Il y a 50 ans, le maître Picasso s'éteignait dans le Sud de la France, à l'âge de 91 ans. Laissant derrière lui 120 000 œuvres, 5 héritiers et des histoires de famille... Sa fille Paloma Picasso, elle, a dessiné sa propre vie, librement. Elle est l'invitée de 9H10.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
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00:00 Sonia De Villere, votre invitée née en 1949, elle est la dernière des quatre enfants de Pablo Picasso.
00:06 Et pourtant, elle est déclarée née de père inconnu, ce qui est un comble quand son père est l'homme le plus connu du monde.
00:13 Bonjour Paloma Picasso.
00:14 Bonjour.
00:15 Merci de nous avoir accordé cette interview, vous êtes rare.
00:18 L'histoire de votre mère, Françoise Gillot, votre histoire, on ne les entend plus de la même manière en 2023.
00:25 On ne les entend plus comme on les entendait dans votre jeunesse, le regard sur Picasso, sur l'homme et sur le patriarche qu'il a été a changé.
00:33 Et c'est absolument passionnant.
00:35 Née de père inconnu, pourquoi née de père inconnu ?
00:39 Parce qu'à l'époque, les hommes mariés n'avaient pas le droit de reconnaître des enfants hors mariage.
00:47 Et donc ma mère savait, et d'ailleurs beaucoup de gens lui rappelaient, que si jamais la loi changeait,
00:53 ce sera grâce à la naissance de Claude et de moi-même, qui était dans tous les journaux.
00:59 Donc on était les enfants adultérins les plus connus de la Terre.
01:02 C'est ça, c'est ça.
01:03 Je rappelle que Françoise Gillot, votre mère, a supplanté Dora Maar dans le cœur de Picasso,
01:08 qui elle-même avait supplanté Marie-Thérèse Walter, qui elle-même avait supplanté Olga Kolkova.
01:13 Or, Picasso et Olga sont restés mariés jusqu'en 1955, après votre naissance.
01:18 C'est ça, tout à fait.
01:20 La loi a changé au début des années 70, vous vous êtes battue pour faire reconnaître,
01:24 Maya, Claude et vous, vos statuts d'enfants légitimes.
01:27 Et peut-être que grâce à vous, quelque chose a changé ?
01:31 Oui, je pense que j'en ai entendu depuis toute mon enfance.
01:34 D'ailleurs, à un moment, pour pouvoir nous reconnaître d'une certaine façon,
01:40 mon père nous a donné son nom de famille.
01:41 Donc je me suis appelé Ruiz Picasso à partir de mes 12 ans.
01:46 Donc au Grand Collège, comme on dit.
01:48 Au Grand Collège, je m'appelais Paloma Gilot, ce que je trouvais très chic d'ailleurs.
01:52 Vous vous êtes battue contre la loi, vous vous êtes aussi d'une certaine manière
01:56 émancipée de la figure de votre père.
02:00 Et ce n'est pas pour rien, c'est aussi grâce à votre mère, parce que vous êtes la fille
02:05 de la femme qui a dit non.
02:08 On écoute la voix de votre mère, elle a à ce moment-là 99 ans,
02:14 il faut savoir qu'elle en a aujourd'hui 101, Françoise Gilot.
02:18 Picasso avait le statut, comme le Dalai Lama, le Dieu vivant, si vous voulez.
02:24 Personne ne lui résistait.
02:26 Les uns avaient peur de lui, les autres avaient quelque chose à lui demander.
02:29 Donc je ne voyais jamais personne qui dise non à Picasso.
02:33 Moi, il m'appelait la femme qui dit non.
02:35 Parce que quand j'avais à dire non, je disais non.
02:40 Et la femme qui dit non a donné naissance à un fils, Claude, l'enfant de la femme
02:46 qui a dit non, et à une fille, Paloma, la fille de la femme qui a dit non.
02:50 Ce n'est pas rien quand on se construit dans son identité de fille et de femme ?
02:54 Non, je crois que c'est très important.
02:56 Je veux dire, elle a ouvert beaucoup de portes pour moi.
02:59 Je n'ai jamais, à aucun moment de mon enfance ou de mon adolescence, pensé qu'il y avait
03:04 des choses qui m'étaient interdites.
03:06 C'est ce qu'on appelait une femme libérée avant l'heure ?
03:08 C'est vrai que quand j'ai commencé à entendre parler des "women's liberation",
03:13 je devais avoir 13 ans.
03:14 Je me disais, mais de quoi parle-t-elle ?
03:16 Je ne comprenais vraiment pas de quoi elle parlait puisque moi, je vivais ce que les
03:20 femmes réclamaient.
03:21 Exactement.
03:22 Françoise Gillot et Picasso se sont vouvoyées toute leur vie.
03:27 Ils ont vécu une dizaine d'années ensemble.
03:30 Elle était beaucoup plus jeune que lui, mais elle était peintre.
03:36 Elle est restée peintre toute sa vie.
03:38 Il y a deux ans, elle exposait encore à New York.
03:41 Elle s'est battue pour rester peintre.
03:43 Un artiste à part entière, pas seulement la compagne de Picasso.
03:47 Oui, ça a été très difficile.
03:50 C'est aussi pour ça qu'elle est partie aux Etats-Unis assez tôt.
03:55 La plupart de ses collectionneurs étaient des Américains.
04:00 Et puis là-bas, la pression d'être l'ex-compagne de Picasso était beaucoup moins forte.
04:07 De même que pour moi.
04:09 J'ai fait ma carrière aussi aux Etats-Unis, un peu pour les mêmes raisons.
04:12 Parce que c'est difficile d'être la fille de Pablo Picasso.
04:15 Quand on est à Paris.
04:17 Écoutez, Françoise Gillot parlait de ce qu'elle refuse, c'est-à-dire d'avoir été, comme
04:22 les autres, portraiturée par le maître.
04:25 Oui, il a fait des portraits de moi, mais ce n'est pas moi qui l'encourageais à faire
04:28 des portraits de moi.
04:30 Au contraire, je voulais qu'il n'en fasse pas.
04:32 N'oubliez pas que j'étais la septième femme de Barbe Bleue.
04:35 Et que les autres étaient toutes pendues déjà dans l'antichambre, ou je ne sais pas quoi.
04:40 J'ai tout de suite pensé qu'il fallait surtout éviter la grande chose terrible,
04:46 c'est que son égo ne soit satisfait par le fait qu'on était peint par Picasso.
04:50 Non.
04:51 C'était fatal.
04:52 C'était comme les chapitres d'une pièce.
04:54 Acte 1, acte 2, acte 3.
04:56 Acte 1, vous étiez une déesse.
04:58 Acte 2, ça commençait déjà à tourner un peu moins rond.
05:02 Et acte 3, vous deveniez un monstre.
05:04 Et alors, il faisait tout ce qu'il fallait pour vous faire sortir de là.
05:07 Je me suis demandé, moi, Paloma Picasso, en écoutant votre mère dire cela, si vous,
05:14 cette idée de génie que vous avez eue de vous fabriquer un visage, un visage qui est
05:17 devenu célèbre tout autour du monde, avec ses yeux très maquillés, cette bouche très
05:23 rouge.
05:24 Est-ce que ce n'était pas une façon, comme l'avait fait votre mère, de dire "j'ai
05:27 mon visage et je me l'approprie, moi qui ai été peinte par mon père quand j'étais
05:31 toute petite, moi qui ai été peinte par ma mère quand j'étais toute petite".
05:34 Alors en fait, c'est drôle, mais en fait, c'est grâce au polaroïd, je crois, que
05:38 je me suis fait ce visage-là.
05:39 Parce qu'à l'époque, le polaroïd commençait et puis il y avait des photographes qui se
05:44 promenaient dans les restaurants, qui photographiaient avec un flash, puisque c'était la nuit,
05:49 les gens.
05:50 Et sur les photos, mon visage qui était très blanc, je n'allais plus au soleil,
05:56 je trouvais que ce n'était pas joli avec le rouge à lèvres, donc mes lèvres rouges
05:59 et mes yeux noirs, au regard andalou.
06:02 Je me suis dit "mais ça c'est parfait, c'est exactement moi, c'est blanc, rouge,
06:08 noir, c'est tout à fait ce qu'il me faut".
06:11 Et je me suis concentrée là-dessus et j'ai brodé à partir de ça.
06:16 - Ça va devenir une signature mondiale.
06:19 En 1963, Françoise Gillot, cette femme qui a dit non, cette femme qui a quitté Picasso,
06:25 qui a osé partir, qui a osé se remarier, faire un autre enfant ailleurs, écrit un
06:30 livre qui s'appelle "Living with Picasso" aux Etats-Unis.
06:34 Et elle raconte ce que c'est que de vivre avec Picasso.
06:37 Il est accueilli comment ce livre aux Etats-Unis d'abord ?
06:40 - Alors, tout de suite un best-seller.
06:42 Il est publié d'ailleurs dans des magazines avant même qu'il ne sorte.
06:48 C'est vraiment un grand, grand best-seller.
06:50 Et effectivement, les problèmes arrivent quand le livre doit apparaître en français.
06:56 - Alors, c'est plus que des problèmes.
06:58 C'est-à-dire que Françoise Gillot dira "on a organisé ma mise à mort sociale".
07:02 - C'est vrai, oui, c'est vrai.
07:04 Il y a eu une pétition, disons, de tous les intellectuels et artistes français contre
07:11 son livre.
07:12 Il y a quelques personnes qui ont refusé de signer, mais on ne les compte même pas
07:16 sur les doigts d'une main.
07:17 - Et c'est très émouvant parce que dans le film qu'on peut voir en ce moment sur
07:22 Arte, qui s'appelle "Françoise Gillot, la femme qui a dit non", qui est signée de
07:25 Sylvie Blum, elle dit à la 99 ans, elle dit à sa galeriste "en France, on me déteste,
07:32 les gens me détestent d'avoir osé parler, osé dire quel homme était le maître".
07:38 Et la galeriste lui répond "vous savez madame, l'époque a changé, ça s'est terminé".
07:43 - Oui, mais c'est extraordinaire.
07:45 C'est vrai qu'elle n'a pas fait un livre contre Picasso, elle a fait un livre où elle
07:50 a humanisé Picasso.
07:52 Et ce qui était donc une chose, pour moi en tous les cas, positive, parce que le rendre
07:59 un espèce de dieu incontournable était une façon de le déshumaniser, donc de le rendre
08:06 moins intéressant, pourquoi devrait-il être un homme parfait ? C'est un homme qui a une
08:13 imagination, une créativité hors normes, mais il est hors normes en tout, donc il a
08:18 aussi des défauts quelquefois hors normes.
08:20 - Hors normes, c'est ça.
08:21 Et donc au fond, c'était très précurseur de dire il y a l'homme et puis il y a l'artiste,
08:29 il y a cet artiste absolument extraordinaire, ce génie absolument extraordinaire, et puis
08:34 il y a cet homme qui a broyé les femmes avec lesquelles il a vécu les unes après les
08:38 autres.
08:39 Au fond, elle a été une des premières femmes publiques à le dire.
08:42 - Oui, c'est vrai, mais aussi parce qu'elle avait son parcours à elle et sa personnalité.
08:50 Et puis le fait que sa créativité à elle était essentielle à sa vie et qu'elle n'a
08:58 pas voulu risquer de perdre sa créativité.
09:01 - Et alors qu'est-ce qui se passe pour Claude et vous ?
09:03 Vous, vous aviez 14 ans, 14-15 ans quand ce livre paraît.
09:07 Qu'est-ce qui se passe pour Claude ?
09:08 Parce que, évidemment, votre père était furieux de la sortie de ce livre.
09:13 Son entourage aussi, sa dernière épouse Jacqueline Roch qui deviendra Jacqueline Picasso,
09:19 qui n'aimait pas beaucoup les enfants des premiers lits.
09:21 Qu'est-ce qui se passe pour vous à ce moment-là ?
09:23 - Eh bien, oui, des tas de gens que j'avais connus toute ma vie ont arrêté de me dire
09:28 bonjour.
09:29 C'est bien, ça vous apprend ce qu'est la vie très très jeune.
09:31 - Lesquelles par exemple ?
09:32 - Non, je ne vais pas, non, il n'y a pas la peine d'entrer dans les détails.
09:35 Mais enfin, les gens avec qui j'ai continué à pouvoir parler sont très très peu.
09:42 - Et ça change les relations avec votre père à ce moment-là ?
09:48 - Non, c'est-à-dire que j'arrête de voir mon père.
09:50 Je ne suis plus admise à aller voir mon père, ce qui est évidemment, grandiblement douloureux.
09:55 Mais voilà, la seule chose positive que je peux dire, c'est que je ne l'ai jamais vu
10:01 comme un vieux monsieur, parce que même ayant dépassé de loin les 80, il était toujours
10:06 l'homme le plus jeune, le plus vital dans une pièce où il était.
10:10 - Évidemment, évidemment.
10:11 Et puis ça vous aura offert cette immense liberté de vous construire vous, Paloma Picasso.
10:15 Ce n'est pas rien de se faire un prénom quand on s'appelle Picasso.
10:19 Ça vous aura au moins donné ce pouvoir d'émancipation-là.
10:24 On va écouter Frankie Valli et puis on va revenir à cette enfance, passer au milieu
10:32 des ateliers, celui de votre père, celui de votre mère.
10:36 On va raconter aussi comment petit à petit vous avez créé votre fibre.
10:40 Allez, on y va.
10:51 - C'est parti.
11:10 - C'est parti.
11:38 - C'est parti.
12:02 - C'est parti.
12:30 - C'est parti.
12:40 - C'est parti.
13:00 - C'est parti.
13:20 - Frankie Valli, 1967, "Can't take my eyes off you", Lucie Lemarchand, Grégoire Nicolaire,
13:27 Elisabeth Rouvet m'ont aidé toute la semaine à programmer, réaliser, préparer les émissions.
13:32 Jean-Baptiste Odibert choisit les disques, Delphine André, Alina, nous aide à choisir
13:37 les archives.
13:38 Un petit mot aussi pour remercier le musée Picasso à Paris qui nous a mis en contact
13:43 avec vous, Paloma Picasso, et dire que l'expo Picasso prend des couleurs.
13:47 On peut la visiter jusqu'au 27 août, jusqu'à la fin de l'été si on a la chance de passer
13:52 par Paris et que la direction artistique est assurée par Paul Smith.
13:56 Rien que ça.
13:58 - Comment était-il avec ses enfants?
14:05 - Il était très, très gentil avec les enfants.
14:08 Il adore les enfants, surtout quand ils sont tout petits.
14:10 La nuit en hiver, il se réveillait jusqu'à 6 ou 7 fois pour me dire d'aller voir.
14:14 Il pensait tout le temps qu'il n'entendait plus respirer.
14:16 Il fallait laisser toutes les portes ouvertes à la maison parce qu'il faisait des tas de
14:19 courants d'air et il croyait qu'on n'entendait plus respirer.
14:22 Claude certainement s'était étouffé dans son oreiller ou je ne sais pas quoi.
14:25 Il fallait aller regarder mais l'enfant était toujours là, en bon état.
14:29 - C'était en 1965, Françoise Gillot parlait de ce père inquiet qui était Pablo Picasso.
14:38 Mon invité s'appelle Paloma.
14:41 Mon invitée rencontre Yves Saint Laurent quand elle n'a que 20 ans.
14:46 C'est un déclic, c'est un tournant dans sa vie.
14:49 - Oui, parce que je suis allée à un dîner avec une robe que je venais d'acheter à Londres.
14:55 Une robe qui aurait pu appartenir à Gloria Swanson.
14:59 Très, très exagérée, très années 40.
15:01 - Très exagérée.
15:02 - Et puis moi j'ai des grandes épaules donc je trouvais que ça allait tout à fait bien.
15:06 Mon rouge à lèvres.
15:07 Et j'avais découvert qu'une amie de ma mère avait des très jolis turbans.
15:12 Je m'avais convaincue de m'offrir un de ces turbans.
15:15 Et donc je suis sortie avec cette robe années 40 et un turban qui faisait aussi très années 40.
15:19 Avec même des plumes par-dessus.
15:21 Et quand Yves m'a vue habillée comme ça, il est rentré chez lui.
15:26 Il paraît qu'il a fait plein de dessins et de portraits de moi.
15:29 Ce qui a mené à la collection.
15:33 - Une collection de 71.
15:35 - Oui, qui a fait couler beaucoup d'encre.
15:37 - Oh, couler beaucoup d'encre !
15:39 Donc vous êtes la muse de cette collection.
15:42 Pourquoi elle fait couler beaucoup d'encre ?
15:45 - Parce qu'évidemment elle se réfère aux années de la guerre.
15:48 Et que ça a toute une connotation très négative.
15:52 Bien que lui a reparlé de ces années-là pour des questions esthétiques et évidemment pas du tout politiques.
16:01 - Vous allez entrer dans ce milieu fou à la fois de la nuit.
16:05 Je rappelle que vous vous êtes mariée au Palace.
16:07 Ce qui nous fait tous rêver Paloma Picasso.
16:10 Vous vous êtes mariée au Palace.
16:12 Vous rentrez dans ce milieu fou de la nuit.
16:14 Dans ce milieu fou qu'a été Paris dans les années 70 et au début des années 80.
16:19 Vous allez devenir une grande créatrice de bijoux.
16:22 Vous allez travailler avec la maison Tiffany à New York.
16:26 Vous allez ensuite créer vos cosmétiques, vos accessoires, votre parfum.
16:30 Vous allez faire le tour du monde des centaines et des centaines de fois.
16:35 Au fond, vous vous êtes construite bien avant d'hériter.
16:40 Au sens légal du terme.
16:42 Vous vous appelez Picasso mais vous vous êtes construite sans savoir que vous alliez hériter.
16:46 - Oui, en réalité ça peut paraître bête.
16:50 Mais en fait je remerciais le ciel de ne pas savoir si j'allais hériter.
16:53 Parce que cela m'obligeait à imaginer quelle serait ma vie par moi-même.
16:58 Et donc il faut dire qu'ayant une mère comme Françoise,
17:02 c'était aussi facile de se rendre compte que c'était important d'exister par soi-même.
17:06 Ce n'est pas parce qu'on est une femme qu'on doit dépendre d'un homme.
17:09 Et quel qu'il soit.
17:11 - Bien sûr, quel qu'il soit.
17:13 - Et que donc il faut arriver à trouver sa propre cohérence et sa propre créativité.
17:19 - C'est ça.
17:20 Et puis par ailleurs, cet héritage.
17:23 Vous avez des neveux, des nièces.
17:25 Vous avez des histoires différentes dans la famille Picasso, composée et recomposée.
17:29 Mais vous avez une nièce Marina, par exemple, qui est la fille de Paolo Picasso, qui est morte jeune.
17:35 Une femme qui a beaucoup souffert de cette histoire familiale.
17:39 Et qui, elle, a dit "mais moi cet héritage, j'ai besoin de m'en défaire".
17:42 Parce qu'il est lourd et parce qu'il n'y a pas d'amour derrière.
17:46 - Alors moi je dirais, oui qu'il est lourd, mais qu'il y avait beaucoup d'amour derrière.
17:50 Parce que j'ai vécu des choses différentes d'elle, évidemment.
17:53 Parce que vous, vous avez des souvenirs d'amour de votre père.
17:56 - Ah bah oui.
17:57 Oui, heureusement.
17:59 Pour moi, oui, c'était une relation absolument magique et merveilleuse.
18:05 - Oui, dans la petite enfance.
18:07 - Dans la petite enfance et puis même un peu plus.
18:09 Et puis ensuite, évidemment, j'ai été évincé ainsi que Claude de sa vie.
18:14 Mais ça n'a pas réussi à couper les liens que j'avais avec lui, qui était si profond.
18:21 - Vous vous souvenez de lui fumant ?
18:23 En fait, ça fait des jours et des jours que je regarde des images de Françoise Gillot, de Picasso,
18:29 donc de votre enfance.
18:30 Il n'y a pas une seule image sans que Picasso ait sa cigarette à la main.
18:34 - Alors c'est vrai.
18:35 D'ailleurs, il avait essayé de convaincre ma mère d'arrêter de fumer pour pouvoir fumer plus de cigarettes lui.
18:40 - Fumer ses cigarettes à elle.
18:43 - Voilà, par exemple.
18:44 Sinon, enfin, une des raisons pour lesquelles j'adorais le fait qu'il fumait,
18:48 c'est qu'à cette époque-là, il fumait des gitanes.
18:51 Et donc, avec les paquets de gitanes, une fois qu'ils étaient finis,
18:54 il en finissait plusieurs par jour, il me faisait des petits personnages
18:58 où il me donnait moi-même à colorier ou qu'il coloriait pour moi.
19:02 - Avec les paquets de gitanes ?
19:04 Parce qu'en fait, c'est ça votre souvenir Paloma Picasso.
19:07 C'est d'avoir vu Picasso peindre, fabriquer des bijoux, sculpter, modeler,
19:14 tous les jours, toutes les heures, toutes les nuits, sans cesse,
19:18 avec tout ce qui lui tombait sur la main et partout.
19:21 - Tout à fait. Oui, je ne peux pas l'imaginer autrement qu'en train de créer quelque chose avec ses mains.
19:30 - Et c'était par exemple... Vous étiez admise dans l'atelier ?
19:35 - Alors moi, comme j'étais une petite fille très silencieuse,
19:39 j'avais le droit de rester à côté de lui et je pouvais passer des heures à côté de lui.
19:44 Il savait que j'étais capable de passer 3-4 heures sans ouvrir la bouche,
19:47 et donc il me donnait du papier et des crayons et j'avais le droit de dessiner à côté de lui.
19:52 - Merci Paloma Picasso. Vous êtes rare et vous n'êtes pas souvent à Paris.
19:57 Merci d'être venue par le studio de France Inter.
20:00 Je rappelle que demain, 8 avril, ce sera les 50 ans de la mort de votre père, de la mort de Pablo Picasso.
20:07 Bonne journée. - Je vous remercie.
20:09 - Merci à toutes les deux. Merci Sonia De Vilaire.