Églantine Eméyé, animatrice et fondatrice de l’association "Un pas vers la vie" était l'invité de BFMTV ce mercredi.
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00:00 Vous continuez le combat, malgré la disparition de votre fils ?
00:04 C'est nécessaire.
00:06 C'est nécessaire de continuer ?
00:07 C'est nécessaire de continuer.
00:08 Je pense qu'il y a beaucoup de familles
00:10 qui sont dans des états difficiles,
00:13 dans des situations très compliquées.
00:14 C'est nécessaire pour moi pour donner aussi un sens à tout ça.
00:17 Ça vous permet de tenir aussi ?
00:19 Oui, je pense, oui.
00:20 Parce que vous avez communiqué sur les réseaux sociaux,
00:22 vous n'avez pas parlé publiquement à la télévision ?
00:24 Non.
00:25 Mais voilà, l'histoire de mon fils,
00:29 elle est tragique, ce n'est pas prévu.
00:32 Et je tiens à préciser que ce n'est pas parce qu'on est autiste
00:34 qu'on décède à 17 ans, ça n'a rien à voir.
00:37 Qu'est-ce qui a provoqué la mort de votre fils ?
00:39 Il a fait un trouble très particulier,
00:43 un accident vasculaire dans la moule épinière.
00:45 Ce n'est pas forcément lié à l'autisme ?
00:47 Pas du tout.
00:48 Il était lourdement handicapé et autiste, c'est ça.
00:51 Il y avait des deux choses.
00:52 Il était épileptique aussi, il avait des troubles.
00:56 Donc ça n'a rien à voir avec l'autisme, son décès.
00:59 Donc ça, je tiens à rassurer les parents.
01:01 Après, comme tous les enfants autistes sévères, non-verbaux,
01:05 qui ont beaucoup de difficultés à s'exprimer
01:08 et beaucoup de troubles sensoriels,
01:10 c'est d'énormes difficultés de communication et de compréhension.
01:14 Donc c'est vrai que parfois, au niveau des soins médicaux,
01:16 on peut arriver un peu tardivement.
01:18 Et on peut avoir des enfants et des adultes autistes
01:21 qui souffrent trop longtemps avant qu'un médecin accepte aussi
01:24 de les regarder, de les soigner, qu'on comprenne la maladie.
01:28 C'est un handicap qui est très difficile à gérer.
01:32 -Vous avez vécu 17 ans avec lui.
01:33 On a suivi en quelque sorte une partie de cette vie
01:36 que vous aviez avec votre fils, avec vos témoignages,
01:40 ce livre, ce documentaire.
01:41 Quelques messages vous pourriez faire passer aux parents
01:44 aujourd'hui forts de cette expérience
01:47 qui, malheureusement, s'est terminée en douleur ?
01:49 -C'est une question très difficile.
01:52 En tant que mère d'un enfant handicapé,
01:54 et je me sens toujours mère d'un enfant handicapé aujourd'hui,
01:57 j'avais des moments magnifiques avec mon fils.
02:01 L'espoir qu'avec tout ce qu'on mettait en place autour de lui,
02:06 les jours meilleurs allaient venir,
02:08 et je pense que c'est l'espoir qu'ont toutes les familles.
02:10 Moi, j'ai envie de leur dire, accrochez-vous,
02:13 on vous laissera jamais tomber,
02:15 on est de nombreuses associations à oeuvrer,
02:17 et on continue le combat à tout faire
02:20 pour que l'État comprenne qu'il faut créer des places aussi.
02:24 Aujourd'hui, on est allé au bout de ce qu'on pouvait dans l'inclusion.
02:28 Il y a des autistes qui auront toujours leur place dans la société.
02:31 Il faut la leur donner.
02:32 -Il y en a d'autres qu'il faut prendre en charge.
02:34 -Il y en a énormément. -C'est le cas de votre fils.
02:36 -Parfois très tôt, pour que les familles ne s'en bretellent.
02:40 -Je vais sûrement vous choquer,
02:41 une forme de délivrance, de soulagement,
02:44 par rapport à la souffrance à la fois de votre fils
02:47 et celle des parents aussi.
02:52 Est-ce qu'on peut l'accepter et se dire
02:54 qu'il n'y a plus de souffrance et qu'il y a du soulagement ?
02:56 -J'ai demandé à mon fils aîné d'accepter cette idée-là,
03:00 pour l'aider aussi.
03:01 Mon fils aîné était très angoissé,
03:03 comme tous les frères et sœurs d'enfants autistes,
03:06 à l'idée qu'un jour, il était responsable de son frère.
03:09 Je lui ai dit "autorise-toi aussi des sentiments ambivalents
03:13 et te dire qu'il y a une part en toi qui est soulagée."
03:16 Moi, en tant que maman, c'est plus difficile,
03:19 parce que c'est mon bébé,
03:21 et que je le connaissais suffisamment bien
03:24 pour savoir les moments de bonheur qu'il pouvait avoir
03:28 et que je lui donnais, que d'autres lui donnaient.
03:31 Je me suis quand même autorisée à poser la question
03:34 aux médecins en leur demandant,
03:37 mais en grandissant, en vieillissant,
03:39 est-ce que Samy allait continuer à se dégrader ?
03:42 Est-ce que les choses seraient devenues de plus en plus difficiles ?
03:47 On me l'a confirmé, que dans cet état de handicap,
03:50 physiquement, le corps s'use, le corps fatigue,
03:53 et que ce n'était pas simple.
03:55 Je pense qu'une part de moi s'accroche à cette idée
03:58 que peut-être, effectivement, il ne souffrira plus jamais.
04:01 Donc, il faut que vous vous autorisiez vous-même
04:03 aussi cette forme d'apaisement et de soulagement,
04:06 parce qu'il y a beaucoup de culpabilité chez les parents.
04:09 Quels sont les parents qui ne se sentent pas coupables
04:12 alors qu'en plus, vous avez un enfant qui ne va pas bien
04:15 et qui ne dépend que de vous ?
04:17 Parce que c'est aussi ça, être parent d'un enfant autiste,
04:20 il n'y a pas encore assez d'aide, et donc, tout dépend de vous.
04:23 Alors, forcément, les sentiments...
04:24 Pourquoi ça met du temps à se mettre en place ces aides,
04:27 malgré des cas médiatisés depuis ces années,
04:29 et le fait qu'on en parle de manière ouverte aujourd'hui ?
04:31 D'abord parce que ça coûte de l'argent,
04:34 et pourtant, le handicap est un poste où il y a beaucoup d'argent
04:38 au niveau de l'État, mais qui n'a pas toujours été...
04:41 Qui est donné à certains endroits, qu'il faudrait retirer
04:44 pour mettre de nouvelles prises en charge,
04:46 plus modernes et dont on a vu aujourd'hui que ça faisait des preuves,
04:49 mais c'est très difficile de retirer aux uns pour donner aux autres.
04:52 Voilà, je pense que c'est une des raisons principales,
04:55 et puis, l'autisme est quelque chose qu'on a tardé à comprendre.
05:00 Vous avez autant d'autisme que d'autistes,
05:02 ça rend le problème très compliqué.
05:04 Pourtant, il y a des solutions,
05:06 et on n'arrive pas, encore aujourd'hui, à les mettre en place de façon universelle.
05:09 Je me souviens, vous avez souvent raconté qu'effectivement,
05:11 il y avait la souffrance, cette viculté de la prise en charge,
05:13 mais aussi, il y avait des grands moments de bonheur avec votre fils.
05:16 Bien sûr, mais j'ai appris à le connaître.
05:19 Ça a été un long apprentissage pour qu'on communique tous les deux,
05:23 et je savais ce qu'il faisait rire, ce qu'il plaisait.
05:27 -Voilà, il avait des... -Qu'est-ce qui vous manque le plus ?
05:30 Son odeur.
05:32 -Son odeur et... -Et son contact ?
05:35 Bien sûr. Moi, je suis une maman très tactile.
05:38 Et puis, sa façon d'exprimer son bonheur.
05:40 Alors, c'est quelque chose qui est très typique chez beaucoup d'autistes non-verbaux,
05:44 que vous allez trouver bizarre.
05:46 Il y avait un geste particulier précis ?
05:48 Les autistes font ce qu'on appelle du "flapping",
05:51 mais c'est d'une telle innocence, c'est d'une telle franchise,
05:54 c'est tellement spontané,
05:55 il n'y a pas sentiment de bonheur plus vrai qu'un autiste qui vous fait...
06:01 Et c'était magnifique de le voir faire ça.
06:04 Quand il faisait ça, on savait qu'on avait tout gagné,
06:07 qu'il était tellement bien à ce moment-là.
06:09 Écoutez, merci d'être venu en parler de manière franche,
06:13 comme vous l'avez fait, ça va sûrement aider beaucoup de gens aussi qui vous ont regardé.