Retraites : pour Alain Bauer, «c'est la même crise que les gilets jaunes, elle se poursuit»

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Ce vendredi, le professeur de criminologie au Cnam Alain Bauer était l'invité d'Europe 1. L'auteur du nouvel ouvrage Au commencement était la guerre, a offert son regard sur le mouvement de contestation de la réforme des retraites, qui n'est autre que la continuité de celui des gilets jaunes. Pour Alain Bauer, la crise des gilets jaunes "ne s'est jamais terminée".


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Transcription
00:00 L'actualité, la crise des retraites en phase aiguë,
00:03 record de manifestants dans plusieurs grandes villes hier et déchaînement de violences.
00:07 Alors la casse, généralement, c'est le moment où l'opinion se retourne en faveur de l'ordre dans les grands mouvements sociaux.
00:13 Là, ça n'est absolument pas le cas.
00:15 Je citerai en témoin le sondage Odoxa pour le Figaro ce matin, qui montre que plus de deux Français sur trois souhaitent que le mouvement se poursuivre.
00:22 C'est en hausse de 6 points sur une semaine.
00:24 Vivons-nous la crise la plus grave depuis les Gilets jaunes ? Pensez-vous à l'imbauveur ?
00:29 Non, c'est la même crise que les Gilets jaunes. Elle se poursuit. C'est la même, elle ne s'est jamais terminée.
00:33 Une crise qui dure 52 semaines de manifestation en week-end par des gens qui travaillent la semaine, des travailleurs pauvres,
00:39 ce qu'on appelait les petits blancs aux États-Unis, est une crise qui dure et cette crise ne s'est jamais terminée.
00:45 Il n'y a jamais eu de fin de la crise. Mais la crise a permis à des gens qui n'avaient jamais manifesté,
00:49 qui n'ont jamais eu la culture de la manifestation, mais qui avaient la culture de la violence parfois.
00:54 Les paysans ont la culture de la violence. La jacquerie existe dans ce pays depuis un millier d'années,
00:58 au moins depuis la dernière fois où on l'a recensée. Gustave Le Bon écrivait sur la psychologie des foules,
01:05 des textes fondateurs, le dernier date de 1895 et nous vivons toujours la même chose.
01:10 Mais cette crise-là, c'est la même. Elle n'en finit pas, non pas de se terminer, mais de perdurer.
01:16 C'est un bouillon lent avec des petites poussées de température, des réductions, mais pas de finition.
01:24 Il n'y a pas eu de fin de crise.
01:25 - Ça, c'est votre grande thèse, vous dites le niveau d'homicidité, c'est-à-dire vous prenez toutes les tentatives,
01:32 tous les meurtres, la montée en général de la violence de personne à personne...
01:36 - Depuis 20 ans. - Depuis 20 ans, ne cesse de grimper.
01:39 On s'habitue progressivement et on est parfois surpris quand il y a des pics,
01:43 mais finalement, tout ça, le niveau moyen ne fait que grimper.
01:46 - Oui, c'est-à-dire que même quand le pic redescend, le niveau de stabilisation est plus élevé que le niveau de stabilisation précédent.
01:53 C'est-à-dire qu'on regarde les pointes, mais on ne regarde pas le niveau moyen.
01:56 Le niveau moyen n'a jamais été élevé depuis 20 ans.
01:59 Alors, ce n'est pas le pire de notre histoire, il faut toujours relativiser.
02:02 L'histoire est longue et nous vivons des moments courts, mais disons que depuis 20 ans,
02:06 il n'y a jamais eu autant de meurtres, de tentatives de meurtre, de violence physique contre les personnes.
02:13 Et je mets de côté la révélation des violences à caractère sexuel, les agressions intimes, etc.,
02:19 qui est un vrai sujet, mais qui va par ailleurs.
02:22 Là, il y a un enjeu et vous voyez d'ailleurs dans les enlèvements, les règlements de comptes entre criminels,
02:27 des niveaux de contrôle territorial, de violence, d'agressivité,
02:31 de règlement par une loi alternative, par une police alternative,
02:36 par une police concurrentielle à la police républicaine,
02:38 qui est la police des criminels, des caïds et des cités, un vrai sujet.
02:41 Et du coup, ça légitime, entre guillemets, l'usage de la violence,
02:45 puisque la règle du jeu voulue par l'État, et qui a été bien comprise après les Gilets jaunes,
02:51 et on entend d'ailleurs les manifestants en disant "on avait fait des manifestations pacifiques
02:55 pendant quelques semaines, quelques mois sur la réforme des retraites",
02:58 ça n'a rien donné, les Gilets jaunes ont fait des manifestations violentes,
03:02 ils ont obtenu X milliards, on va faire pareil.
03:04 Et donc c'est un indicateur de réplique, de copie,
03:08 par rapport à un système où l'État dit "je ne réagis qu'en fonction du rapport de force".
03:13 L'État donne une règle qui est celle du rapport de force, où la négociation tranquille,
03:16 ce qui est le cas dans les pays sociodémocrates du Nord...
03:19 - Mais vous sous-entendez Alain Bauer que quand Emmanuel Macron dit
03:23 "mardi j'assume l'impopularité de ma réforme" quelque part,
03:26 c'est lui qui donne le feu vert au casseur, que l'on voit à l'arrivoire...
03:29 - Non, il ne donne pas le feu vert au casseur, il dit "je ne discuterai pas dans la paix et le calme".
03:33 Puisqu'il y a eu la paix et le calme, ou quasiment la paix et le calme,
03:36 dans la plupart des manifestations, et que ça ne sert à rien,
03:39 eh bien il y a deux éléments optionnels, la première c'est "bon, ça ne va pas marcher, je m'arrête",
03:44 ça n'est pas l'histoire de France, la deuxième c'est "je continue et j'augmente le niveau de pression",
03:48 puisque visiblement c'est le seul message que l'État me dit qu'il veut entendre.
03:52 - Mais vous sous-entendez...
03:53 - Si vous avez entendu l'intervention du président de la République à 13h,
03:58 c'était une fin de non-recevoir, qui suivait une fin de non-recevoir,
04:00 en disant "je ne recevrai même pas les organisations syndicales qui me demandent de venir discuter avec moi".
04:05 Il n'y a pas un pays démocratique dans le monde où avant une manifestation ou un mouvement social,
04:10 vous n'essayez pas la dernière option qui est celle de la négociation.
04:14 Et d'ailleurs à juste titre, le président de la PU qui avait fait ça avec Vladimir Poutine,
04:17 quand il dit "je vais discuter jusqu'au dernier moment, même dans les pires conditions, parce que je veux trouver la paix",
04:22 la paix à l'extérieur, ça vaut autant la paix à l'intérieur.

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