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L’Académicien publie « Augustin Rouart, entre père et fils » (Gallimard), hommage à son peintre de père, descendant d'une illustre dynastie picturale et qui, lui, choisit l'ombre pour seul écrin de ses toiles. Jean-Marie Rouart est l'invité de 9H10.

Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
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Transcription
00:00 9h09, Sonia De Villers, quand votre invité était enfant, il jouait aux fléchettes avec
00:05 des tableaux de maître.
00:07 Et des tableaux impressionnistes de préférence.
00:09 Bonjour Jean-Marie Rouart.
00:11 Bonjour.
00:12 Il faut, comment dire, replanter le décor de cette enfance exceptionnelle, la vôtre
00:17 et celle de votre père.
00:19 Une enfance au milieu des toiles et probablement des plus belles toiles de la peinture française.
00:25 Oui, j'ai eu ce privilège de vivre dans une famille de peintres liés à l'impressionnisme,
00:34 parmi lesquels il y avait bien entendu ma grand-tante qui était Julie Manet, qui était
00:40 la fille de Berthe Morisot et la nièce de Manet.
00:42 Et qui avait été élevée par Renoir, par Degas.
00:47 Voilà, donc des Degas, des Renoir, des Maurice Denis, ça c'est votre enfance et c'est l'enfance
00:53 de votre père.
00:54 Oui, on était vraiment dans une famille.
00:57 Mes deux arrières-grands-pères étaient peintres, Henri Rouart et Henri Lerolle.
01:00 Et leurs enfants s'étaient mariés ensemble.
01:04 Donc ça cumulait les alliances avec la musique, mais pas seulement avec la peinture, mais
01:11 aussi avec la musique puisque l'oncle de ma grand-mère, c'était Ernest Chausson.
01:16 Donc tout ça, la musique et la peinture étaient mêlées.
01:20 Il y avait une vraie passion de l'art, c'est-à-dire qu'en permanence, les conversations étaient
01:27 autour des grands peintres, des grands musiciens.
01:29 Et même les objets qui étaient autour de nous, ils étaient faits par une maison qui
01:34 était céramiste, dans des plats qui étaient décorés par un oncle.
01:39 C'est-à-dire qu'il y avait une imprégnation de l'art qui est assez rare.
01:44 Donc votre père hérite, dont il est entièrement pétri.
01:50 Et vous le dites dans ce très joli petit livre que vous publiez, qui est un livre de
01:55 textes et d'images, qui est un livre troussé, qui accompagne une exposition en ce moment
02:01 à Paris, à la mairie du 8e arrondissement, où on montre des œuvres de votre père.
02:04 Un peintre qui a longtemps été peu et mal connu.
02:09 Disons qu'il n'a pas été reconnu.
02:11 Votre père hérite, il est pétri de cette tradition familiale.
02:14 Mais vous le dites, dans des lignes qui sont parfois cruelles, il n'avait que ça pour lui.
02:18 Oui, alors mon père s'appelait Augustin, Augustin Roy.
02:22 Et il avait un grand défaut, c'est que c'était un homme qui était un peu mal dans sa peau,
02:29 comme beaucoup d'artistes d'ailleurs, d'une exigence folle, d'une quête d'absolu,
02:36 et d'un caractère un peu ombrageux, et qui n'avait pas du tout le sens.
02:39 C'est un homme qui ne savait pas du tout se vendre.
02:41 Vraiment, c'était un homme qui était complètement marginal de ce point de vue-là.
02:45 Et en plus, il était dans une époque où il n'était pas du tout favorable, parce
02:50 que lui, c'était un homme vraiment imprégné par le classicisme, qui aimait même traverser
02:55 l'impressionnisme, parce que lui, ce qui lui plaisait, c'était les primitifs italiens,
03:00 ou bien Durer ou Holbein.
03:01 Donc c'était un homme qui était de ce point de vue-là un peu décalé par rapport à
03:06 son époque, et surtout par rapport à l'abstrait.
03:08 On était dans la pleine période de l'abstrait, donc il a été marginalisé.
03:11 Et je dois dire, c'est surtout son caractère, il n'a rien fait pour se faire connaître.
03:16 C'était un peu le contraire de moi.
03:18 C'est pour ça que je me suis engagé un peu dans la société.
03:22 Vous êtes devenu un écrivain célèbre, vous êtes devenu un grand mondain, vous êtes
03:26 devenu un journaliste, vous avez dirigé le Figaro littéraire, vous êtes entré à
03:29 l'académie.
03:30 C'est-à-dire, oui, vous avez pris le contre-pied, toute votre vie.
03:33 Vous savez, un grand mondain, c'est très relatif.
03:36 Je veux vous dire, un écrivain, c'est un homme qui vit dans la solitude.
03:40 Il passe beaucoup plus de temps devant sa feuille de papier que dans les salons.
03:47 Saskia de Ville : Oui, enfin, un écrivain qui a passé toute sa vie tout seul devant
03:51 une feuille de papier, il n'entre pas à l'académie, Jean-Marie Rouart.
03:54 Quand même !
03:55 Vous avez raison, je reconnais.
04:17 * Extrait de Jean-Marie Rouart *
04:22 Jean-Marie Rouart, vous publiez aux éditions Gallimard, Augustin Rouart, entre père et
04:28 fils.
04:29 Vous avez été un modèle, dès la toute petite enfance, pour votre père.
04:34 Il vous a peint.
04:35 Vous racontez ces séances de torture où il y avait énormément de tendresse entre
04:41 votre père et vous.
04:42 Il allait jusqu'à vous réveiller la nuit pour peindre votre visage d'enfant.
04:46 Et je me suis dit, en lisant ces lignes, que le mot modèle était très polysémique.
04:52 Un enfant modèle, c'est à la fois un enfant qui pose pour son père et puis c'est l'enfant
04:57 idéal ?
04:58 Oui, mais je dois dire que j'étais bizarrement, je ne sais pas si j'étais déjà un peu
05:02 cabotin, mais par rapport à mon frère ou à ma sœur, je ne détestais pas poser.
05:09 Et pendant que je posais, je rêvais.
05:12 Je rêvais, d'ailleurs une grande partie de ma vie consistait à rêver ma vie.
05:17 Et donc pendant ces moments de pose, je pensais à autre chose.
05:22 Quand j'étais conscient, parce que la plupart du temps, en effet, mon premier souvenir de
05:27 la vie, c'est un réveil en sursaut.
05:30 Je devais avoir un an ou deux.
05:32 J'étais vraiment au berceau.
05:36 Et c'était une lampe braquée contre moi, devant moi.
05:40 Et c'était mon père qui faisait mon portrait.
05:42 Il a d'ailleurs fait, à cette époque, parce que c'est formidable pour un peintre d'avoir
05:48 un enfant immobile.
05:49 En général, les enfants bouffent tout le temps.
05:51 Et là, un enfant immobile, il profitait de la nuit pour me peindre.
05:56 Et donc ce qui fait que ça fait un réveil.
05:57 Est-ce qu'il y avait quelque chose de chrétien dans cette fascination pour le visage de l'enfant
06:02 et pour l'enfance en général ?
06:04 Alors, il faut distinguer, parce que je crois qu'il était chrétien, très pratiquant.
06:11 Mais en même temps, c'était surtout spirituel.
06:14 C'était spirituel, mais la véritable passion recoupée, c'est par l'art.
06:18 Et comme, évidemment, l'art a souvent été d'inspiration chrétienne, les choses se
06:24 mêlaient.
06:25 Mais disons, et c'est vrai qu'il m'a peint en enfant Jésus, par exemple.
06:30 Donc vous voyez toutes les conséquences psychologiques que ça peut avoir.
06:33 *Rires*
06:35 En effet.
06:38 Voilà cet homme qui a été extrêmement tendre avec vous toute votre enfance.
06:43 Et puis vous arrivez à l'adolescence et au fond, ses échecs, son indolence, son inadaptation
06:52 à la vie vous agacent, vous oppressent, vous asphyxient, dites-vous.
06:57 C'est vrai.
06:58 C'était l'ensemble familial, si vous voulez, de peintres qui faisait que les conversations
07:04 étaient uniquement tournées vers la peinture, qu'on réquisitionnait les pommes, les poires
07:12 et les bananes pour faire des natures mortes.
07:15 Et donc tout ça, c'était un peu de fiction.
07:17 Mais surtout, ce qui était un peu difficile, c'était le manque d'argent.
07:22 Parce que mon père ne gagnait pas d'argent.
07:24 Il était dans une famille très riche et nous étions les seuls pauvres de cette famille.
07:28 Et pauvres au sens bourgeois du terme.
07:31 C'est-à-dire déclassés.
07:33 Ce n'est pas la pauvreté des gens populaires.
07:37 On avait beaucoup de maisons de la bourgeoisie qui fuyaient partout avec les toitures.
07:43 Donc ça créait une sorte de climat de déclassement que j'ai très mal vécu, je reconnais.
07:50 Parce que ce que je n'aimais pas, c'était cette forme d'humiliation qu'entraîne le
07:56 manque d'argent.
07:57 Pour ces bourgeois déclassés.
07:59 - Quant à votre père, il portait toujours beau.
08:02 Vous n'avez de souvenirs de lui que formidablement bien habillé avec un panache incroyable.
08:07 Et puis vous avez compris plus tard qu'il troquait de très beaux costumes contre des
08:14 œuvres d'art auprès d'un tailleur amateur éclairé.
08:17 - Un jour, le fils du tailleur m'a appelé en me disant "Vous savez, nous avons beaucoup
08:22 de tableaux de votre père, mais nous allons changer l'étendue du salon.
08:26 Elles ne vont plus avec les couleurs de votre père, nous allons nous en séparer".
08:32 Et finalement je les ai rachetés pour une bouchée de pain à ce moment-là.
08:35 - Il est 9h18.
08:36 Vous écoutez France Inter, Jean-Marie Rouart et mon invité, on va plonger avec vous dans
08:42 des souvenirs anciens qui sont par exemple des souvenirs de la guerre.
08:46 * Extrait de France Inter *
08:48 * Extrait de France Inter *
08:50 * Extrait de France Inter *
08:52 * Extrait de France Inter *
08:54 * Extrait de France Inter *
08:57 * Extrait de France Inter *
08:59 * Extrait de France Inter *
09:01 * Extrait de France Inter *
09:04 * Extrait de France Inter *
09:06 * Extrait de France Inter *
09:08 * Extrait de France Inter *
09:10 * Extrait de France Inter *
09:12 * Extrait de France Inter *
09:14 * Extrait de France Inter *
09:16 * Extrait de France Inter *
09:18 * Extrait de France Inter *
09:21 * Extrait de France Inter *
09:23 * Extrait de France Inter *
09:25 * Extrait de France Inter *
09:27 * Extrait de France Inter *
09:29 * Extrait de France Inter *
09:32 * Extrait de France Inter *
09:34 * Extrait de France Inter *
09:37 * Extrait de France Inter *
09:39 * Extrait de France Inter *
09:46 * Extrait de France Inter *
09:58 * Extrait de France Inter *
10:00 * Extrait de France Inter *
10:10 * Extrait de France Inter *
10:20 * Extrait de France Inter *
10:22 * Extrait de France Inter *
10:32 * Extrait de France Inter *
10:42 * Extrait de France Inter *
10:44 * Extrait de France Inter *
10:54 * Extrait de France Inter *
11:04 * Extrait de France Inter *
11:06 * Extrait de France Inter *
11:16 * Extrait de France Inter *
11:26 * Extrait de France Inter *
11:28 Quelle est rare et quelle est belle cette chanson !
11:40 Charles Trenet, vous oubliez votre cheval !
11:42 Les souvenirs d'enfance de Jean-Marie Rouart,
11:52 romancier, académicien,
11:54 parce qu'il a fallu rêver sa vie,
11:56 comme il le dit, et que ça l'a amené vers l'écriture,
11:58 et que ça l'a amené aussi à se chercher
12:00 des paires de substitutions dans la littérature,
12:02 il nous le racontera,
12:04 les souvenirs d'enfance de Jean-Marie Rouart
12:06 remontent à la guerre.
12:08 On oublie souvent que Paris
12:10 a été bombardée.
12:12 * Extrait de France Inter *
12:14 * Extrait de France Inter *
12:16 Vos parents étaient,
12:34 dites-vous Jean-Marie Rouart,
12:36 brinqueballés par les événements.
12:38 Donc, votre enfance,
12:40 c'est une forme,
12:42 elle est très topographique,
12:44 il y a le boulevard du Montparnasse,
12:46 avec ses souvenirs, vous avez encore
12:48 des souvenirs de ce climat,
12:50 de peur, de terreur ?
12:52 - Bien sûr, au moment où il y avait une alerte,
12:54 on était,
12:56 il fallait descendre soit à la cave,
12:58 soit à la station de métro,
13:00 et il y avait vraiment, on sentait une pression
13:02 psychologique terrible,
13:04 jusqu'au moment où
13:06 l'alerte était terminée,
13:08 et à ce moment-là, il y a une sorte de délivrance,
13:10 on se disait "Ah, ben là, on a échappé
13:12 au bombardement", et vraiment,
13:14 je m'en souviens très très bien.
13:16 Et à d'autres moments, alors là, c'est plus à la campagne,
13:18 il y a eu une alerte,
13:20 et je me souviens,
13:22 j'étais dans mon berceau,
13:24 et on m'avait oublié, mes parents m'avaient oublié,
13:26 et à ce moment-là, il y a eu
13:28 des avions qui ont mitraillé
13:30 le chemin, ils sont venus,
13:32 maintenant, ils sont venus me chercher,
13:34 et je me souviendrai toujours de cette
13:36 femme qui me serrait contre elle,
13:38 vous voyez, j'avais à voir deux ans,
13:40 c'était extraordinaire,
13:42 comme les souvenirs, justement, de ces moments
13:44 d'angoisse, vous traversent
13:46 et sont permanents.
13:48 Et je garde encore ces émotions,
13:50 si vous voulez,
13:52 devant la menace de la guerre.
13:54 - Vos parents avaient
13:56 une jolie bicoque
13:58 à Noirmoutier, qui a été détruite
14:00 par les Allemands, qui a été acquise
14:02 de manière quand même très romanesque,
14:04 parce que c'est quoi ? Un grand-père
14:06 qui avait vendu un Renoir,
14:08 c'est ça, pour pouvoir partir en Italie ?
14:10 - Voilà, il y a eu des héritages,
14:12 comme dans la bourgeoisie,
14:14 c'était toujours des héritages, bien entendu,
14:16 de tableau.
14:18 - On vous confie à des voisins,
14:20 à des pêcheurs à Noirmoutier, c'est un très
14:22 beau souvenir pour vous,
14:24 et votre père, donc, vous écrit,
14:26 et vous publiez
14:28 les lettres qu'il vous écrit, et il
14:30 invente un alter ego,
14:32 qui est un petit ours,
14:34 et les lettres que vous envoie votre père,
14:36 pleines de tendresse, sont les aventures
14:38 de ce petit ours.
14:40 C'est très joli, elles sont très jolies.
14:42 - Mais l'origine de ce petit ours,
14:44 c'est un ours en peluche,
14:46 que j'avais à l'âge de deux ans et demi,
14:48 trois ans, et qui a été
14:50 confectionné par ma mère,
14:52 avec les moyens du bord, c'était vraiment...
14:54 - Oui, c'était pendant la guerre. - Et cet ours,
14:56 justement, dans un train à la Libération,
14:58 je le perds, et nous arrivons
15:00 dans une autre de nos maisons,
15:02 dans les Pyrénées, et là, qu'est-ce que
15:04 j'apprends ? Qu'un petit ourson
15:06 a échappé, est arrivé
15:08 dans un village, et qu'il a été capturé
15:10 par la fermière, et qu'on l'a vendu dans un cirque.
15:12 Et cette histoire qui amuse
15:14 tout le monde, moi, me dévaste,
15:16 parce que subitement, je me prends pour cet ours.
15:18 Et c'est pour ça que mon père,
15:20 ensuite, ce qui aurait dû me rendre
15:22 complètement schizophrène,
15:24 m'appelait l'ours Jean-Marie.
15:26 Voilà, et c'est ce qui, dans ses lettres,
15:28 il m'invente une vie
15:30 au milieu des pêcheurs, puisqu'il m'avait
15:32 confié à ses pêcheurs de l'île de
15:34 Normandie pendant 4 ans, donc séparé
15:36 de mes parents, et donc
15:38 je suis complètement, je vois ma vie défiler
15:40 à travers ses lettres,
15:42 sous les traits d'un ours.
15:44 - Mais votre père, qui déborde
15:46 d'imagination, vivra une
15:48 grande dépression, vous ne dites pas le mot, mais
15:50 probablement que c'est ça. Il vit au début des
15:52 années 50, il ne peut plus peindre, ça va durer
15:54 3, 4, 5 ans,
15:56 et c'est probablement ça. Il est probablement,
15:58 il traverse une grande phase dépressive,
16:00 et au fond, il va s'essayer
16:02 à la bande dessinée, au début des
16:04 années 50. - Oui, parce que c'est le début,
16:06 vous savez, de Tintin, de Spirou,
16:08 et comme il ne sait pas comment
16:10 vivre, trouver un travail,
16:12 eh bien, il va essayer de faire une bande dessinée.
16:14 Et comme il est abonné à l'échec,
16:16 parce que c'est un homme qui est très doué
16:18 pour l'échec, eh bien bien sûr, ça ne va pas
16:20 marcher, et puis heureusement, il va se remettre
16:22 à peindre. - Un homme abonné
16:24 à l'échec. Voilà, allons à la
16:26 fin de l'histoire, Jean-Marie Rouart,
16:28 parce que les histoires ont une fin, et celle-ci
16:30 finit bien.
16:32 Votre père va mourir
16:34 deux jours avant
16:36 votre entrée à l'académie.
16:38 C'est à la fois magnifique et en même temps cruel,
16:40 c'est-à-dire que vous arrivez à l'académie
16:42 en deuil. Mais vous
16:44 racontez quelque chose d'incroyable, c'est-à-dire que
16:46 au fond, c'est votre notoriété,
16:48 c'est
16:50 votre célébrité, qui fait que
16:52 votre père va enfin accéder
16:54 à la reconnaissance et à la gloire
16:56 qu'il méritait, d'une certaine manière.
16:58 - Non, je crois que c'est son...
17:00 Si j'ai pu avoir une petite influence,
17:02 c'est simplement
17:04 en le poussant à exposer,
17:06 en organisant des expositions pour lui,
17:08 parce qu'il ne pouvait pas être apprécié
17:10 et admiré, puisqu'on ne le connaissait pas.
17:12 Mais dès que les gens... Il y a eu
17:14 des expositions qui lui ont été
17:16 consacrées, alors là, il y a eu un engouement,
17:18 donc je crois que
17:20 c'est à son propre mérite,
17:22 c'est vraiment à son talent qu'il doit
17:24 son succès. Et moi, j'ai simplement
17:26 été là, disons, pour
17:28 faciliter les choses. - Pour faciliter les choses,
17:30 mais vous dites, le tout-pari se rend
17:32 à l'exposition, ce tout-pari-là,
17:34 c'est le vôtre, Jean-Marie Rouart.
17:36 Et vous dites, au fond, ce jour-là,
17:38 "Je suis devenu un adulte à part entière".
17:40 - Non, je crois que, justement...
17:42 - Alors ? - Je dis, si jamais
17:44 j'avais dû devenir
17:46 un adulte, ce qui, heureusement,
17:48 n'est pas le cas,
17:50 c'est génial ! Vous n'avez pas un adulte
17:52 devant vous. Quelqu'un qui écrit,
17:54 c'est qu'il n'est pas vraiment adulte.
17:56 Et c'est peut-être ce qui m'a
17:58 rapproché de Jean-Laure Meusson,
18:00 c'est que nous étions, tous les deux,
18:02 deux adolescents, un peu attardés,
18:04 certes, mais des adolescents.
18:06 Et je crois que, moi, ce que j'aime
18:08 dans la vie, et ce que j'aime chez les êtres,
18:10 c'est leur part d'adolescence,
18:12 et ce qui reste des adolescents.
18:14 - Avec l'idée, quand même, que
18:16 quand vous étiez très jeune, vous aviez
18:18 l'impression d'être le père de votre père.
18:20 - Oui, parce que... - Il n'était pas
18:22 vraiment un père entier, et que...
18:24 - Non. - Et à part entière, et que, à la fin
18:26 de sa vie,
18:28 d'une certaine manière, vous l'aidez
18:30 à s'auto-engendrer, vous l'engendrez
18:32 d'une certaine manière, il y a quelque chose là, quand même,
18:34 qui se passe. - C'est très mystérieux,
18:36 en effet, et c'est, en effet,
18:38 dans l'ordre de la parenté, un peu bizarre.
18:40 Mais très tôt, je me suis rendu compte qu'il était
18:42 vraiment inapte
18:44 à la vie réelle.
18:46 Et donc, ce qui m'a légué,
18:48 c'est à la fois le goût,
18:50 la passion de l'art,
18:52 c'est vrai, sous toutes ses formes, mais en même temps,
18:54 il m'a légué cette espèce
18:56 de... Je me suis pris
18:58 en main, et je me suis dit, il faut
19:00 jouer le jeu de la société.
19:02 Nous sommes dans une société, il faut jouer le jeu,
19:04 tout en essayant de garder son intégrité
19:06 et son idéal, mais
19:08 en même temps, il faut jouer le jeu
19:10 et ce qu'avait pas fait mon père,
19:12 et ce dont j'avais souffert, je reconnais.
19:14 - Jean-Marie Rouard,
19:16 vous publiez "Augustin Rouard entre père et fils",
19:18 ça c'est chez Gallimard,
19:20 et pour ceux qui passent par Paris, à la mairie du
19:22 8e arrondissement, vous irez voir
19:24 "Les portraits d'enfance" et jusqu'au 30 mai.
19:26 Merci d'être venu sur France Inter. - Merci.
19:28 - Et merci à vous Sonia De Villers.

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