L'édito de Paul Sugy : «Un faux air de révolution»

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Dans son édito du 22/03/2023, Paul Sugy revient sur les manifestations dans les rues à travers la France.

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Transcription
00:00 politique avec vous, Paul Sujit.
00:01 Paul, cette nuit encore, il y a eu des dégradations et des
00:04 échaux fourrés avec les forces de l'ordre dans plusieurs villes
00:06 de France. On en parle, on va en reparler d'ailleurs à 8 heures.
00:09 Les manifestations et les manifestants, surtout, parlent
00:12 parfois de révolution.
00:14 Mais vous dites, vous dites, Paul, qu'on en est loin de la
00:17 révolution.
00:18 Oui, alors, cela dit Romain, je le pose en préambule.
00:20 Ça n'excuse évidemment pas tout ce qui se passe.
00:22 Nos rues sont le théâtre d'une violence nihiliste, gratuite,
00:24 haineuse à l'égard des forces de l'ordre, à travers elles, de
00:26 l'autorité de l'État.
00:27 Et c'est évidemment insupportable.
00:29 Maintenant, ah oui, soyons sérieux deux minutes.
00:31 Quand l'extrême gauche nous dit que c'est la révolution qui
00:34 commence, quand les syndicats même de police nous disent que
00:36 c'est un climat préinsurrectionnel, on se pince pour ne pas
00:39 rire. Enfin, il n'y a quand même pas du tout.
00:40 Ce que veulent ces gens, c'est d'abord, c'est pas renverser le
00:42 pouvoir, c'est le tester, éventuellement le tourner en
00:45 ridicule.
00:46 Alors, ils recyclent, c'est vrai, les vieux codes de 1789.
00:49 On ne promène plus les têtes des aristocrates en haut des piques
00:51 parce que ça ne se fait plus trop.
00:52 Mais enfin, on allume quand même des bûchers symboliques où
00:55 l'on mime les décapitations de ministres.
00:58 C'est un peu au fond comme les élèves qui brûlent Monsieur
01:00 Carnaval un jour de Mardi Gras.
01:01 Et alors, cette révolution carnavalesque, sérieusement, vous
01:05 imaginez Marat ou Robespierre qui, au moment de la prise des
01:08 tuileries, irait vous dire dès que les guerres de Suisse lèvent
01:11 le bout de leur halbarde.
01:12 Ah non, non, pousse, on n'avait dit pas les matraques.
01:14 C'est quand même un peu grotesque.
01:15 Ce n'est pas une révolution, c'est une partie de l'eau touche
01:17 touche.
01:18 Bon, d'où vient alors cette obsession révolutionnaire en
01:22 France ?
01:22 Elle est inscrite dans l'ADN politique, Romain.
01:24 Dès que vous voulez susciter une passion politique en France,
01:26 vous parlez de révolution.
01:27 Personne ne la veut, mais tout le monde s'en réclame.
01:29 Et souvenons-nous quand même qu'Emmanuel Macron lui-même,
01:31 en 2017, s'est fait élire sur un livre programme qui s'appelait
01:34 précisément Révolution.
01:36 Bon, mais les promesses de révolution n'engagent définitivement
01:38 que ceux qui y croient.
01:39 Emmanuel Macron, d'ailleurs, gouverne finalement comme on l'a
01:42 toujours fait avant lui.
01:42 Il n'y a pas grand chose de révolutionnaire à utiliser le
01:44 49-3 pour faire passer une réforme, d'autant que c'est une
01:48 réforme qui est devenue en grande partie illisible, sophistiquée,
01:50 odiable et infinitésimale dans ses conséquences réelles.
01:53 La révolution est quand même loin.
01:55 Et le pire, c'est que quand il promet même de tout changer,
01:57 on va voir ce qu'il va nous dire tout à l'heure.
01:59 Mais enfin, bon, on a l'impression que déjà, il va nous expliquer
02:01 qu'il va falloir retisser du lien avec les Français,
02:03 réinventer de nouvelles formes d'expression démocratique.
02:05 Bon, après les conventions citoyennes, le grand débat,
02:07 après les grenelles de ceci ou les ségures de cela,
02:10 après le Conseil national de la refondation,
02:12 tu parles d'une révolution.
02:13 On a l'impression que le disque est rayé, à moins d'entendre
02:16 le mot révolution au sens étymologique, c'est-à-dire
02:18 littéralement le fait de tourner en rond sur soi-même.
02:21 Vous pensez que les Français, dans le fond, n'aspirent pas de grands changements ?
02:24 Je ne le crois pas. Alors je pourrais vous citer, c'est un peu classe,
02:27 on le fait toujours, Lambe D'Uza dans Le Guépard.
02:29 Vous savez, il faut que tout change pour que rien ne change.
02:31 Mais j'aime encore mieux cette phrase de Bernard Farci
02:33 dans un excellent sketch du Palma Show.
02:35 Les Français, ils aiment la nouveauté, pas le changement.
02:38 Bon, et plus sérieusement, Romain, le mouvement de colère qu'on traverse
02:41 pousse, à mon avis, à commettre deux erreurs d'analyse principales.
02:44 La première, c'est de confondre évidemment la rue et l'opinion.
02:46 Alors certes, l'une comme l'autre sont opposées à la réforme,
02:49 mais on voit que dans l'opinion, sondage après sondage,
02:51 eh bien, il s'exprime une forme de lassitude à l'égard du chaos politique qui règne.
02:54 Et l'autre erreur, c'est de croire que l'on ne satisfait une aspiration
02:57 qu'en réformant ou en révolutionnant à tour de bras tout ce que l'on peut.
03:00 Le vrai courage, à mon avis, ce serait déjà de s'engager à faire marcher
03:04 convenablement ce qui devrait fonctionner correctement.
03:06 Le service public est en crise, l'éducation nationale
03:08 ou l'ascenseur social sont en panne, l'industrie est moribonde.
03:11 Ce n'est pas d'une révolution dont le pays a besoin, c'est d'une consolidation.
03:14 Et c'est ce que la droite pourrait dire, à mon avis,
03:17 si elle ne perdait pas en ce moment son temps à renier ses convictions
03:19 pour ajouter son grain de sel au désordre ambiant.
03:22 Paul Sujit avec nous. Merci beaucoup, Paul.

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