2023 célèbre le centenaire de la naissance de Marcel Marceau, devenu l'iconique Mime Marceau qui s'est éteint en 2007. Entre temps, mille vies dont deux filles, Camille et Aurélia qui nous racontent aujourd'hui leur papa. Elles sont les invitées de 9H10.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Il est 9h09, Sonia De Villers, vos invités sont sœurs et filles de Mime.
00:04 Voilà, deux sœurs, les filles du Mime Marceau.
00:08 J'ai le plaisir de vous présenter Camille, bonjour, et Aurélia Marceau, bonjour.
00:14 Fille de Mime et d'un résistant.
00:17 Et c'est cette jeunesse-là qu'on connaît très mal chez le Mime Marceau.
00:22 Je voudrais dire que le Mime Marceau a pris des notes, a écrit lui-même sa vie et ce
00:28 texte, ce texte raconté à la première personne.
00:31 Vous le publiez chez Actes Sud pour le centenaire de sa naissance.
00:34 Il s'appelle « Histoire de ma vie » de 1923 jusqu'en 1952 et il est signé « Marcel
00:40 Marceau de votre père ». Mais il a fallu du temps pour exhumer ce texte et exhumer
00:44 ces notes.
00:45 Tout à fait.
00:46 Oui, tout à fait.
00:48 C'est un manuscrit qu'on avait mais qu'on gardait un peu secret, enfin comme vouloir
00:55 garder quelque chose d'intime dans un personnage aussi public.
01:00 Et personnellement, il m'a fallu énormément de temps pour vraiment avoir la distance pour
01:06 le parcourir et le porter.
01:09 Voilà Aurélia, ce livre paraît chez Actes Sud et il est nimbé d'archives.
01:14 Il y a des photos absolument magnifiques, il y a des programmes de théâtre, il y a
01:19 des lettres manuscrites.
01:20 Tout à fait.
01:21 Quand notre père nous l'a confié ce manuscrit, c'était vraiment dans une fin de vie assez
01:26 tumultueuse et c'est un trésor.
01:28 Et on l'a nourri avec nos archives, celles qu'on a gardées de lui, avec des photos
01:34 absolument, des portraits de lui d'une force et d'une jeunesse avec des facettes qu'on
01:43 n'a pas l'habitude de voir de lui, vraiment sans le masque, mise à nu d'une certaine
01:47 manière avec sa fragilité et sa grande force.
01:49 Et voilà, c'est…
01:53 C'est l'histoire d'un enfant juif, Marcel Mangel, qui est né dans l'Est de la France,
02:10 qui enfant, était frêle, petit, fragile, alors que son père était une masse.
02:17 Ça, ça l'a marqué Camille ?
02:20 Oui, absolument.
02:21 Ça fait penser un peu à Kafka et le rapport à son père, sauf que Kafka n'aimait pas
02:26 son père alors que le nôtre l'adorait et il aurait voulu lui ressembler.
02:31 Il sentait bien que ce père était une montagne et lui, il se sentait fragile et on l'appelait
02:38 la petite âme verte.
02:39 Et donc, il ne se sentait pas à la hauteur de ce père.
02:43 Marcel, enfant, va voir le cirque au cinéma.
02:47 Le cirque, c'est Charlie Chaplin.
02:49 Et Charlot, ce sera un choc, mais un choc décisif.
02:54 C'est un choc décisif.
02:56 En plus, c'est son père qui l'amène au cinéma quand il a 5 ans.
02:59 Et là, il retrouve en Charlot un son semblable, quelqu'un qui peut le comprendre, quelqu'un
03:05 qui s'émerveille de tout, quelqu'un qui lutte aussi contre les injustices.
03:09 Il se retrouve entièrement dans cette figure en même temps mélancolique et en même temps
03:15 plein d'espoir.
03:16 Il écrit « Charlot était une idole supraterrestre, un demi-dieu qui me faisait rire et qui me
03:20 faisait pleurer, un personnage noir et mobile se déplaçant sur un fond blanc comme un dessin
03:25 animé qui remplissait l'écran d'arabesques féeriques ». Une vocation aînée.
03:30 Oui, c'est-à-dire que justement ce père l'emmène voir Charlot et lui permet d'être
03:36 autre chose que cette identification à la force.
03:42 Et il a peur de tout, il est tout petit, il a peur du ciel.
03:46 Et quand il voit Charlot à la fin du cirque ramasser une petite étoile par terre, c'est
03:52 ce qu'il raconte dans son récit, il se dit « mais c'est moi, en fait, c'est moi enfant
03:56 avec ma fragilité ». Et cette solitude le touche au plus profond.
04:00 La fin de l'enfance, le maréchal Pétain.
04:03 Français, depuis le 11 novembre, 70 000 de nos frères de Lorraine sont arrivés en zone
04:10 libre, ayant dû tout abandonner, leur maison, leur bien, leur village, leur église.
04:17 Il faut que l'accueil qui leur est fait soit l'accueil du cœur, que chacun s'ingénie
04:24 à leur faire retrouver là où ils seront placés, la douteur d'un foyer.
04:29 L'arrivée dans le sud-ouest pour la famille Mangel, c'est à la fois un arrachement,
04:36 c'est la fin de l'enfance, il l'écrit Marcel Marceau, il l'écrit.
04:40 Et puis c'est aussi une grande histoire, comment dire, très humaine d'accueil et
04:47 de famille qui se rencontrent, de solidarité Aurélia Marceau.
04:51 Tout à fait, quand il arrive dans le sud-ouest, c'est effectivement un bouleversement terrible.
04:54 Et en même temps il est accueilli dans une famille adorable qui lui permet de s'apaiser
05:00 un tout petit peu avant de repartir à Limoges où le père œuvre dans sa boucherie.
05:07 Et là en fait, il recrée un terreau, un terreau qui est pour lui vital, celui du
05:14 théâtre, et en même temps il devient résistant.
05:15 Donc il y a deux vies parallèles et deux vies qui se rejoignent, deux réalités différentes.
05:20 Et il arrive à survivre comme ça.
05:22 - Alors il devient résistant, Camille, toute votre famille résiste ?
05:26 - Oui.
05:27 - Vous avez un cousin qui est un grand résistant, vous avez un oncle qui est un grand résistant,
05:32 votre tante résiste ?
05:33 - Oui.
05:34 - Est-ce qu'on résiste ?
05:35 - Oui, je pense qu'on essaye, en tout cas on est porté par ses modèles.
05:41 Mais oui, bien sûr, c'est son frère en fait qui l'emmène, c'est le grand frère,
05:47 celui qui ressemble au père, Simon, qui va s'appeler le lieutenant Alain, qui l'emmène,
05:53 qui lui dit "est-ce que tu connais la résistance ?" C'est exactement ce qu'il raconte, on
05:56 va vivre dans le récit, au présent, tout ça.
05:59 Et il commence à faire des faux papiers, parce qu'il est aux arts décoratifs de Limoges,
06:04 donc il a l'art graphique.
06:06 Et puis petit à petit, ses talents d'acteur qui sont en lui vont lui permettre de guider
06:13 des enfants, de leur faire jouer la comédie, de les faire passer par des scouts qui vont
06:17 en pique-nique à Nemas, et de jouer ainsi la comédie pour passer des enfants.
06:25 - Alors, il va passer des enfants, c'est-à-dire qu'il va permettre à une trentaine d'enfants,
06:30 c'est ça, c'est organisé par son cousin, par votre grand-cousin, de faire fuir des
06:34 enfants juifs.
06:35 Mais il y a aussi tout ce travail qu'il va mener auprès des enfants, dans les hômes
06:41 d'enfants.
06:42 Il faut que vous racontiez ça.
06:43 - Toute cette partie sur la guerre, sur l'engagement, sur la campagne d'Allemagne ensuite, c'est
06:49 une partie du vie du Mim Marceau qui va devenir mondialement célèbre.
06:52 Que les Américains vont s'arracher, que les Russes vont s'arracher, que les Brésiliens
06:55 vont s'arracher.
06:56 Mais cette partie-là de l'histoire française, on la connaît si mal.
06:59 Et qui était Kangourou ?
07:01 - C'est lui.
07:02 - Ah bah voilà, Aurélia, c'est lui.
07:04 - C'était Kangourou en fait.
07:06 Les hommes avaient des noms d'animaux et les femmes des noms d'oiseaux.
07:10 Et lui se fait appeler Kangourou à la maison de Sèvres, lorsqu'il ramène deux fillettes
07:15 orphelines de Limoges, qu'il va chercher dans une pouponnière, qu'il arrive à Sèvres.
07:19 - Deux fillettes juives.
07:20 - Deux fillettes juives, Juliette et Henriette.
07:23 Et là il pense repartir, et non, il reste.
07:27 On lui propose de rester animateur dans cette maison d'enfants pour faire du théâtre et
07:31 donner à rêver à ses enfants qui sont orphelins, qui sont bouleversés par cette guerre.
07:36 Et lui, qui se sent fragile, va être brusquement dans un rôle de protecteur, alors que lui-même
07:44 est d'une certaine manière en grande détresse.
07:47 Mais c'est le théâtre qui va le sauver aussi.
07:51 - Cette détresse, c'est aussi l'arrestation, la torture et la déportation de son propre
08:00 père, dont au fond Camille, donc votre grand-père, qui va mourir à Auschwitz, dont au fond
08:06 Marcel sait peu de choses à ce moment-là.
08:08 C'est-à-dire que dans ses écrits, on voit bien qu'après la guerre, il l'attend toujours.
08:12 Il s'imagine qu'il va revenir.
08:14 - C'est ça qui est bouleversant.
08:15 C'est la lettre qu'on a mise au cœur du livre, qui est extrêmement bouleversante,
08:20 parce qu'il sait, bon, la guerre, la résistance, ils se sont cachés, il sait le danger, mais
08:26 il ne mesure pas l'horreur.
08:27 Et quand il écrit cette lettre à son frère, il est à Sèvres, il commence le théâtre,
08:33 il lui parle et il a cette représentation de son père qui, comme écouterait la radio
08:39 et entendrait la libération de Paris, une image presque naïve.
08:43 Et donc je pense que ce choc de découvrir l'horreur, c'est un écho qui n'a jamais
08:50 cessé.
08:51 - C'est ça.
08:52 Et c'est quelque chose qu'on retrouve tout au long du livre, au fond, ce grand traumatisme
08:55 de la guerre, le fait de s'être engagé dans l'armée française qui va faire la campagne
08:59 d'Allemagne, de traverser ce pays détruit, ces femmes et ces enfants abandonnés, où
09:05 il dit "mais au fond, je ne vois aucun nazi parmi eux".
09:08 C'est-à-dire qu'on sent bien que toute sa vie, il va vouloir réconcilier les peuples.
09:12 J'ai vu une photo de la tombe de votre père et j'ai été étonnée.
09:15 Il y a une étoile de David sur la tombe de votre père.
09:18 Il s'est senti juif, votre père, à la fin de sa vie.
09:21 Il le voulait ?
09:23 - Oui, il le voulait pour se relier à son père avant tout.
09:28 En même temps, il voulait être citoyen du monde.
09:31 Il voulait porter cette parole universelle et réconcilier les peuples.
09:35 Il le dit dans le récit dès qu'il commence en Allemagne.
09:39 - Oui, les premières pantomimes, ça va être devant 2000 GI en Allemagne.
09:46 C'est extraordinaire de voir comment cet art du mime est né pendant la guerre, s'ancre
09:51 pendant la guerre et comment la guerre est la matrice de tout ça.
09:54 - Oui, et puis il dit des choses bouleversantes.
09:58 Il dit ce public allemand qui pleure peut-être à la mort du papillon.
10:03 Parmi eux, il y a peut-être le bourreau de mon père.
10:05 - C'est ça.
10:06 C'est ça.
10:07 Camille et Aurélia Marceau qui nous racontent l'histoire de ma vie.
10:11 Dans ce 9h10, d'habitude, on reçoit des gens qui racontent l'histoire à la première
10:16 personne.
10:17 Eh bien, vous racontez à la première personne et la première personne, c'est votre père,
10:20 Marcel Marceau.
10:21 Vous allez raconter comment en 1947 est né, bip, bip, peut-être, peut-être, le masque
10:27 et le personnage le plus célèbre du monde après Charlot.
10:29 - Non.
10:50 - Non.
11:15 - Non.
11:24 - Non.
11:37 - Non.
12:04 - Non.
12:14 - Non.
12:24 - Non.
12:44 - Non.
13:06 - Evidemment que c'est Gilbert Becaud.
13:08 France Inter, le 7 9 30, l'interview de Sonia De Villers.
13:15 - Vous savez, le vrai visage, c'est le masque et le vrai visage, c'est ce qu'il y a dessous.
13:19 On ne peut pas tricher.
13:21 Au fond, tout est vrai dans l'art, même si c'est transposé.
13:26 Je pense que quand je mets le masque, le fond de Marceau est là.
13:31 Parfois, c'est le double qui prend dessus et parfois, c'est l'homme sous le masque qui
13:38 prend le dessus.
13:39 C'est la synthèse des deux qui fait l'artiste.
13:43 - L'artiste Marcel Marceau qui publie, outre tombe, l'histoire de sa vie, qui paraît chez
13:52 Actes Sud.
13:53 Ses filles sont mes invitées, Camille et Aurélia Marceau.
13:57 Camille, vous aviez 15 ans à la sortie du Théâtre des Champs-Elysées.
14:01 Votre père venait d'achever sa représentation.
14:04 Vous alliez tranquillement dîner avec Raymond De Vos.
14:07 Et puis là, Michael Jackson est arrivé.
14:09 - Pas Michael Jackson, mais son ambassadeur qui venait rencontrer notre père.
14:16 Il lui dit "Bonjour, Michael Jackson, voudrez-vous rencontrer ?"
14:21 Et moi, je me disais "Mais sur quelle planète je suis ?"
14:28 - C'est ça qu'il faut raconter.
14:30 C'est qu'en 1947, va naître Bip.
14:33 J'ignorais que Bip, ce personnage qui est probablement l'un des personnages sur scène
14:38 les plus célèbres au monde, peut-être Aurélia, vous voulez le décrire pour les plus jeunes
14:42 de nos auditeurs, ce qu'aurait pas Dimash ?
14:44 D'abord, il y a ce visage blanc.
14:46 Avec des sourcils en accent circonflexe.
14:49 Un regard très expressif qui est souligné par du crayon noir.
14:54 Et une bouche rouge avec effectivement une marinière.
14:59 Une silhouette avec une combinaison évasée.
15:04 Et ce chapeau, ce haut de forme sur lequel tremble une fleur rouge flamboyante.
15:10 Bip, c'est ce visage qui fait penser à Pierrot.
15:13 Mais qui est aussi influencé par Chaplin, par Harlequin.
15:17 Et qui l'a créé coûte que coûte pendant la guerre, dans une urgence créatrice.
15:21 - C'est ça.
15:22 Et Bip, en fait, je l'ignorais, c'est lui qui l'écrit et qui le raconte.
15:27 C'est un hommage à Bip.
15:29 Le personnage des grandes expériences.
15:31 Le petit garçon de Dickens.
15:33 Camille ?
15:34 - Oui, c'est ça.
15:35 Il a toujours puisé aussi dans la littérature.
15:38 Sa mère lisait beaucoup.
15:40 Et aussi dans des personnages comme ça, solitaires, pauvres.
15:44 Il s'est vraiment identifié à ces personnages.
15:48 - Et c'est dire cette part d'enfance qui va trimballer avec lui toute sa vie.
15:54 C'est aussi l'histoire de ce qu'il appelle le cartel.
15:58 Les géants du théâtre d'avant-guerre qui règne encore sur la scène française.
16:03 Parce qu'ils l'ont révolutionné, parce qu'ils l'ont modernisé.
16:06 C'est l'histoire, ce livre, de Dulin, de Barraud.
16:09 C'est l'histoire de ces figures extraordinaires auprès de quelles il va apprendre.
16:14 - Coppo a dépouillé le théâtre.
16:17 Donc c'est vrai que cet espace dépouillé va énormément l'influencer.
16:21 C'est le théâtre moderne, c'est le théâtre contemporain.
16:24 Il y a Dulin, il y a Barraud, il y a Jouvet qu'il rencontre.
16:28 - Qui le terrorise.
16:30 - Qui le terrorise aussi.
16:32 Donc c'est toutes ces influences.
16:34 Il admirait beaucoup chez Dulin aussi ce sens de la métamorphose.
16:37 Il prenait le poids des personnages, il prenait leurs démarches.
16:40 Donc ça l'a énormément influencé aussi pour développer son jeu d'acteur.
16:44 Parce qu'il est mime et il est acteur.
16:47 Et pour lui le mime est un être agissant vraiment.
16:50 Et ce masque, c'est aussi le masque en filigrane qui cache l'identité réelle.
16:55 Mais c'est aussi le masque qui permet de faire passer, de transcender l'horreur aussi.
17:02 Pour faire passer l'espoir, pour donner aussi de l'empathie à ses semblables.
17:07 Un peu comme Charlot et complètement même comme Charlot.
17:10 Et je pense qu'en filigrane, ce drame original fait qu'il touche tous les cœurs au-delà des frontières.
17:16 - Camille, c'est l'histoire aussi de Jean-Louis Barraud qui va passer au théâtre.
17:19 C'est l'histoire d'un maître, de Croux.
17:23 - Oui, de Croux, Étienne de Croux.
17:25 - Donc un maître, et puis c'est l'histoire d'un maître et de son élève.
17:29 Et puis c'est l'histoire d'un maître et de son élève. Et puis il va falloir rompre, il va falloir couper le cordon bilical.
17:34 - C'est l'histoire d'une filiation aussi.
17:36 Voilà comment c'est toute une époque où on a un maître qu'on suit, auquel on est presque dévoué religieusement.
17:43 Et puis à un moment donné, il sent bien qu'il a en lui une force créatrice énorme.
17:49 Et il veut prendre son autonomie.
17:51 Et ça c'est compliqué parce que c'est des corporations.
17:53 - Absolument.
17:54 - Il ne faut pas trahir.
17:55 - Il veut la partager justement.
17:57 - Il veut la partager, il veut creuser le sillon qu'il a depuis l'enfance en fait, qu'il sent en lui.
18:03 - Alors le mime, la pantomime, le mimodrame, il va le mener sur toutes les scènes du monde, on l'a dit.
18:10 Vous, vous l'avez suivi en tournée quand vous étiez enfant, quand vous étiez petite.
18:16 Et l'une d'entre vous dit en ouverture du livre, il ne fallait pas te déranger quand tu te maquillais.
18:22 C'est Camille qui disait ça ?
18:24 - Oui, j'étais toute petite et c'est vrai que j'étais fascinée.
18:29 C'était un personnage presque irréel.
18:32 - Bip ?
18:33 - Bip.
18:34 Et pas que bip, parce qu'il a aussi les pantomimes de style.
18:38 Donc il devenait bip dans la seconde partie de son spectacle.
18:41 Mais en première partie, il était tout.
18:43 Il était l'univers entier sur cette scène vide.
18:46 Il pouvait être homme, femme, poisson, le ciel, la terre, le bien, le mal.
18:53 Enfin, il essayait de tout porter.
18:55 Et là, il disait non, papa va se maquiller.
18:59 Donc il fallait sortir de la loge et le laisser dans ce rituel très sacré.
19:08 - Alors on associe le mime Marceau à Bip et à ses milliers d'inventions et d'histoires.
19:17 Mais il y a aussi des grands monuments du théâtre qui sont passés par son visage,
19:20 par ses mains, par ses expressions, par le cri du silence, comme vous dites.
19:24 Par exemple, il y a Gogol. Il y a le manteau de Gogol, Aurélia.
19:27 - Le manteau de Gogol. Il a eu un coup de cœur énorme.
19:30 Il a tout de suite senti ce récit d'un vieux russe qui lui raconte cette pièce.
19:37 Et là, il sent que tout de suite, il a les images.
19:40 Il veut monter ce mimeau drame.
19:43 Et il y a ce personnage d'Hakaki qui travaille d'arrache-pied pour se payer ce manteau qui est très pauvre.
19:52 Et ça symbolise beaucoup de toute façon, même par rapport à la vie qu'a eue notre père.
19:57 Donc ce manteau, il arrive à l'acquérir et quand il arrive à se le payer, il se le fait voler.
20:05 Et ça, c'est dramatiquement quelque chose qui l'a...
20:08 - Et vous avez une idée de combien de fois il l'a joué sur scène, le manteau de Gogol ?
20:12 Parce que lui, il dit que chaque fois que la compagnie était en panne financièrement, on remontait Gogol.
20:17 - Ah, je ne sais pas du tout, mais je pense que c'est effectivement de ce mimeau drame emblématique.
20:21 - C'est ça.
20:22 - Merci beaucoup à toutes les deux, Camille et Aurélia Marceau, d'avoir été la voix de votre père ce matin.
20:28 « Histoire de ma vie » paraît chez Actes Sud.
20:31 - Merci beaucoup.