• l’année dernière
Violences conjugales : "J'avais 17 ans, c'était ma première histoire d'amour." La chanteuse Barbara Pravi témoigne sur les violences physiques et psychologiques subies alors qu'elle était adolescente.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 et tu essaies de protéger l'autre, c'est ça qui est fou !
00:01 T'es prêt à protéger un mec qui t'insulte,
00:03 un mec qui te pousse, un mec qui te jette des trucs dans la tronche,
00:06 mais toi tu te protèges pas, c'est quand même incroyable !
00:08 J'avais 17 ans, c'était ma première histoire d'amour.
00:12 Ce garçon avec qui j'étais me frappait tout le temps.
00:15 J'ai un souvenir de la première fois, on rentrait de soirée
00:18 et j'avais dansé avec un gars,
00:20 vraiment on s'en fout quoi !
00:21 Et puis on arrivait chez lui
00:23 et en fait il commence à m'insulter parce que j'ai dansé avec ce mec.
00:27 Moi je comprends pas, ça me fait rire, je me dis "mais c'est pas possible,
00:29 on peut pas, c'est drôle".
00:30 J'allais pour partir, il m'a mise par terre,
00:32 il s'est mis sur moi, il a commencé à me frapper
00:34 et il y avait des gens qui nous ont vus.
00:36 Et je me souviens que quand je suis partie,
00:37 il m'a dit "je veux plus jamais te revoir, dégage,
00:39 je veux plus jamais avoir affaire à toi, etc."
00:43 Et moi en partant du coup,
00:44 je me souviens de me mettre adossée contre le mur de son immeuble
00:48 et de m'être dit "mais en fait je suis une merde,
00:50 qu'est-ce que j'ai fait pour qu'il se passe ça ?
00:52 Comment je vais vivre s'il est plus là ?
00:54 Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? Je vais me faire pardonner."
00:56 Je suis revenue le lendemain avec des tulipes jaunes,
00:58 pour m'excuser.
00:59 J'étais persuadée que c'était ça l'amour,
01:01 qu'on se crie dessus,
01:02 et après on revient et on s'embrasse et c'est la passion,
01:05 enfin voilà, un peu comme ce qu'on voit partout autour de nous
01:07 quand on est, en tout cas moi quand j'étais ado.
01:09 J'ai compris que c'était pas ça quand je me suis pris un coup
01:12 et que je suis tombée sur le coin du lit
01:14 et que ça aurait pu me faire le coup du lapin.
01:17 Et je me suis dit "ok, là en fait t'aurais pu mourir,
01:20 c'est pas juste marrant".
01:21 Et en vérité,
01:23 ce serait faux de dire que j'ai pris conscience
01:25 et que je suis devenue une femme forte et rebelle,
01:28 pas du tout.
01:29 En fait, j'ai eu très très peur,
01:31 je suis allée à la police,
01:32 j'ai posé une main courante,
01:33 pas parce que j'étais convaincue que c'était grave,
01:36 mais parce que j'étais convaincue que si je ne mettais pas des barrières
01:40 à cette espèce d'amour fou,
01:41 j'y reviendrais sans cesse.
01:43 Ça a été une première étape et elle est presque pas grand-chose
01:45 dans tout ce que j'ai vécu après,
01:47 parce qu'en fait c'était le départ d'un engrenage de...
01:49 Ensuite j'ai été pendant des années avec des hommes
01:51 qui étaient dans le travail et dans l'amour,
01:53 qui étaient vraiment sous emprise psychologique.
01:55 Et ça pour moi, ça a été beaucoup plus dur,
01:57 parce qu'en fait ces mécanismes-là,
01:59 c'est très dur de s'en sortir si tu ne les comprends pas.
02:01 Donc dans la dernière relation que j'ai eue,
02:03 qui était hyper hyper toxique,
02:05 j'étais avec un mec,
02:06 j'avais pas le droit de mettre mon nom sur la boîte aux lettres
02:07 alors que c'était moi qui payais le loyer,
02:09 j'avais pas le droit de me balader avec lui dans la rue
02:11 parce qu'il disait "je veux pas être le mec de Barbara Pravi",
02:14 j'avais pas le droit d'aller le voir en studio
02:17 parce qu'il faisait de la musique,
02:18 parce que c'était son studio, c'est à moi, c'est chez moi ici,
02:21 qu'est-ce que tu vas faire ?
02:21 Il se mettait à baver, comme un malade,
02:24 à me regarder comme ça dans le yeux avec sa bouche,
02:25 enfin c'était vraiment...
02:26 J'ai souvent lu, j'ai lu des témoignages après
02:28 qui disent que les gens qui sont violents psychologiquement,
02:31 ils changent de visage, ils changent vraiment même d'attitude,
02:34 c'est-à-dire que c'est des petits choux,
02:36 et puis en fait dans l'intimité ça devient des monstres,
02:38 et il y a vraiment une transformation physique réelle,
02:41 et donc j'étais terrorisée par ce mec-là.
02:43 Et je voyais plus mes amis,
02:45 tout ce système d'isolement, de...
02:48 Et un jour, je me retrouve à dîner avec mon meilleur pote
02:51 que je n'avais pas vu depuis genre un an et demi,
02:54 et il me dit "comment ça va ?"
02:55 et donc je lui dis "ça va bien et tout",
02:56 et en fait il me dit "arrête, ça se voit,
02:57 t'as une sale tronche, c'est pas possible que ça aille".
02:59 Et j'ai fondu en larmes,
03:01 et j'ai commencé à lui raconter des trucs,
03:03 et puis en fait en racontant un peu,
03:04 je me rends compte que ce que je dis c'est hyper glauque,
03:07 et que je ne l'avais jamais formulé à quelqu'un,
03:08 parce que t'as peur, t'essayes de protéger l'autre,
03:10 et c'est ça qui est fou.
03:11 T'es prêt à protéger un mec qui t'insulte,
03:13 un mec qui te pousse,
03:14 un mec qui te jette des trucs dans la tronche,
03:15 mais toi tu te protèges pas, c'est quand même incroyable.
03:18 Mon pote me regarde, et il se met à blémir,
03:20 et il me dit "ok, il est chez toi", je lui dis "non",
03:23 et il me dit "ok, on va chez toi, on prend tes affaires,
03:25 tu te casses et je veux plus jamais que tu reviennes".
03:27 On est partis chez moi, on a fait mes affaires,
03:29 je me suis barrée.
03:30 À partir de ce jour-là, on s'est mis un truc de code,
03:33 tous les deux,
03:34 c'est qu'à chaque fois que je lui envoyais "urgence Bab",
03:37 il était obligé de débouler chez moi,
03:38 c'était soit que j'avais envie d'appeler mon ex,
03:40 soit que j'avais envie d'y retourner,
03:41 soit que je commençais à remettre tout en question
03:44 et à oublier le mal qu'il m'avait fait, etc.
03:46 Et c'est comme ça que je m'en suis sortie.
03:47 En décidant vraiment de couper, couper, couper, couper,
03:50 couper les ponts à 8, une fois dans la rue,
03:53 je suis tombée naine avec lui,
03:54 3 ans après, donc là il y a 2 ans,
03:56 je suis tombée par terre,
03:58 mes jambes, c'est comme quand tu vis un choc traumatique,
04:01 parce que c'en est un,
04:02 mes jambes, mon sang a arrêté de circuler,
04:04 je suis tombée par terre dans la rue.
04:05 Il y a une partie de moi qui veut le tuer,
04:07 une partie de moi qui me dit "je suis trop loin pour toi",
04:10 et une partie de moi qui tombe naturellement par terre
04:12 parce que mon corps est traumatisé.
04:14 Plus on grandit, plus on tire des leçons de ces choses-là,
04:17 plus on se pose la question de pourquoi ça arrive,
04:19 comment ça m'arrive,
04:20 qu'est-ce qui chez moi va chercher des gens comme ça ?
04:22 Parce qu'en fait, c'est pas un sens unique,
04:25 c'est pas à ces personnes-là qui arrivent et "oh mon Dieu, pourquoi ça arrive ?"
04:28 Il y a forcément des choses en moi à régler
04:30 et moi c'était vraiment le regard de l'autre.
04:33 Je pensais que j'étais nulle, je pensais que j'étais bête,
04:34 je pensais que j'avais pas grand intérêt,
04:37 et donc quand quelqu'un me donnait de l'intérêt,
04:39 je me disais "ah c'est cette personne et je me donne corps et âme pour elle".
04:42 Mais c'est pas comme ça que ça marche.
04:43 La résilience démarre quand tu commences à entrevoir les mécanismes
04:46 et quand tu commences à entrevoir à quels endroits tu n'acceptes plus les choses.
04:49 À ce moment-là, j'ai mon meilleur ami qui m'avait dit
04:51 "c'est magnifique parce que tu vas pouvoir apprendre à redessiner tous tes contours".
04:54 Je suis allée voir un psy et je pense que ça m'a beaucoup aidée.
04:56 J'avais un espèce de trou à l'endroit de la confiance en soi
04:58 qui était quand même assez chaud.
05:00 Tous les gens avec qui je travaillais avant,
05:01 mon manager, etc. me disaient que j'étais une merde
05:04 et que sans eux je n'étais rien en gros.
05:05 Et donc il a fallu me détacher de ça aussi.
05:07 Je me suis dit "ok, je vais faire la liste de mes qualités,
05:09 je vais me lever tous les matins, je vais me regarder dans le miroir
05:11 et je vais me dire "bravo, tu fais plein de choses bien dans la vie
05:15 et tu te rends compte que quand tu choisis
05:17 et quand tu décides de te regarder et de te dire "je t'aime",
05:20 de regarder les gens autour de toi
05:22 et de choisir des gens qui te font du bien,
05:24 la vie se retourne.
05:25 J'ai beaucoup de conseils à donner en vérité.
05:27 Le premier, je crois, c'est d'essayer de s'inspirer,
05:32 de se trouver des modèles.
05:33 Moi je me souviens que je m'étais mise à dévorer des bouquins
05:36 justement sur Gisele Halimi, sur Simone Veil,
05:39 des espèces de destins de meufs qui sont légendaires.
05:42 Mais pas que, tu vois, tu peux regarder ce qu'a fait Pénélope Bagieu
05:45 quand elle a écrit "Culotté", c'est trop sympa,
05:47 c'est une BD, c'est magnifique, t'es trop heureux.
05:49 Et en fait ça te donne de la puissance de voir
05:51 qu'il y en a des femmes qui sont sensationnelles
05:53 et qu'elles sont juste à côté de chez toi.
05:55 Peut-être c'est ta voisine.
05:56 Ensuite vraiment, moi je te dis,
05:58 tu te regardes tous les matins dans le miroir et tu te dis
06:00 "Je me kiffe, je me kiffe"
06:02 et tu t'en fous, personne te voit.
06:03 Donc si les autres pensent que c'est pas humble,
06:05 mais tu t'en fous, t'es toute seule devant ton miroir
06:07 et tu te dis "Je suis puissante, je suis forte
06:09 et bien sûr que je vais y arriver
06:10 et je vais les traverser en plus
06:12 en étant quelqu'un de méga badass et de méga cool".
06:15 Et puis vraiment de s'entourer de gens bien,
06:17 de décider, de faire des choix,
06:18 de ne pas avoir peur de dire qu'il y a des comportements
06:21 que tu ne veux plus avoir dans ta vie
06:23 et de virer ces comportements-là.
06:26 Et noter cinq choses positives par jour.
06:30 C'est comme manger cinq fruits et légumes,
06:31 mais en petites notes.
06:33 Mais d'apprendre à se rendre compte de ces choses-là,
06:35 ça aide aussi beaucoup à avoir la lumière
06:38 quand on a l'impression qu'il n'y a que de l'ombre.
06:39 Moi je dis souvent aux femmes que je rencontre
06:41 et qui me racontent qu'elles ont vécu des choses atroces comme ça,
06:43 je dis souvent "Mais en fait on est devenues des surhumaines"
06:45 et c'est vrai.
06:46 C'est-à-dire qu'on a vécu des choses
06:48 qui nous ont mis tellement plus bas que terre,
06:50 qui nous ont tellement brisé de l'intérieur,
06:52 que quand on arrive à se reconstruire par-dessus ces plaies-là,
06:55 en fait on devient une femme surpuissante.
06:58 Surpuissante.
06:59 Parce qu'on est consciente de tellement de choses de la vie
07:01 et on les a tellement dépassées,
07:02 ça s'appelle la résilience.
07:03 C'est magnifique en fait.
07:04 [Générique]

Recommandations