Cyberharcèlement : Magali Berdah porte plainte contre Twitter pour "complicité de harcèlement moral aggravé"

  • l’année dernière
Magali Berdah, patronne de l’agence d’influenceurs Shauna Event et qui porte plainte contre Twitter pour complicité de cyberhacèlement, alors qu'elle est régulièrement la cible de Booba, était jeudi 20 avril l'invitée de franceinfo. Elle répondait aux questions de Marc Fauvelle.
Transcript
00:00 C'est un clash qui n'en finit plus. Depuis un an, celle qu'on surnomme la reine des influenceurs,
00:03 Magali Berda, est victime d'une immense campagne de haine sur les réseaux sociaux.
00:07 Et aujourd'hui, elle vient donc dire stop au micro de France Info.
00:10 Bonjour Magali Berda.
00:11 Bonjour.
00:12 Vous êtes la patronne de l'agence d'influenceurs Shona Evans.
00:14 Le magazine Forbes vous a désigné il y a deux ans comme l'une des femmes les plus puissantes de France.
00:19 Vous gérez donc les affaires de nombreux influenceurs, cette profession controversée
00:23 qui consiste à profiter de sa notoriété pour faire la promotion de certains produits
00:26 sur les réseaux sociaux.
00:27 Et je précise que vous êtes également visée par une enquête, on va en reparler,
00:30 pour pratiques commerciales trompeuses.
00:32 Pour comprendre ce qui vous arrive aujourd'hui, il faut d'abord remonter un tout petit peu
00:35 le fil du temps.
00:36 Depuis un an, vous êtes donc dans le viseur du rappeur Booba, qui compte 6 millions d'abonnés
00:40 sur Twitter.
00:41 Il vous accuse de faire la promotion de produits douteux, d'être, si je simplifie, un peu
00:44 une arnaqueuse.
00:45 Il vous qualifie d'un flux voleur.
00:47 Et une partie de ses fans s'est donc lancée dans une campagne de haine contre vous sur
00:51 les réseaux sociaux.
00:52 Est-ce que vous pouvez tout d'abord nous dire à quoi ressemble une journée ordinaire
00:55 de Magali Berda quand vous ouvrez par exemple le matin au réveil votre compte Twitter ?
00:59 - Bah déjà, c'est une angoisse.
01:02 C'est un mal de vente tous les matins, un mal de vente tous les soirs.
01:05 C'est des messages d'appels à la mort, décapitation, suicide, appel au viol, avec
01:11 des médonnées, des éléments confidentiels qui sont dévoilés sur les réseaux sociaux,
01:15 des montages.
01:16 - Votre adresse ?
01:17 - Mon adresse.
01:18 Alors là, par exemple, le week-end dernier, Booba a posté l'adresse de l'école juive
01:21 de mes enfants, qui sont des écoles qui sont sensibles.
01:26 Et aujourd'hui, ça a cumulé plus de 4 200 000 vues, puisqu'on voit les vues sur Twitter.
01:32 - Il y a 4 millions de personnes qui connaissent l'adresse de l'école de vos enfants.
01:35 - Voilà, exactement.
01:36 Et on a signalé par exemple ce tweet à Twitter, parce que ça met en danger mes enfants et
01:42 l'école bien évidemment.
01:43 Et le tweet est toujours aujourd'hui en ligne sur Twitter.
01:45 - Vous avez une idée du nombre de messages totals que vous avez reçus depuis un an ?
01:49 De messages d'insultes ou de menaces ?
01:51 - On a plus de 120 000, je crois, depuis un an.
01:54 Et plusieurs centaines, voire peut-être milliers, enfin plusieurs centaines je pense, de Booba
02:01 qui alimente son compte chaque jour, quasiment chaque jour, à fake news, avec des fake news,
02:06 avec des montages, avec une fausse sex tape, qui dit que je suis le Mossad.
02:12 Des choses qui n'ont absolument rien à voir avec les placements de produits.
02:16 - Et avec les faits qui vous sont peut-être reprochés par ailleurs ?
02:18 - Il y en a un qui m'est reproché en fait.
02:20 - Parce qu'il y a une enquête qui est ouverte ?
02:21 - Oui, mais c'est une plainte de Booba.
02:23 L'enquête a démarré bien après ma plainte.
02:28 Enfin, sa plainte a été posée bien après la mienne.
02:30 Donc c'était comme en réponse à la mienne en fait.
02:32 - Alors vous avez porté plainte à de nombreux reprises contre ceux qui vous harcèlent également.
02:35 Il y a une vingtaine de personnes qui sont convoquées prochainement devant la justice.
02:38 Ce qui fait déjà de votre affaire la plus importante campagne de cyberharcèlement en
02:42 cours.
02:43 Aujourd'hui, vous avez décidé d'aller plus loin.
02:44 Vous attaquez Twitter en justice pour complicité de harcèlement moral aggravé.
02:48 Pourquoi ?
02:49 - Parce que Twitter est au courant des faits.
02:51 Ils ont d'ailleurs reconnu que les contenus de Booba étaient illicites.
02:55 Ils ont supprimé plusieurs contenus.
02:57 Mais comme Booba tweet tous les jours, tous les jours et fait ça de Miami, il est à
03:02 l'étranger.
03:03 Il a été convoqué par la police.
03:05 Il ne s'est pas présenté à ses convocations policières.
03:07 Donc la question c'est, moi je pose vraiment la question de la responsabilité de Twitter
03:12 parce qu'aujourd'hui c'est quoi la fin ? En fait, qu'est-ce qui va m'arriver ? Qu'est-ce
03:15 qu'on attend ?
03:16 Il a diffusé des photos de l'entrée de mon bureau.
03:21 On a déménagé exprès aussi pour être tranquille.
03:23 - Quand vous contactez Twitter, ils vous disent "on ne peut pas faire plus".
03:25 - En fait, ils nous disent qu'ils constatent qu'il y a des contenus qui sont illicites,
03:29 qu'ils vont les supprimer.
03:30 On a une lettre officielle qui reconnaît les contenus illicites de Booba.
03:36 Mais je pense qu'à mon sens, aujourd'hui le compte de Booba apporte de la visibilité.
03:42 Il a quand même 6 millions d'abonnés, donc il fait du trafic et apporte certainement
03:46 des revenus à Twitter.
03:47 Mais le sacrifice humain, en fait, ce n'est pas possible.
03:50 Moi, j'ai une famille, j'ai des enfants.
03:51 Ce n'est pas normal.
03:52 - Vous avez essayé d'entrer en contact directement avec lui, avec Booba ?
03:55 - Ah ben absolument pas.
03:57 - De se parler, tout simplement ?
03:58 - Mais je ne peux pas parler avec une personne qui me harcèle.
04:01 Vous savez, les victimes d'harcèlement, c'est de la violence morale, c'est de la violence
04:04 psychique.
04:05 On a eu aussi de la violence presque physique.
04:08 Ma fille a été...
04:09 Il y a eu une enquête en cours, donc est-ce que c'est lié à ça ? Mais je ne sais pas.
04:13 Bref.
04:14 Mon bureau a été massacré, mon bureau a été cassé trois fois.
04:16 On a des menaces de mort tous les jours.
04:19 Je pense qu'il n'y a rien à discuter.
04:20 Enfin, je veux dire, on ne demande pas à une personne qui est agressée physiquement
04:22 si elle veut discuter avec son agresseur.
04:24 L'agression morale, c'est violent aussi.
04:27 - Booba affirme que vous aussi, vous avez cherché à l'intimider jusqu'à son domicile
04:30 pour vous venger.
04:31 Je suis obligé de vous demander si c'est le cas ou pas.
04:33 - Non, il a dit que j'étais le Mossad.
04:34 - Il dit aussi que vous avez cherché à vous venger, directement.
04:38 - Non, non, que j'ai envoyé le Mossad.
04:39 Il a dit...
04:40 Je pense que vous savez, vous en tant que journaliste, que c'est le Mossad et vous savez
04:42 que c'est pas...
04:43 - Service secret, il serait bien.
04:44 - C'est n'importe quoi.
04:45 À part m'attirer des tweets antisémites, c'est...
04:46 Enfin, je veux dire, c'est...
04:48 Mais c'est comme il m'a inventé une sextape aussi.
04:50 Puis comme il a inventé qu'effectivement, on arnaquait les gens.
04:54 Aujourd'hui, la société a été contrôlée par la DGCCRF.
04:57 Il y a eu zéro amende.
04:58 C'est des fake news tous les jours, des audios qui sortent de moi, qui sont trafiqués.
05:01 Enfin, c'est non-stop, en fait.
05:02 - Le mois dernier, sur France Info, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a apporté
05:06 son soutien à Booba dans le combat qu'il mène pour réguler votre profession.
05:09 Comment vous avez réagi ?
05:10 - Très mal, parce que je trouve que c'est...
05:13 Quand on dit "Booba a raison" et quand Booba, par exemple, dit que je suis le Mossad, dit
05:18 que je ne suis pas juive, dit que je suis ceci, dit que je suis cela, poste des choses
05:22 qui sont...
05:23 Enfin bref, il a été convoqué par la police.
05:26 Il ne se présente pas à ses convocations policières.
05:28 Il agit depuis Miami.
05:29 Un ministre ne peut pas dire "Booba a raison".
05:33 - Vous auriez voulu qu'il ait un mot aussi pour ce que vous vivez, vous ?
05:35 - Mais c'est une évidence.
05:37 D'ailleurs, il s'était engagé, le cabinet du ministre, on les a eus par SMS et il avait
05:43 dit qu'il était censé en parler le lundi à la conférence de presse.
05:46 On n'a pas vu un mot.
05:47 Bref, c'est un ministre aujourd'hui...
05:49 - Pourquoi, je vous écoute et je me demande, pourquoi il y a si peu de monde qui vous défend
05:53 aujourd'hui ?
05:54 - Parce que tout le monde a peur de Booba ?
05:55 - Parce que vous êtes dans le milieu de la téléréalité ? Parce que les gens ont peur
05:57 de Booba ?
05:58 - Mais bien sûr.
05:59 - Vous allez choisir votre victime ?
06:00 - Déjà en France, certains politiques choisissent leur victime.
06:03 Je dis certains parce qu'il y en a peut-être deux ou trois qui ont eu du courage.
06:09 Mais certains politiques choisissent la facilité et voilà.
06:14 Oui, c'est triste parce qu'on ne peut pas choisir sa victime.
06:18 On ne peut pas et on ne peut pas cautionner ce qui se passe.
06:20 On est dans un état de droit et le tribunal n'est pas les réseaux sociaux en fait.
06:24 - Il y a une loi qui est en cours d'examen pour réguler le monde des influenceurs.
06:27 Il y en a 150 000 en France.
06:28 Elle prévoit d'interdire la promotion de la chirurgie esthétique par exemple, des
06:31 placements financiers à risque également, d'obliger les influenceurs à indiquer quand
06:36 ils sont en contrat avec une marque, ce qui semble tout de même un peu normal.
06:40 Est-ce que vous faites aussi votre mea culpa en ce moment en vous disant "oui ces dernières
06:44 années on a profité du flou dans la loi pour faire un peu n'importe quoi" ?
06:48 - Non.
06:49 Alors moi ça fait des années que je demande la régulation des placements de produits.
06:51 C'est un peu trop facile aujourd'hui de dire "ah bah Booba qui a 6 millions d'abonnés
06:57 se défend d'un cyber harcèlement en disant "bah non mais en fait moi je dénonce".
07:00 Non, il a démarré à harceler sans parler de placement de produits.
07:03 D'ailleurs ma plainte a été déposée le 23 mai, l'enquête a été ouverte le 1er
07:07 juin, il a déposé plainte sur les influenceurs fin juillet.
07:11 Donc il y a un calendrier qui est très clair et très concret.
07:13 - Vous, vous n'avez jamais rien fait d'illégal ?
07:14 - Mais non, nous on a été contrôlé par...
07:16 - Ce qui ne justifierait en rien ce qui vous arrive aujourd'hui ?
07:18 On est bien tous d'accord là-dessus.
07:19 - Jamais.
07:20 On a été contrôlé par la répression des fraudes.
07:21 Aujourd'hui, la police, la répression des fraudes, c'est leur travail.
07:24 Ce n'est pas le travail de Booba de balancer des fake news sur quelqu'un toute la journée.
07:28 - Merci.
07:29 Laissons faire la justice, c'est le mot de la fin.
07:31 Merci Magali Berda, fondatrice, patronne de l'agence d'influenceurs Shona Evans qui
07:35 porte plainte donc contre Twitter pour complicité de harcèlement.
07:38 Merci d'être venue le dire ce matin en micro de France Info.
07:39 - Merci à vous.
07:39 - Merci à vous.

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