[2/2] Fidel Castro, le révolutionnaire des Caraïbes

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Dans ce deuxième épisode consacré au leader de la Révolution cubaine Fidel Castro, l’historienne Virginie Girod revient sur les rapprochements diplomatiques entre Cuba et l’URSS. Après le succès de son coup d’Etat, Castro devient Premier ministre de la République de Cuba en 1959. Une nouvelle ère s’ouvre alors : réformateur, Fidel Castro instaure les conventions collectives, la réforme agraire, la suspension des expulsions de locataires. A l’international, Castro est rejeté par les Etats-Unis. En recherche d’alliance, il se tourne alors vers l’ennemi des Américains et conclut des accords commerciaux avec l’URSS. Méfiants, les Etats-Unis organiseront le débarquement de la baie des Cochons, qui aura pour seule conséquence de démontrer la solidité du régime castriste. “Au Cœur de l’Histoire” est une production Europe 1 Studio
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00:00 Bienvenue au cœur de l'histoire, je suis Virginie Giraud.
00:04 Dans le premier épisode de ce récit consacré à Fidel Castro, le fils légitime d'un
00:09 propriétaire terrien s'est fait un nom en politique.
00:12 Après le coup d'état de Batista, il devient le leader des révolutionnaires et développe
00:17 des affinités avec les communistes.
00:19 Le 1er janvier 1959, il libère Cuba du joug de Batista, mais ce n'est que le début
00:27 de la révolution.
00:28 Rejeté par les États-Unis, Castro se tourne vers l'URSS.
00:33 Cuba devient ainsi l'épicentre de la guerre froide.
00:36 Lorsque le président américain Eisenhower apprend que Castro a passé des accords commerciaux
00:55 avec l'URSS, il met fin aux importations de sucre cubain dans son pays alors que c'était
01:00 le principal débouché commercial de l'île.
01:03 En réponse, Castro réquisitionne et nationalise les entreprises sucrières américaines sur
01:08 son territoire.
01:09 Il poursuit la nationalisation avec le secteur de l'énergie, les compagnies de téléphone
01:15 et les grandes plantations de canne à sucre.
01:17 Cette dernière mesure lui permet de lancer une réforme agraire de redistribution des
01:23 terres.
01:24 Sur le papier, c'est une réforme de justice sociale.
01:28 Dans les faits, les terres sont redistribuées n'importe comment et les postes sont mal
01:32 attribués.
01:33 Cela va lourdement impacter la productivité à la baisse dans un pays qui n'a déjà
01:38 pas grand-chose.
01:39 Mais le peuple est heureux.
01:41 En grande partie, grâce au capitaux russe, Castro rénove le système éducatif et crée
01:46 10 000 nouvelles classes.
01:48 Le système de santé est aussi amélioré.
01:50 L'hôpital de la Havane devient l'un des meilleurs du monde et c'est vrai que les
01:55 médecins sont bien formés.
01:56 Mais personne ne voit encore que le matériel médical est vétuste et que les stocks de
02:01 médicaments sont au plus bas.
02:02 Évidemment, vous vous doutez bien que les américains ne vont pas rester sans rien faire
02:08 face à cette situation.
02:09 Pour punir Cuba d'avoir nationalisé de force ses entreprises, il décrète l'embargo
02:15 commercial et financier.
02:16 Cette mesure asphyxie l'économie cubaine.
02:19 Pour que l'embargo soit efficace, les USA promettent de ne plus faire de commerce avec
02:24 les pays qui resteraient en affaire avec cette île.
02:27 Maintenant, l'oncle Sam n'a qu'une obsession.
02:31 Faire tomber Castro.
02:34 En 1961, John Fitzgerald Kennedy est élu président des Etats-Unis.
02:40 Il décide de poursuivre la politique d'Eisenhower en armant les opposants de Castro, réfugiés
02:46 aux Etats-Unis, et permet à ses militaires de les former.
02:49 Le 17 avril 1961, 1 400 anticastristes débarquent dans la baie des Cochons, au sud de l'île
02:57 de Cuba.
02:58 Malgré la formation et les armes de la CIA, les rebelles de la brigade d'assaut 2506
03:04 sont écrasés en 48 heures.
03:07 C'est une humiliation pour Kennedy et une victoire pour Castro qui resserre encore ses
03:12 liens avec l'URSS.
03:14 Depuis, l'épisode de la baie des Cochons est entré dans nos livres d'histoire.
03:18 Si Castro jubile, le peuple commence à serrer les dents.
03:25 Le leader Maximo s'avère autoritaire, favorable à la censure, et n'a aucun scrupule à éliminer
03:31 ses opposants politiques.
03:32 Beaucoup de Cubains décident d'émigrer illégalement en Floride qui n'est qu'à 150 kilomètres
03:38 de chez eux.
03:39 Mais le pire est encore à venir.
03:41 Et cette fois, il n'y a pas que les Cubains qui trembleront.
03:45 Les réfugiés cubains aux Etats-Unis commencent à répandre des rumeurs inquiétantes sur
03:54 les accords entre l'URSS et Cuba.
03:56 Des accords où il serait question d'armes atomiques.
04:00 Pour faire très simple, les Etats-Unis ont des ogives nucléaires pointées sur l'URSS
04:06 et inversement.
04:08 A ce stade, c'est de l'intimidation pour que la guerre reste froide, c'est-à-dire
04:12 qu'on évite par tous les moyens un conflit armé.
04:15 Mais chacune de ces superpuissances cherche des bases avancées parce qu'on ne sait
04:20 pas encore envoyer les ogives nucléaires sur de très longues distances.
04:24 Les Américains, eux, ont installé des missiles en Turquie tournés vers l'URSS.
04:30 Ils sont donc en position de force par rapport au Bolchevik.
04:33 En mai 1962, Khrouchev, le premier secrétaire du parti communiste de l'URSS, décide
04:44 d'acheminer des missiles nucléaires à Cuba.
04:46 Cette décision tient au fait qu'il croit Kennedy faible à cause de l'épisode de
04:50 la baie des cochons.
04:51 Pour lui, c'est le moment d'avancer ses pions en Occident.
04:56 Depuis cette position stratégique à Cuba, les Russes peuvent atteindre n'importe quel
05:01 territoire des Etats-Unis.
05:02 Il est aussi prévu de stationner 50 000 soldats russes sur l'île.
05:06 Le 14 septembre 1962, les Américains font une terrible découverte.
05:12 Un avion espion photographie des rampes de lancement de missiles à Cuba.
05:17 Il s'agit d'installations russes.
05:19 Kennedy doit réagir vite.
05:24 A l'époque, les moyens de communication ne sont pas les nôtres et les négociations
05:28 passent par les diplomates.
05:30 C'est trop lent en situation de crise.
05:32 Kennedy décide donc de faire un discours à la télévision.
05:37 Il explique qu'il va établir une quarantaine pour empêcher les bateaux soviétiques chargés
05:43 d'armes d'accoster à Cuba.
05:45 Une quarantaine, vous avez bien entendu.
05:48 Ce n'est pas le bon terme, mais Kennedy joue volontairement sur les mots pour montrer qu'il
05:53 n'entre pas dans une logique de vatanguerre.
05:55 Ce n'est pas une quarantaine qu'il établit.
05:58 C'est un blocus.
06:00 En réalité, il profite de cette quarantaine pour faire fouiller tous les navires qui
06:05 veulent accoster à Cuba.
06:07 Face à cette décision, Castro est hystérique.
06:11 C'est une attaque contre la souveraineté de son pays.
06:14 Il incite Khrouchev à répondre avec fermeté à Kennedy au risque de déclencher une guerre
06:20 nucléaire.
06:21 Mais cette fois, Khrouchev recule.
06:24 Il commande à sa flotte de faire demi-tour.
06:26 En échange, Kennedy a promis d'enlever ses missiles nucléaires en Turquie et de ne plus
06:32 chercher à envahir Cuba.
06:34 Il faut dire que Castro aurait été la cible de 638 attentats faumantés par la CIA.
06:40 C'est un nombre délirant et s'il est vrai, il pointerait l'amateurisme de cette organisation.
06:46 Quoi qu'il en soit, la guerre atomique a été évitée de peu.
06:50 C'est la fin de la crise des missiles de Cuba.
06:53 La guerre froide amorce une nouvelle phase que les historiens appellent la détente.
06:59 Cette crise a fait prendre conscience aux Etats-Unis et aux Soviétiques que la communication
07:11 était essentielle pour éviter une guerre nucléaire.
07:13 L'année suivante, en 1963, le téléphone rouge est installé entre la Maison-Blanche
07:20 et le Kremlin.
07:21 Il s'agit d'une ligne directe entre les deux superpuissances.
07:24 De son côté, Castro ne décolère pas.
07:28 Kennedy et Khrushchev se sont entendus sans lui.
07:31 Face au micro des journalistes, il tient des discours enflammés.
07:34 Il exhorte les Cubains à ne pas se laisser asservir.
07:37 "Patria o muerte", la patrie ou la mort.
07:41 Et les Cubains acceptent de se serrer la ceinture.
07:45 L'embargo se poursuit et le pays se tire en dix.
07:49 Et pourtant, Fidel Castro, en roi de la communication, continue à chercher à séduire les élites
07:56 occidentales de gauche.
07:58 Les Français n'y coupent pas.
08:00 Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Agnès Varda, Marguerite Duras, Bernard Kouchner
08:06 et même François Mitterrand sont invités par le leader Maximo dans les années 1960
08:11 et 1970.
08:12 Ils sont tous sous le charme de cet homme charismatique qui sait être caressant.
08:17 Pendant sa tournée de Lille avec lui, Sartre entrevoit la vraie nature de Castro, son tempérament
08:25 colérique sous le masque à fable, son autoritarisme quand il parle de justice sociale et finalement
08:32 une certaine incompétence dissimulée sous le vernis de l'idéologie.
08:35 Mais il ne dit rien pendant dix ans.
08:38 Sartre s'indignera seulement en 1971 quand Castro fera arrêter le poète Eberto Padilla
08:46 pour avoir osé critiquer le régime de la Havane dans ses poèmes.
08:48 Mais les opérations de séduction de Castro ne se limitent pas aux intellectuels occidentaux.
08:59 Comme le craignait le président américain Eisenhower, dès les années 1950, Castro
09:08 diffuse les idéaux révolutionnaires dans d'autres pays en crise.
09:11 En 1975, les Angolais se sont émancipés des colons portugais installés sur leur territoire
09:18 depuis le XVe siècle.
09:20 Désormais, deux groupes s'affrontent pour le pouvoir dans une guerre civile.
09:24 D'un côté, les puissances occidentales, comme les Etats-Unis et l'Afrique du Sud,
09:30 soutiennent les milices libérales.
09:31 De l'autre, Cuba fournit des armes et des soldats aux mouvements populaires de la libération
09:36 de l'Angola.
09:37 Castro diffuse bel et bien sa vision du communisme et exporte la révolution.
09:42 Les troubles politiques et militaires en Angola se poursuivent jusqu'en 2002.
09:49 Dans les années 1980, le leader Maximo a vieilli.
09:54 Il a plus de 60 ans.
09:56 Il est désormais plus modéré.
09:58 D'avril à octobre 1980, il autorise ce qu'on appelle l'Exode de Marielle.
10:04 Près de 125 000 personnes quittent légalement ce port cubain pour les Etats-Unis, où ils
10:09 espèrent une vie meilleure.
10:10 De leur côté, les Américains se crispent, surtout en Floride.
10:15 Ils craignent de voir arriver sur leur territoire l'allié des prisons castristes.
10:19 Le racisme s'épanouit sur ce terreau de méfiance.
10:22 L'élection de Ronald Reagan en 1980 tend à nouveau les rapports entre Cuba et les
10:29 Etats-Unis.
10:30 Le nouveau président accuse Castro d'être un dictateur.
10:33 L'intéressé s'en défend en expliquant qu'il n'y a pas de culte à sa personne
10:38 sur son île.
10:39 C'est vrai.
10:40 Mais il est le chef incontesté de Cuba depuis la fin des années 1950.
10:44 Le régime communiste enliste son peuple dans la pauvreté.
10:48 La censure l'empêche de se dessiller les yeux.
10:50 Et finalement, la nationalisation des entreprises a abouti à l'enrichissement personnel des
10:56 Castro et d'une petite élite.
10:58 Certains analystes politiques considèrent même Fidel Castro comme un capitaliste arborant
11:03 un masque rouge.
11:04 A la fin de l'année 1991, l'URSS s'écroule.
11:13 C'est la fin de la guerre froide.
11:14 Les Russes n'ont plus les moyens d'investir à Cuba et le pays s'enfonce un peu plus
11:20 dans la misère.
11:21 Les pénuries sont désormais la norme.
11:23 Castro appelle ces années noires la période spéciale.
11:28 En 1995, Cuba abat deux avions américains qui survolaient sans autorisation son espace
11:39 aérien.
11:40 En représailles, Clinton jure de cesser toute relation commerciale avec les pays qui feront
11:45 des affaires avec Cuba.
11:47 L'asphyxie de l'économie de l'île se poursuit.
11:49 Sept ans plus tard, en 2002, le président George W. Bush tente une réconciliation.
11:56 Il demande à Castro d'organiser des élections libres et la libération des prisonniers
12:01 politiques en échange d'un allègement de l'embargo.
12:05 Mais Castro se moque en pointant le fait que l'élection de Bush a été contestée par
12:09 son rival Al Gore et qu'il a fallu recompter les voix, notamment en Floride où les Cubains
12:15 ont plébiscité Bush.
12:17 L'embargo est donc renforcé.
12:19 Il s'assouplit sous la présidence de Barack Obama et se renforce encore avec Donald Trump.
12:25 Bref, ça fait 60 ans que cet embargo se poursuit.
12:28 Il aura duré plus longtemps que le leader Maximo qui cède sa place à son frère cadet
12:33 Raúl Castro en 2008.
12:36 Fidel Castro a tenu le pays pendant 50 ans.
12:39 C'est l'une des plus longues dictatures de l'Histoire.
12:43 Raúl Castro, encore plus rouge que son frère, promet que la révolution a duré 50 ans
12:49 et qu'elle durera 50 ans encore.
12:52 Après la mort de Fidel Castro le 25 novembre 2016, nombre de personnalités qui expriment
12:58 leur soulagement sont arrêtées.
12:59 La révolution castriste continue en effet contre les Cubains.
13:15 C'est la fin de ce récit consacré à Fidel Castro qui a laissé son empreinte dans nos
13:20 livres d'Histoire.
13:21 Merci de l'avoir écouté.
13:23 Au cœur de l'Histoire est un podcast original Europain Studio.
13:27 A la production Camille Bischler.
13:29 A la réalisation Clément Ibrahim.
13:32 A la direction artistique Julien Taro et Adèle Imbert.
13:37 A la diffusion et à la communication Kelly Decroix et Romain Vintillas.
13:41 Et quant à moi, la plume et la voie d'Au cœur de l'Histoire, je vous donne rendez-vous
13:46 sur votre plateforme d'écoute préférée.
13:48 A très bientôt.
13:50 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
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