Loïc Cantin : «L'accession à la propriété est en danger»

  • l’année dernière

Loïc Cantin, président de la Fédération Nationale de l'Immobilier, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent à la crise du Logement en France.
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Transcript
00:00 - Europe 1, il est 6h41, les propositions du gouvernement issues du Conseil national de la refondation sur le logement ont déçu la plupart des professionnels.
00:07 La Fédération nationale de l'immobilier regrette des annonces à court terme et pas à la hauteur des enjeux de la crise du logement.
00:14 Votre invité Alexandre et Loïc Quentin, président de la FNAIM, Fédération nationale de l'immobilier.
00:18 - Bonjour Loïc Quentin. - Bonjour Alexandre Le Maire.
00:20 - Alors dernière illustration date effectivement de cette crise du logement, vous nous dévoilez ce matin en exclusivité sur Europe 1, les chiffres.
00:26 Un chiffre, parlons de votre étude semestrielle, vous prévoyez une baisse des ventes de 15% cette année, deuxième plus forte baisse annuelle depuis 1967.
00:38 - Oui tout à fait, c'est ce que nous avons constaté. Donc si notre analyse est bonne, on va atterrir à -150 000 transactions sur cette année,
00:45 c'est-à-dire c'est un choc, un véritable choc dans le monde de la transaction, bien qu'il avait connu des très grandes années, des belles années précédemment,
00:53 c'est quand même un retournement inattendu, subi et rapide.
00:58 - Alors Elisabeth Borne a dévoyé il y a quelques jours effectivement les contours de son plan gouvernemental pour soutenir l'immobilier, et on vous en a parlé sur Europe 1.
01:06 Le gouvernement, vous pensez qu'il n'a pas pris la mesure de cette crise, justement à la lumière de ce dernier chiffre que vous nous communiquez ce matin ?
01:13 - Il n'a pas pris la mesure, il n'a pas pris la conscience notamment de l'objectif qui lui était assigné, de ce qu'il devait entreprendre pour apporter des réponses.
01:21 Alors le CNR, il s'est réuni pendant 7 mois, je dirais une grande messe en quelque sorte, 200 acteurs, tout le monde a planché, 700 propositions, 14 retenus, et pfff, rien.
01:31 - Tout ça pour ça ?
01:32 - Tout ça pour ça, pas grand-chose, mais pas à la hauteur des enjeux.
01:35 On aurait pu faire de cet événement, à un moment je dirais, profiter de cet événement pour repenser la politique du logement, d'ailleurs Conseil CNR, ça veut dire Conseil National de la Refondation,
01:44 refonder la politique du logement, et tous les Français savent bien qu'il y a un besoin urgent d'agir sur ce secteur, même si ce sujet n'a pas été la priorité de la campagne présidentielle précédente,
01:53 il fallait repenser, avoir une perspective à 15 ans, à 20 ans, comment on construit, pour qui, dans quels endroits, dans quel secteur, avec quels moyens, quel secteur aider.
02:02 Favoriser d'abord et aider les jeunes, il y a très longtemps dans ce pays, nous n'avons pas aidé les jeunes pour leur permettre d'accéder à la propriété,
02:09 il n'y a aucune mesure d'incitation et d'accompagnement des primo-accédants notamment, et puis aussi restaurer un parc locatif qui est largement en souffrance dans ce pays,
02:19 quand on sait les tensions que l'on a pour trouver un logement, c'est extrêmement difficile, et notamment, principalement pour les jeunes.
02:25 - L'investissement locatif, justement Loïc Quentin, vous partagez votre surprise, on va dire, à l'annonce de la suppression du dispositif Pinel,
02:34 la réduction d'impôts sur la chère d'un logement à mettre en location, il ne sera pas prolongé au-delà de 2025 ?
02:39 - Alors le dispositif Pinel est un dispositif qui a succédé à de nombreux autres depuis 1986, on donne de l'argent et de la réduction d'impôts à des Français,
02:48 qui achètent, très souvent déjà propriétaires de leur logement, mais qui achètent pour louer.
02:52 On aurait pu imaginer une mesure d'équité et permettre aussi à des Français qui veulent accéder à la propriété, bénéficier du même dispositif, en soutenant tout autant la construction neuve.
03:01 Mais au fond, sous cet aspect-là, ce que l'on voit c'est que la suppression du Pinel, quand on a finalement injecté ce genre d'aide depuis 1986,
03:11 on aurait pu se dire, on lui trouve un substitut progressif, on a une autre alternative, une autre vision.
03:16 - Rien à la place. - Rien du tout.
03:17 Et en plus, au moment même où l'investissement locatif est boudé par les Français, c'est l'actif immobilier le plus taxé,
03:24 c'est l'actif immobilier qui est le plus en vue dans le collimateur, aujourd'hui dans le cadre de la rénovation énergétique,
03:28 on interdit à la location et on frappe d'indécent des logements de classe G et F, à Paris c'est 40% de l'ensemble du parc, comment on va faire ?
03:36 - C'est une bombe sociale devant nous, pour reprendre les mots de Sylvia Pinel, ancienne ministre du logement, qui a donné son nom au dispositif.
03:40 - Sylvia Pinel et Olivier Klein, lui-même, oui, ils ont raison, mais ça fait longtemps que le logement est une bombe sociale dans ce pays,
03:47 c'est pas depuis l'année dernière, il y a très très longtemps.
03:50 Donc il faut se donner le moyen, comme la France est toujours distinguée en matière de politique de logement,
03:56 mais ça fait très longtemps qu'elle n'a pas été sur le devant de la scène, donc je crois qu'il est temps de reprendre les règles,
04:00 et c'est ce qu'on attendait du CNR.
04:01 - Le nombre de constructions de logements neufs, logements collectifs en particulier, n'a jamais été aussi bas depuis au moins 2010,
04:09 c'est ce que dit la Fédération des promoteurs immobiliers, on a à la fois aujourd'hui, Louis Quentin, une crise de l'offre et de la demande,
04:14 quelle est la véritable urgence aujourd'hui ? C'est sur la demande qu'il faut d'abord agir ?
04:19 - Dans tous les cas, il y a l'offre, parce que sans cette offre et sans renouvellement du parc, on va être confronté à de grandes difficultés.
04:26 Déjà la difficulté va être cet été, à la rentrée de septembre, pour des jeunes, des jeunes diplômés qui vont avoir du mal à trouver un logement,
04:33 des cadres mutés, le marché ne va pas répondre, puisque au contraire on a un retrait d'une offre locative sur le marché.
04:38 Mais l'urgence c'est d'abord de soutenir le neuf, on ne peut pas laisser ce secteur qui est indispensable à la rotation du parc,
04:43 en souffrance comme cela, et ça c'était la première urgence, dans tous les cas.
04:47 Mais je pense que le gouvernement n'a pas attendu, alors c'est l'explication, elle est simple.
04:51 Je crois que Olivier Klein l'a dit, pourtant il l'a présenté, il a eu l'honnêteté de le dire,
04:55 l'excédent budgétaire de l'État sur la politique du logement c'est 52 milliards d'euros de recettes nettes,
05:00 après déduction et de prise en charge de l'intégralité des dépenses afférentes.
05:03 Mais aujourd'hui le problème c'est que le budget de la France est déficitaire,
05:08 et on ne peut pas se permettre de soutenir un secteur qui malheureusement n'est pas celui considéré comme prioritaire par l'État.
05:14 - Bon, la crise du logement accentuée par la hausse des taux d'intérêt, 3,5% et peut-être 4% à la rentrée,
05:20 si on prend l'exemple d'un couple qui gagne 4000 euros net par mois,
05:24 ce couple perd 50 000 euros de capacité d'emprunt en un an et demi.
05:28 - Oui, à 3,2 c'est 20% et 4% on va perdre 25% de sa capacité d'emprunt, et on va arriver au 4%, donc c'est énorme.
05:36 Donc on n'a jamais eu une période comme ça où en 18 mois les taux d'intérêt ont été multipliés par 3,
05:42 donc c'est quelque chose d'historique, c'est déflagrateur sur le marché.
05:46 La capacité d'emprunt des ménages, les gens ne peuvent plus acheter, et finalement vont rester locataires,
05:51 donc l'accession à la propriété, oui, est en danger, le parc locatif est en danger, la construction d'oeuvres aussi sont en danger.
05:57 - Une crise du logement historique, c'est ce que vous nous dites ce matin, Loïc Quentin,
06:00 et je rappelle ce chiffre que vous nous communiquez en exclusivité ce matin sur Europe 1 avec votre étude semestrielle,
06:05 vous prévoyez une baisse des ventes de 15% cette année dans l'immobilier.
06:09 Merci Loïc Quentin, président de la FNAIM, président de la Fédération Nationale de l'Immobilier, merci.
06:14 - Leuropint, les 6h47.

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