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Sa maison a pris feu quand elle avait 2 mois, on l'a abandonné dans son berceau

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Amusant
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00:00 Je pense, c'est ce que je me dis, quand tu vois le berceau qui est en train de s'embraser,
00:04 tu te dis, on va sauver ceux qui peuvent être sauvés.
00:07 Moi, je pense que déjà là, pour eux, j'étais perdue.
00:10 J'étais victime d'un accident de brûlure à l'âge de deux mois.
00:13 En fait, j'ai eu ma maison qui a pris feu.
00:15 Je me suis retrouvée dans l'incendie de ma maison au Chili.
00:18 Et le feu, donc on appelle ça un accident domestique.
00:23 Et le feu est parti de mon berceau.
00:25 Mais alors, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est parti de quoi ?
00:28 Pourquoi il y a eu le feu à ton berceau ?
00:30 Autour de mon berceau, il y avait une moustiquaire.
00:33 Et puis, mes parents n'ayant très certainement pas l'électricité,
00:36 ils avaient posé une bougie à côté de mon berceau, je pense pour veiller sur moi.
00:41 Et à un moment donné, la flamme de la bougie, elle a fait comme ça sur le berceau.
00:46 Et elle a fait prendre feu la moustiquaire, le berceau, la maison et moi-même.
00:51 C'est une histoire finalement qu'on t'a racontée puisque tu ne te souviens de rien.
00:55 T'avais quoi, deux mois, c'est ça ?
00:57 Oui, alors ce sont les pompiers qui nous ont raconté,
01:01 qui nous ont fait l'histoire de l'accident.
01:02 Mes parents ont pris leurs jambes à leurs trousses.
01:05 Ils ont pris le reste des enfants qui pouvaient être sauvés et ils sont partis.
01:09 Mais ta famille, alors quand tu nous expliques qu'à cette époque-là,
01:12 au Chili, il y a combien, il y a 34 ans du coup,
01:14 comment ça elle s'est enfuie ? Pourquoi elle ne t'a pas récupérée ?
01:17 Elle t'a laissée dans la maison ?
01:19 En fait, si tu veux, le feu est parti, l'incendie est parti de mon berceau.
01:22 Alors je pense, c'est ce que je me dis,
01:25 c'est que je pense que quand tu vois le berceau qui est en train de s'embraser,
01:29 tu te dis, on va sauver ceux qui peuvent être sauvés.
01:33 Moi, je pense que déjà là, pour eux, j'étais perdue.
01:35 À partir du moment où tu as été retrouvée par les pompiers,
01:39 j'imagine que tu as été donc rapatriée.
01:41 Pourquoi la Suisse ? Parce qu'aujourd'hui, tu vis en Suisse.
01:43 Comment ça s'est passé ensuite ?
01:45 Les pompiers m'ont amenée à Santiago, à la capitale.
01:47 Ils m'ont déposée dans ce grand hôpital pour qu'on puisse me sauver.
01:51 J'ai eu une bonne vingtaine d'opérations là-bas, au Chili.
01:53 Et à arriver à un stade, ils se sont dit, on ne peut plus rien faire.
01:56 Parce que déjà, financièrement, ça coûte.
01:58 Et qui payait du coup ?
01:59 Bonne question, parce que j'avais perdu mes parents, en fait.
02:04 Moi, on ne retrouvait pas...
02:05 À ce moment-là, on ne savait pas où étaient mes parents.
02:09 J'étais un bébé qui était orphelin de père et de mère à ce moment-là.
02:14 Donc si tu veux, après, on m'a offert ce qu'on pouvait m'offrir.
02:18 J'ai eu beaucoup d'opérations de nettoyage de plaies.
02:22 Après un petit peu de reconstruction, mais il paraît que c'était très bancal.
02:25 Parce que ce n'était pas les mêmes techniques chirurgicales.
02:28 Et puis ensuite, eh bien, on m'a laissée et on attendait que je meurs.
02:34 Simplement.
02:34 Moi, j'ai été brûlée à 30% de la surface corporelle et au troisième degré.
02:41 Donc t'imagines un petit bébé comme ça, 30% de la surface corporelle.
02:45 Quand le bébé, il est comme ça, ça fait beaucoup.
02:47 J'ai 50%, c'est des conséquences de la brûlure.
02:51 J'ai 80% qui sont touchés par la brûlure.
02:54 Voilà, et puis moi, j'étais à l'hôpital à Santiago,
02:59 à peu près dans un corridor d'après ce qu'on m'a eu dit.
03:01 On attendait que je meurs parce que j'étais plus viable selon le personnel médical.
03:08 Et là, il y a eu un délégué de l'association Terre des Hommes,
03:12 qui est une association suisse.
03:13 Ils envoient des délégués dans les pays pour aller ramener des enfants en Suisse
03:19 pour se faire soigner.
03:20 Et il m'a vue, puis il a dit, mais est-ce qu'il y a quelqu'un qui s'occupe de ce petit bébé ?
03:25 Est-ce que ce bébé, il a des parents ? Est-ce qu'il a de la famille ?
03:28 Est-ce qu'il a des soins ?
03:29 Parce que ce petit bébé, il est gravement atteint, il a besoin de soins.
03:32 Là, ils ont dit, mais non, on ne sait pas où sont les parents.
03:36 Et ce délégué m'a vue là-bas, et il s'est dit, mais par le biais de notre association,
03:41 vu que je viens pour un autre enfant, mais je veux aussi m'occuper de cet enfant
03:44 et je vais le faire venir en Suisse pour que cet enfant puisse être soigné
03:48 aux hôpitaux universitaires de Genève par des grands spécialistes.
03:52 Et du coup, je suis venue à Genève.
03:54 Je crois que je suis venue autour des 11 mois, je crois.
03:57 - Par avion, donc du coup, rapatriée. - Exact.
03:59 - Par finalement ce sauveur. - Oui, ça a été mon sauveur, clairement.
04:02 - C'est l'homme de ta vie. - Je les ai revus.
04:04 En fait, ils étaient deux.
04:06 Ils étaient deux, il y avait un homme et une femme, mais je les ai eus revus.
04:09 Je crois que j'avais 10-12 ans quand je les ai revus.
04:11 J'ai été adoptée à 19 mois par mes parents, aujourd'hui adoptifs,
04:16 qui avant étaient mes parents d'accueil.
04:17 Donc, j'ai eu une continuité, si tu veux.
04:19 - En fait, ils se sont attachés à toi.
04:20 Au début, c'était juste de l'accueil et puis ils ont voulu t'adopter finalement.
04:24 - Moi, je me suis attachée à eux et eux se sont attachés à moi.
04:27 Et j'avais déjà d'autres frères et sœurs.
04:28 Parce que moi, je suis issue d'une famille nombreuse.
04:30 On est 10 enfants.
04:31 - Dans la famille d'adoption ? - Ouais.
04:33 - Ah oui, ils sont tous adoptés ?
04:35 - Il y a 7 adoptés et 3 biologiques.
04:37 - Et du coup, alors voilà, tu commences à faire tes marques dans cette famille.
04:42 À un moment donné, il y a l'école.
04:44 Et on sait à quel point l'école, pour l'avoir subie, les gens sont intolérants.
04:49 Encore plus, j'imagine, dans ta situation.
04:52 Alors, peut-être pas intolérant, mais il y a aussi un petit peu ce côté
04:55 où on te dévisage.
04:56 On n'a jamais vu ça, j'imagine, de notre vie.
04:58 Quand on est un enfant et que tu débarques dans leur classe, par exemple,
05:02 à tes camarades.
05:03 Comment se passe ta scolarité ?
05:05 Ta première expérience sociale,
05:06 parce que la scolarité, c'est la première expérience sociale.
05:09 - Alors déjà, mes parents adoptifs ont fait le choix d'arrêter les opérations.
05:13 À l'âge de 5 ans, pour que je puisse avoir une scolarité normale.
05:18 Mais ce qu'il faut savoir, c'est que moi, quand j'ai commencé l'école,
05:20 mon nez n'était pas formé.
05:21 Parce que moi, j'ai mon nez qui a complètement fondu dans l'incendie.
05:24 Il n'y avait plus que les deux trous.
05:25 - Quelles sont les réactions des gens ?
05:27 Comment les gens réagissent ?
05:29 Est-ce que tu as du soutien ?
05:30 Est-ce que tu es harcelée à un moment donné de ta scolarité ?
05:33 - Oui, j'ai reçu...
05:34 J'ai rencontré beaucoup de harcèlement scolaire.
05:37 Mais le harcèlement scolaire, ça va d'une moquerie, d'un regard, d'un geste.
05:43 À l'époque, on n'avait pas tout ce qui était médias, réseaux sociaux et tout ça.
05:46 Je le vivais en direct, le harcèlement scolaire.
05:48 Et ouais, c'était très, très, très compliqué pour moi.
05:50 J'ai eu un exemple, parce que j'en ai reparlé récemment avec ma maman.
05:54 Elle m'a dit, un jour, tu étais en petite section, je crois.
05:58 Elle m'a dit, un jour, tu es rentrée à la maison, mais tu étais inconsolable.
06:01 Je n'ai pas réussi à comprendre tout de suite qu'est-ce qui s'était passé.
06:05 J'ai dû te calmer, j'ai dû te faire respirer.
06:08 Tu craches le morceau, en fait, puis tu dis ce qui s'est passé.
06:11 Et en fait, il y a un petit garçon dans ma classe, un camarade,
06:14 il m'a dit, mais tu pues le cramé.
06:16 C'est violent. - Ah, c'est horrible.
06:18 - Mais quand tu as 5-6 ans, puis tu te prends ça.
06:22 Je ne sais pas quel âge j'avais, j'avais entre 5 et 8 ans, tu vois.
06:24 - Mais à ce stage-là, tu étais consciente de ce qui t'était arrivé, tu le comprenais.
06:27 - Oui. - Et puis, tu le voyais de toute façon.
06:30 - Moi, je savais que j'étais différente.
06:32 Oui, je le savais. - Tu le savais, donc on te le dit.
06:33 - Mais je n'acceptais pas ma différence.
06:35 Non, ça a été très difficile pour moi.
06:37 Ça a été très difficile aussi pour ma famille, mes parents.
06:39 Dès que je sors de ma ville, donc de mon confort,
06:43 je me sens très vulnérable.
06:44 Mais après, moi, j'ai appris à fonctionner comme ça.
06:48 C'est que je ne m'arrête pas au regard des gens.
06:50 Parce que si je m'arrête au regard des gens, je suis foutue.
06:53 Mais il y a des fois, par moments, je m'arrête,
06:55 par exemple, quand je suis dans le métro, quand je suis dans le train.
06:58 Tout à coup, je suis là, puis je commence à scruter un peu les gens.
07:00 En fait, il y a toujours, toujours, toujours un regard sur moi.
07:04 Je sais distinguer les regards.
07:06 Je sais si ce sera un regard de pitié, un regard de moquerie,
07:09 un regard de méchanceté, un regard de compatissant.
07:13 Je sais distinguer les genres de regards.
07:15 Il y a tout le temps, tous les jours, des regards méchants qui se posent sur moi.
07:19 On vit dans une société qui est difficile, qui est dure.
07:22 - Question qu'on peut se poser, il y a l'intégration en société, tout ça,
07:26 mais il y a aussi l'amour.
07:28 Est-ce que tu as senti du rejet quand tu, je ne sais pas,
07:32 as voulu à un moment donné, par exemple, rencontrer l'amour ?
07:35 Est-ce que c'est difficile dans ta situation ?
07:38 - Déjà, moi, il faut savoir que je n'ai eu aucune relation amoureuse
07:41 jusqu'à l'âge de 21 ans.
07:43 - Un garçon comme toi qui a eu un accident ou brûlé ?
07:46 - Non, pas du tout. Ce n'est pas une obligation.
07:47 On a tous les deux découvert la relation amoureuse ensemble.
07:51 Parce que pour tous les deux, ça a été notre première fois.
07:53 Aujourd'hui, on n'est plus ensemble.
07:55 Après, on s'est mariés.
07:56 - Ah oui ? - Maintenant, on est divorcés.
07:57 Je me suis mariée à 24 ans et je me suis divorcée à 26.
08:00 - Je suis super content d'entendre ça parce que sans avoir de préjugés ou d'a priori,
08:04 je m'étais dit que c'était quasiment impossible dans une situation comme toi.
08:09 - Eh ben non !
08:09 - Que ça allait être très compliqué.
08:11 Et au final, si, c'est cool !
08:13 - Oui, on s'est mariés et ça a été vraiment un mariage d'amour.
08:16 Pareil pour le boulot.
08:17 Quand je cherchais du boulot, sur mes CV, je mettais la photo.
08:20 - Et alors, ce n'était pas dur pour le boulot ?
08:22 - C'était très compliqué, le boulot, oui.
08:24 Je me suis prise aussi des vagues de discrimination professionnelle.
08:29 Une fois, j'avais postulé pour un poste,
08:31 parce que moi, je suis infirmière assistante de métier.
08:33 - D'accord.
08:34 - J'avais postulé, j'avais mis le CV, bon CV, une photo à l'appui.
08:39 Et puis, j'avais postulé dans une institution pas loin de chez moi.
08:42 Et puis, on me téléphone, très bon contact au téléphone, super feeling.
08:46 On me donne rendez-vous tel jour, telle heure.
08:48 OK, pas de souci, je serai là avec plaisir, machin.
08:51 OK, ben moi, j'y vais positivement.
08:53 Puis, je vais à l'entreprise.
08:54 Je ne sais pas, je commençais à regarder un petit peu les murs, les placards.
08:58 Il y avait plein de...
08:59 Je regardais un petit peu où j'étais, tu vois.
09:01 Donc, j'étais de dos de la personne.
09:03 - D'accord.
09:03 - Et puis, elle arrive dans le corridor.
09:05 Donc, je pense que c'était la directrice de l'institution.
09:08 Et puis, elle dit, "Madame Udrio."
09:11 Puis, je me retourne, puis je dis, "Oui, c'est moi."
09:13 Puis, je me retourne, tu sais, pour dire bonjour à la personne.
09:16 Non, mais ça ne va pas le faire, en fait.
09:18 - Quoi ?
09:18 - Oui, oui, c'est véritable.
09:19 - Comme ça ?
09:20 - Oui, oui.
09:21 Mais moi, je suis restée là, mais qu'est-ce que je réponds ?
09:24 Je dois répondre, je ne dois pas répondre.
09:25 Tu sais, je suis restée bête.
09:27 Je ne m'attendais pas, en fait, à ça, tu vois.
09:29 Donc, en fait, à ce poste-là, on m'avait fait venir juste par curiosité.
09:33 J'appelle ça de la curiosité malsaine.
09:36 - Est-ce que tu as déjà travaillé, du coup, quand même, ou pas ?
09:38 - Oui, j'ai exercé 10 ans mon métier.
09:39 - Là, tu travailles actuellement ?
09:40 - Non, je ne travaille plus.
09:42 - Pourquoi ?
09:43 - Parce que j'ai repris le chemin des opérations.
09:45 - D'accord. Alors, les opérations, justement, on va en parler rapidement.
09:48 Ça consiste en quoi, les opérations ?
09:50 Ça coûte combien ? Qui s'en occupe ?
09:52 Est-ce que c'est pour avoir un visage de mieux en mieux, finalement ?
09:55 Quel est le but des opérations ? T'en es à combien, là ?
09:57 - Là, j'ai plus d'une cinquantaine d'opérations, si tu comptes celles aussi au Chili.
10:01 Ma maman m'a dit qu'il y a eu, en tout cas, une bonne vingtaine au Chili.
10:04 Et là, ici, en Suisse, j'ai une petite trentaine, donc ouais.
10:07 Ça s'enchaîne un petit peu.
10:08 Là, j'ai dit que j'avais une année à deux ans d'opérations.
10:11 Le but, c'est un petit peu de les enchaîner,
10:13 parce que je fais ça maintenant dans ma vie,
10:15 puis je le ferai peut-être plus après.
10:16 - Qu'est-ce que tu aurais envie de dire aux gens
10:18 qui ne croquent pas la vie à pleines dents
10:20 et qui se laissent submerger par des futilités, finalement,
10:23 quand on écoute ton histoire ?
10:24 - Oh, mais prenez-vous pas la tête pour ce genre de choses.
10:26 La vie, elle vaut tellement la peine d'être vécue.
10:29 Il y a tellement de belles choses à vivre.
10:30 Il y a de belles personnes sur cette planète.
10:32 Moi, je m'enrichis de ces belles personnes.
10:34 C'est ça qui m'aide aussi à avancer.

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