Claire Fourcade, présidente de la SFAP pour les [soins palliatifs] - Jarry, humouriste et porte-parole d'[à 2 mains]

  • l’année dernière
Alors que les scandales médicaux et d’accompagnement des personnes malades s’enchainent dans l’actualité, il existe des personnes qui ont envie d’agir pour les personnes malades incurables en développant les unités de soin palliatif et en formant aux derniers secours. Jaleh Bradea reçoit pour en parler les docteurs Claire Fourcade, présidente de la SFAP et Hubert Tesson, médecin-chef à Marseille, accompagnée d’Alban de Chateauvieux, artiste-peintre inspiré par ces lieux uniques.

L’humoriste Jarry intervient en tant que porte-parole d’une association aussi engagée dans ce secteur : l’association a2main.

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https://www.30vivants-lefilm.com/
https://www.a2main.fr/
Transcript
00:00 [Musique]
00:08 Bonjour et bienvenue dans Envie d'agir où je suis ravie d'accueillir les docteurs
00:13 Claire Fourcade et Hubert Tesson, accompagnés d'un artiste, Alban de Châteauvieux.
00:19 Bonjour à tous les trois. Bonjour. Bonjour.
00:21 Merci d'être avec nous. Claire, je peux vous appeler Claire ?
00:24 Bien sûr.
00:25 Donc vous êtes médecin à Narbonne et vous êtes aussi présidente de la Société française de l'accompagnement et des soins palliatifs.
00:33 Je suis heureuse d'être arrivée à le dire. Expliquez-nous ce que c'est que les soins palliatifs.
00:39 Les soins palliatifs, c'est la médecine qui accompagne la vie avec la maladie grave.
00:44 Quand on est atteint d'une maladie grave, le temps est précieux, il est compté et c'est important de penser la qualité de vie,
00:51 de se dire que dans ces moments-là, on a envie d'être bien, on a envie d'être avec ses proches et donc soulager les symptômes.
00:56 Une médecine du confort, une médecine de l'accompagnement, de ne pas être seule.
01:00 Notre travail de soignant à ces moments-là, avec des bénévoles, c'est de permettre au patient d'être entouré de ceux qu'il aime
01:06 et de vivre dans les meilleures conditions possibles. Ne pas avoir mal, c'est la première chose la plus importante.
01:11 Ne pas souffrir et puis pouvoir profiter de la vie, faire des projets, même s'ils sont plus petits,
01:17 mais en tout cas pouvoir profiter de la vie jusqu'au bout, intensément et être aimé et aimée.
01:22 C'est très beau. J'entends de l'amour, j'entends tout ça dans vos propos.
01:28 Pourtant ce n'est pas évident, soins palliatifs, on pense aussi à la fin de vie, ce n'est pas une question évidente pour personne, je pense.
01:35 Tout à fait.
01:36 Qu'est-ce qui vous a fait choisir cette spécialité-là ? Vous auriez pu décider de faire maternité, dermatophore, il y a plein d'autres spécialités.
01:44 J'ai commencé mes études, je voulais faire de la réanimation néonatale, après le déprimaturé.
01:49 C'est la rencontre avec des patients et c'est d'avoir, je crois, été choqué dans un premier temps de la façon dont les gens mouraient,
01:56 de la façon dont la médecine ne s'occupait pas d'eux. C'était comme un échec pour la médecine.
02:00 Et de m'être dit, même jeune étudiante, on doit pouvoir faire mieux.
02:04 Et puis d'avoir rencontré après, dans un service de patients atteints de sida, au contraire, des jeunes patients très impliqués
02:09 avec une équipe soignante pour prendre soin d'eux-mêmes et très impliqués dans la maladie, qui m'a fait me dire,
02:14 voilà, on peut travailler aussi avec les patients, parce que les soins palliatifs, c'est vraiment une médecine avec les patients.
02:19 C'est d'abord du singulier, avec chaque patient, de construire l'accompagnement dont il a besoin.
02:23 Et moi, je trouve cette relation extrêmement importante et extrêmement forte.
02:27 Qu'est-ce qui vous a choqué et qu'est-ce qui a changé ?
02:31 Ce qui m'a choqué au départ, c'est le... alors, du côté des médecins, c'est l'abandon.
02:37 Cette façon de fermer la porte et de se dire que la mort est un échec, alors que jusqu'à aujourd'hui, la mort, c'est le terme de toutes les vies.
02:43 Et que jusqu'au bout, le patient reste une personne qui a besoin d'être accompagnée.
02:48 Et que c'est le rôle de la médecine quand elle ne peut pas guérir, de soulager et d'être là.
02:52 Et je trouve de la médecine au sens large. C'est toujours une médecine d'équipe. On ne peut pas travailler seule.
02:56 C'est pas juste une médecine de médecin. Et ça aussi, moi, j'aime beaucoup le travail en équipe.
03:00 On a besoin pour entendre la souffrance, qui se dit toujours de plein de façons.
03:04 On peut souffrir physiquement, mais aussi psychologiquement, socialement.
03:07 Et on a besoin d'être à plusieurs pour entendre et pour pouvoir chercher des solutions avec les patients, avec les proches.
03:12 Cet accompagnement des proches, c'est aussi quelque chose de très important.
03:15 Il y a un Suisse qui dit que les soins palliatifs, c'est la paix des survivants.
03:18 C'est aussi ça qui permet de continuer à vivre quand la mort est passée.
03:21 De se dire que, voilà, c'est toujours difficile, mais on peut continuer, on peut survivre à ça.
03:25 Et si on a été bien accompagnés, ce sera moins difficile de continuer à vivre après.
03:30 - Effectivement, c'est très intéressant et c'est très bien de pouvoir en parler.
03:33 Moi, je découvre un peu plus le sujet grâce à vous et au fait que je vous accueille aujourd'hui.
03:38 Il y a un artiste, Jari, qui a l'air de s'y connaître, qui est engagé autour de ce sujet des soins palliatifs.
03:44 Il va nous livrer son message engagé et on en parle après.
03:48 - Cette photo, c'est la première photo que l'on découvre sur le site de l'association A2Main.fr que je représente,
03:56 qui est une association qui défend les soins palliatifs et l'accompagnement des gens en fin de vie.
04:00 L'époque dans laquelle on est, cet isolement nous amène à nous dire quand même qu'on est mieux ensemble, à deux.
04:07 Et puis A2Main pour accompagner les derniers moments de vie en disant à la personne,
04:11 on ne va pas plus jamais se revoir, bien au contraire, on se verra peut-être demain.
04:15 Mais je pense que c'est plus rassurant quand on va perdre peut-être la personne la plus importante,
04:21 de lui dire juste on va se revoir.
04:24 2003, du jour au lendemain, on m'annonce que mon papa a une tumeur au cerveau et qu'il est condamné.
04:30 Et je vais découvrir par le plus grand des hasards qu'il existe dans les hôpitaux en France des soins palliatifs.
04:35 Ça ne me parle pas du tout, je me dis palliatif pour pallier à quoi ?
04:39 Et donc j'ai découvert des services où une fois qu'on a déterminé que les gens allaient partir, allaient mourir,
04:43 eh bien les gens allaient pouvoir vivre les derniers moments de leur vie de manière allégée, plus humaine,
04:51 où les familles peuvent rester dormir.
04:54 Je le dis tout le temps en rigolant, mais c'est vrai, si vous souhaitez fumer un pétard parce que vous avez envie de ça avant de mourir,
04:59 on vous autorise à fumer un pétard.
05:01 Si vous avez envie d'avoir une relation sexuelle parce que vous ne voulez pas partir, on fait venir des gens, des professionnels.
05:08 Et puis je pense qu'en France, on a très peur de ce moment où les choses s'arrêtent.
05:12 Parce que d'abord, voir un corps s'arrêter de respirer, c'est quelque chose de très impressionnant.
05:16 Mais de voir quelqu'un partir avec le sourire, ça n'a pas de budget, ça n'a pas de loi, ça n'a pas de religion, ça n'a pas de prix.
05:25 Ça n'intéresse pas à la fin de vie, comme si c'était quelque chose qu'on mettait un peu dans le noir en se disant "moi je vais bien".
05:32 Et je trouve ça vraiment dommage parce qu'on sait qu'on est une population qui vit de plus en plus.
05:37 On sait qu'aujourd'hui, les maisons de retraite, les EHPAD, etc. les gens ne peuvent pas y aller, c'est financièrement très lourd.
05:44 Nous les jeunes, on doit prendre et se souvenir que nos parents et nos grands-parents se sont battus pour qu'on manque de rien.
05:51 Donc à nous de faire en sorte qu'il ne manque de rien.
05:54 Surtout, moi j'invite les gens qui ont peur de ça à se rendre sur place et à venir visiter les lieux.
06:01 Parce que souvent quand on y est confronté, ça dédramatise tout de suite la situation.
06:05 Avant, j'avais très peur de mourir.
06:07 Et en fait, plus du tout aujourd'hui.
06:09 Et je serais encore plus rassuré si je me dis que je suis à ce genre de lieu pour mourir dignement.
06:15 Merci beaucoup Jari.
06:16 Donc l'humoriste Jari qui prend la parole sur ce sujet.
06:20 Moi j'étais très heureuse de voir ça.
06:22 Qu'est-ce que vous en avez pensé, Dr Tesson ?
06:25 Ça fait plaisir de voir Jari témoigner de son expérience très positive avec son père en fin de vie.
06:33 Je nuancerais un tout petit peu en tant que médecin exerçant soins palliatifs.
06:38 En disant que la fin de vie n'est pas quelque chose de si facile pour les malades, pour les familles.
06:46 Ça reste une épreuve majeure.
06:48 Mais ce que décrit Jari, c'est quelque chose dont les familles et les malades font l'expérience très souvent.
06:56 Les soins palliatifs, c'est quand même une médecine qui apporte un apaisement.
07:01 Un apaisement majeur.
07:02 Les malades souffrent beaucoup d'une médecine qui continue à faire des scanners, des IRM, etc.
07:09 Mesurer la taille des cancers.
07:11 Et pouvoir bénéficier d'une médecine et de soins qui soient centrés non pas sur le cancer,
07:18 mais sur la personne, sur ses difficultés, sur ses désirs.
07:22 C'est quelque chose qui est extrêmement apaisant pour les malades, mais aussi pour les familles.
07:27 Donc effectivement, vous êtes médecin-chef à la Clinique Saint-Elisabeth.
07:30 On vous voit dans un documentaire qui est passé sur C8 et qui s'appelle "30 vivants".
07:35 C'est quoi votre quotidien en tant que médecin-chef ?
07:38 En tant que médecin, mon quotidien déjà, c'est de veiller au confort des malades.
07:44 Notamment en soulageant le mieux possible la douleur ou les difficultés respiratoires ou digestives.
07:50 Et le traitement de la douleur, c'est tout un art.
07:53 C'est de la médecine, qui peut être de la médecine de pointe et qui nécessite un savoir-faire.
08:00 Parce que tout l'enjeu, c'est de soulager le mieux possible la douleur,
08:03 tout en préservant les capacités relationnelles du patient.
08:07 Pour lui laisser ce partage avec son environnement, son entourage.
08:11 Voilà, c'est extrêmement important pour le malade, pour l'entourage.
08:15 Et donc, c'est tout un art. C'est de la haute cuisine.
08:19 Il faut mettre un peu de sel, retirer du poivre, un peu de morphine, mais ceci...
08:23 Et c'est mon quotidien.
08:25 Après, mon quotidien, c'est aussi d'animer une équipe.
08:30 Parce que les soins palliatifs sont réalisés par toute une équipe pluridisciplinaire.
08:35 Ça fait ce que nous disait Claire, effectivement.
08:37 Il y a pas mal de monde autour de vous.
08:40 Et je voudrais qu'on les remercie, d'ailleurs, tous ces gens-là.
08:43 J'aimerais aussi qu'on vienne à Alban, que j'ai découvert également.
08:47 Donc, artiste, peintre, dans ce fameux documentaire.
08:51 Je comprends, les médecins sont arrivés dans les soins palliatifs.
08:54 Mais vous, Alban, qu'est-ce que vous êtes venu faire ?
08:57 Alors, c'est vrai que c'était une expérience assez étonnante pour moi en tant qu'artiste.
09:02 Ça correspond à un moment de ma vie où, d'un côté, je passe pas mal de temps à Sainte-Élisabeth, à Marseille,
09:13 où j'accompagne mon oncle Guillaume, qui a quelques années de plus que moi.
09:16 Et que j'adore. Et je l'accompagne dans les derniers mois de sa vie.
09:21 Et je suis profondément ému par la qualité des soins qui lui sont apportés.
09:28 Et la bienveillance des gens qui l'entourent.
09:32 Et en parallèle, je donne des cours d'esthétique dans une école de management.
09:38 Donc, l'esthétique, c'est la philosophie de la beauté.
09:40 Et je lis, en préparant mes cours, ce petit livre de François Chêne qui s'appelle "Œil ouvert et cœur battant".
09:47 Et qui, sous titre, "Envisager et dévisager la beauté".
09:51 Et ce mystère de la beauté, tel qu'il l'aborde, m'interpelle.
09:55 Et donc, c'est comme ça que je me retrouve à aller toquer à la porte de patients en soins palliatifs,
10:01 pour leur proposer de réaliser un portrait d'eux.
10:04 Et en fait, poser sur ces gens-là un regard qui leur dit "Vous avez de l'importance pour moi,
10:13 vous avez de l'importance pour nous, pour toute cette société où, finalement,
10:17 on passe son temps à faire des selfies, à être obligé d'être les plus beaux possible et les plus performants".
10:22 Mais en fait, ce n'est pas ça qui compte.
10:25 Ce qui compte, c'est ce que vous avez dans votre regard, ce que vous portez en vous et la confiance que vous me donnez.
10:30 Une sincérité, en fait, dans cet échange.
10:32 Ça doit être aussi votre quotidien, Claire. Qu'est-ce que vous avez pensé de ce documentaire ?
10:36 Moi, j'ai beaucoup aimé ces portraits, parce que j'ai trouvé qu'ils rendent compte de la façon dont on regarde les gens,
10:41 les humanise et les rends beaux.
10:43 Et c'est notre travail au quotidien d'essayer de regarder ces personnes en leur disant qu'ils sont importants pour nous,
10:48 ce que disait Alban. Ils sont importants pour nous tous, pour notre société.
10:51 Et nous, on porte ce message au nom de toute la société.
10:53 Et je trouve ce message très important de dire "Vous comptez pour nous jusqu'au bout".
10:56 Et nous, on est là pour essayer de partager ça.
11:00 Cet échange, c'est vraiment notre quotidien.
11:02 Absolument. Et c'est important que vous veniez en parler de cette façon-là.
11:04 C'est pour ça que ça s'appelle "38 ans", ça veut tout dire.
11:07 Claire, rapidement, quelle est votre envie d'agir dans les soins palliatifs ?
11:12 C'est de dire à toute la société que l'accompagnement, ce n'est pas qu'une affaire de soignants.
11:16 Ce n'est pas seulement l'affaire des médecins ou des infirmières.
11:19 C'est l'affaire de nous tous. Et donc, on lance un programme qui s'appelle "Dernier secours",
11:22 qui est un programme de sensibilisation du grand public à l'accompagnement.
11:25 On a tous quelque chose à donner. On a tous la capacité d'accompagner ceux qui nous sont chers.
11:31 Ce n'est pas seulement l'affaire des professionnels.
11:33 Un peu l'équivalent des premiers secours.
11:35 C'est ça. Une journée de formation, de sensibilisation.
11:38 Et pour peut-être changer aussi cette relation. Parce que c'est normal qu'on ait peur.
11:43 Ça permet d'apprivoiser cette idée que la fin de vie, c'est pour nous tous.
11:49 Et que ceux à qui on tient, on peut être là pour eux jusqu'au bout.
11:52 Exactement. Et peut-être que ça participera à la douceur au moment de partir.
11:56 Et ça nous arrivera. Et ce n'est pas grave.
11:58 Merci beaucoup d'avoir été là avec nous.
12:01 Merci encore à tous ceux qui vous accompagnent tous les jours dans ces derniers moments.
12:06 Ou différemment, pour soulager la douleur, comme vous disiez, Docteur Tesson.
12:10 Quant à nous, on se retrouve très vite sur C8 pour plus d'envie d'agir. Merci.
12:15 Merci.

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