Emmanuel Macron en Chine : "nous sommes loin d'une volonté de la Chine à faire la paix"

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00:00 Et on va plus loin avec vous Jean-François de Limmé-Gliot. Bonjour et merci de répondre à France 24. Vous êtes économiste, président d'Asia Center.
00:06 Le cœur du voyage d'Emmanuel Macron, c'est de s'assurer que la Chine ne basculera pas dans le camp de la guerre.
00:13 Alors effectivement, présenter, je dirais, de façon relativement minimale, comme vous venez de le faire,
00:22 cet objectif qui fait partie effectivement de la mission que s'est attribuée Emmanuel Macron, est présent.
00:30 Mais on entend effectivement beaucoup plus souvent une version maximaliste.
00:34 Et je remarque que vous ne l'avez pas utilisé. Il ne s'agit pas de
00:39 pousser la Chine à être un acteur de paix dans ce conflit.
00:43 On sait très très bien que ce plan de paix n'est pas un plan de paix en fait. Ce que la Chine a présenté,
00:49 c'est un plan global
00:52 pour
00:54 une paix mondiale qui ne concerne pas simplement le
00:58 conflit ukrainien, mais on dirait des relations internationales
01:02 sous l'empreinte de ce que voudrait la Chine dans l'ordre international.
01:07 On est très très loin d'un plan de paix et on est même très loin non seulement d'une volonté, mais même d'une capacité de la Chine
01:14 à faire la paix aujourd'hui. C'est vrai qu'on a été pris de court par ce coup de force
01:19 entre l'Iran et l'Arabie Saoudite, avec la Chine au milieu. Il faut rappeler qu'il y avait eu ce voyage très long, très marquant,
01:28 de Xi Jinping en Arabie Saoudite, dont le plan de paix a été naturellement la conséquence.
01:32 Là c'est une région effectivement, le Moyen-Orient, où la Chine voit une opportunité extraordinaire pour être présente,
01:40 avec des puissances qui naturellement sont marquées dans un camp.
01:45 En ce qui concerne l'Ukraine, on est dans une configuration naturellement très différente.
01:50 Et si je peux me permettre, à la fois avec des coups à prendre du côté de la Chine, mais aussi d'énormes
01:55 opportunités, tant que ce conflit dure. Puisque tant que ce conflit dure, la Chine achète en particulier les matières premières et surtout du pétrole
02:02 à bas prix à la Russie. Et elle voit la Russie, qui est naturellement son partenaire, mais qui peut aussi être un rival dans l'ordre international,
02:10 s'affaiblir progressivement, perdre son sang, et ça ne déplaît certainement pas totalement à la Chine.
02:16 La Chine et la Russie qui ont pactisé pour une amitié sans limite,
02:19 ça se fait au détriment de Moscou.
02:23 Est-ce que la Russie devient peu à peu dépendante de la Chine ?
02:25 Oui, alors,
02:29 dépendante
02:31 certainement parce que
02:33 la Chine achète des matières premières qui progressivement sont refusées par les pays qui ont placé un embargo sur les matières premières chinoises.
02:41 La dépendance,
02:43 elle n'est pas tout à fait là, parce qu'il faut rappeler naturellement que l'histoire diplomatique de la Russie, c'est quelque chose qui d'une certaine façon
02:51 fascine les dirigeants chinois. Il y a eu, bien sûr, une forme d'alliance très forte jusqu'en 1959, entre 1949 et 1959,
02:58 entre la Chine et l'Union soviétique.
03:01 La Chine a observé le savoir-faire de l'Union soviétique à l'époque,
03:05 elle voit effectivement son vieux partenaire s'affaiblir, mais elle sait aussi qu'il y a une histoire du savoir-faire
03:11 diplomatique qui s'inscrit dans le temps long, dont elle aimerait bien bénéficier elle aussi, elle apprend, mais cette dépendance n'est pas sans-suite.
03:19 Emmanuel Macron l'a dit lors de sa première conférence de presse à Pékin, la Chine n'a pas intérêt à la guerre.
03:26 Ce qui est certain, c'est que Pékin ne veut pas entendre parler de menaces nucléaires, menaces qui est
03:31 souvent
03:33 étendue par le président Poutine.
03:37 Absolument, ça c'est la ligne rouge qui effectivement
03:42 n'est pas franchie par la Chine, et c'est sur cette ligne rouge que les dirigeants occidentaux
03:47 qui parlent à la Chine à chaque fois qu'il est question de ce conflit,
03:52 c'est ce sujet-là sur lequel ils insistent.
03:55 La Chine doit effectivement rappeler lorsqu'elle parle aux dirigeants russes que c'est une ligne rouge et que bien sûr il n'est pas question
04:04 dans l'ordre international tel qu'il est aujourd'hui de recourir ni à l'arme tactique, ni encore moins bien sûr à l'arme stratégique,
04:10 du fait des conséquences innombrables que cela possède.
04:14 Est-ce que la configuration a changé pour la Chine vis-à-vis de Taïwan depuis le début de la guerre en Ukraine ?
04:21 Certainement, dans deux directions, c'est-à-dire qu'on était dans une dynamique clairement où les intentions chinoises étaient de plus en plus affirmées.
04:32 Il y a eu des mots extrêmement forts de la part du président Xi Jinping,
04:36 y compris pendant les débuts de la guerre en Ukraine, et c'était probablement
04:41 fondé sur l'idée que cette guerre serait une guerre victorieuse pour la Russie et rapide.
04:45 Ce qui a changé, bien sûr, c'est à la fois l'affirmation par la Chine de sa volonté de reprendre Taïwan,
04:50 c'était présent mais c'est de plus en plus fort,
04:51 mais ce qui a changé aussi, c'est les énormes doutes qui doivent probablement traverser le pouvoir civil chinois.
04:58 Je ne peux pas parler naturellement du pouvoir militaire qui est certainement en grande partie en guerre,
05:03 mais pas forcément d'ailleurs, parce qu'il est réaliste,
05:07 parce que cette guerre en Ukraine montre à quel point une guerre qui pourrait être sur le papier d'emblée gagnée,
05:13 peut-être moins facile à gagner.
05:16 Par ailleurs, l'isolement dans lequel la Chine pourrait se mettre en soutenant un peu plus la Russie
05:22 serait multiplié de façon considérable si effectivement la Chine faisait un geste en direction de Taïwan.
05:29 Et je pense que l'un des messages qu'Emmanuel Macron va porter, ce n'est pas un message de menace,
05:34 mais c'est un message qui annoncerait les actions possibles si un geste était fait par la Chine.
05:41 Et puis pour finir, on se rend compte qu'au moment où deux visites importantes ont lieu,
05:46 l'une de l'ex-président taïwanais en Chine et l'autre de la présidente taïwanaise actuellement aux États-Unis,
05:51 là où la Chine avait parlé très fort l'été dernier, au mois d'août,
05:55 lorsque Nancy Pelosi s'était rendue à Taïwan et avait lancé des manœuvres autour de Taïwan,
05:59 on se rend compte que finalement la Chine parle moins fort,
06:02 en tout cas au moment où nous parlons maintenant, il y a probablement aussi eu l'intention de sembler calmer le jeu.
06:09 Merci beaucoup pour ce commentaire Jean-François Dimiglio, économiste et président d'Asie.

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