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"Il y a des jours, on se sent invisible…"

Chaque jour, Anne se lève très tôt pour nettoyer les rues du 6e arrondissement de Paris. Son métier : conductrice d'engins de propreté. Et son quotidien, c'est ça.

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Transcription
00:00 Les gens sont tous pressés, la plupart, ils ne regardent pas par terre,
00:02 ils ne voient même pas que le sol est propre,
00:04 ils ne voient même pas qu'on est passé.
00:06 Il y a des jours où on se sent invisible.
00:08 Il y a des jours où j'ai vraiment l'impression que même avec un gilet,
00:10 les gens ne me voient pas, alors que pourtant,
00:12 on ne peut pas faire plus voyant.
00:14 Il doit être 5h30.
00:18 On a tous cet équipement de base,
00:20 pantalon vert, chaussures de sécurité, le gilet.
00:24 Mon travail tous les jours, c'est de conduire,
00:26 soit une aspiratrice comme là aujourd'hui,
00:28 soit une laveuse avec un équipier qui est à la lance pour laver les rues,
00:33 soit d'être aux encombrants dans un camion.
00:36 Tous les matins, on commence à 6h, invariablement.
00:39 En premier, il y a la collègue de Ben,
00:46 qui intervient le plus tôt possible le matin.
00:50 Une fois que sont passés, il y a les balayeurs.
00:53 Et après, il y a nous qui faisons, on va dire, la finition.
00:56 Moi, j'adore l'aspiratrice,
00:58 parce que c'est la satisfaction une fois que c'est lavé.
01:02 Ça rend tout propre.
01:04 Et...
01:06 C'est très technique aussi.
01:09 Il y a des rues comme ça, on appelle ça les rues tout belles.
01:17 Tu as les rues à caca aussi,
01:19 où les gens des beaux quartiers d'en face,
01:22 viennent laisser leur chien faire leurs besoins.
01:26 Alors, soit ils ramassent,
01:28 en général, ils ramassent quand même un peu plus qu'avant.
01:31 Soit ils ramassent dans le sachet, mais ils laissent le sachet sur la route.
01:35 Alors ça, je ne comprendrai jamais.
01:37 Rue Guisarde, rue Princesse,
01:39 c'est ce qu'on appelle les rues de la soif.
01:41 C'est des rues où il y a tellement de bars,
01:45 et tous les soirs, les jeunes sortent,
01:47 ils ont des rues de la soif,
01:49 et tous les soirs, les jeunes sortent,
01:52 donc systématiquement, c'est sale.
01:55 Parce qu'en fait, l'aspiratrice,
02:01 elle a besoin d'eau pour pouvoir fonctionner.
02:04 Nous, on a des contraintes d'horaire,
02:08 on travaille très tôt.
02:10 La plupart de mes collègues viennent de loin, souvent,
02:14 parce qu'ils ne peuvent pas habiter dans Paris.
02:17 On travaille dehors, donc on subit les poussières,
02:19 les hydrocarbures, les pollutions.
02:22 Certes, tout le monde le respire,
02:25 mais nous, on le respire encore plus.
02:27 À côté de ça, on a aussi l'avantage d'avoir un métier
02:31 où on a des contraintes,
02:33 mais on a aussi beaucoup d'autonomie.
02:36 Moi, aux engins, comme quand j'étais au balai, d'ailleurs,
02:40 même quand on est à la benne, en réalité,
02:42 on a de l'autonomie, puisqu'on est derrière,
02:44 on fait notre travail.
02:45 Je suis aussi très, très contente
02:47 quand je passe dans une rue à l'aspiratrice,
02:49 que la laveuse est passée devant,
02:51 on voit l'avant-après et ça fait super plaisir.
02:54 Là, je suis à peu près à 1780, sans mes primes.
02:58 Avec les primes, selon les mois,
03:00 je peux atteindre jusqu'à 2000 euros,
03:02 mais ce n'est pas non plus tous les mois.
03:07 Là, on va rentrer dans le garage qui est là
03:11 et je vais nettoyer l'engin, le vider et le remplir d'eau.
03:17 Quand tu soulèves la cuve,
03:20 il y a...
03:24 Tu as toutes les pollens, toutes les poussières qui redescendent.
03:28 Ce n'est pas glamour, mais on s'en fiche.
03:31 Moi, je m'imagine en Ghostbusters quand c'est comme ça.
03:35 Là, tu retrouves tout ce qu'on a aspiré au sol,
03:38 poussières, mégots, papier.
03:41 On est constamment dans les bouchons,
03:43 on est dans l'attente constante.
03:46 C'est pour ça qu'il faut rester cool.
03:48 Moi, d'habitude, c'est pour ça que je mets la musique et que je chante.
03:51 Quand les gens me voient dans le bus, je leur fais coucou, je leur dis bonjour.
03:54 La majeure partie des gens remarquent notre travail
03:57 et ils sont très contents.
03:59 C'est un peu comme si on avait un petit peu de plaisir.
04:02 Les gens remarquent notre travail.
04:05 Ils savent que c'est dur, ils le savent,
04:08 mais jusqu'à présent, ils ne se rendaient pas compte à quel point.
04:11 Là, la grève a mis au jour l'étonnage,
04:15 l'amas de déchets qu'ils génèrent tous les jours et notre quotidien.
04:22 Je suis un peu utopiste.
04:24 J'essaie de me dire qu'en faisant ça,
04:27 peut-être les gens vont comprendre à quel point
04:30 on a des gens qui aiment faire leur métier
04:33 et qui ont à cœur de faire en sorte que ce soit propre.
04:37 Moi, je suis parisienne et j'aime boire Paris propre.
04:40 [Musique]

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