Semaine de la francophonie : le bilinguisme vu par les journalistes de France 24

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00:00 sur cette lancée pour clore cette première partie de Paris Direct. On va
00:03 prendre un peu de hauteur, de la fraîcheur. C'est la semaine de la
00:05 francophonie, cela ne vous a sûrement pas échappé.
00:07 A cette occasion, on vous propose des témoignages maison, comme on dit. France 24
00:11 est un vivier en matière de polyglottes. On ne compte plus les
00:15 bilingues, voire trilingues. Parfait, comme on dit, sans accent donc. Des visages que
00:18 vous connaissez bien, plutôt très bien. Nadia Makloufi, Philippe Teurl, bonjour.
00:22 Merci d'être là tous les deux. Bonjour à tous les deux. Vous allez peut-être me le
00:25 faire dans votre langue à vous, votre deuxième langue. Oui, alors nous on peut
00:27 dire "salam alaikum" ou "Ahlan wa sahlan". Et Philippe ? Et nous on peut dire "good afternoon everybody"
00:33 and "welcome to the program". Voilà, vous avez donc compris. On vous mettra pas les
00:38 sous-titres, mais ne vous inquiétez pas, ça va être facile. Votre
00:40 particularité, à vous, tout le monde l'aura compris, c'est que vous parlez le
00:42 français et vous parlez anglais, l'arabe, depuis le berceau pour chacun.
00:47 Peut-être, Nadia, commencez par nous raconter comment ça s'est joué, le
00:51 mélange de ces deux langues dans votre famille. Oui, ça s'est fait de manière assez
00:53 naturelle, je dirais, parce que moi je suis née dans une famille d'origine
00:56 marocaine, mes deux parents sont arrivés du Maroc dans les années
01:01 70, mais mon père maîtrisait l'arabe, donc en fait, ma maman maîtrisait l'arabe,
01:05 mon père le français, donc en fait lui nous parlait constamment français, on lui
01:08 répondait en français, elle en arabe, donc on lui répondait en arabe. Et aujourd'hui
01:12 encore, en fait, quand on est dans une discussion à trois, comme par exemple
01:14 maintenant, je peux parler à Philippe en arabe si je suis face à ma maman, en
01:19 français, en fait on passe notre temps à switcher. Ah oui, c'est le fameux switch que nous on vous envie,
01:22 les comme-moi qui sont réduits à parler qu'une seule langue. Alors vous, Philippe, c'était un
01:25 peu différent, c'était 100% english. Oui, j'ai grandi à Canterbury, en Grande-Bretagne,
01:29 et ma femme venait souvent en France parce qu'on n'était pas loin, c'était
01:33 juste de l'autre côté de la Manche, qui était à 15 km de là où on habitait.
01:36 Et mes parents recevaient souvent des demandes de famille française pour
01:41 trouver une correspondante, pour faire un échange, une visite-échange avec
01:49 une jeune fille en Angleterre. Mes parents n'avaient jamais le temps de
01:53 chercher cette jeune fille, donc ils se sont dit "bon allez, on va envoyer Philippe à la place
01:57 de la jeune fille cherchée". Moi j'avais pas envie d'y aller, c'était "mais pourquoi
02:02 je pars en France, un pays que je connais pas, et surtout avec une fille, donc ça
02:06 m'intéresse pas, je veux aller passer le temps avec un garçon pour jouer au football".
02:09 Sachant que vous ne parliez pas la langue, donc vous compreniez pas grand-chose en réalité.
02:13 Non, je parlais pas, j'étais malheureux, je pleurais, j'avais pas envie de partir.
02:17 Donc j'ai fait un premier séjour à Lannis-sur-Marne, ensuite l'année suivante,
02:22 j'avais 12 ans, on m'a envoyé pendant un mois à Aix-en-Provence.
02:26 Mais pour moi c'est comme si j'allais sur la Lune.
02:29 Ensuite j'ai fait un séjour à Beauvais, et puis un autre séjour à Boulogne-sur-Mer.
02:35 Donc ça m'a inculqué la langue française, la culture française, et petit à petit
02:43 j'ai commencé à explorer un peu la langue, mais j'avais vraiment une
02:47 connaissance, mais t'sais, mini, mini, mini.
02:49 Arculons au départ, et vous me disiez tout à l'heure en off que c'est aussi peut-être
02:52 pour ça, vous me disiez c'est peut-être un hasard, mais moi je crois pas que vous
02:54 êtes aussi aujourd'hui en France.
02:57 Alors, des questions, on s'en pose plein des gens comme moi qui ne parlent qu'une
03:00 seule langue.
03:01 La première c'est, on réfléchit dans quelle langue ? Nabia, vous réfléchissez encore ?
03:05 Moi je réfléchis sincèrement en français, parce que ça reste quand même la langue
03:08 prédominante pour moi.
03:10 Je suis allée à l'école française, je travaille en français, je lis le français,
03:14 je lis pas l'arabe, je parle en fait le dialecte marocain, donc c'est un dialecte
03:18 maghrébin, donc c'est encore différent, mais je réfléchis en français.
03:23 Et vous vous énervez sur votre mari en quelle langue ?
03:25 En arabe ! Obligée ! La puissance des sonorités arabes, elle est beaucoup plus forte.
03:30 Vous la sentez la colère dans certains mots ? Je dirais pas.
03:34 On la sent même en français là pour le coup.
03:35 Et vous aimez en quelle langue ? J'aime dans les deux.
03:38 Honnêtement, alors je vais vous dire une chose, au Maghreb on dit beaucoup "je t'aime".
03:42 On dit "je t'aime" plus que "n'oubrik".
03:45 "N'oubrik" c'est le dialecte maghrébin pour dire "je t'aime".
03:49 Il y avait une chanson très connue à une époque, je sais pas si je vous dis faux d'elle,
03:52 vous vous souvenez ? Mais les mots affectueux, je vais les dire en arabe.
03:56 A mes enfants par exemple, je dirais beaucoup "amri" ou "hibiba", mais je peux aussi
03:59 dire "chéri", "mon amour", "je t'aime".
04:01 Là je dirais que c'est assez équilibré pour moi.
04:04 Alors mélange des genres, ça veut dire aussi sûrement, j'imagine, là Philippe me tourne
04:07 vers vous, anecdote, y'a pas des confusions, on se mélange pas les pinceaux parfois ?
04:11 Ça peut arriver qu'on choisisse pas le bon mot pour dire quelque chose.
04:17 L'exemple que je donne toujours c'est quand j'ai un rendez-vous avec quelqu'un, j'ai
04:21 plutôt tendance à dire "I have a rendez-vous".
04:23 Et je lui dis "mais c'est quoi un rendez-vous ? Vous devez dire "I have an appointment".
04:27 Ah oui, j'ai complètement oublié, on dit "appointment" en anglais et "rendez-vous"
04:30 en français.
04:31 Parce qu'il y a un mélange des mots et parfois on me pose la question "est-ce que vous réfléchissez
04:35 en français ou en anglais ?" et je ne peux pas répondre à cette question parce que
04:38 je pense que ça dépend de mon humeur, ça dépend de ma fatigue, ça dépend du moment
04:42 de la journée.
04:43 Et pendant les rêves justement, vous me parlez de fatigue, vous le faites souvent.
04:44 Alors est-ce que je rêve en français ou en anglais ? Ça aussi, je pense les deux
04:48 langues mais il y a deux choses pour lesquelles je parle toujours anglais à moi-même.
04:53 La première c'est quand je dois dire des gros mots.
04:55 Voilà ! Et la deuxième c'est quand je dois calculer quelque chose avec des chiffres.
04:59 2 + 2 = 4 etc.
05:01 Je le fais toujours en anglais parce que je maîtrise pas aussi rapidement calculer en
05:05 français qu'en anglais.
05:06 Voilà, c'est la langue maternelle, c'est celle qui nous vient en premier.
05:11 Un peu comme Philippe, il y a beaucoup de mots au Maghreb qui sont français.
05:16 Philippe parlait tout à l'heure de rendez-vous, alors rendez-vous.
05:19 Formage, c'est fromage.
05:22 Jamais au Maghreb on dit "jebn" qui est le mot en arabe "fromage", on dit "formage".
05:26 Si je vous dis "formage", vous allez mettre un peu de temps à comprendre que c'est fromage.
05:29 Confitir, rendez-vous, restaurant, il y a énormément de mots en français, c'est la
05:35 francophonie.
05:36 L'empreinte française.
05:37 Absolument, on le retrouve souvent.
05:38 Et comme Philippe, il y a certains mots où là je fais lien avec la transmission de la
05:42 langue maternelle.
05:43 Ma maman par exemple m'a transmis sa passion de la cuisine.
05:46 Les épices, je les connais en arabe.
05:48 J'ai parfois du mal à faire la traduction.
05:50 Je crois que Philippe, il a du problème pour les poissons, il m'a dit tout à l'heure.
05:53 Le thon, le saut, ça, ça va, mais au-delà j'ai du mal à le marcher.
05:56 Quand on a traduit "monkfish" en français ou "hake" en français, alors là je suis
06:00 complètement paumé.
06:01 Et dans les restaurants, quand il y a plusieurs poissons, je sais ce que c'est.
06:04 Quand j'ai des anglais qui viennent me voir, ils me disent "mais alors c'est quoi ce poisson-là ?"
06:08 Je dis "désolé, je sais ce que c'est, mais j'ai incapable de trouver le nom en anglais."
06:11 Donc il faut que je sorte mon téléphone pour faire la traduction, pas une traducteur,
06:15 mais pas automatiquement.
06:16 Et là je n'arrive pas à le faire.
06:18 Ça fait 40 ans que j'essaye, et certaines choses, ça rentre pas dans le cerveau et
06:23 pas dans la tête.
06:24 C'est un peu peine perdue maintenant.
06:27 Je pense que si je n'y avais pas déjà appris, moi j'y arriverais plus.
06:30 Merci beaucoup à tous les deux.
06:32 C'était l'instant fraîcheur sur France 24.

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