Les marronniers, quand les magazines réécrivent la même histoire...

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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte les origines d’une expression. Dans le jargon journalistique, on appelle “marronnier” un sujet de faible importance repris de façon récurrente par la presse. Pour comprendre les origines de ce terme, retour à la Révolution française, sous un marronnier planté dans le jardin des Tuileries…

Retrouvez "Dans l'intimité de l'Histoire" sur : http://www.europe1.fr/emissions/dans-lintimite-de-lhistoire
Transcript
00:00 Europe 1, historiquement vôtre avec Stéphane Bern.
00:04 Tous les jours, vous le savez, historiquement vôtre,
00:06 on vous raconte l'histoire sans se la raconter avec Jean-Luc Lemoyne
00:08 qui vient de tout juste, alors tout juste,
00:09 de mettre le point d'interrogation finale sans quiz à suivre.
00:12 Exactement, l'encre est encore fraîche et la musique aussi.
00:15 ♪ Sac à l'oeil immaculé, vous criez ♪
00:19 ♪ Elle a eu son but et son crucifix cromé ♪
00:22 ♪ Yeah yeah ♪
00:24 ♪ C'est lui notre roi Jean-Bernard ♪
00:26 Bravo !
00:27 Bah oui, vous avez reconnu ?
00:30 Je sais pas quoi Jean-Paul II, qu'est-ce que c'est que cette chanson ?
00:33 Est-ce que vous reconnaissez le chanteur ?
00:35 ♪ Alléluia, il est là ♪
00:37 Un très grand nom de la chanson francophone.
00:39 ♪ Alléluia, il est là ♪
00:41 C'est encore une des québécoises.
00:42 Exactement, je l'aurais pu être belge.
00:44 Ah oui, mais au Suisse !
00:47 ♪ C'est fatiguant ♪
00:48 C'est le grand Robert Charlebois.
00:50 Ah bah oui, mais je l'ai vu !
00:51 Je reconnais pas du tout sa voix !
00:52 J'ai vu Charlebois.
00:53 J'ai pas reconnu là quand même, la chanson québécoise, Charlebois.
00:55 Si vous réécoutez les bandes, j'ai déjà Charlebois.
00:57 ♪ Je préfère mon québécois ♪
00:59 Il a un accent québécois d'habitude.
01:01 Excusez-moi, c'était une imitation que vous venez de faire ?
01:02 Oui, c'était vachement bien.
01:03 [Rires]
01:05 Elle est pas positive.
01:06 [Rires]
01:08 Donc vous avez compris, vous avez bien vu.
01:10 On parle du Québec ou du Pape ?
01:11 Du Pape, comme disait Stéphane.
01:13 Mais avant cet affrontement avec Clémentine,
01:16 je vais la laisser parler quand même.
01:17 Elle nous raconte des histoires dont elle seule a le secret.
01:19 Dans l'intimité de l'histoire.
01:22 Aujourd'hui Clémentine, pour la première fois,
01:25 vous avez choisi de nous raconter l'histoire de ces sujets
01:28 qui reviennent inlassablement à intervalles réguliers dans les journaux
01:32 et que dans notre jargon de la presse, on appelle les marronniers.
01:36 Voilà, et je vais vous expliquer pourquoi.
01:39 Vous savez que, évidemment, de nos jours, il y a des marronniers plein nos parcs.
01:43 Mais ce ne fut pas toujours le cas.
01:44 D'où nous vient le marronnier ?
01:46 Vous savez d'où nous est venue cette essence ?
01:48 D'Inde.
01:49 D'Inde.
01:50 Et l'un des tout premiers marronniers, en tout cas à Paris,
01:53 fut planté dans la propriété de Nicolas Boileau,
01:56 sur l'emplacement de l'actuelle Villa Boileau.
01:58 Ce n'est pas très loin des locaux d'Europe d'ailleurs.
02:02 Le poète habitait rue du Cloître d'Outredame,
02:04 le nom de la cathédrale du même nom,
02:07 et il était asthmatique.
02:09 Alors en 1685, il se dit "Oh, ce n'est pas possible,
02:12 je ne peux plus habiter en ville comme ça, la pollution,
02:14 donc je vais aller à la campagne."
02:16 Il est allé s'installer à Hauteuil.
02:18 Et en étant à Hauteuil, il pensait qu'il allait arranger,
02:21 améliorer ou soulager ses crises d'asthme.
02:24 Et c'est son jardinier, Antoine Riquier,
02:27 qui planta l'un des tout premiers marronniers de France.
02:31 L'essence prospéra au mieux dans la capitale,
02:33 puisqu'un siècle plus tard, à peu près sous la Révolution française,
02:36 les marronniers du Jardin des Tuileries
02:39 formaient une impénétrable futée.
02:41 Et c'est au pied de l'un d'entre eux que furent enterrés
02:45 les gardes suisses, morts, les gardes de Louis XVI,
02:48 qui meurent le 10 août 1792 en défendant la famille royale.
02:53 Et au printemps suivant, qu'est-ce qu'on constate ?
02:55 Que l'arbre s'était couvert de feuilles avant tous les autres.
02:59 Et ce marronnier était même tellement précoce qu'il arrivait
03:02 qu'il fleurisse deux fois dans l'année.
03:03 Et est-ce le sang des gardes suisses de Louis XVI
03:07 qui avait permis cette floraison double et extrêmement prolifique ?
03:12 Et bientôt, cet arbre des Suisses devient le lieu de pèlerinage,
03:16 des nostalgiques de l'Ancien Régime.
03:18 Un symbole qui ne tarderait pas à leur être disputé
03:20 par les Bonapartistes, parce qu'en effet, ce même arbre
03:23 était le seul à être en fleur le 20 mars 1811,
03:28 jour de la naissance de l'aiglon,
03:29 mais aussi le 20 mars 1815,
03:32 jour de retour de l'empereur aux Tuileries durant les 100 jours.
03:36 Et voilà comment de royaliste,
03:38 l'arbre à la fleuraison précoce devint donc Bonapartiste
03:41 et fut rebaptisé le marronnier du 20 mars.
03:45 Et c'est de cette habitude de voir cet arbre verdir et fleurir
03:49 avant tous les autres à chaque printemps
03:51 qu'allait naître le terme "le marronnier",
03:54 désignant un même sujet repris chaque année
03:57 à la même époque par les journaux.
03:59 Alors c'est toujours la même chose,
04:00 le nouveau régime alimentaire,
04:03 le pouvoir des francs-maçons,
04:04 les meilleurs hôpitaux, etc.
04:07 Quant à cet arbre du 20 mars,
04:09 un journal de la fin du 19e siècle
04:11 signale qu'en 1864,
04:13 le marronnier du 20 mars était toujours fidèle à la tradition.
04:16 Il ne mourra de sa belle mort qu'en 1911.
04:20 Et c'est d'ailleurs une chance qu'il ait vécu aussi vieux
04:22 parce qu'en 1870,
04:24 pendant l'occupation de Paris et la guerre franco-prussienne,
04:27 on a transformé bien des marronniers parisiens
04:30 en bois de chauffage naturellement.
04:32 Il fallait se chauffer.
04:36 - C'est le principe du bois de chauffage.
04:39 - Certes, certes.
04:41 - Je ne laisse rien passer.
04:43 - Merci.
04:45 - Il fallait quoi ?
04:47 - Cherchez mes mots, ça ne vous arrive jamais bien sûr.
04:49 Dites-moi plutôt, au lieu de faire le malin,
04:52 pourquoi le marronnier du 20 mars
04:54 fleurissait-il avant les autres à votre avis Stéphane ?
04:56 Vous qui êtes un botaniste et qui avez certainement
04:58 des marronniers dans votre propriété.
05:01 Vous savez ça ?
05:03 Alors là, Camembert,
05:05 il n'y a plus personne.
05:06 Parce qu'il se trouvait à proximité d'un carré
05:09 où il y avait un puissart,
05:11 un puissart en maçonnerie.
05:13 On y avait placé plusieurs tuyaux pour organiser
05:15 l'arrosage de cette partie des tuileries.
05:17 Donc, les racines de ce marronnier
05:19 bénéficiaient en permanence de cette humidité
05:22 et même quand on a cessé d'utiliser ce puissart,
05:25 les tuyaux apportaient de l'air dans le sol
05:28 et dans les racines du fameux marronnier du 20 mars.
05:31 Et on a évoqué aussi comme explication
05:33 à cette seconde floraison,
05:34 la trop forte chaleur dans ce coin des tuileries.
05:37 La chaleur, en juin et juillet,
05:39 faisait tomber les feuilles, prématurément.
05:41 Ainsi, les bourgeons étaient soumis
05:43 à une nouvelle tension,
05:45 aboutissant à une nouvelle floraison.
05:47 Voilà, en fait, le marronnier du 20 mars
05:49 n'était pas le seul marronnier parisien
05:51 à fleurir deux fois.
05:52 Mais pour des raisons historiques que je viens d'évoquer,
05:55 il était plus cher au cœur des parisiens.
05:57 Vous savez, c'est très injuste, c'est ça les affinités électives.
05:59 Les parisiens aiment leur zouave du pont de l'Alma,
06:03 l'Henri IV sur le pont IX,
06:05 le marronnier du 20 mars qui n'existe plus.
06:07 - Merci beaucoup Clémentine !
06:09 Et maintenant, c'est le moment de l'émission.
06:11 Vous le savez, chers auditeurs, je ne contrôle plus rien.
06:13 C'est Jean-Luc qui prend la main pour le quiz

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