Frédéric Plan, délégué général de la Fédération Française des Combustibles, Carburants et Chauffage, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent aux ruptures partielles ou totales de carburant dans les stations à cause du mouvement social contre la réforme des retraites.
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00:00 Alexandre Lemaire et Omblin Roche.
00:02 Bon début de matinée sur Europe 1, il est 6h42, les automobilistes vont-ils revivre le scénario de l'automne dernier à la pompe ?
00:08 Avec la mobilisation contre la réforme des retraites, de plus en plus de stations-services sont à sec.
00:14 Avec le retour de la pénurie, la vente de carburant est déjà restreinte dans plusieurs départements.
00:19 Votre invité Alexandre, c'est Frédéric Plan, délégué général de la Fédération des combustibles, carburants et chauffage.
00:24 Bonjour Frédéric Plan.
00:26 Oui bonjour.
00:27 Vous représentez les stations-services indépendantes, nous sommes jeudi 23 mars,
00:31 près de 13% des stations-services sur les 11 000 du parc français sont en rupture partielle ou totale de carburant.
00:38 On est en train de revivre une situation de pénurie.
00:41 Alors la situation n'est pas comparable si vous faites allusion à octobre 2022,
00:47 parce qu'à l'époque d'abord la situation avait duré très longtemps
00:52 et était beaucoup liée au fait que des raffineries s'étaient mises à l'arrêt,
00:55 ce qui n'est pas encore la situation d'aujourd'hui pour ce que nous connaissons.
01:00 Ce que nous observons c'est qu'un certain nombre de postes de chargement des camions-citernes
01:05 au départ de dépôts et principalement des raffineries totales
01:09 sont inaccessibles ou difficilement accessibles.
01:13 Ça ralentit les flux logistiques et donc ça augmente le temps qu'il faut
01:18 pour réapprovisionner des stations-services sur lesquelles il manque un produit ou deux.
01:21 - Quelles sont aujourd'hui les régions les plus touchées par ce manque de carburant ?
01:26 - Sans surprise les régions qui précisément sont les plus proches
01:30 des points d'enlèvement de produits pétroliers,
01:33 à savoir les départements qui dépendent de Marseille, enfin de Fos,
01:38 et puis les départements qui dépendent de Don, Jean-Loire-Atlantique.
01:41 Donc voilà c'est sur ces deux régions qu'on observe aujourd'hui le plus de défaillance partielle,
01:47 c'est notable puisqu'on arrive pratiquement aujourd'hui à une station sur deux en Loire-Atlantique par exemple.
01:54 - Oui donc Bretagne, Normandie effectivement pour Tours Méditerranéens,
01:58 plus de 40% des stations-services à sec même dans les Bouches-du-Rhône,
02:02 c'est le département le plus touché, ou plus d'une sur deux manque d'au moins un carburant.
02:06 Frédéric Plans sur les 11 000...
02:08 - Si je peux me permettre, vous voyez, vous donnez le bon exemple, la variabilité de cela,
02:12 parce qu'en effet les Bouches-du-Rhône étaient le département le plus touché avant-hier,
02:17 et désormais a rattrapé un peu son retard.
02:20 Donc aujourd'hui c'est le département, vous voyez, de Loire-Atlantique le plus touché, pourquoi ?
02:24 Parce que c'est la question du délai de réapprovisionnement des stations-services.
02:28 - Bon donc effectivement la situation est très évolutive,
02:31 quelle est la situation en particulier dans les 3 000 stations indépendantes que vous représentez ?
02:37 - Alors ce sont des stations-services qui se trouvent être plus de nature rurale et suburbaine.
02:44 La situation est à peu près la même, si ce n'est que leurs débits habituels sont beaucoup plus faibles
02:49 que les grosses stations-services d'hypermarchés ou de grands pétroliers.
02:53 Donc je dirais qu'on ne nous a pas signalé de problématiques particulières,
02:57 pour autant elles vont être concernées par la même difficulté dans la rotation des réapprovisionnements.
03:03 - Vous nous dites Frédéric Plant que nous ne sommes pas dans le même scénario qu'à l'automne dernier,
03:08 pour expliquer cette pénurie d'essence.
03:10 - Oui parce qu'il y a beaucoup plus de dépôts accessibles, juste un chiffre quand même pour assurer tout le monde.
03:15 Indépendamment des stocks stratégiques dont on n'a pas à parler,
03:18 il y a environ 10 millions de mètres cubes de stocks commerciaux disponibles en carburant.
03:24 Ça représente entre 70 et 75 jours de consommation.
03:28 Ce qui fait la difficulté c'est pas le manque de produits,
03:31 c'est pourquoi je dis toujours que la pénurie n'est pas forcément le bon terme,
03:34 c'est le temps supplémentaire qu'il faut pour ravitailler les stations-services.
03:39 En gros, aujourd'hui vous avez des camions-citernes qui changent de dépôt pour se ravitailler,
03:46 et ensuite approvisionner les stations-services.
03:48 Or il y a des temps d'attente sur les dépôts ouverts qui peuvent atteindre 6 heures.
03:54 On voit bien que c'est une journée de perdue.
03:55 - On a entendu il y a 10 jours, 2 semaines, l'appel du secteur,
03:59 ça se double le message en disant d'un côté "vous inquiétez pas, il n'y a pas de risque de pénurie",
04:04 et puis de l'autre, appel à la responsabilité adressée aux automobilistes
04:08 contre le réflexe de surstockage de carburant.
04:11 Est-ce que cette réaction des automobilistes a un impact direct sur la pénurie,
04:16 sur les stations-services qui manquent de carburant ?
04:17 - Mécaniquement ça peut avoir un impact,
04:19 puisque je redis qu'il faut plus de temps pour réapprovisionner les stations-services en débit normal,
04:26 si au surplus les automobilistes prennent plus de carburant que nécessaire,
04:32 il est évident que la station-service va se retrouver en défaut d'un produit ou de deux plus rapidement,
04:37 et sera réapprovisionnée pas plus rapidement.
04:39 Donc forcément que ça augmente le nombre de jours où une station-service se trouve en défaillance sur un ou deux produits.
04:46 Alors cela étant, nos entreprises ne nous ont pas signalé, contrairement à octobre,
04:51 de mouvements spectaculaires en quelque sorte de peur ou de manquer.
04:58 Il y a effectivement quand même des temps d'attente, notamment sur les départements cités,
05:02 c'est normal puisqu'on en a besoin, etc.
05:05 Mais ce ne sont pas, semble-t-il, contrairement à octobre, des situations où les gens vont inutilement faire le plein.
05:12 Peut-être les gens ont-ils compris que ce n'était pas le défaut de produits qui posait problème,
05:18 mais le temps logistique de réapprovisionnement.
05:21 Et d'ailleurs je rappellerai que sur octobre 2022, au final, il a été distribué presque autant de produits que dans un mois d'octobre normal.
05:29 Ce qui voulait bien dire qu'il n'y avait pas de problématiques de produits, mais des problématiques logistiques.
05:33 - Frédéric Plant, il reste la question du prix. Est-ce qu'avec cette situation, le prix des carburants peut de nouveau augmenter ?
05:38 - Alors oui, manifestement, ça c'est bien dommage, puisque les coûts étaient orientés à la baisse la semaine dernière,
05:46 donc il y a déjà eu une petite baisse la semaine dernière, et on s'attendait à une baisse bien sûr pour la semaine en cours.
05:51 Le fait est que le surcoût logistique qui fait circuler des camions-citernes de ravitaillement
05:56 sur plusieurs centaines de kilomètres supplémentaires, des temps d'attente, je vous le disais, de plus de 6 heures,
06:00 tout ça a un coût logistique qui fait qu'on ne bénéficiera pas de la baisse cette semaine.
06:04 - Bon, ça va se répercuter donc à la pompe. Merci Frédéric Plant, délégué général de la Fédération des combustibles, carburants et chauffage.
06:11 Je rappelle que vous représentez les stations-services indépendantes. Merci à vous.