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Éric Delannoy, président-fondateur de Tenzing Conseil, un cabinet de conseil en stratégie, spécialiste du secteur bancaire, était vendredi 31 mars l'invité de franceinfo. Il répondait aux questions de Claire Briguet-Lamarre.

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Transcription
00:00 de la noix, ce recours déposé devant le Conseil d'Etat, c'est une contre-attaque de la part des banques ?
00:05 C'est une contre-attaque qui datait depuis un petit moment. Il faut savoir que cette pratique qu'on évoque là existe depuis une vingtaine d'années.
00:12 Donc on le découvre aujourd'hui, en tout cas les journalistes le découvrent aujourd'hui parce qu'il y a eu une vaste enquête sur le sujet au niveau européen.
00:17 Mais en fait c'est une pratique extrêmement courante, qui a d'ailleurs été très automatisée, en fait, dans le temps.
00:22 Et là où il y a un recours des banques, c'est simplement de se dire, jusqu'à présent, il y avait entre guillemets une "complicité de l'Etat" sur ce sujet, y compris du fisc, qui fermait les yeux sur ces pratiques.
00:33 Alors, quand vous dites complicité, ce que je voudrais savoir c'est si c'est légal ou pas ? Et c'est là toute la question ?
00:39 C'est là toute la question, vous l'avez dit justement, on est à la lisière grise entre optimisation fiscale et fraude fiscale.
00:45 C'est-à-dire cette espèce de zone dans laquelle il n'y a pas d'interdit et quand ce n'est pas interdit c'est permis.
00:51 Simplement il faut distinguer ce qui est légal de ce qui est moral.
00:54 On peut se poser la question de savoir si gagner de l'argent à tout prix c'est moral.
00:58 En tout cas, il n'y avait pas d'interdiction et encore une fois, le fisc avait mis même dans un... enfin l'Etat avait mis même dans un rapport le fait que c'était une manière de pouvoir accélérer l'attrait de la place de Paris, la place financière de Paris, pour les investisseurs étrangers.
01:12 Et ça veut dire que la justice est allée un peu trop vite en besogne, en mettant en cause ces cinq banques ?
01:19 Oui, il y a quand même une espèce de tropisme en ce moment qui est des révélations journalistiques conduisent souvent à des réactions judiciaires.
01:29 Donc on va vite en besogne dans la condamnation.
01:32 En disant ça, je ne donne aucun blanc-seing aux banques.
01:36 Là-dessus il y a une enquête qui va se faire.
01:38 Oui voilà, l'enquête est en cours, il n'y a pas de condamnation à ce stade.
01:40 L'enquête est en cours, donc moi je ne sais pas s'il y a eu fraude.
01:42 Le chef d'accusation de fraude aujourd'hui paraît exagérer compte tenu du fait que cette pratique était connue.
01:48 Elle était connue de l'État, elle était connue du fisc, elle était même encouragée.
01:51 Et on se disait même, par exemple dans la période de 2008, on ne va pas quand même enlever une source de revenus aux banques alors qu'elles sont en train de traverser une période difficile.
01:59 Donc vous voyez que le recours au Conseil d'État est un recours qui vise à avoir un cadre clair, d'ailleurs c'est ce qui est dit dans la requête,
02:06 un cadre clair et cohérent pour savoir ce qui est interdit de ce qui est autorisé.
02:10 - Est-ce que ces banques cherchent à se protéger ?
02:12 - Elles cherchent d'abord à se protéger et elles cherchent aussi à protéger leurs investisseurs, enfin leurs clients.
02:19 Parce que derrière il y a quand même une insécurité juridique qui est en train de se faire entre un fisc qui admet pendant une vingtaine d'années une pratique qu'elle n'admet plus aujourd'hui.
02:27 Donc on peut se poser la question de savoir pourquoi elle l'a admise pendant une vingtaine d'années, et je viens d'en donner quelques explications.
02:33 Mais on peut aussi se dire que ce sont des pratiques qui ne vont pas dans le sens de la finance durable.
02:37 Donc a priori dans la tendance aujourd'hui de ce qu'on revendique des entreprises, on met fin à ces pratiques.
02:44 Là où il y a un vrai sujet et qui pose un vrai sujet, c'est la complexité des opérations financières qui est rendue par la complexité du monde financier lui-même.
02:51 C'est-à-dire qu'en gros aujourd'hui il y a une automatisation, 80% des passages d'ordre sont automatisés.
02:57 - C'est-à-dire que sans intervention humaine du tout ?
02:59 - Sans intervention humaine, c'est ce qu'on appelle le trading out-frequence.
03:02 Et donc on a un système de prêts et d'emprunts d'action, c'est assez technique, qui est aujourd'hui extrêmement légaire,
03:08 qui représente des milliers de milliards de dollars par an.
03:14 Et donc parmi ces opérations-là, il y en a 90% qui sont légales.
03:17 Et il y en a 10% qui ne sont pas forcément faciles à identifier, qui correspondent à des optimisations dont on peut se dire qu'elles sont totalement amorales.
03:25 - Est-ce qu'il y a une forme d'hypocrisie finalement de l'Etat français sur cette question-là du Koum Koum en particulier ?
03:33 - Hypocrisie en tout cas, on sent bien que l'Etat comme un peu partout en Europe a besoin d'argent.
03:38 Et quand on a besoin d'argent, on va chercher à la source de l'argent.
03:41 Et finalement on n'admet plus des pratiques qui étaient admises jusqu'à présent.
03:45 Donc ces pratiques, elles n'étaient pas forcément très, on va dire encore une fois très morales, mais elles étaient admises.
03:52 Donc le recours au Conseil d'Etat est encore une fois une manière de demander une clarification de ce qui est permis de ce qui ne le sera pas.
03:59 - Donc si le Conseil d'Etat, et c'est ce qu'elle demande, éclaircit les choses et statue officiellement par exemple que,
04:04 oui ce Koum Koum est illégal, qu'est-ce que ça va changer ?
04:08 - Ça changera que la bataille du judiciaire aura été gagnée par les banques.
04:12 Probablement il y aura une révision des procédures de contrôle pour faire en sorte de les identifier et de les éradiquer.
04:17 En revanche, ce n'est pas parce que les banques auront gagné la bataille du judiciaire qu'elles n'auront pas perdu la bataille de l'image.
04:22 - C'est-à-dire ?
04:23 - C'est-à-dire qu'aujourd'hui, encore une fois, on désigne les banques comme étant ces entreprises sans vertu,
04:30 qui font tout pour gagner l'argent à tout prix auprès de leurs clients.
04:33 Aujourd'hui, ce sont des entreprises commerciales.
04:36 Et on peut se poser la question de savoir d'ailleurs, est-ce qu'une banque doit être une entreprise commerciale ?
04:40 C'est un autre débat beaucoup plus large, parce que finalement, la complexité des opérations financières est telle
04:47 qu'on ne peut pas identifier tous les effets de bord qu'il peut y avoir aux pratiques financières.
04:52 Or, on sait bien que sur des sujets comme ceux-là, on peut très vite arriver à des jugements moraux autour de transactions financières
04:59 qui ont été admises, qui ne le sont plus parce que l'état de l'opinion change.
05:02 - Et c'est bien donc pour cela que les banques saisissent le Conseil d'État pour qu'ils disent le droit.
05:08 Merci beaucoup Eric Delannoye, président fondateur de Tenzing Conseil, cabinet de conseil en stratégie.

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