Comment la France s'est désindustrialisée de crise en crise [Le graphique]

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Les difficultés de l’industrie française ne datent pas d'hier. Les années 90 s’ouvrent ainsi sur une chute brutale de 9,5% de la production manufacturière entre le 1er trimestre 90 et le 4ème trimestre 93. L’économie française comme celles des autres pays avancés est tombée en récession. [...]

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00:00 Les difficultés de l'industrie française ne datent pas d'hier.
00:12 Les années 90 s'ouvrent ainsi sur une chute brutale de 9,5% de la production manufacturière
00:19 entre le 1er trimestre 90 et le 4e trimestre 93.
00:23 L'économie française, comme celle des autres pays avancés, est tombée en récession.
00:28 Mais récession amplifiée en France par le durcissement de la politique monétaire.
00:33 Les taux d'intérêt flambent et les entreprises, comme les ménages, doivent se désengêter d'urgence.
00:39 Cela met notamment à terre la construction, un des bouchers majeurs de l'industrie, ce qui amplifie sa chute.
00:45 Cette descente aux enfers va prendre fin début 94.
00:49 En à peine 6 mois, la moitié du chemin perdu est récupéré et à l'été 95,
00:55 le niveau de la production est quasiment revenu à son dernier pic.
00:59 Mais l'élan va être brisé à la suite des dévaluations en série au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne
01:06 qui vont provoquer une perte de compétitivité brutale de l'industrie française
01:10 et l'amener des pans entiers du made in France, principalement dans les biens de consommation.
01:16 Textiles aliment, cuir, chaussures, électroménagers notamment.
01:21 Il ne faut pas oublier non plus le tour de vis budgétaire du gouvernement Juppé,
01:25 notamment la majoration de 2 points de la TVA qui va casser la consommation des ménages et étouffer la demande domestique.
01:32 Une politique de rigueur qui s'inscrit dans la perspective de la mise en place de l'euro.
01:37 L'industrie redécolle temps bien que mal début 97, soutenue par l'embellie des marchés extérieurs,
01:42 puis change de braquet avec la chute des prix des matières premières en général et du pétrole en particulier
01:48 qui descend à moins de 10$ le baril en décembre 98.
01:52 Va suivre la période de la nouvelle économie.
01:54 La production manufacturière atteint alors un pic, aidé aussi par la faiblesse de l'euro qui tombe à 0,86$ en octobre 2000
02:01 et par une Allemagne qui paie alors au prix fort sa réunification et son entrée dans la monnaie unique à 2 DM pour 1€.
02:09 Cette période euphorique porte pourtant les germes du nouveau décrochage à venir de l'industrie française.
02:15 Certes, il y aura un effet purement statistique avec l'externalisation des activités de services qui sont massivement confiées à des sociétés sous-traitantes.
02:25 Mais il y a surtout le choix politique majeur de stimuler la consommation et l'immobilier, quitte à se désintéresser de l'industrie et de ses usines.
02:35 Le fablesse, c'est-à-dire l'industrie sans usines est en vogue dans tous les esprits auxquels s'ajoute la montée des émergents à laquelle personne n'est encore très attentif.
02:45 Leur révélateur vient de l'éclatement de la bulle internet en 2001.
02:49 La production recule de 5% entre début 2001 et la mi-2003. Cette crise marque un vrai tournant.
02:56 Les événements vont alors s'enchaîner avec l'entrée de la Chine dans l'OMC fin 2001 et l'accélération de la mondialisation.
03:02 Déjà déstabilisée, nombre de branches des biens de consommation deviennent un champ de ruines.
03:07 L'électronique grand public est elle aussi emportée et Thomson sera balayé.
03:12 En déclin, la synerurgie subit les assauts de la Chine qui devient la forge du monde.
03:17 Mais ce sont aussi des choix stratégiques de délocalisation des multinationales.
03:23 Le lancement en 2004 de la Logan par Renault, la première voiture low cost, est emblématique.
03:27 Délocalisé pour produire à bas prix à destination d'une demande émergente en plein essor en Chine, au Brésil ou en Russie.
03:35 Mais aussi assemblé dans les régions à faible coût pour approvisionner les pays d'Europe de l'Ouest dont la France.
03:41 L'automobile rejoint la liste déjà longue des activités dont la production quitte le territoire.
03:47 La progression de 6% entre 2004 et 2008 n'est qu'un sursis tant les fondements de la compétitivité sont sapés en profondeur.
03:54 Notamment vis-à-vis de l'animal qui récolte les fruits de son engagement dans les réformes Schroder et de la mise en place de l'économie de bazar.
04:01 Et en vérité, ce n'est pas l'effondrement de 19% de la production lors du krach de 2008-2009 qui constitue le révélateur de notre faiblesse industrielle.
04:10 Tous les grands pays, même la Chine, même l'Allemagne sont pris dans la même spirale.
04:15 Non le bon révélateur de notre faiblesse industrielle, c'est notre incapacité à réellement remonter la pente après.
04:22 Bien entendu, l'affaissement des demandes domestiques à la suite des cures d'austérité en France et plus encore en Italie et en Espagne,
04:30 deux débouchés importants de nos industriels et d'exports ont compliqué la tâche.
04:35 Mais ni le CICE en janvier 2013, ni l'ensemble des mesures pour offre qui ont suivi le pacte de responsabilité et de solidarité,
04:41 en passant par les mesures prises par Emmanuel Macron pour améliorer la compétitivité-coût des entreprises,
04:47 ne permettent de réellement redorer le blason de l'industrie française.
04:51 En outre, la concurrence durcit avec l'Italie et plus encore avec l'Espagne, qui suit la voie allemande du néo-mercantilisme
04:57 faite de déflations salariales, de compression de la demande intérieure et d'offensives à l'extérieur.
05:04 C'est le bastion des industries alimentaires qui est cette fois-ci assiégé après avoir déjà subi des coups de boutoir des industriels allemands dans les viands.
05:12 Bilan, en 2019, soit dix ans après la grande récession, la production manufacturière reste inférieure de 10% à son sommet.
05:21 Survient alors la crise de la Covid qui fait soudainement décrocher l'industrie française de près de 12%, un chiffre comparable à celui de ses plus proches voisins.
05:29 La remontée est rapide mais partielle, avec une activité inférieure de 5% à son niveau pré-pandémie et de 15% par rapport à son apogée.
05:38 En fait, parmi les grandes branches d'activité, seule la pharmacie a restauré son niveau d'avant-crise.
05:45 S'il y a bon espoir que l'aéronautique y parvienne, des doutes sérieux entourent d'autres filières dont l'industrie automobile.
05:51 Une fois de plus, après une crise, la base industrielle s'est réduite, a accéléré les pertes de compétences et rendu de plus en plus difficile l'innovation,
06:01 minant ainsi toujours plus les possibilités d'une réindustrialisation.
06:06 [Musique]

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