Dans Les sans jours à paraître jeudi 13 avril, Ludovic Vigogne, journaliste au service politique, analyse les débuts ratés du second mandat d'Emmanuel Macron.
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00:00 si aujourd'hui Emmanuel Macron est dans une passe si difficile,
00:03 c'est parce que ses premières semaines ont été ratées.
00:06 C'est une période durant laquelle on n'a pas vraiment compris
00:17 les choix qu'avait pu faire Emmanuel Macron.
00:19 C'est une période durant laquelle Emmanuel Macron
00:26 a désarçonné beaucoup de ses proches par ses choix,
00:28 par son comportement, par ses attitudes.
00:30 C'est aussi une période qui a eu des conséquences
00:32 très importantes pour la suite du quinquennat,
00:34 puisque Emmanuel Macron n'a pas eu la majorité absolue.
00:37 Alors certes, ce n'est pas le premier président
00:38 à ne pas avoir la majorité absolue.
00:40 En 1988, François Mitterrand, réélu, ne l'avait pas,
00:43 mais il lui manquait une douzaine de sièges,
00:46 alors que là, il manque à la majorité d'Emmanuel Macron
00:48 une quarantaine de sièges, c'est une autre paire de manches.
00:50 Et puis enfin, je trouvais intéressant de se penser
00:52 sur cette période pour des raisons institutionnelles.
00:55 Emmanuel Macron est le premier président réélu
00:57 à subir les conséquences de l'innovation introduite
01:00 par Nicolas Sarkozy dans la Constitution
01:02 lors de la révision de 2008, à savoir qu'un président
01:06 ne peut plus désormais faire plus de deux mandats successifs.
01:09 Emmanuel Macron est le premier président à subir cette règle
01:12 et ça a forcément des conséquences,
01:14 qu'elles soient sur la pratique du pouvoir,
01:16 sur son autorité, sur même aussi sa psychologie.
01:19 Si aujourd'hui, Emmanuel Macron est dans une passe si difficile,
01:22 s'il est englué dans une telle situation,
01:24 c'est parce que ses premières semaines ont été ratées,
01:27 c'est parce qu'il a eu un passage à vide,
01:29 c'est parce qu'il n'a pas pris les bonnes décisions.
01:31 En 2017, il y avait eu un vrai enthousiasme.
01:41 C'était un président jeune, on avait l'impression
01:43 que la France ouvrait vraiment une nouvelle page.
01:45 Certains projetaient un nouveau Michel Rocard,
01:48 d'autres un Alain Juppé jeune.
01:49 Il y avait une vraie effervescence.
01:52 Et en plus, les premiers pas d'Emmanuel Macron
01:54 avaient concrétisé cette impression-là.
01:56 Il avait plutôt réussi ses premières semaines au pouvoir.
01:59 En 2022, ce n'est pas du tout la même histoire.
02:01 D'abord, la campagne d'un président candidat
02:04 pour un nouveau mandat est toujours un peu plus poussive.
02:07 Il y a toujours moins d'élan, moins d'Alan.
02:09 Et Emmanuel Macron n'échappe pas à la règle.
02:11 Ensuite, il s'est livré à peu d'exercices
02:14 durant la campagne présidentielle.
02:15 On a eu l'impression qu'il n'avait pas très envie de jouer le jeu.
02:18 Par ailleurs, il y a eu peu de campagnes.
02:20 Celle-ci a été vampirisée par la guerre en Ukraine.
02:23 Il y avait peu de débats, peu de propositions.
02:25 On fait vraiment l'objet de vives polémiques.
02:28 Ce qui fait qu'Emmanuel Macron lui-même
02:29 a présenté un projet à Minma.
02:31 Tout cela se ressent au soir de sa réélection, le 24 avril.
02:34 Il y a vraiment peu d'enthousiasme.
02:36 Lors de la soirée qui est organisée au champ de marche
02:39 pour célébrer sa victoire, on ressent vraiment peu de ferveur.
02:42 Lui-même délivre un discours assez plat.
02:44 Il a d'ailleurs donné pour consigne à son entourage ce soir-là
02:47 d'avoir la victoire extrêmement modeste.
02:49 Et tout ça aura des conséquences dès le lendemain de sa réélection.
02:52 Il n'y aura pas d'élan, il n'y aura pas de souffle,
02:54 il n'y aura pas d'état de grâce.
02:55 Et tout ça handicapera les premières semaines
02:58 du second mandat d'Emmanuel Macron.
02:59 Emmanuel Macron était très content
03:06 de sa relation de travail avec Jean Castex.
03:08 Jean Castex était sa trouvaille.
03:09 Il aimait bien la façon dont ça se passait avec lui.
03:12 Jean Castex était extrêmement respectueux du président,
03:16 de ses choix.
03:17 Il le contestait peu, il ne lui faisait pas d'ombre,
03:20 contrairement à Édouard Philippe à la fin de son bail à Matignon.
03:23 Ayant peu anticipé le choix d'un nouveau Premier ministre,
03:26 au lendemain de sa réélection,
03:27 il se demande s'il ne serait pas plus simple
03:29 de continuer encore quelques mois, quelques semaines avec Jean Castex.
03:32 Il se dit que ça lui laissera le temps de chercher un nouveau Premier ministre,
03:36 que ça peut durer comme ça jusqu'aux élections législatives au minimum.
03:40 Il s'en ouvre à Jean Castex quelques jours après sa réélection.
03:43 Celui-ci refuse immédiatement.
03:44 Il s'était mis dans l'état d'esprit de quitter la rue de Varennes.
03:47 Il avait envie de passer à autre chose, il était un peu fatigué.
03:50 Il estimait aussi que le président, comme il était réélu,
03:53 avait peu de cartes dans son jeu pour marquer un changement.
03:57 Et que l'une des seules cartes qu'il avait,
03:59 c'était de changer le locataire de Matignon.
04:02 Il estimait aussi que quand vous êtes Premier ministre,
04:04 lors d'une campagne législative,
04:06 c'est vous qui menez la majorité au combat.
04:09 Que si la Macronie avait emporté ces élections législatives,
04:12 la majorité aurait été la sienne.
04:14 Et que donc il n'y avait aucune raison qu'il ne soit pas reconduit
04:17 en juillet à l'issue des élections législatives.
04:19 Or, Jean Castex n'avait plus du tout envie de rester.
04:21 Quand Édouard Philippe était à Matignon,
04:29 les derniers mois entre le chef de l'État et lui se sont assez mal passés.
04:32 Emmanuel Macron ne supportait plus du tout le maire du Havre.
04:35 Il trouvait que celui-ci lui faisait un peu trop d'ombre.
04:39 Il était un peu jaloux du fait qu'on lui trace des lauriers
04:42 dans la gestion de la crise du Covid,
04:44 alors qu'il avait le sentiment que c'était lui
04:46 qui se coltinait tout le sale boulot.
04:48 Par la suite, ça ne s'est pas du tout arrangé.
04:49 Au contraire, l'année qui précède l'élection présidentielle, en 2021,
04:53 Emmanuel Macron a le sentiment qu'Édouard Philippe
04:56 aimerait bien en fait être le candidat à sa place.
04:59 Il n'aime pas du tout l'expression qu'emploie alors
05:01 Édouard Philippe, loyal mais libre.
05:04 Il a le sentiment qu'il a fait Édouard Philippe,
05:06 que c'est parce qu'il a choisi pour être le premier ministre
05:09 que celui-ci a émergé.
05:11 Il trouve tout à fait ingrat l'attitude qu'a alors Édouard Philippe.
05:14 Et à ce moment-là, donc, il décide de déclencher la guerre
05:18 et d'empêcher l'éclosion du mouvement politique
05:20 que porte sur les fonds baptismaux alors Édouard Philippe.
05:23 Horizon, il déconseille à tous les élus de s'y rendre.
05:27 Il essaye, en la perspective des législatives de 2022,
05:30 de faire en sorte qu'Édouard Philippe ait le moins de candidats possibles.
05:33 Et puis, il tient vraiment à l'écart Édouard Philippe.
05:36 Il ne l'associe à rien.
05:37 Il ne l'appelle pratiquement jamais.
05:39 Il invite très peu à l'Élysée.
05:40 Il le tient vraiment à l'écart.
05:42 [Musique]
05:47 Depuis 2017, Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy s'entendent bien.
05:50 Nicolas Sarkozy a plutôt de l'estime pour Emmanuel Macron.
05:53 Il le trouve audacieux.
05:55 Il trouve qu'il a une vie assez romanesque.
05:58 Nicolas Sarkozy n'a de l'attirance que pour ce type de personnage-là.
06:02 Il reconnaît aussi qu'Emmanuel Macron a réussi l'exploit de se faire élire en 2017
06:06 alors qu'il n'était peu connu, alors que c'était sa première candidature
06:09 et qu'il était plutôt neuf dans le paysage politique.
06:11 Et il lui reconnaît l'exploit de s'être fait réélire en 2022
06:14 alors que lui n'y est pas parvenu en 2012.
06:17 Tous les deux trouvent leur intérêt dans cette bonne relation.
06:20 D'un côté, Nicolas Sarkozy se plaît d'être considéré par son successeur.
06:24 Il est vrai que celui-ci ne manque pas d'attention à son égard.
06:27 Nicolas Sarkozy apprécie le fait qu'il soit consulté,
06:31 qu'on sache qu'il a une bonne relation avec le chef de l'État.
06:34 Ça l'aide beaucoup pour ses affaires.
06:35 Quand il arrive dans un pays étranger,
06:37 le fait que l'on sache qu'il ait une très bonne relation avec le président français
06:41 peut lui ouvrir des portes.
06:42 Et puis aussi, sur le champ politique intérieur,
06:45 ça lui permet de rester dans le jeu.
06:46 Il y a beaucoup de ministres, de députés qui défilent dans son bureau,
06:50 Rumi Nourménil, pour lui demander des conseils
06:53 parce qu'ils savent qu'il a l'oreille d'Emmanuel Macron
06:55 et ils se disent que si Nicolas Sarkozy peut avoir un beau flatteur pour eux,
07:00 ça ne pourra qu'être bénéfique pour la suite de leur carrière.
07:02 Pour Emmanuel Macron aussi, cette relation est très précieuse.
07:05 Nicolas Sarkozy est l'un des rares qui connaissent le job de président
07:08 et donc pour Emmanuel Macron, c'est précieux pour lui d'échanger,
07:11 de lui demander des avis, des conseils,
07:14 surtout que Nicolas Sarkozy n'est jamais avare dans ce domaine.
07:17 Il aime dire ce qu'il ferait à la place de la personne qui est en face de lui.
07:21 Ce sont des conseils, des avis qui peuvent être extrêmement précieux
07:24 pour Emmanuel Macron, qui ne les écoute pas toujours.
07:27 [Musique]