Dans son édito du 14/04/2023, Agnès Verdier-Molinié revient sur l'argent du service public.
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00:00 Agnès Verdier-Molinier avec nous.
00:01 Ça va, Agnès ?
00:02 Très bien.
00:02 On ne parle que de votre livre en ce moment.
00:04 On en parle un peu.
00:05 On en parle beaucoup.
00:07 Vous sortez cette semaine un nouveau livre intitulé "Où va notre argent ?"
00:10 C'est vrai que c'est une question qu'on se pose.
00:12 Et vous dressez un constat terrible.
00:14 Plus nous travaillons, plus nous payons d'impôts
00:17 et moins nous sommes bien traités par les services publics.
00:19 Quand c'est possible ?
00:20 Oui, c'est le grand paradoxe français, Romain.
00:24 On avait un régime assurantiel dans lequel, quand on travaillait,
00:28 on avait des droits et puis, petit à petit,
00:30 on est passé à un système où toutes les décisions doivent être maintenant sociales.
00:34 Tout est social.
00:35 C'est assez incroyable parce que pour les places en crèche, par exemple,
00:38 on pourrait penser que celui qui travaille, papa, maman travaillent,
00:42 hop, les enfants ont potentiellement une place en crèche.
00:46 Eh bien, non.
00:47 Finalement, je montre dans mon livre que 34 % des enfants gardés en crèche
00:51 sont au moins un des deux parents qui ne travaillent pas.
00:54 Là, on peut se poser des questions.
00:56 On se dit, mais finalement, ceux qui payent des impôts, qui travaillent,
00:59 ne sont pas prioritaires.
01:00 Mais alors, c'est valable pour les crèches,
01:02 mais c'est aussi valable pour les cantines, l'accueil périscolaire, etc.
01:07 Quels sont les écarts de prix ?
01:08 Là, les écarts de prix sont assez incroyables.
01:11 Quand on voit, par exemple, le Conservatoire de Paris,
01:13 le cursus, c'est entre 76 euros par an et plus de 1100 euros par an.
01:17 C'est 15 fois plus cher.
01:19 Alors, vous voyez, l'écart est incroyable.
01:21 Mais pour la crèche, c'est entre 70 et 700 euros par mois.
01:25 Donc là, ça fait 10 fois plus cher.
01:26 Et pour la cantine, ça peut aller jusqu'à des écarts à 50,
01:29 entre le moins cher et le plus cher.
01:31 Alors, la ville de Lyon, d'ailleurs, facture les repas,
01:34 et il le dit, plus cher que le prix de revient,
01:37 c'est-à-dire que c'est 3 euros.
01:38 Mais en fait, sur le temps de repas, il crée des activités ludiques
01:43 qui font que ça leur permet de faire payer plus cher
01:45 à ceux qui payent le plus d'impôts, jusqu'à 7 euros par repas,
01:49 alors que le repas, il revient à 3 euros.
01:52 D'ailleurs, aussi, dans les écoles de la ville de Lyon,
01:55 le temps de garde après la classe,
01:57 le tarif varie de 10 à 70 euros par an.
02:00 Donc vraiment, tout est fait pour faire payer plus cher
02:03 ceux qui, en même temps, travaillent et paient beaucoup plus d'impôts.
02:06 Ça n'existe pas ailleurs, ça ?
02:08 Eh bien non.
02:09 Quand j'ai fait le tour d'Europe pour écrire ce livre,
02:13 "On va votre argent",
02:14 eh bien, je me suis rendu compte que partout ailleurs,
02:17 oui, il existe des tarifs sociaux en Belgique, au Royaume-Uni, en Suisse,
02:21 mais pas des tarifs plus chers pour ceux qui paient de l'impôt.
02:25 Ça, c'est spécifiquement français.
02:27 Et donc, nous, on a clairement la double peine.
02:30 Alors, vous dites également que sur ces tarifs, il y a des abus.
02:34 Oui, il y a des abus, parce qu'en fait, il y avait une loi de 1998
02:37 qui a été passée sous Jospin.
02:38 Cette loi, elle disait que pour les services publics locaux facultatifs,
02:43 on pouvait finalement avoir des tarifs qui augmentaient
02:48 en fonction des niveaux d'impôts payés par les parents.
02:50 Mais en réalité, la loi encadrait.
02:53 Il disait que les prix ne pouvaient pas être supérieurs
02:56 aux coûts par usager de la prestation concernée.
02:59 Mais en réalité, il n'y a aucun contrôle.
03:01 Et finalement, c'est devenu une sorte de progressivité
03:04 que tout le monde a envie d'appliquer de plus en plus.
03:07 Et finalement, on se pose la question,
03:09 est-ce que c'est ça qui crée de la mixité, etc.?
03:11 C'est le contraire, parce que finalement,
03:13 quand on paie le conservatoire plus de 1 100 euros par an,
03:16 peut-être qu'on va trouver une offre dans le privé qui sera moins chère.
03:19 Et donc, à la fin, on crée aussi une sorte de France à deux vitesses,
03:24 où d'un côté, vous avez ceux qui payent énormément d'impôts,
03:27 mais à qui on dit maintenant finalement les services publics,
03:30 c'est pas pour toi, plus tu payes, moins t'as droit.
03:32 Et le problème, c'est que ça pourrait s'étendre à d'autres services publics.
03:35 Donc attention, parce que moi, je vois aujourd'hui sur ce sujet
03:38 une sorte d'acharnement.
03:40 D'un côté, il y a 10 % des Français qui payent 70 %
03:43 de la recette d'impôts sur le revenu.
03:45 Et de l'autre, c'est à eux souvent qu'on dit,
03:46 ben non, vous êtes trop riches, allez ailleurs.
03:49 T'as pas le droit de faire garder tes enfants ou autre chose.
03:52 Pas de place en crèche.
03:53 Le conservateur, ben non, mais ce sera plus cher, etc.
03:56 Et à la fin, ça crée aussi ce problème.
03:58 Et d'ailleurs, Bersi est en train de s'y intéresser.
04:00 Le sujet du consentement à l'impôt, c'est un vrai sujet.
04:02 Parce que finalement, à la fin, où va l'argent ?
04:05 Comment on l'utilise ?
04:06 Et comment on traite aussi ceux qui permettent de remplir les caisses publiques ?
04:10 Certains vont commencer à en avoir marre de payer des impôts.
04:12 C'est pour ça qu'il y a un grand plan COM qui est annoncé,
04:15 justement, pour expliquer comment sont utilisés les impôts.
04:18 Et je pense qu'il va falloir travailler très sérieusement.
04:21 Merci beaucoup Agnès Verdier-Molinier.
04:23 Merci à tous.
04:24 ♪ ♪ ♪
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