« La reconnaissance d’un génocide par l’ONU est un acte politique » : comment le terme de génocide a-t-il évolué au fil de l’Histoire ?

  • l’année dernière
INTERVIEW – L'historienne Virginie Girod reçoit Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Science Po Paris. Le 19 février 2023, à la Conférence de Munich sur la sécurité, la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris a accusé Moscou d’avoir perpétré des “crimes contre l’humanité” depuis le début de son invasion de l’Ukraine en février 2022. Mais les crimes contre l’humanité sont-ils des génocides ? Bien souvent, la définition de génocide reste nébuleuse pour le grand public. “A quand remonte la première utilisation de ce terme ? Quelles institutions peuvent reconnaitre un génocide ? Quels sont les critères pour qualifier un massacre de génocide ? Eléments de réponse avec Frédéric Encel. “Au Cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio.

Sujets abordés : Génocide - Massacre – ONU - Arménie - Tutsi – Shoah – Crime contre l’humanité - Mémoire
Transcript
00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire dans les interviews du vendredi, je suis Virginie Giraud.
00:05 Aujourd'hui, je reçois Frédéric Ancel, docteur en géopolitique, habilité à diriger des recherches
00:11 et maître de conférences à Sciences Po Paris.
00:14 Frédéric Ancel est également auteur des Voix de la Puissance, Penser la géopolitique au XXIe siècle
00:20 paru aux éditions Edil Jacob. Bonjour Frédéric Ancel.
00:23 Bonjour.
00:24 Vous avez organisé les 13e Assises Nationales contre le négationnisme qui ont eu lieu à l'Assemblée Nationale en février 2023.
00:32 Lors de ces Assises Nationales, vous êtes revenu sur l'histoire de la Shoah, des génocides du peuple arménien et du peuple Tutsi.
00:39 Et le 15 décembre 2022, le Parlement européen a reconnu comme un génocide l'Holodomor, l'extermination par la faim en ukrainien.
00:48 Le Holodomor, c'est le nom donné à la famine orchestrée par l'Union soviétique de Staline,
00:54 qui aurait tué entre 3 et 5 millions d'Ukrainiens entre 1932 et 1933.
01:00 C'est un événement historique qui nous rappelle l'actualité de la guerre en Ukraine, malheureusement.
01:04 Le Parlement européen a reconnu ce massacre comme un génocide, mais pas l'Organisation des Nations Unies.
01:09 Est-ce que vous pouvez déjà nous expliquer pour commencer ce qu'est un génocide ?
01:13 Oui, crime commis dans l'intention de détruire tout ou partie un groupe national, ethnique, racial et religieux.
01:20 Fin de citation.
01:21 Pour la première fois, la définition du génocide est établie en 1943, donc en pleine Shoah, par un juriste juif polonais, Raphaël Lemkin.
01:30 Et sa définition, elle se fonde notamment sur ce qui s'était produit déjà avec le génocide arménien.
01:35 Vous avez rappelé à juste titre en 1915.
01:37 Et ça fait depuis force de loi.
01:40 Alors quand je dis depuis, il a fallu attendre quelques années, mais au procès de Nuremberg, on évoque déjà des crimes d'agression, des crimes contre l'humanité.
01:47 Mais ce n'est qu'en 1948, le 10 décembre, qu'est inscrite au frontispice des institutions internationales, la Convention pour la prévention et la répression des génocides.
01:58 Et là, pour le coup, s'ajoutent un certain nombre d'éléments.
02:01 Alors je les donne pour être extrêmement précis et pour ne pas galvauder les termes, tels qu'ils se présentent.
02:07 Ces éléments là, meurtre de membres d'un groupe, on ne dit pas de quel groupe il s'agit, atteinte grave à son intégrité physique ou mentale.
02:15 Là, on comprend déjà mieux.
02:16 Je précise que les viols massifs sont constitutifs des génocides.
02:19 Soumission intentionnelle, là c'est moi qui insiste, intentionnelle à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle.
02:28 Et enfin, mesure visant à entraver les naissances.
02:31 Aujourd'hui, on en est là, le droit international reconnaît trois grands génocides du 20e siècle.
02:38 Le génocide arménien, le génocide juif et effectivement le génocide des Tutsis rwandais en 1994.
02:44 Donc il n'y en a que trois et l'holodomor justement est en question, puisque comme je l'expliquais en introduction, c'est un génocide qui a été organisé par la faim sur la volonté de Staline en Ukraine entre 32 et 33.
02:57 Il y a eu d'autres génocides aussi, ou du moins considérés comme tels.
03:01 L'Allemagne reconnaît avoir exercé une sorte de génocide sur les ereros et les namas en Namibie à l'époque coloniale.
03:09 Donc finalement, qui est-ce qui a autorité pour qualifier un génocide ?
03:14 Est-ce qu'on peut se dire qu'on a subi un génocide ? Est-ce qu'un État peut dire "oui, là j'en ai fait un, l'ONU ne le reconnaît pas" ? Comment ça se passe ?
03:20 Votre question est centrale et elle est philosophique.
03:22 Et le problème d'une question philosophique, c'est qu'on ne peut pas y répondre par de plus d'eux.
03:25 Autrement dit, Robert Dilly disait "il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour".
03:28 Il n'y a pas de génocide, il n'y a que des preuves de génocide, ou plus exactement des critères.
03:32 Et pour vous répondre très simplement, je le disais il y a un instant, l'ONU reconnaît trois grands génocides.
03:37 Mais c'est bien l'ONU qui les reconnaît.
03:39 Le holodomor par exemple, le Parlement européen le reconnaît comme génocide.
03:43 Mais qui est le Parlement européen ? Est-ce qu'il est doté d'une prérogative juridique, judiciaire, morale, philosophique particulière pour le reconnaître ?
03:51 Oui, non, on peut en discuter à l'infini.
03:53 Les Allemands décident effectivement de manière très officielle de reconnaître comme ayant été en tout cas une politique génocidaire,
03:59 celle perpétrée en 1904-1905 contre les héréraux en Namibie, dans leur colonie.
04:05 Formidable, je ne sais pas si les héréraux d'ailleurs étaient très satisfaits de cela parce qu'ils souhaitaient en plus des réparations.
04:09 Depuis vous avez eu, enfin depuis 1904, vous avez eu un génocide au Cambodge, 1975-1979, perpétré par l'Ekmer Rouge.
04:17 Problème, le problème du génocide c'est qu'on cherche à tuer une population, on l'a dit il y a un instant, en fonction, entre guillemets, de ses gènes.
04:26 L'Ekmer Rouge sont cambodgiens, ils tuent des cambodgiens.
04:29 Problème, est-ce qu'on peut effectivement considérer qu'un génocide a été perpétré par des gens qui sont de la même ?
04:34 Alors, ethnie, race, religion, je reprends les termes onusiens.
04:37 Bref, vous voyez qu'en réalité on ne s'en sort que difficilement et à la fin des fins, et c'est un géopolitologue et en même temps citoyen bien sûr qui vous le dit,
04:44 les rapports de force, les sempiternelles rapports de force s'exercent malheureusement aussi sur les questions mémorielles.
04:51 C'est-à-dire ?
04:52 C'est-à-dire que si vous êtes doté, allez, par exemple, au hasard bien sûr, d'un siège permanent au conseil de sécurité vous permettant d'exercer un droit de veto,
05:00 vous allez défendre, d'abord vous allez vous défendre vous-même, à moins que vous soyez schizophrène, c'est rare, vous allez défendre vos alliés.
05:06 Prenons un exemple extrêmement concret, il y a quelques années de cela, la Birmanie chasse un peu plus d'un million de Rohingyas musulmans dans des conditions épouvantables.
05:13 Et la plupart des ONG reconnaissent qu'il s'agit d'une politique ayant mené de près ou de loin à un génocide.
05:20 Or, la Birmanie est soutenue par la Chine, c'est terminé, on n'en parle plus.
05:23 C'est-à-dire qu'au conseil de sécurité, il n'y aura pas de condamnation de la Birmanie, de quoi que ce soit d'abord, et certainement pas pour avoir perpétré un génocide.
05:31 Donc qualifier un massacre de génocide, c'est un acte politique avant tout ?
05:34 De toute façon, c'est un acte politique, alors pas avant tout, après tout.
05:38 Pourquoi je dis après tout ? Parce que les juristes, heureusement, depuis au moins 43, 45, 48, et on l'a vu avec Bouchard récemment en Ukraine, s'intéressent immédiatement.
05:46 Dès qu'il y a, et notamment la Cour pénale internationale, s'intéressent à des massacres lorsqu'ils sont potentiellement de nature génocidaire.
05:53 Mais c'est seulement après, en aval, qu'on va demander aux politiques d'exercer des pressions pour pouvoir aller chercher, éventuellement, juger et condamner des génocidaires.
06:04 Mais qui sont les politiques ? Ce sont les États, et notamment les États puissants.
06:07 Il y a un autre événement qui est assez peu connu du grand public.
06:10 Le 11 juillet 1995, 8000 hommes et adolescents musulmans de Bosnie sont massacrés par des unités de l'armée de la République serbe de Bosnie.
06:19 C'est ce qu'on appelle d'ailleurs le massacre de Srebrenica.
06:22 Frédéric Ancel, ces crimes, est-ce qu'ils peuvent être ou sont considérés comme génocidaires par l'ONU ?
06:27 En tout cas, le tribunal pénal international pour l'ex-Liouislavie a considéré qu'effectivement, il y avait eu génocide.
06:32 Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'on a là un massacre, je mets bien évidemment des guillemets aux mots qui suivent, de seulement, je dis bien entre guillemets, seulement 8000 personnes.
06:42 C'est intéressant, pourquoi ? Parce que les trois grands génocides reconnus par l'ONU ont concerné entre 800 000, 900 000 pour les Tutsis, 6 millions pour les Juifs, en passant par 1,5 million d'Arméniens.
06:53 Donc, ce sont des chiffres absolument gigantesques, épouvantables.
06:55 8000, c'est beaucoup, c'est 8000 fois une vie humaine, mais ce n'est que 8000 par rapport aux grands autres génocides.
07:01 C'est la raison pour laquelle, là, on avait quelque chose de nouveau à ce niveau-là.
07:04 Maintenant, le problème, c'est que la Russie soutenait les Serbes.
07:08 Et par conséquent, on a là un génocide qui n'est pas aujourd'hui reconnu par le Conseil de sécurité des Nations Unies, mais qu'il est par les ONG, parce que le monde compte de juristes, en tout cas, le monde occidental.
07:20 Parce que je le dis d'une phrase, en Afrique, on commence réellement à en avoir assez que les tribunaux pénaux internationaux s'intéressent quasi exclusivement, alors sauf le cas Yougoslave, mais à des crimes commis sur le continent.
07:30 Africain, ces 20-30 dernières années, à mon avis, à tort, parce qu'effectivement, c'est bien là, malheureusement, que des seigneurs de la guerre ou des régimes politiques massacrent 30 et plus depuis, effectivement, quasiment un demi-siècle.
07:42 La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adopté par l'ONU semble vraiment être la référence pour les historiens.
07:50 Et pourtant, on voit que les historiens ne sont pas toujours d'accord entre eux sur une qualification de génocide.
07:57 Qu'est-ce qui explique qu'ils n'arrivent pas à se mettre d'accord quand l'ONU dit ça, c'est un génocide et ça, ça ne l'est pas ?
08:02 Alors, il y a deux réponses.
08:05 D'abord, vous avez des historiens qui sont avant tout patriotes ou nationalistes.
08:09 Alors, je dis avant tout parce qu'évidemment, en Azerbaïdjan et en Turquie, si on veut exercer son métier d'historien, il est bien évident qu'il faut être nationaliste.
08:17 En tout cas, ne pas reconnaître comme génocide ce qui s'est produit en 1915 avec les Arméniens, par définition.
08:22 Sinon, ils vous en cuillent pour votre carrière et au pire, vous tâtez de la jôle.
08:26 Bon, ça, c'est le premier point.
08:28 Le deuxième point, ce sont encore une fois les critères.
08:31 L'intentionnalité est absolument fondamentale.
08:34 La mise de tous les moyens de l'État au service du génocide, c'en est une autre.
08:40 Si seulement certains moyens sont mis en œuvre, alors est-ce qu'on peut considérer que oui ou non, il y avait génocide ?
08:44 Ou seulement, entre guillemets, encore une fois, crime ou meurtre partiel ?
08:48 Est-ce que la majorité du peuple ou en tout cas du groupe concerné a été visée ?
08:53 Ou est-ce qu'on a tué que, encore une fois, les femmes, les enfants, les hommes, les combattants, etc. ?
08:58 Et puis, effectivement, il y a enfin, et je conclue avec ça, d'ailleurs c'est de ça qu'on a parlé beaucoup lors des assises 13e du NON de cette année, le contexte de guerre.
09:06 Et là, beaucoup de négationnistes, soit de gens, on va les appeler prudents ou pondérés, considèrent qu'en temps de guerre,
09:14 l'intentionnalité d'assassiner des civils n'est pas toujours, en tout cas n'est pas systématiquement, à mettre en avant
09:23 et que la guerre peut contribuer ou à justifier, sinon à minimiser, un certain nombre de crimes.
09:28 Mais justement, revenons sur le génocide des Arméniens de 1915 que vous avez évoqué.
09:33 C'est le premier qui a été reconnu par l'ONU. Qu'est-ce qui a poussé les Turcs à massacrer les Arméniens ?
09:38 Alors, on a très manifestement une question d'ordre ethnique, voire ethniciste. Pourquoi je dis ça ?
09:45 Parce que, lorsqu'aujourd'hui, des négationnistes de ce génocide, ou des gens qui cherchent à le minimiser, pas seulement en Turquie d'ailleurs, mais notamment en Turquie,
09:52 disent "oui mais c'était la guerre et il y avait le front russe et on craignait que les Arméniens se mettent du côté des Russes".
09:57 C'est fallacieux parce que les Arméniens, jusqu'à présent, en tout cas, étaient d'une loyauté totale vis-à-vis de l'Empire Ottoman.
10:02 Ça c'est le premier point. Le deuxième point, et surtout, c'est que dès 1894-1995, on a affaire à des massacres d'Arméniens de très grande ampleur.
10:11 Je ne vous cache pas, mais vous le savez, que la Première Guerre mondiale commence en 1914, et non pas en 1894.
10:17 Donc, on a bien là une politique ethniciste, de turquification en quelque sorte, de cet espace anatolien,
10:24 qu'on retrouvera d'ailleurs avec d'autres minorités et contre d'autres minorités, notamment grecques, juives, assyro-chaldéennes et finalement kurdes,
10:32 dans les années et les décennies qui nous précèdent.
10:34 Et c'est vrai qu'on n'a pas la conscience de tout ça, de toute cette dimension.
10:38 Et alors, il y a le grand génocide que l'on a tous en tête quand on évoque cette question, c'est la Shoah,
10:44 c'est-à-dire le massacre systématique du peuple juif par l'Allemagne nazie.
10:48 Est-ce que ce génocide est une sorte de point de bascule ? Est-ce que c'est là vraiment qu'on commence à élaborer ce qu'est un génocide,
10:55 et qui va devenir en quelque sorte le modèle du génocide ?
10:58 Oui, et le paradigme absolu.
11:00 Oui, oui, pourquoi ? Parce que d'abord, l'ONU reconnaît le génocide arménien, mais de manière rétrospective et rétroactive,
11:06 puisque par définition, l'ONU n'existait pas, et même pas la SDN d'ailleurs, la Société des Nations, en 1915.
11:11 Donc oui, bien sûr, la Shoah, de ce point de vue-là, est le point le plus fondamental,
11:15 aussi parce que la mise en œuvre des moyens d'un État dont je parlais tout à l'heure,
11:19 elle est absolue, totale et industrielle.
11:22 Autant pour le génocide des Tutsis rwandais en 1994, où on a affaire à un génocide voisin, en quelque sorte,
11:29 à un génocide rural, à ce que le grand historien africaniste Jean-Pierre Chrétien a appelé un nazisme tropical,
11:36 avec force machette pour l'essentiel,
11:38 autant les nazis utilisent tout ce qui existe sur le plan chimique et industriel à l'époque
11:43 pour aller jusqu'au bout et jusqu'à la fin.
11:46 Donc oui, bien sûr, la Shoah reste aujourd'hui le paradigme du génocide.
11:49 Et vous l'avez évoqué à l'instant, il y a aussi le génocide des Tutsis au Rwanda,
11:54 qui a fait 800 000 morts, ce qui est quand même énorme,
11:57 et qui a cette particularité d'être un génocide de proximité, entre voisins.
12:01 Mais très récemment, la France a reconnu avoir une responsabilité dans ce génocide.
12:06 Quelle est la responsabilité de la France ?
12:08 Je pense qu'Emmanuel Macron, il y a un peu moins de deux ans de cela,
12:12 en allant à Kigali et en disant des mots forts et en faisant des gestes très impressionnants,
12:17 a été dans le vrai.
12:18 Je pense que la politique de la France de 1990 à 1994 a été calamiteuse.
12:24 Pourquoi ? Parce qu'à l'époque, Mitterrand au pouvoir considère qu'il y a pénétration du monde anglo-saxon,
12:31 c'est le vieux syndrome de Fachaudart, en 1898, dans un précaré français.
12:35 En parenthèse, le Rwanda n'avait jamais été colonisé par la France, mais par la Belgique.
12:38 Et deuxième fantasme historique, c'est la prise du pouvoir dès 1959 par le vrai bon peuple,
12:44 sous-entendu les cultivateurs Hutus, face aux Nantis, qui étaient censés être les éleveurs Tutsis.
12:51 Tout ça est parfaitement grotesque et fantasmatique.
12:53 Et le problème, c'est que la France a soutenu de 1990 à 1994 un régime qui était déjà hautement criminel,
13:01 un régime de quasi-apartheid, dont on était contre les Tutsis.
13:04 Et lorsqu'est déclenché le génocide, malheureusement, la France, qui avait des relations,
13:09 des liens politiques très forts avec le pouvoir en place, n'a pas fait suffisamment,
13:13 c'est le moins qu'on puisse dire, et au pire, a été jusqu'à continuer à vendre des armes aux génocidaires.
13:20 Jusque-là y compris pendant le génocide, alors même qu'il y avait embargo sur les armes de l'ONU,
13:24 et qu'on savait parfaitement, puisque le ministre des Affaires étrangères de l'époque lui-même,
13:28 Alain Juppé, avait reconnu dès avril 1994, dès fin avril, le génocide commence le 6 avril le soir,
13:35 qu'il y avait génocide.
13:36 D'ailleurs, de manière courageuse, le terme est un terme très fort, bien évidemment,
13:39 et qui implique une intervention onusienne.
13:41 Alors, à peu près personne n'a rien fait, certainement pas les Américains,
13:44 mais le problème, c'est que la France, elle pouvait faire davantage, elle ne l'a pas fait,
13:49 et c'est la raison pour laquelle, effectivement, je pense que l'initiative mémorielle d'Emmanuel Macron
13:53 a été tout à fait bienvenue.
13:55 Frédéric Ancel, je vais vous poser une question naïve, mais pourquoi la France a continué à vendre des armes ?
14:00 Pourquoi Aminima ne s'est-elle pas mise en retrait ?
14:02 On a considéré, je crois pouvoir l'affirmer, par pertes et profits, on a passé par pertes et profits le génocide,
14:09 pour des intérêts prétendument bien compris, je dis bien prétendument bien compris,
14:14 à savoir soutenir un régime qui devait rester un régime ami, sinon un FED, à la France,
14:21 contre des rebelles tout-ci qui, eux, n'étaient pas nos alliés.
14:25 Tout ça est tellement désespérément fantasmatique que pour un géopolitologue, c'est encore plus irritant.
14:31 On n'est même pas en réalité sur une véritable réale politique qui aurait pu s'appuyer sur des éléments concrets et objectifs.
14:40 Moralement, ça aurait déjà été très grave, mais au moins, puisqu'on sait que les États n'ont que des intérêts,
14:46 comme disait Hegel, on aurait pu comprendre, pas approuver, mais comprendre la politique d'un État.
14:50 Là, même pas. Et c'est la raison pour laquelle, je pense que ceux qui continuent aujourd'hui à nier ou à minimiser
14:55 le rôle calamiteux de la France à l'époque, sont dans le tort, et qu'Emmanuel Macron a eu raison.
15:00 Merci pour cet éclairage passionnant sur ces questions génocidaires qui sont extrêmement complexes.
15:05 On y voit beaucoup plus clair grâce à vous. Je rappelle que votre dernier ouvrage,
15:09 "Les voies de la puissance. Pensez la géopolitique au XXIe siècle", est paru aux éditions Odile Jacob.
15:15 Merci Frédéric Renzel.
15:16 Merci à vous.
15:17 Merci à tous nos auditeurs de nous avoir écoutés. Au cœur de l'Histoire est un podcast original Europe 1 Studio.
15:23 Je vous dis à très bientôt sur votre plateforme d'écoute préférée.
15:26 Sous-titrage Société Radio-Canada

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