:51 - Les mots de zadisation,
01:01:53 de radicalisation, vous les entendez,
01:01:55 vous qui analysez les mouvements sociaux et la
01:01:57 situation politique depuis longtemps.
01:01:59 Est-ce que ce sont des mots qui sont utilisés
01:02:01 pour faire peur ou est-ce qu'ils correspondent
01:02:03 véritablement à ce qui
01:02:05 pourrait se produire lorsque
01:02:07 tout est bloqué, lorsque tous les mécanismes
01:02:09 institutionnels, que ce soit le dialogue
01:02:11 syndical, que ce soit le dialogue parlementaire
01:02:13 sont bloqués ?
01:02:15 - Pour l'instant, on n'en est pas là.
01:02:17 Ça fait deux jours qu'il y a un peu de
01:02:19 manifestations. Mais enfin concrètement,
01:02:21 bon voilà, est-ce que ça va durer ?
01:02:23 On a vu quelques voitures brûler
01:02:25 sur BFM.
01:02:27 - Les barrages filtrants sur les sites d'incinération de Béchef et Paris.
01:02:29 - Pour l'instant, on est quand même en-deçà.
01:02:31 Effectivement, il y a un trend depuis
01:02:33 quelques années à la brutalisation
01:02:35 des mouvements sociaux.
01:02:37 Là, pour l'instant, ce qui domine
01:02:39 depuis... Alors on va voir ce que ça va donner, mais ce qui a
01:02:41 dominé depuis deux mois, c'est quand même plutôt
01:02:43 le pacifisme.
01:02:45 Les gens renouent avec la rue. Je me souviens
01:02:47 quand même, il y a deux ans, les gens avaient peur de manifester.
01:02:49 Souvenez-vous, suite
01:02:51 au violences policières, après les Gilets jaunes.
01:02:53 Là, il y a
01:02:55 plus cette inhibition à
01:02:57 les manifester qu'on avait observée. - Dominique Meyda,
01:02:59 puis Thierry Pêche.
01:03:01 - Laurent Berger a bien dit les choses,
01:03:03 l'autre soir à une émission de télé. Il disait "Nous,
01:03:05 nous sommes très nombreux, nous sommes très
01:03:07 calmes, il faut que le gouvernement nous écoute.
01:03:09 Et si jamais il ne nous écoute pas, alors
01:03:11 on risque d'avoir en effet des phénomènes
01:03:13 de violence. Parce que cette
01:03:15 colère, il faut bien qu'elle s'exprime d'une certaine
01:03:17 manière. Là, on a l'impression que toutes
01:03:19 les voies sont bouchées et on se demande
01:03:21 vers où ça va ressortir. Et donc, moi, je pense
01:03:23 que la situation, je vous ai entendu
01:03:25 tout à l'heure, elle est très grave, en effet.
01:03:27 Elle est très, très, très grave.
01:03:29 Et moi, j'imagine, je vous donne ma petite utopie,
01:03:31 il me semble que la seule chose à faire,
01:03:33 si on veut quand même éviter un
01:03:35 énorme désordre, c'est que Macron prenne,
01:03:37 Emmanuel Macron prenne la parole ce soir
01:03:39 et dise officiellement
01:03:41 "Je retire mon
01:03:43 projet. Je vous ai compris."
01:03:45 Bah oui. Non mais, attends, personne
01:03:47 n'évoque cette éventualité.
01:03:49 - J'ai dit que Goldstein, "Levez les yeux au ciel", c'est la réponse
01:03:51 pour laquelle vous intervenez, Dominique Meyda. - Mais oui, d'accord. Mais je crois qu'il faut
01:03:53 aussi mettre cette idée-là
01:03:55 dans notre débat.
01:03:57 C'est la seule chose intelligente
01:03:59 à faire pour le pays aujourd'hui. Puisqu'il nous dit que ce qui
01:04:01 compte, c'est l'intérêt général du pays. C'est ça
01:04:03 l'intérêt général du pays. - Pour vous, c'est plié ?
01:04:05 Thierry Pêche ? - Pour moi, non,
01:04:07 c'est pas plié. Je pense qu'il y a plusieurs
01:04:09 scénarios possibles. Bon, premier point,
01:04:11 le dialogue social,
01:04:13 la délibération parlementaire, tout ça,
01:04:15 ce sont des instruments qui permettent de métaboliser
01:04:17 la violence, la conflictualité brute.
01:04:19 Ça sert à ça. Et c'est pour ça que
01:04:21 la démocratie s'incarne dans des institutions
01:04:23 qui font qu'on discute, qu'on cherche des compromis,
01:04:25 etc. Or, cette mécanique-là
01:04:27 dysfonctionne clairement dans le cas présent.
01:04:29 C'est un premier point. Et c'est pour ça
01:04:31 que la porte est ouverte à une montée de la
01:04:33 violence dans la rue. Je suis pas sûr qu'elle
01:04:35 va avoir lieu, je rejoins Rémi Lefebvre sur
01:04:37 sa prudence, mais
01:04:39 de fait, on a créé les conditions pour ça.
01:04:41 - Mais moi je me fais l'avocat de votre diable,
01:04:43 d'Elisabeth Borne, elle dit "le vote
01:04:45 aura lieu". Elle l'a dit à l'Assemblée
01:04:47 nationale, à la tribune, ne lévez pas les yeux aussi,
01:04:49 Rémi Lefebvre. Le vote aura lieu, la démocratie
01:04:51 parlementaire aura gagné.
01:04:53 - Non, attention. Quand on
01:04:55 vote sur un 49-3, sur une motion
01:04:57 de censure, on vote pas sur un texte, on vote
01:04:59 sur le destin d'un gouvernement. C'est pas la même question,
01:05:01 on ne répond pas à la même question. Et donc,
01:05:03 on va cesser de parler des retraites et on va parler
01:05:05 de politique.
01:05:07 Qui gouverne le pays ? Avec quelle légitimité ?
01:05:09 C'est ça que pose la question de la motion de censure. Donc c'est pas
01:05:11 la même. - C'est un grand cynisme quand même de dire
01:05:13 que finalement, c'est le vote
01:05:15 sur la motion de censure qui va
01:05:17 donner une légitimité à la procédure.
01:05:19 Moi je trouve qu'il y a beaucoup de cynisme.
01:05:21 - Le gouvernement engage sa responsabilité sur un texte. - Oui, enfin, dire d'accord
01:05:23 que finalement, au bout du compte, parce que sans doute
01:05:25 les députés de droite qui n'avaient pas
01:05:27 été jusqu'à voter la loi
01:05:29 ne vont pas tous aller voter la motion de censure,
01:05:31 ça vaudra quittus pour la loi.
01:05:33 Il y a quelque chose d'un cynisme
01:05:35 qui est incroyable. Et par rapport à ce qui a
01:05:37 été dit tout à l'heure par Natacha Polony,
01:05:39 c'est un extrême
01:05:41 centre autoritaire le macronisme, très clairement.
01:05:43 Un extrême centre au centre de
01:05:45 l'historien Pierre Cerna. Et autoritaire, c'est très clairement
01:05:47 une brutalisation
01:05:49 des institutions et la volonté de passer en
01:05:51 force. Je trouve qu'il y a énormément de cynisme
01:05:53 chez Macron. Vous l'avez
01:05:55 dit dans la première partie de l'émission, il faut quand même dire
01:05:57 qu'au bout du compte, les risques
01:05:59 économiques et financiers sont trop grands,
01:06:01 comme vous l'avez dit. C'est de dire qu'en fait, la légitimité
01:06:03 transcendante qui dépasse
01:06:05 toutes celles d'autres, l'agitimité de la rue,
01:06:07 la légitimité des institutions, c'est la légitimité des marchés.
01:06:09 - C'est la centième fois qu'on emploie le 49-3
01:06:11 depuis le début de la Vème République.
01:06:13 - Les textes aussi importants ne sont pas aussi autoritaires.
01:06:15 - Pas sur un texte de certains, pas sur
01:06:17 les retraites, pas sur justement
01:06:19 un texte des décisions où il faut
01:06:21 parler longtemps, faire du consensus,
01:06:23 échanger avec les syndicats, surtout qu'il y a des syndicats
01:06:25 réformistes en effet qui étaient tout prêts.
01:06:27 Donc c'est pas possible de procéder ainsi.
01:06:29 Ce que je voulais dire, c'est que plus personne ne va vouloir
01:06:31 travailler avec eux, de toute façon. Que ce soit
01:06:33 à l'Assemblée ou en dehors. Là encore, pardon
01:06:35 de citer Laurent Berger, mais il l'a bien dit l'autre jour.
01:06:37 Il a dit "attendez, vous pensez qu'après on va
01:06:39 revenir tranquillement autour de la table
01:06:41 pour parler travail ?" Mais non !
01:06:43 On ne reviendra pas !
01:06:45 - Pour revenir rapidement sur ce qui
01:06:47 a été dit depuis le début, Rémi Lefebvre,
01:06:49 vous disiez que finalement
01:06:51 il n'y avait pas eu une énorme pression
01:06:53 sur le gouvernement, puisqu'il y avait
01:06:55 eu des manifestations
01:06:57 pacifiques.
01:06:59 Premier point, en effet,
01:07:01 il faut peut-être y insister,
01:07:03 l'un des éléments les plus, vous parlez
01:07:05 de cynisme, mais l'un des éléments les plus
01:07:07 potentiellement dangereux, c'est le fait que
01:07:09 le gouvernement, dans l'ensemble de ce
01:07:11 processus, donne l'impression
01:07:13 que quand il y a un mouvement social pacifique,
01:07:15 en fait, il ne se passe rien,
01:07:17 ça ne sert à rien, et qu'on
01:07:19 écoute que ceux qui cassent. Il me semble que c'est un des
01:07:21 éléments les plus dangereux. Deuxième point,
01:07:23 Thierry Pesche, vous évoquiez
01:07:25 l'idée que ce mouvement avait
01:07:27 intégré la perspective de son échec
01:07:29 final. Ce qui est en effet une question
01:07:31 très intéressante, c'est que quand on regarde
01:07:33 l'opinion, c'est vrai qu'à la fois
01:07:35 il y a eu depuis le début
01:07:37 un refus croissant
01:07:39 de cette réforme, et en même temps
01:07:41 70% à peu près, si je me
01:07:43 souviens bien des chiffres, disant qu'ils
01:07:45 pensent qu'à la fin, cette réforme
01:07:47 passe. Et on en a déjà parlé
01:07:49 avec Pierre Rosanvalon quand
01:07:51 il était venu, avec Gérard Noiriel, puisque
01:07:53 il y a une question de perspective historique.
01:07:55 Est-ce que le problème de ce fatalisme
01:07:57 ce n'est pas qu'en fait, nous sommes
01:07:59 les gens ont intégré
01:08:01 que nous sommes dans un système de mise en concurrence
01:08:03 généralisée, que donc ils sont en
01:08:05 concurrence avec des travailleurs qui
01:08:07 acceptent ou qui n'ont pas les droits sociaux
01:08:09 qui ont été conquis
01:08:11 ici, et que donc
01:08:13 ils se disent qu'il n'y a pas d'issue, parce qu'ils
01:08:15 voient petit à petit leur droit renié depuis
01:08:17 30 ans. Donc la question est de savoir
01:08:19 comment on remet
01:08:21 la volonté de ces
01:08:23 citoyens au cœur, et
01:08:25 quelle est l'issue démocratique
01:08:27 là ? Et il me semble que l'issue
01:08:29 démocratique, vous évoquiez Dominique Médat,
01:08:31 le fait qu'Emmanuel Macron
01:08:33 retire ce texte, de fait on peut
01:08:35 se dire qu'il ne le fera pas.
01:08:37 Il a la possibilité d'enclencher un référendum,
01:08:39 on peut se dire qu'il ne le fera pas.
01:08:41 Il reste donc la question
01:08:43 du Conseil constitutionnel, que va
01:08:45 décider le Conseil constitutionnel, et
01:08:47 la question du référendum d'initiative
01:08:49 partagée, qui est à mon avis
01:08:51 la seule issue démocratique
01:08:53 et je pense qu'il faut un mouvement pour réclamer
01:08:55 cela. Alors qui veut répondre ?
01:08:57 Sur le champ des possibles, déjà pour commencer.
01:08:59 Si je m'y ai compris, la dernière
01:09:01 solution que vous proposez, ce serait dans très longtemps,
01:09:03 ce serait dans un an. - Oui, ça bloque l'application.
01:09:05 - Oui, ça bloque l'application pendant 9 mois quand même.
01:09:07 - J'ai rien lu très clair juridiquement encore là-dessus.
01:09:09 - Il faut que le Conseil constitutionnel
01:09:11 l'accepte
01:09:13 avant de... - Il faudrait qu'un référendum...
01:09:15 - Pierre Eppelche. - Le référendum d'initiative
01:09:17 partagée suppose que 10% des parlementaires
01:09:19 signent...
01:09:21 - C'est 20% ? - C'est 185
01:09:23 parlementaires il me semble, enfin
01:09:25 on pourra vérifier ce point. - 20% des parlementaires,
01:09:27 10% du corps électoral ? - 10% du corps électoral, voilà.
01:09:29 Donc 4,7 millions de Français
01:09:31 qui signeraient
01:09:33 une proposition de loi qui serait
01:09:35 ensuite soumise à référendum.
01:09:37 Quelle serait cette proposition de loi ?
01:09:39 Aucun article dans la presse ne répond à ça.
01:09:41 C'est une proposition de loi pour contester une loi
01:09:43 qui n'est pas adoptée. Donc ça n'existe pas ça juridiquement.
01:09:45 Je ne comprends pas
01:09:47 comment ça marche si vous voulez. - Il faut écrire à tête ?
01:09:49 - C'est pour le maintien
01:09:51 de la retraite à 62 ans. - Voilà.
01:09:53 Donc on fait une proposition de loi pour dire
01:09:55 en fait on veut garder la loi.
01:09:57 Mais c'est déjà la loi.
01:09:59 Donc comment ça marche juridiquement ? Je n'ai rien lu vraiment
01:10:01 satisfaisant encore sur le sujet.
01:10:03 J'aimerais bien, peut-être c'est juste, mais je ne suis pas
01:10:05 sûr que ce soit retenu. - Je lisais Marianne, on a commenté ça.
01:10:07 On a publié sur le site
01:10:09 de Marianne un article pour expliquer
01:10:11 exactement ce qui est possible. - J'ai lu ça et je vous dis...
01:10:13 - Peut-être deux précisions
01:10:15 par rapport à ce qui a été dit et puis
01:10:17 une question pour les trois invités.
01:10:19 D'abord sur le vote
01:10:21 aura-t-il lieu ? J'ai dit tout à l'heure
01:10:23 que les modalités de vote pour une motion
01:10:25 de censure étaient très différentes de celles d'une loi.
01:10:27 Ce que je n'ai pas dit,
01:10:29 ce que j'ajoute, c'est que
01:10:31 dans un vote de motion de censure, ne sont
01:10:33 comptabilisés que les votes pour.
01:10:35 C'est-à-dire on ne vote pas pour ou
01:10:37 contre. Ce sont
01:10:39 comptabilisés que les votes pour. Deuxième
01:10:41 précision par rapport à ce que disait Thierry Pech tout à l'heure.
01:10:43 C'était massif, c'était diffus,
01:10:45 c'était fataliste et vous avez été plusieurs
01:10:47 à dire ça. Je nuance, c'était
01:10:49 un fatalisme relatif au sens
01:10:51 où les Français ne croyaient pas
01:10:53 à la victoire finale, mais
01:10:55 ils pensaient possible des victoires
01:10:57 partielles. Quand on leur demandait "Est-ce que vous
01:10:59 pensez que vous pouvez obtenir des concessions ?"
01:11:01 Oui, il y avait beaucoup. Là, pour le coup,
01:11:03 on avait des... Et c'est aussi
01:11:05 une des explications, je crois,
01:11:07 de la mobilisation qui était quand même
01:11:09 importante. Maintenant, question
01:11:11 sur les différents scénarii possibles.
01:11:13 Est-ce que la sortie est une sortie
01:11:15 juridique ?
01:11:17 La décision du Conseil constitutionnel,
01:11:19 une censure totale, partielle.
01:11:21 Est-ce qu'elle est politique ?
01:11:23 On l'a évoqué tout à l'heure,
01:11:25 une coalition, une dissolution
01:11:27 ou est-ce que ça pose la question
01:11:29 non pas d'une crise de régime
01:11:31 mais d'une crise du régime
01:11:33 et une des conclusions qu'il faut
01:11:35 tirer, c'est la nécessité d'une révision
01:11:37 profonde de nos institutions.
01:11:39 Thierry Pech.
01:11:41 Sur le fatalisme, un mot, puis sur
01:11:43 les scénarios. Je pense que
01:11:45 si les Français sont fatalistes,
01:11:47 c'est parce qu'ils ont le souvenir qu'ils
01:11:49 étaient hostiles à toutes les réformes des retraites
01:11:51 qui ont précédé, qu'elles ont été adoptées
01:11:53 et que les gouvernements successifs ne les ont
01:11:55 pas remises en cause. Il y a un effet
01:11:57 d'expérience dans tout ça
01:11:59 qui fait que, oui, ils étaient contre la réforme
01:12:01 Wirth en 2010, elle a été
01:12:03 adoptée et puis en 2012
01:12:05 Hollande avait dit qu'il la remettrait en cause,
01:12:07 il ne l'a pas remise en cause, la réforme Touraine
01:12:09 est arrivée. Ce chemin d'expérience explique
01:12:11 à mon avis beaucoup le fait... Alors,
01:12:13 ça n'empêche pas ce que vous dites,
01:12:15 Gilles, c'est-à-dire qu'effectivement, on peut néanmoins
01:12:17 espérer des concessions, parce qu'il y en a
01:12:19 eu aussi dans le passé, dans ces débats-là.
01:12:21 Donc, OK. Sur les scénarios,
01:12:23 à mon avis, le scénario
01:12:25 qui tient la corde, qui est le plus probable,
01:12:27 c'est la victoire à la Pyrus.
01:12:29 C'est-à-dire que ça bouge en effet dans la rue,
01:12:31 ça crie un peu, ça brûle
01:12:33 les bagnoles, c'est... OK, mais ça,
01:12:35 on a déjà vécu avec la loi Travail, ça n'a pas
01:12:37 empêché les institutions de
01:12:39 produire les effets qui sont attendus d'elles,
01:12:41 c'est-à-dire de produire de la norme
01:12:43 et de la graver dans le marbre.
01:12:45 Bon. Mais avec un
01:12:47 coût politique potentiel, qu'éclairaient
01:12:49 fort bien Bruno Pallier et Paulus Wagner
01:12:51 dans un papier qu'on a publié sur la Grande Conversation
01:12:53 cette semaine, c'est-à-dire
01:12:55 qu'à qui profite le crime ?
01:12:57 Clairement au Rassemblement National !
01:12:59 Parce que ça a atteint
01:13:01 les lower middle class, c'est-à-dire les petites
01:13:03 classes moyennes fragiles,
01:13:05 qui ne vont pas avoir les compensations, qui vont avoir
01:13:07 les coûts, et qui sont le réservoir
01:13:09 de votes potentiels du Rassemblement
01:13:11 National dans les prochaines échéances.
01:13:13 Peut-être pas les européennes, mais certainement les suivantes.
01:13:15 Et donc je pense qu'il y a un coût politique
01:13:17 différé de l'amertume,
01:13:19 qui est le véritable
01:13:21 mal de cette réforme.
01:13:23 Un coût politique différé de l'amertume ?
01:13:25 Qui aurait pu être très différent. On aurait pu faire une réforme
01:13:27 très différente, parce que je maintiens qu'une réforme est
01:13:29 utile et nécessaire. Mais pas celle-là, pas comme ça,
01:13:31 parce que là, pour le coup, le coût politique, à mon avis,
01:13:33 c'est le plus probable, c'est pas certain,
01:13:35 il est élevé. - C'est la formule de...
01:13:37 - C'est la formule de... - Au vote RN, aux prochaines élections,
01:13:39 dans votre papier. - C'est la formule de Jean-Paul Sartre.
01:13:41 Vous devez savoir d'où elle est issue,
01:13:43 parce que vous êtes plus savant,
01:13:45 qui disait "il y a des victoires
01:13:47 lorsqu'elles sont analysées", pour
01:13:49 "Victoire à la pyrus", "il y a des victoires lorsqu'elles sont analysées
01:13:51 dans le détail, qui finissent par
01:13:53 ressembler beaucoup à des défaites".
01:13:55 Et je crois que c'est un peu la situation
01:13:57 dans laquelle nous nous trouvons. - Moi je suis pas si sûr
01:13:59 que ça, sur cette prophétie que tout ça
01:14:01 va profiter au RN. C'est fortement
01:14:03 possible. Le ressentiment, évidemment,
01:14:05 c'est un affect qui fait
01:14:07 prospérer l'extrême droite, c'est sûr.
01:14:09 La protestation, l'idée que plus rien
01:14:11 n'est possible et qu'au fond, finalement, il faut faire
01:14:13 exploser le système, c'est évidemment aussi
01:14:15 ça, le produit, ce sentiment
01:14:17 d'impuissance, il produit ça.
01:14:19 Mais quand même, souvenons-nous, alors c'est vrai
01:14:21 que c'est un contexte très différent, que 95
01:14:23 avait préparé 97,
01:14:25 je pense quand même que la gauche,
01:14:27 dans ce débat, sur
01:14:29 les retraites, a pu poser un certain nombre
01:14:31 dans la bataille culturelle, un certain
01:14:33 nombre d'enjeux, notamment la question du travail.
01:14:35 La question du travail, ça fait très longtemps
01:14:37 qu'on n'en a pas parlé comme ça, on en parlait
01:14:39 sous l'angle de la valeur travail. Là, on a parlé
01:14:41 conditions de travail, on a parlé
01:14:43 souffrance au travail. - Merci Dominique Méda.
01:14:45 - Voilà, des thèmes que Dominique
01:14:47 travaille depuis des années. Et
01:14:49 concrètement, c'est aussi
01:14:51 la gauche qui a porté le débat,
01:14:53 pas du tout l'extrême droite qui
01:14:55 a une stratégie d'invisibilité,
01:14:57 elle se cache, etc.
01:14:59 - Oui, mais si elle est gagnante
01:15:01 à moyen terme, on croit à la valise.
01:15:03 - Vous pensez que mécaniquement, ça va faire
01:15:05 le jeu de l'extrême droite ? J'en suis pas si sûr.
01:15:07 C'est une... Evidemment, c'est
01:15:09 probable, on l'a bien vu, vous l'avez évoqué
01:15:11 dans la première partie de l'émission, le fait que
01:15:13 Jordan Bardella soit
01:15:15 en sous-main, comme ça, propose des choses,
01:15:17 veuille accélérer la dissolution,
01:15:19 ça prouve bien
01:15:21 qu'il mise sur cette
01:15:23 possibilité. Je trouve qu'on a eu
01:15:25 quand même depuis deux mois un débat intéressant
01:15:27 qu'on n'avait pas eu du tout au moment de
01:15:29 l'élection présidentielle, et que finalement,
01:15:31 dans la bataille idéologique, la gauche
01:15:33 a marqué des points. Voilà, donc,
01:15:35 ça peut être un point d'appui pour
01:15:37 des mois futurs. Après, alors, sur le...
01:15:39 Moi, je suis, en termes de scénario,
01:15:41 je pense que Macron va aller jusqu'au bout,
01:15:43 je pense que... Je suis assez pessimiste
01:15:45 à court terme,
01:15:47 pour la loi. Par contre, je pense qu'il ne tiendra
01:15:49 pas cette minorité,
01:15:51 sa minorité présidentielle, et que
01:15:53 très clairement, cette crise politique,
01:15:55 elle signe l'incapacité du gouvernement
01:15:57 à tenir encore longtemps
01:15:59 dans cette situation. Ça, c'est sûr.
01:16:01 - Mais je vous invite à lire le grand
01:16:03 article dans La Grande Conversation,
01:16:05 d'ailleurs, puisque c'est intéressant de voir
01:16:07 ce qu'on appelle les "policy feedback"...
01:16:09 Alors, "policy feedback" d'un mot
01:16:11 tiré-pêche, traduction... - Les conséquences politiques
01:16:13 électorales d'une réforme. - Il y a
01:16:15 tant de décisions politiques qui sont prises
01:16:17 que les électeurs souvent n'en retiennent aucune en particulier.
01:16:19 Les motivations électorales
01:16:21 ne reposent pas seulement sur un jugement
01:16:23 en fonction de ce qu'ont fait les gouvernements
01:16:25 sortants, mais,
01:16:27 mais, il y a des mesures particulièrement
01:16:29 saillantes qui restent dans les mémoires
01:16:31 et qui ont des effets politiques.
01:16:33 Et le papier montre que
01:16:35 l'histoire et la comparaison des réformes des retraites
01:16:37 en particulier indiquent
01:16:39 que des réformes impopulaires ont des
01:16:41 conséquences politiques à moyen terme. Vous parliez
01:16:43 de ce qui s'était passé après le plan Juppé
01:16:45 de 1995.
01:16:47 Bon, c'est effectivement quelque chose
01:16:49 qui a abouti à 1997, et donc
01:16:51 à la cohabitation, à l'arrivée de la gauche
01:16:53 au pouvoir. J'aimerais qu'on revienne quand même malgré tout
01:16:55 sur une question politique, mais qui n'est pas
01:16:57 que symbolique, parce que
01:16:59 Elisabeth Borne, elle est au pouvoir
01:17:01 depuis un peu moins longtemps
01:17:03 qu'Édith Cresson.
01:17:05 Un peu moins longtemps, et beaucoup
01:17:07 envisagent qu'elle ne puisse plus
01:17:09 rester au gouvernement. Dominique
01:17:11 Méda, est-ce que ce ne serait pas, alors là
01:17:13 pour le coup, quelque chose de
01:17:15 symboliquement extrêmement négatif
01:17:17 de changer de gouvernement,
01:17:19 de virer une première
01:17:21 ministre, comme s'il y avait une
01:17:23 sorte de fatalité dans la vie politique française.
01:17:25 Une femme ne sait pas diriger un pays. Je le dis brutalement,
01:17:27 mais en gros, c'est l'une des conclusions qu'on pourrait en tirer.
01:17:29 Oui, sans doute. C'est vrai qu'elle fait
01:17:31 le sale boulot, que tous
01:17:33 les reproches fondent sur elle, alors que c'est
01:17:35 évidemment quand même Emmanuel Macron qui a proposé
01:17:37 tout ça. Moi, je me rappelle
01:17:39 de ma sidération, quand il a fait ses premières
01:17:41 annonces pour sa campagne présidentielle,
01:17:43 et donc les deux mesures phares, c'était
01:17:45 la réforme, l'âge légal
01:17:47 à 65 ans, et mettre le RSA
01:17:49 sous condition, 15-20 heures.
01:17:51 Je me suis dit, mais c'est invraisemblable
01:17:53 de partir de cette manière.
01:17:55 Et c'est vrai que
01:17:57 j'admire infiniment Elisabeth
01:17:59 Born d'avoir été dans cette
01:18:01 galère. Et alors, je voulais quand même
01:18:03 rebondir sur ce que disait Rémi Lefebvre
01:18:05 sur le travail. - Mais elle l'a fait de bon cœur !
01:18:07 - Je ne sais pas.
01:18:09 Non, mais c'est très important ce que
01:18:11 Rémi Lefebvre a dit sur le travail. Le travail,
01:18:13 c'est une question qui a été niée
01:18:15 depuis des années.
01:18:17 On n'en a pas parlé pendant la campagne présidentielle,
01:18:19 et là, elle explose à la
01:18:21 figure de tout le monde. Et cette
01:18:23 réforme des retraites, elle révèle que c'est une
01:18:25 question fondamentale. C'est-à-dire que,
01:18:27 si je résume, que pour un
01:18:29 très grand nombre de personnes, le travail
01:18:31 est devenu insoutenable.
01:18:33 Donc ces gens, ils disent "mais comment je vais faire pour tenir ?"
01:18:35 Et ça, tout le monde s'en fichait. Tout le monde
01:18:37 s'en fichait, alors qu'on le savait très bien.
01:18:39 On a une enquête qui est faite
01:18:41 par le ministère du Travail, qui s'appelle l'enquête "Conditions
01:18:43 de travail". Quand on la regarde, on comprend
01:18:45 tout à la France. Par exemple, on voyait
01:18:47 en 2013, la crise de l'hôpital
01:18:49 qui arrivait, la crise des services
01:18:51 publics, l'énorme malaise. Et là, vous avez
01:18:53 un papier, justement, de la Dares, le service
01:18:55 statistique du ministère du Travail, qui est sorti il y a
01:18:57 4 jours, parfaite
01:18:59 synchronisation, qui
01:19:01 nous dit que 37%
01:19:03 des personnes interrogées, des actifs occupés,
01:19:05 considèrent qu'ils ne pourront pas
01:19:07 tenir dans leur emploi jusqu'à la
01:19:09 retraite. C'est énorme, et ça nous explique
01:19:11 tout. Les ministres du
01:19:13 travail successifs, dont Elisabeth Borne,
01:19:15 savaient tout ça. Donc comment se fait-il
01:19:17 en effet cette réforme, en toute connaissance
01:19:19 de cause, et en sachant que
01:19:21 les personnes ne pourraient pas tenir
01:19:23 au travail ? - Vous avez un élément de réponse ?
01:19:25 Vous qui travaillez sur la souffrance au travail et la
01:19:27 précarité au travail, les nouvelles formes de travail
01:19:29 depuis longtemps maintenant ? - Eh bien, soit
01:19:31 les personnes qui sont
01:19:33 dans les gouvernements sont
01:19:35 tellement éloignées du reste de la population
01:19:37 qu'elles ne peuvent même pas imaginer ce que ça signifie.
01:19:39 Donc elles lisent, ou pas d'ailleurs,
01:19:41 ou pas, elles ne lisent peut-être pas tout ça.
01:19:43 Ou bien les considérations financières
01:19:45 et économiques. On prie le pas sur
01:19:47 eux, tout le reste.
01:19:49 On peut penser que c'est aussi cette deuxième solution.
01:19:51 Et donc, il y a des...
01:19:53 On ne fait pas d'omelette
01:19:55 sans casser les oeufs, donc il y aura un petit peu
01:19:57 certainement de résistance.
01:19:59 Mais c'est l'intérêt de la France d'aller dans ce sens.
01:20:01 On ne peut absolument pas raisonner comme ça.
01:20:03 Et c'est pour ça que dans mon petit bouquin, là,
01:20:05 je dis que... - C'était les années
01:20:07 Macron, vous en parliez au passé, il y a déjà quelques années.
01:20:09 - Emmanuel Macron, c'est un homme du passé.
01:20:11 C'est l'homme du consensus de Washington.
01:20:13 Donc, ce n'est pas l'homme qui
01:20:15 prend la reconversion écologique
01:20:17 à bras le corps. Ce n'est pas l'homme qui a compris qu'il y a
01:20:19 une crise du travail en France.
01:20:21 Et donc, voilà, je ne sais pas ce qu'on fait une fois qu'on a dit ça.
01:20:23 - Natacha Polony, puis Thierry Pêche.
01:20:25 - Je commence ma question par une petite remarque.
01:20:27 Tout à l'heure, il a été dit deux fois, oui,
01:20:29 il y a eu 95, ça a préparé 97,
01:20:31 l'arrivée de la gauche.
01:20:33 97, et donc
01:20:35 le gouvernement qui a le plus privatisé,
01:20:37 même beaucoup plus que les gouvernements de droite.
01:20:39 - Il n'a pas fait que ça, quand même. - Oui, mais
01:20:41 pourquoi je commence par ça ? Parce que
01:20:43 ma question à vous trois,
01:20:45 c'est, vous remarquez tous que
01:20:47 les différentes réformes des retraites
01:20:49 n'ont pas été remises en cause
01:20:51 par les gouvernements qui arrivaient derrière,
01:20:53 qu'elles sont toutes passées et que ça pourrait expliquer la fatalité
01:20:55 des Français face à ça.
01:20:57 Est-ce que c'est, comme le disent les partisans de
01:20:59 cette réforme, parce que les Français
01:21:01 sont contre travailler
01:21:03 plus, mais qu'au fond d'eux, même si ça leur
01:21:05 déplaît, ils sauraient que c'est bien pour la France
01:21:07 et que donc il va falloir s'y mettre ?
01:21:09 Ou est-ce que c'est parce qu'ils se disent
01:21:11 que ça rentre dans le cadre
01:21:13 d'un système économique plus
01:21:15 global et qu'il n'y a pas
01:21:17 pour l'instant de solutions politiques
01:21:19 qui s'offrent et qui
01:21:21 permettent de revenir sur ce système
01:21:23 et que ce serait donc ça ou le chaos ?
01:21:25 - Est-ce que je peux compléter ?
01:21:27 Juste pour compléter la question de
01:21:29 Natacha. Alors, si on se
01:21:31 projette, donc la loi,
01:21:33 la motion de censure n'est pas adoptée,
01:21:35 la loi est considérée
01:21:37 comme adoptée, il y aura
01:21:39 dans quelques années
01:21:41 une nouvelle campagne présidentielle.
01:21:43 Une des questions qui va être posée à
01:21:45 l'ensemble des candidats est de savoir ce qu'il fait.
01:21:47 Jusqu'à présent, Thierry
01:21:49 Ypèche le disait tout à l'heure,
01:21:51 soit ils l'ont dit et ils ne l'ont pas fait,
01:21:53 soit ils n'ont même pas dit qu'ils voulaient remettre en cause.
01:21:55 Qu'est-ce qu'il faut faire ? Est-ce que ça sera simplement
01:21:57 être sur une position d'abrogation
01:21:59 ou est-ce qu'il faudra proposer une autre
01:22:01 réforme du système des retraites ?
01:22:03 - Ma question à moi était beaucoup plus vaste,
01:22:05 c'était sur l'ensemble du système économique.
01:22:07 - Disons que ce qui est clair, en tout cas à gauche,
01:22:09 la gauche a été, la NUPES s'est opposée
01:22:11 avec des divergences stratégiques
01:22:13 sur le projet, mais
01:22:15 ce débat, même s'il y a eu
01:22:17 la question du travail a été
01:22:19 porté à l'agenda,
01:22:21 le débat n'a pas beaucoup porté sur les alternatives.
01:22:23 C'est très clair. C'est-à-dire que concrètement,
01:22:25 évidemment ça c'est
01:22:27 lié à l'alliance au texte
01:22:29 programmatique qui a été
01:22:31 négocié dans l'urgence au mois
01:22:33 de juin dernier, où finalement
01:22:35 la proposition de Jean-Luc Mélenchon
01:22:37 a été acceptée par les partenaires sans vraiment
01:22:39 de discussion. Donc la gauche a un problème
01:22:41 avec cette question-là, elle n'a pas tranché
01:22:43 cette question-là. - Le Rassemblement National l'a tranché,
01:22:45 Marine Le Pen a dit qu'elle abrogerait cette loi.
01:22:47 - C'est pas le cas, la gauche ne travaille
01:22:49 pas intellectuellement sur son programme
01:22:51 depuis des mois. Et donc ce qui est frappant
01:22:53 effectivement, c'est que le rejet
01:22:55 du projet ne vaut pas adhésion
01:22:57 effectivement d'un projet alternatif
01:22:59 qui n'a pas vraiment été discuté.
01:23:01 Après, je vous vois
01:23:03 discuter, spéculer sur
01:23:05 les Français, leur rationalité.
01:23:07 Moi je ne sais pas,
01:23:09 je pense qu'elle est multiple et on a quand même
01:23:11 vu cette semaine aussi une enquête parue dans le monde
01:23:13 absolument édifiante sur
01:23:15 la défiance des Français à l'égard de la politique
01:23:17 qui a atteint des niveaux, on est au niveau de
01:23:19 on est pire que l'Italie, c'est-à-dire qu'on est
01:23:21 en France. Et donc moi je
01:23:23 pense que ce qui est
01:23:25 dominant dans l'opinion, c'est un sentiment
01:23:27 d'impuissance, un fatalisme, un rejet.
01:23:29 Alors sur la question du travail
01:23:31 mais qui ne vaut pas, par exemple sur d'autres questions,
01:23:33 on peut avoir aussi parallèlement le rejet
01:23:35 de la Sistana. L'opinion publique
01:23:37 c'est un truisme, elle est
01:23:39 contradictoire et donc on ne peut pas lui comme ça
01:23:41 lui prêter un sens.
01:23:43 Voilà, moi je suis toujours embêté en fait
01:23:45 comme ça d'assigner un sens général
01:23:47 à l'opinion. - Dominique Méda.
01:23:49 - Pourquoi, j'essaye de répondre
01:23:51 aussi à la question de Natacha Polony.
01:23:53 Pourquoi les Français sont résignés ?
01:23:55 C'est parce que la gauche n'a pas
01:23:57 été capable d'offrir
01:24:01 une alternative en effet.
01:24:03 Il ne faut pas oublier
01:24:05 tous les renoncements de la gauche sociale-démocrate.
01:24:07 Un peu partout. Clinton, Blair,
01:24:09 Schroeder, le manifeste
01:24:11 Blair-Schroeder en 1999,
01:24:13 c'est un tournant absolument essentiel.
01:24:15 Lorsqu'ils disent... - Non mais plus récemment, François Hollande
01:24:17 arrive au pouvoir en 2012 en disant "je vais
01:24:19 revenir sur la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy".
01:24:21 - Et mon adversaire c'est la finance.
01:24:23 - Et il y a la réforme de 2014,
01:24:25 ça s'appelle la réforme Touraine.
01:24:27 - Absolument. - Une excellente réforme.
01:24:29 - Donc on a une gauche
01:24:31 qui n'a pas été capable
01:24:33 de proposer autre chose, de proposer
01:24:35 une offre avec de la justice.
01:24:37 Peut-être de revoir ce qu'on devait faire en Europe,
01:24:39 comment construisait une autre Europe, comment on imposait
01:24:41 une autre Europe. Et c'est pour ça
01:24:43 que les gens sont résignés parce que
01:24:45 d'une certaine manière ils considèrent qu'il n'y a plus
01:24:47 de voie
01:24:49 possible. - Je crois qu'il faudrait
01:24:51 beaucoup de culots pour essayer de montrer
01:24:53 les résultats électoraux
01:24:55 de ces 20 dernières années, que les Français sont
01:24:57 fâchés avec l'économie de marché et le capitalisme.
01:24:59 J'ai pas vu ça moi.
01:25:01 Pas du tout. J'ai vu qu'ils ont voté pour
01:25:03 des gens qui ne leur proposaient absolument pas
01:25:05 de rupture. - Oui mais qu'est-ce que c'est
01:25:07 l'économie de marché de manière générale ?
01:25:09 - Je voudrais juste finir si vous permettez, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention.
01:25:11 Ils peuvent être
01:25:13 dans le paradoxe de Bossuet.
01:25:15 Ils peuvent détester les effets dont ils chérissent les causes,
01:25:17 des phénomènes dont ils chérissent les causes.
01:25:19 Ils peuvent avoir leur contradiction, bien sûr.
01:25:21 Et je pense que la tâche...
01:25:23 - De ne pas aimer la gueule de bois par exemple, mais de boire.
01:25:25 - Je pense que la tâche de la politique, c'est de leur
01:25:27 expliquer ces contradictions. C'est ça la critique
01:25:29 sociale, ce qu'on appelait autrefois la critique sociale.
01:25:31 Elle n'est portée par personne.
01:25:33 Bon, c'est le premier point. Deuxième point,
01:25:35 je pense qu'il y a un gros problème de récits politiques,
01:25:37 des raisons pour lesquelles on réforme le système
01:25:39 de retraite par répartition.
01:25:41 C'est quand même ça la faute
01:25:43 initiale. Si vous arrivez
01:25:45 à, je veux dire, en manipulant
01:25:47 la foudre et l'éclair, en disant "je vais sauver le régime
01:25:49 par répartition", alors qu'il affiche un déficit
01:25:51 de 12 milliards d'euros à l'horizon
01:25:53 de la décennie,
01:25:55 il n'est pas en risque vital.
01:25:57 Il n'a pas besoin d'être sauvé.
01:25:59 Il y a un déficit, d'accord. On pourrait
01:26:01 en parler calmement, il y a plusieurs façons de le résoudre,
01:26:03 etc. C'est pas du tout ça qu'on fait.
01:26:05 Donc il y a un problème de justification.
01:26:07 On pourrait aussi dire
01:26:09 "on a besoin de réformer les retraites
01:26:11 pour financer la transition écologique,
01:26:13 l'éducation, la santé,
01:26:15 on a besoin d'augmenter le PIB potentiel
01:26:17 de ce pays pour qu'il soit capable
01:26:19 d'affronter ces défis, etc." Mais c'est pas ça non plus
01:26:21 qu'on fait. Ça, ce serait la version churchilienne.
01:26:23 Bon.
01:26:25 Donc il y a un problème de mise en récit politique
01:26:27 de ces réformes. Et je crois
01:26:29 qu'il y a une mise en récit qui n'est pas
01:26:31 tentée aujourd'hui, qui est de dire "écoutez,
01:26:33 c'est un système qui a plusieurs
01:26:35 paramètres, il va falloir les ajuster tous les 5 ans,
01:26:37 c'est comme ça, c'est pas un drame,
01:26:39 il y a une institution qui va faire des propositions,
01:26:41 et après on aura un débat politique là-dessus."
01:26:43 On ne fait pas ça, malheureusement.
01:26:45 Et je pense qu'on le paye très cher. - Mais on peut aller encore
01:26:47 beaucoup plus loin. On peut dire par exemple
01:26:49 "Tiens, il faut qu'on repense à
01:26:51 l'ensemble du financement de la protection sociale,
01:26:53 ayons un débat, qu'on repense à ce qui se passe
01:26:55 dans le travail, qu'on se demande si un jour on ne peut pas
01:26:57 quand même augmenter les impôts des plus aisés,
01:26:59 qu'on se demande s'il faut continuer
01:27:01 à baisser..." Non mais voilà, donc...
01:27:03 - Mais ça c'est un débat rationnel aujourd'hui, les conditions
01:27:05 institutionnelles et politiques
01:27:07 de la vie politique ne permettent pas ce débat,
01:27:09 c'est bien le problème. Là vous raisonnez...
01:27:11 Et alors sur mise en récit, moi ça fait toujours un peu peur
01:27:13 ce terme, parce que ça fait pédagogie aussi.
01:27:15 - Oui d'accord, c'est ce que je voulais dire.
01:27:17 - Je pense qu'aujourd'hui...
01:27:19 - La pédagogie c'est donner du sens à ce qu'on fait.
01:27:21 - C'est pas un gros mot la pédagogie, Rémi Lefebvre ?
01:27:23 - Ah non mais la pédagogie en général c'est...
01:27:25 Vous n'avez pas bien compris, on va vous expliquer différemment.
01:27:27 - Non c'est pas du tout ça, c'est pas ce que je voulais dire.
01:27:29 - C'est souvent ça en fait, c'est-à-dire en gros
01:27:31 vous ne comprenez pas bien ce qu'on...
01:27:33 C'est l'épistocratie, c'est-à-dire en gros
01:27:35 on sait mieux pour vous.
01:27:37 - C'est bon, le rôle de la politique
01:27:39 c'est quand même de dire aux gens où on veut les emmener.
01:27:41 - Oui ! - C'est ça, j'appelle récit.
01:27:43 On peut clore cette discussion pas très intéressante.
01:27:45 Je veux juste dire ça.
01:27:47 Qu'est-ce qui va se passer
01:27:49 s'il n'y a pas de réforme des retraites quand même ?
01:27:51 Raisonnons comme ça.
01:27:53 Je suis d'accord, il y a un problème du travail, il est préalable,
01:27:55 malheureusement on n'a pas tellement le temps,
01:27:57 il y a des déficits, il faut quand même faire face.
01:27:59 Si on ne réforme pas,
01:28:01 si on laisse aller les déficits, ils seront financés comment ?
01:28:03 Par de la dette,
01:28:05 par un moindre investissement public
01:28:07 dans d'autres domaines, parce que c'est ce qui se passe en général.
01:28:09 - Mais il s'agit pas de ça.
01:28:11 - Il y a d'autres manières de financer aussi.
01:28:13 - Il s'agit pas de ne pas le financer, il y a des exonérations.
01:28:15 - Laissez-le finir.
01:28:17 - Sa parole est si dissonante et si rare.
01:28:19 - Elle n'est pas rare.
01:28:21 Elle est dissonante là,
01:28:23 mais elle n'est pas rare du tout.
01:28:25 - Je vais vous laisser continuer.
01:28:27 - Vous avez la parole, et elle est rare
01:28:29 considérant l'opinion.
01:28:31 - Personne ne veut nous interfaire.
01:28:33 - Qu'est-ce qui se passe si on ne fait rien ?
01:28:35 Il y a des travaux du corps
01:28:37 qui nous disent, dans les hypothèses raisonnables
01:28:39 de productivité, de taux de chômage,
01:28:41 de comportement du
01:28:43 financement de l'État, il y a un déficit.
01:28:45 Il n'est pas abyssal, le système n'est pas
01:28:47 en risque vital, mais il est là.
01:28:49 Si on ne résout pas ce problème,
01:28:51 en le finançant, il y a mille façons
01:28:53 de le financer, mais il faut réformer pour financer.
01:28:55 Donc on ne fait rien.
01:28:57 On va faire de la dette et on va baisser l'investissement
01:28:59 public dans d'autres domaines. Et moi je ne souhaite pas ça.
01:29:01 - Je ne souhaite pas ça. - Laissez-le finir.
01:29:03 - Mais Dominique,
01:29:05 ce que tu dis,
01:29:07 Dominique, supposerait une réforme.
01:29:09 Même ce que tu dis supposerait une réforme.
01:29:11 - Pas tous en même temps, pour comprendre.
01:29:13 - Il y a 75 milliards d'exonération
01:29:15 de cotisations sociales, il y en a toute une partie
01:29:17 qui ne serve à rien, on revient dessus.
01:29:19 Il y a 157 milliards d'aides
01:29:21 aux entreprises données sans condition,
01:29:23 on revient sur une partie, puis c'est terminé.
01:29:25 - C'est une réforme, frère. - Et on n'en fait pas un fromage.
01:29:27 - Mais il me semble, Thierry Piaget,
01:29:29 que vous avez fait émerger ce qui est le cœur
01:29:31 du problème, en nous disant
01:29:33 "mais les gens votent depuis..."
01:29:35 - Je vous remercie, mais je m'inquiète.
01:29:37 - Oui, vous pouvez. Les gens
01:29:39 n'ont jamais voté contre
01:29:41 l'économie de marché et le capitalisme,
01:29:43 donc c'est bien qu'ils
01:29:45 ne sont pas pour un autre système. En effet,
01:29:47 ce que vous dites, c'est qu'en fait nous n'aurions le choix
01:29:49 qu'entre, d'un côté,
01:29:51 le capitalisme et l'économie de marché,
01:29:53 tels qu'ils sont aujourd'hui,
01:29:55 ou de l'autre, je ne sais pas,
01:29:57 par exemple, la collectivisation
01:29:59 des moyens de production ou quelque chose comme ça.
01:30:01 Or, c'est justement parce qu'on fait croire aux gens
01:30:03 qu'il y a le choix qu'entre ces deux choses, que
01:30:05 depuis 20 ans, 30 ans, ils
01:30:07 votent pour ceux, en effet, qui ne les
01:30:09 emmènent pas vers ce qu'ils considèrent comme le chaos,
01:30:11 mais qui leur imposent
01:30:13 des politiques qui leur semblent injustes.
01:30:15 Pourquoi ? Parce qu'on confond... - Il nous reste très peu de temps.
01:30:17 - Je termine. On confond libéralisme
01:30:19 et néolibéralisme, c'est-à-dire
01:30:21 dérégulation totale. Or, c'est cette
01:30:23 politique-là qui nous amène à ce que
01:30:25 nous vivons aujourd'hui, la concurrence
01:30:27 totalement déloyale.
01:30:29 - Thierry Pache ? - Non, non, très bien,
01:30:31 je ne me sens pas visé par ces qualifications,
01:30:33 je ne suis ni libéral, ni néolibéral, donc
01:30:35 c'est votre jugement. - Mais est-ce que vous
01:30:37 considérez, par exemple, que la France qui
01:30:39 s'alignerait sur la durée légale
01:30:41 de départ...
01:30:43 l'âge légal de départ
01:30:45 à la retraite, que
01:30:47 connaissent nos voisins, par exemple, c'est quelque chose
01:30:49 qui est inéluctable ? - C'est pas comparable. - C'est pas comparable ?
01:30:51 - Michael Zemmour a bien montré qu'il y avait des systèmes...
01:30:53 On fait du benchmarking sauvage,
01:30:55 concrètement, il y a plein de paramètres
01:30:57 à prendre en compte. On ne prendra en compte que la
01:30:59 durée... l'âge...
01:31:01 c'est pas sérieux, en fait.
01:31:03 Donc, voilà. Et d'ailleurs,
01:31:05 cet argument-là n'a pas beaucoup fonctionné dans
01:31:07 le débat. C'est-à-dire l'idée qu'ailleurs, on
01:31:09 travaille plus, c'est pas ça qui a
01:31:11 permis de... - De rendre l'arrivée
01:31:13 populaire. - Voilà, exactement.
01:31:15 - Oui, d'autant que ce qu'il faut regarder
01:31:17 en réalité, et pour le coup,
01:31:19 les comparaisons étaient éclairantes,
01:31:21 ce n'est pas l'âge légal, c'est l'âge
01:31:23 effectif de départ à la retraite. En France,
01:31:25 on part d'ores et déjà
01:31:27 plus vieux que l'âge légal,
01:31:29 alors que dans beaucoup de pays, c'est exactement
01:31:31 l'inverse. Rémi Lefebvre,
01:31:33 tout à l'heure, parlait du baromètre
01:31:35 sur la confiance du Cévi-Pov qui est sorti
01:31:37 cette semaine, et je trouve qu'il vient
01:31:39 pour partie éclairer nos débats
01:31:41 quand on compare la situation de la France
01:31:43 à celle des trois autres pays qui étaient
01:31:45 interrogés, le Royaume-Uni,
01:31:47 l'Allemagne et l'Italie. On voit
01:31:49 d'abord que, contrairement à l'image
01:31:51 qui est communément répandue, l'intérêt
01:31:53 pour la politique est beaucoup plus faible
01:31:55 chez nous que dans les autres pays.
01:31:57 - Vraiment ? - Vraiment,
01:31:59 et dans des écarts qui sont importants.
01:32:01 C'est 25 points d'écart avec
01:32:03 l'Allemagne. Il y a la moitié des Français qui disent
01:32:05 qu'ils s'intéressent à la politique. On est à
01:32:07 77% en Allemagne, on est à 65%
01:32:09 en Italie.
01:32:11 Deuxième chose, sur le rapport au système
01:32:13 capitaliste, pour revenir sur le
01:32:15 débat entre Natacha et Thierry Pech.
01:32:17 On est beaucoup
01:32:19 plus nombreux en France à vouloir
01:32:21 non pas le réformer sur quelques
01:32:23 points, mais le réformer en profondeur.
01:32:25 Alors ça ne veut pas dire la rupture
01:32:27 avec le système, mais il y a malgré tout
01:32:29 une densité de
01:32:31 rejets,
01:32:33 en tout cas de distances par rapport
01:32:35 au système capitaliste qui est très spectaculaire.
01:32:37 C'est 44% des Français, on est
01:32:39 à 22% en Allemagne,
01:32:41 23% au Royaume-Uni.
01:32:43 Et dernier point, ce qui
01:32:45 éclaire aussi le débat sur la suite, notamment sur
01:32:47 le mouvement social, c'est sur
01:32:49 les moyens à privilégier
01:32:51 pour faire bouger la démocratie. On est
01:32:53 beaucoup plus nombreux à dire la
01:32:55 manifestation et la grève que
01:32:57 l'adhésion à un parti politique et à
01:32:59 un syndicat. Et je trouve que tout ça
01:33:01 dessine aussi les spécificités de
01:33:03 notre paysage. - Rémi Lefebvre ?
01:33:05 - Oui, c'est spectaculaire. Les
01:33:07 partis politiques en France ne représentent plus rien.
01:33:09 Effectivement, il y a toujours cette culture de manifestation.
01:33:11 Je discutais avec un journaliste allemand
01:33:13 sur la perception que les Allemands ont
01:33:15 de notre mouvement. Effectivement, ils sont très, très surpris.
01:33:17 De voir qu'il y a 8,
01:33:19 9 manifestations à plusieurs millions
01:33:21 de manifestants, c'est quelque chose qui reste.
01:33:23 Mais à côté de ça, les corps intermédiaires sont de plus en plus faibles.
01:33:25 Et ça, c'est aussi un énorme problème.
01:33:27 Concrètement, parce que ce qu'on voit aussi, c'est la déliquescence
01:33:29 des partis politiques. On l'a très, très bien
01:33:31 vu avec les LR qui sont incapables de
01:33:33 tenir leur parti. Et donc ça, c'est très
01:33:35 mauvais parce que la démocratie,
01:33:37 c'est aussi des corps intermédiaires, c'est aussi
01:33:39 des médiations. Et la
01:33:41 pauvreté aujourd'hui du débat politique
01:33:43 et le désintérêt d'ailleurs qu'il suscite, parce que
01:33:45 moi je suis un peu réservé par rapport à cette idée.
01:33:47 - La pauvreté, Gilles a dit plusieurs fois que c'était un débat
01:33:49 de bonne qualité parce que pour le coup, on était rentré dans
01:33:51 les détails du texte, qu'on avait appris
01:33:53 des choses. - Je parlais
01:33:55 au-delà de la question des retraites.
01:33:57 Parce que je pense que cette défiance, elle exprime
01:33:59 un désintérêt.
01:34:01 Franchement, la politique aujourd'hui, elle fait pas très,
01:34:03 très envie. Sauf quand on est
01:34:05 spécialiste. Franchement, c'est
01:34:07 souvent pitoyable. Et donc, concrètement,
01:34:09 mais il y a quand même encore
01:34:11 cette... Voilà, le
01:34:13 peuple français réagit encore. Voilà.
01:34:15 Ça c'est clair. - Dominique Méda ? - Non, je suis
01:34:17 d'accord, mais je trouve qu'on a vraiment pas besoin
01:34:19 de ça en ce moment. On doit se préparer
01:34:21 pour une grande reconversion écologique.
01:34:23 Il y a la guerre pas
01:34:25 très loin. Et on arrive à
01:34:27 fragmenter encore la société. Franchement,
01:34:29 c'est le très, très, très mauvais
01:34:31 chemin. - Le très, très, très mauvais chemin.
01:34:33 L'histoire, elle est écrite d'un mot, rapidement,
01:34:35 Gilles ? - Jamais. - Jamais ?
01:34:37 - Mais les motions de censure ne passeront pas.
01:34:39 - On verra.
01:34:41 - Il reste 30 secondes, c'est l'heure
01:34:43 de prendre les paris. - C'est très simple, j'ai pris un pari
01:34:45 la semaine dernière, je l'ai perdu. Donc je vais être prudent,
01:34:47 mais je dirai qu'elle ne passera pas.
01:34:49 - Les motions de censure,
01:34:51 c'est peu probable, mais c'est devenu possible.
01:34:53 - C'est devenu possible en quel sens ?
01:34:55 - Je pense qu'il faut, en gros, trouver
01:34:57 25 républicains ou 27 républicains
01:34:59 qui votent pour. Et c'est pas impossible.
01:35:01 C'est peu probable, mais c'est pas impossible.
01:35:03 Vu le débat qu'ils ont eu
01:35:05 au sein du groupe à ce sujet,
01:35:07 ils en sont sortis, ils n'avaient pas
01:35:09 compris la même chose aux conclusions du président.
01:35:11 Ben voilà.
01:35:13 Ça fait partie du monde du possible maintenant.
01:35:15 Ça n'arrivera probablement pas, mais c'est possible.
01:35:17 - C'est intéressant parce que, du coup, ça
01:35:19 permet d'envisager que l'avenir n'est
01:35:21 pas écrit, et qu'il reste à écrire.
01:35:23 Rémi Lefebvre ?
01:35:25 - Oui, ça va être très intéressant de voir
01:35:27 ce qu'il va... Il va se passer des choses, et c'est très clair,
01:35:29 je le redis, la majorité,
01:35:31 la minorité présidentielle ne va pas pouvoir tenir longtemps,
01:35:33 à mon avis, dans ces conditions.
01:35:35 - Merci infiniment à tous les trois d'avoir participé
01:35:37 à ce Grand Face à Face XXL.
01:35:39 Dominique Méda, Thierry Pêche,
01:35:41 Rémi Lefebvre, merci Natacha, merci Gilles.
01:35:43 Je vous retrouve samedi prochain
01:35:45 à suivre le Flash
01:35:47 de Corine Audoin.