Franz-Olivier Giesbert & Agnès Verdier-Molinié : Le Grand Rendez-Vous du 23/04/2023

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Chaque dimanche, #LeGrandRDV reçoit un invité politique dans le Grand Rendez-Vous, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos.

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00:00 Bonjour à tous et bienvenue à vous. Emmanuel Macron promet 100 jours, 100 jours pour apaiser,
00:05 mais pour le moment ce sont des jours chahutés pour le président de la République qui est interpellé sur le terrain.
00:10 Bruit de casseroles, sifflets, huées, l'hostilité est conséquente voire inédite alors qu'il fêtera demain les 1 an de son second mandat.
00:19 Alors le lien est-il définitivement rompu avec les Français ?
00:22 Deux invités ce dimanche pour en parler et pour analyser la situation politique et sociale.
00:27 A partir de 10h30 ce sera la directrice de la fondation IFRAP, Agnès Verdier-Molinier, auteure du livre "Où va notre argent ?"
00:35 et dès à présent on est ravis d'accueillir l'éditorialiste et écrivain, François-Olivier Gisbert. Bonjour à vous.
00:40 Bonjour.
00:40 Auteur de "La belle époque, histoire intime de la Ve République", une trilogie à paraître le 3ème tome en novembre.
00:48 Et pour vous interroger, François-Olivier Gisbert, je suis entouré de mes camarades Stéphane Dupont. Bonjour Stéphane.
00:52 Bonjour.
00:53 Les échos bien sûr et Mathieu Beaucoté. Bonjour à vous Mathieu.
00:56 Bonjour.
00:56 Alors, François-Olivier Gisbert, tous les présidents, vous le savez évidemment, vous les avez côtoyés de la 5ème, ont connu l'impopularité.
01:03 Est-ce qu'Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, est confronté à une situation d'impopularité somme toute ordinaire ?
01:09 Ou est-ce qu'il y a une particularité, une singularité par rapport à ce président-là ?
01:13 Ah oui, clairement, parce qu'il ne sait pas.
01:16 Moi je crois que ce qui est fascinant dans l'histoire de Macron, quand on l'écrira plus tard, c'est qu'il est arrivé comme stagiaire.
01:21 C'est-à-dire, bon, il a été vaguement ministre, mais c'est quelques mois.
01:25 Il a travaillé un peu dans les cabines des ministériels, il a été banquier.
01:28 Pouf, allez, il est parachuté par la volonté des Français à être président de la République,
01:33 mais il n'a pas les clés, il ne sait pas comment ça marche.
01:36 Et moi, comme il me semblait intelligent, je pensais qu'il apprendrait vite.
01:40 Je dirais aujourd'hui, il n'a toujours pas appris. Pourquoi ?
01:43 Ben c'est très simple, regardez. Aujourd'hui, il parle tout le temps, il est à la télé tous les soirs.
01:47 Mais pourquoi il ne l'a pas fait avant ? Pourquoi il ne l'a pas fait au moment des retraites ?
01:51 Vous savez, c'est toujours cette grande phrase que Mitterrand citait tout le temps,
01:54 mais qui est tellement juste d'Aristide Briand, le grand ennemi de Clemenceau.
01:57 Il disait "la politique, c'est parler aux gens".
02:00 On ne peut pas dire que Macron parle, il fait de la com'.
02:02 C'est-à-dire, la com' c'est quoi ? C'est Narcisse.
02:06 Je me montre, j'apparais, voilà, je suis sur les photos, etc.
02:09 Mais qu'est-ce que j'ai à leur dire ? Ben oui, c'est de la communication,
02:11 puisque qu'est-ce qu'il leur dit ?
02:12 Vous voyez, il aurait été, comment dire, il aurait eu le sens de la France, de l'État, etc.
02:18 Il aurait fait cette réforme en expliquant la vérité.
02:20 C'est-à-dire, bon, regardez nos finances publiques.
02:23 Bon, peut-être, ça aurait pu passer pour une autocritique, mais il était obligé de le faire.
02:28 Ça ne va pas. On est obligé de prendre des mesures, au moins, par rapport au marché.
02:31 Vous dites qu'il ne sait pas faire, mais il a quand même été réélu, assez largement.
02:34 Enfin, vous avez vu cette campagne. Il n'y avait pas de campagne, c'est grotesque.
02:37 Il y avait la guerre en Ukraine.
02:38 Il n'y avait pas de campagne, c'est la Vème République, un président est réélu en cohabitation.
02:41 Vous posez la question, c'est, comment dire, de très bonne guerre.
02:45 Mais vous savez très bien la réponse.
02:46 C'est-à-dire, il n'y a pas eu de campagne, il y avait la guerre en Ukraine,
02:49 et en face, il y avait Karim Desilha, c'est-à-dire Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
02:54 Donc, évidemment, il y avait un boulevard. Les gens étaient obligés de voter Macron.
02:57 Vous savez, moi, je circule beaucoup en France, je fais beaucoup de conférences.
03:01 Je suis fasciné de voir la montée de la haine, du dépit, du découragement, bien sûr.
03:07 La haine, bien sûr. Vous avez un espèce de climat, dans une partie de la population, pré-révolutionnaire.
03:13 Bon, on en est arrivé là.
03:14 Mais ce que je veux dire, parce que c'est important, sur le fait de ne pas parler, de ne pas parler aux gens.
03:20 C'est, comment dire, c'est fondamental.
03:22 C'est-à-dire, vous faites une réforme comme celle des retraites, vous devez expliquer avant.
03:27 C'était à lui de le faire, ce n'est pas Borne qui pouvait le faire, il est incapable.
03:30 Ce n'était pas Olivier Dussopt, c'est « on l'écoute, on ferme le poste ».
03:33 Là, il fallait vraiment trouver...
03:37 Bruno Le Maire aurait pu le faire, mais comme il déteste Bruno Le Maire,
03:40 parce qu'évidemment, il n'a plus de talent que lui.
03:42 Si vous voulez, il y a quelque chose qui ne colle pas dans ce système.
03:45 Si vous voulez, la solution, il l'a, mais connaissant Macron, je pense qu'il ne le fera pas.
03:50 Quelle est la solution ?
03:51 La solution, c'est très simple, une forme d'abdication qu'ont fait d'autres présidents dans le passé,
03:55 ou de retour, disons, à la constitution de la Ve République,
03:59 le président préside, le chef du gouvernement gouverne, et d'avoir un Premier ministre fort.
04:05 Vous avez vous-même dit que la Ve République, c'est terminé, que le président c'est le chien à l'extrême.
04:10 Non, je ne suis pas d'accord, c'est la pratique qui a changé.
04:13 Cette pratique, elle était saine, c'est-à-dire qu'il y avait quelqu'un qui pensait l'avenir,
04:17 ça a été De Gaulle, etc.
04:20 François-Olivier Gisbert, ça a toujours été comme ça,
04:23 les premiers ministres ont toujours été des collaborateurs,
04:25 ou des gens qui étaient là pour appuyer la politique du président.
04:28 Ce n'est pas exact, vous regardez bien l'histoire de la Ve République,
04:31 regardez les rapports Pompidou-De Gaulle, qui sont écrits d'ailleurs sur la fin,
04:34 Pompidou avait une liberté énorme, et De Gaulle disparaissait quand il partait en voyage,
04:38 il n'appelait pas tous les jours, il pouvait ne pas appeler pendant 3-4 jours son premier ministre.
04:42 Vous savez très bien, regardez les rapports Mitterrand-Rocard,
04:46 toute l'histoire de la Ve République c'est compliqué,
04:49 il y a eu des collaborateurs, c'est vrai, vous avez raison,
04:51 mais il y a eu des personnalités fortes, regardez les rapports Giscard-Barr.
04:55 - Mais il y a quelque chose... - Barr est un premier ministre très fort.
04:57 François-Olivier Gisbert, j'ai lu vos biographies, Mitterrand, Chirac, Sarkozy,
05:01 chez la plupart d'entre eux, on pourrait dire qu'il y a une forme de rapport intime,
05:05 charnel avec les Français, qui a passé de les comprendre de l'intérieur.
05:08 Diriez-vous que c'est la part manquante d'Emmanuel Macron ?
05:11 - C'est évident, il n'a même pas été conseiller municipal, rien du tout,
05:14 il ne sait pas ce que c'est. - Mais ça se développe par charnel,
05:16 ça se développe ce rapport intime. - Mais ça se développe, la politique est un métier.
05:20 Moi ça fait longtemps que je regarde, évidemment c'est très bien,
05:23 on fait des articles dans les journaux pour dire qu'on est contre la politique professionnelle,
05:26 mais c'est pas vrai, c'est un métier, ça s'apprend, c'est violent,
05:29 c'est très violent la politique, moi j'ai beaucoup d'admiration pour les politiques
05:32 quand ils font vraiment leur travail, ce qui est assez rare quand même,
05:35 vous avez des grands-mères qu'on ne peut qu'admirer parce qu'ils font un travail admirable,
05:38 je pense à Gérard Collomb par exemple, l'ancien maire de Lyon,
05:41 c'est un type absolument merveilleux, extraordinaire,
05:44 Alain Juppé ce qu'il a fait à Bordeaux, Christian Estrazy ce qu'il fait à Nice,
05:47 - Mais pourquoi toutes ces personnalités que vous citez
05:50 auraient davantage le sens de la France qu'un Emmanuel Macron
05:53 qui est arrivé, comme vous le dites, par la volonté des Français,
05:56 qui est là quand même depuis quelques années, et malgré tout,
05:59 il s'est fait réélire dans certaines conditions, ça reste une prouesse,
06:02 et vous-même dans quelques années quand vous en parlerez,
06:05 François-Olivier Gisbert, vous noterez qu'il y a quand même eu quelque chose de particulier
06:08 par rapport à ce président.
06:10 - Je suis d'accord, mais, très bonne avocate du diable,
06:13 mais, ce n'est pas le diable, ce n'est pas le diable,
06:16 ce n'est pas le diable d'Emmanuel Macron,
06:19 mais quand même, reconnaissez qu'il a eu le cul de bordel de nouille,
06:22 c'est-à-dire que quand même l'affaire Fillon a réglé le problème,
06:25 c'est-à-dire les juges ont décidé de massacrer le candidat de Fillon,
06:28 qui était évidemment celui qui était le mieux placé,
06:31 et du coup, et puis, Hollande avait commis l'erreur de ne pas se présenter,
06:35 et du coup, évidemment, il a eu un boulevard devant lui,
06:38 il y a eu un concours de circonstances qu'a géré pour lui.
06:41 Mais attendez, je ne dis pas que c'est un nul,
06:44 je dis juste qu'il y a quelque chose qui cloche dans la personnalité,
06:47 il y a trop de narcissisme, il y a l'incapacité à apprendre,
06:51 il y a l'incapacité à déléguer ce qui est extrêmement grave,
06:55 parce que même dans une PME, si vous avez un petit boulot,
06:58 vous êtes plombier, vous êtes très content d'avoir un employé
07:01 qui travaille mieux que vous, mais il n'est pas comme ça.
07:04 Regardez son gouvernement, regardez, il choisit,
07:07 en fait, plus les gens sont des exectoplasmes, mieux ça lui va.
07:10 Alors, je ne sais pas, il y a trois qui ont réussi à survivre,
07:12 je ne sais pas comment, Bruno Le Maire, Gabriel Attal et Gérald Darmanin,
07:17 on connaît les noms d'ailleurs, ce ne sont que trois,
07:19 les autres, citez-moi les noms, regardez.
07:21 – Alors vous avez dit, il lui faudrait un Premier ministre fort,
07:24 pour incarner peut-être la part manquante de ce rapport avec les Français.
07:27 Vous avez un nom à l'esprit, vous avez des noms qui vous viennent à l'esprit ?
07:30 – Il n'y a que ça.
07:31 – Et que doit-il représenter au-delà de la majorité ?
07:33 – Il n'y a que ça, attendez, d'abord il faut voir une chose,
07:36 quand on a un peu l'expérience de la Ve République,
07:39 il y a quelque chose qui ne va pas non plus après l'élection,
07:43 c'est-à-dire qu'il est battu, il n'a pas de majorité.
07:46 Un homme politique normal, il voit, c'est une nouvelle situation,
07:50 donc la nouvelle situation, il faut trouver une solution.
07:54 La solution c'est évidemment de faire un gouvernement avec LR,
07:58 en maintenant son petit côté, enfin, rassurance sociale-démocratie.
08:01 – Il a essayé François-Yves Gisbert avec l'épisode Catherine Vautrin,
08:04 qui est très bien raconté dans le livre du journaliste Ludovic Vigneult,
08:07 il y a des cent jours, ça a l'air. – Oui, excellent livre, les cent jours.
08:10 – Il a essayé, la majorité un peu à gauche le tense,
08:13 et finalement il doit aller vers un choix contraint,
08:15 qui est celui d'Elisabeth Werd.
08:16 Non, vous ne croyez pas que c'est ça ?
08:17 – Non, bien sûr, tout à fait, je le connais tout à fait,
08:19 c'est très gentil pour lui, parce que ça ne s'est pas passé comme ça,
08:21 c'est pas sa majorité.
08:22 – Ça a rencontré nous.
08:23 – C'est très bien, tout le monde le sait, c'est Richard Ferrand
08:26 et Christophe Castaner qui ont ensuite été battus,
08:28 qui étaient, oui, un peu l'incarnation de l'aile gauche,
08:31 de la Macronie, qui ont dit "tu ne peux pas faire ça", etc.
08:34 Bon, très bien, il s'est retourné, sans l'appeler d'ailleurs, je crois,
08:37 il a changé comme ça d'avis, mais on ne peut pas gouverner comme ça,
08:41 c'est au jour le jour, à la gaudire, c'est une sorte de bateau sans quille,
08:45 comme ça, qui avance, on ne sait pas, au gré des vents,
08:47 enfin, c'est l'histoire du "en même temps",
08:49 en même temps c'est très simple, ça permet de…
08:51 Vous savez, en même temps, la définition du "en même temps",
08:53 c'est "je suis contre le nucléaire, il est contre le nucléaire,
08:56 brusquement, paf, ça change, allez, je suis pour le nucléaire".
08:58 Voilà, mais on ne peut pas gouverner comme ça.
09:00 – Les LR dont vous parlez, ils n'ont pas envie de venir au gouvernement,
09:03 ils disent "on ne veut pas monter sur le Titanic".
09:05 – Bah, plus aujourd'hui, mais là je parle d'après l'élection,
09:08 après l'élection, il y a un problème, on le gère.
09:11 Mitterrand, quand il a été battu, ça lui est arrivé,
09:13 c'est le seul président sortant qui avait été battu,
09:15 comme ça, aux législatives, on l'oublie toujours, en 1988,
09:18 il a fait semblant que ça ne se voit pas, il n'a rien dit,
09:21 et il a magouillé, mais il manquait quelques voix,
09:23 c'était rien, trois, quatre voix, là c'est beaucoup plus.
09:25 – Alors, avec un tel tableau, François-Olivier Gisbert,
09:28 est-ce que vous pensez qu'il a une capacité à rebondir,
09:30 et il se donne 100 jours pour retrouver un peu d'oxygène,
09:33 pour apaiser, est-ce que c'est véritablement dans ses gènes,
09:36 dans son ADN, parce qu'apparemment, à vous écouter,
09:39 il ne peut pas changer, il est ainsi ?
09:42 – Alors, quand je dis ça, c'est évidemment toujours avec l'espoir secret,
09:45 moi j'aime mon pays, j'aime la France, et je souhaite que ça reparte,
09:49 évidemment, on ne va pas passer quatre ans comme ça,
09:51 assister à cette espèce de tir au pigeon,
09:54 enfin c'est difficilement supportable,
09:57 mais je dis ça aussi parce que je souhaite qu'il change,
10:01 mais c'est vrai qu'on commence à se demander,
10:04 s'il a même la capacité de changer, il est tellement sûr,
10:07 et en plus, si vous voulez, pour une réforme,
10:10 enfin qui est une réforme ridicule, parce qu'elle ne va rien rapporter,
10:13 elle va rapporter peut-être 10 milliards ou plus,
10:16 très vite, tout ça pour ça, mais c'était juste une réforme,
10:19 comment dire, pour les marchés financiers, il ne faut pas se raconter d'histoire,
10:22 oui, mais pour éviter une crise financière,
10:24 parce que c'est ça qui prend au nez de la France,
10:26 quand on regarde les chiffres, attendez, la France,
10:28 c'est pratiquement un quart de l'endettement
10:31 de l'Union économique et monétaire en France,
10:34 de la zone euro, c'est énorme, 24%,
10:37 et avec en plus une part de la richesse nationale
10:40 de la zone euro qui baisse, non mais vous vous rendez compte,
10:43 on est comme dans une situation très compliquée.
10:45 Si c'est une réforme, pourquoi une telle réaction,
10:48 pourquoi une réaction au CVIF dans la population ?
10:51 Parce que ce n'est pas expliqué, attendez, excusez-moi.
10:54 On en parle depuis 3 ans de la réforme.
10:57 Non, non, non, d'abord il était pour la retraite à points,
11:00 après il change, ah ben non, c'est en même temps,
11:03 c'est une autre chose, on va en prendre une autre.
11:05 Il lui aurait suffi de mieux expliquer pour que tout passe ?
11:08 Je ne dis pas ça, d'abord ce n'était pas forcément à lui de le faire,
11:11 il pouvait le faire faire par d'autres,
11:13 il aurait pu avoir son, le maire,
11:15 l'ATA aurait très bien pu le faire par exemple,
11:18 mais les faire apparaître le plus possible,
11:20 et puis lui il serait arrivé derrière,
11:22 enfin il ne pouvait pas rester comme ça, complètement absent,
11:24 je suis désolé, il a été, il a tout filé à bord,
11:27 qui évidemment, elle n'est pas faite pour ça,
11:30 c'est une bonne technicienne, certainement,
11:32 mais ce n'est pas une politique du tout,
11:34 il faut des politiques, dans des périodes difficiles,
11:36 comme l'est la France aujourd'hui,
11:38 il ne faut pas des technocrates, il faut des politiques.
11:40 Justement, on va continuer à en parler,
11:42 on marque une courte pause, où sont les politiques ?
11:44 Où sont-ils justement, ces femmes et ces hommes,
11:47 avec l'épaisseur politique, pour tenter un petit peu de réconcilier,
11:50 baste mot, la France, et de cicatriser toutes ces fractures françaises ?
11:55 Une courte pause, et on se retrouve sur Europe 1 et C News.
11:58 Nos invités ce dimanche, tout à l'heure, ce sera Agnès Verdier-Molini,
12:02 - Ne pas l'oublier celle-là, formidable livre, j'ai adoré.
12:06 - Peut-être que vous pourrez répondre à la question,
12:08 on va à notre argent, pour l'instant, je vous pose la question,
12:10 - C'est la lune du poids aussi d'ailleurs.
12:12 - Oui, tout à fait, où vont les responsables politiques,
12:14 où est la politique d'ailleurs, par rapport à votre livre,
12:17 qui est un véritable succès, "La belle époque",
12:20 est-ce qu'il y a une sorte de nostalgie,
12:22 parce que là, on vous voit, quand vous faites référence,
12:24 évidemment, à ces grands fauves de la politique,
12:26 on voit votre œil qui pétille, on voit qu'il y a de la pétance,
12:29 il y a une autre époque qui est passée,
12:32 la page est tournée malheureusement ?
12:34 - La page n'est pas tournée, ça je ne crois pas du tout,
12:36 mais je pense que pour être un grand président,
12:38 il faut de l'expérience, et il faut de la culture.
12:42 Je pense que le problème de Macron aujourd'hui,
12:45 c'est qu'il manque des deux, il est intelligent,
12:47 c'est ce que je crois, parfois j'en doute, mais je le crois,
12:50 et il faut à tout prix, comment dire, la culture c'est important,
12:53 parce que ça permet de ne pas faire d'erreurs monstrueuses,
12:56 comme il a pu le faire, par exemple,
12:58 c'est un coin que vous connaissez bien,
13:00 mais ce qu'il fait avec le Maghreb est complètement dingue,
13:02 je ne comprends pas, c'est-à-dire, il s'est mis dans les pas de l'Algérie,
13:05 on a l'impression presque que nous sommes en situation de guerre
13:08 avec le Maroc, enfin on ne comprend pas, tout ça est absurde.
13:10 - C'est un manque de culture qui explique cela ?
13:12 - Oui absolument, c'est-à-dire, d'écoute, de culture,
13:14 vous voyez, quand vous voyez certains grands présidents
13:17 que j'ai eu la chance de connaître et de voir souvent,
13:19 que ce soit Giscard, que ce soit Mitterrand,
13:21 enfin comment dire, ils se sentaient, ils savaient,
13:23 ils connaissaient, ils avaient travaillé avant, Chirac aussi,
13:26 et là on a le sentiment que ce sont toujours des pages blanches,
13:29 et j'irais presque une page blanche tous les jours,
13:31 évidemment, ça crée d'énormes problèmes,
13:33 par exemple, regardez, même l'histoire de Taïwan,
13:36 personne d'autre que Macron ne pouvait dire ça,
13:39 c'est-à-dire, par exemple, c'est un permis d'agresser à la Chine
13:43 qui décerne aux dirigeants chinois,
13:46 qui donne aux dirigeants chinois,
13:48 après un petit voyage qui se ferait bien passer,
13:50 - Lui explique qu'il peut y avoir une troisième voie,
13:52 - Mais c'est infantile, il faut bien dire les choses,
13:55 une troisième voie, ça veut dire quoi ?
13:57 Non, surtout si on veut pas,
13:59 si on veut que ça se passe bien avec Taïwan,
14:02 on dit rien, on dit rien, c'est le béaba de la politique,
14:05 il a besoin de se montrer, d'exister, vous voyez, c'est...
14:08 - Emmanuel Macron, il a connu des crises politiques déjà,
14:10 notamment les Gilets jaunes, qui étaient une période très difficile,
14:14 et il a réussi à retourner la situation avec le grand débat national,
14:17 vous pensez que cette fois-ci, après la retraite,
14:19 il a un moyen de retourner une nouvelle fois la situation,
14:22 ou est-ce que cette fois-ci, c'est mort de chez mort ?
14:25 - Alors là, c'est effectivement l'un des français, je cite les anciens,
14:29 qui disait toujours, un homme politique a toujours tendance à refaire ce qui lui a réussi,
14:33 alors là, évidemment, ça lui a réussi, le grand débat,
14:36 ça lui a réussi incontestablement, d'ailleurs,
14:38 il est très brillant à l'oral, personne ne conteste ça,
14:41 mais il fait le même coup, le problème c'est qu'entre-temps,
14:44 comme c'est un prestidigitateur, presto agiti,
14:48 c'est-à-dire la main, pour les papouilles,
14:51 et puis en même temps pour signer les chèques,
14:53 il gouverne beaucoup avec la main,
14:55 et aujourd'hui, le problème du prestidigitateur,
14:57 c'est qu'à un moment, on voit les tours, c'est-à-dire on les connaît,
15:01 je crois que les français ont perçu ça,
15:03 c'est-à-dire, chez lui, je pense, j'ai dit ses qualités,
15:07 mais il y a quand même, peut-être le défaut le plus grave,
15:11 c'est la sous-estimation de l'intelligence des français,
15:13 peuple éminemment politique, même s'il se raconte des histoires,
15:17 même s'il est abreuvé de pensées magiques,
15:19 et de marxisme économique débile,
15:22 par certains enseignants, une grande partie de la classe médiatique,
15:27 mais c'est un peuple intelligent, moi ça me frappe toujours,
15:30 et je veux dire très politique, très malin.
15:33 - Vous me poserez la question, parmi les grands anciens,
15:35 duquel devrait-il s'inspirer ?
15:37 - De Gaulle, mais si, c'était De Gaulle.
15:39 - C'est facile comme réponse.
15:40 - Mais De Gaulle, parce que c'était le meilleur,
15:42 et De Gaulle il serait parti, bien entendu,
15:43 quand il aurait vu, après les élections législatives,
15:46 l'année qu'il avait perdue, parce qu'il a perdu, il a perdu.
15:50 Alors il n'était pas forcément obligé de le dire,
15:52 mais il pouvait dire, voilà je lance un nouveau truc,
15:54 un nouveau projet, mais là, si vous voulez,
15:57 avec sa petite ficelle sur, pour reprendre la main,
16:00 on va parler de la vie au travail, non mais c'est quoi ces trucs-là ?
16:03 Et puis après, on donne des augmentations aux enseignants,
16:06 mais pourquoi il ne les donne pas avant ou après ?
16:08 Enfin tout ça, on voit le tour du magicien,
16:12 enfin magicien avec des guillemets bien sûr.
16:14 - Il a perdu la main, il gouverne avec la main,
16:16 il l'a tendue la main, alors on ne parle pas des syndicats,
16:18 mais il a cherché avec les Républicains,
16:21 il n'a pas pu compter sur eux, il a voulu essayer de gouverner
16:24 avec une majorité, je vous vois sourire.
16:26 - Non mais c'est parce que, vous me posez votre question,
16:28 je fais le métier, je le fais aussi,
16:30 on ne croit pas toujours à ce qu'on dit,
16:32 et évidemment, vous savez bien que ce n'est pas vrai,
16:34 pour une raison très simple, c'est que s'il avait voulu
16:36 gouverner avec les Républicains, ça se faisait le lendemain
16:39 des élections législatives.
16:40 - Mais pourquoi avec des débauchages individuels ?
16:42 - Aujourd'hui, vous parlez des débauchages individuels,
16:44 tout ça, aujourd'hui, par le débauchage individuel...
16:46 - Vous ne l'avez aucune porte de sortie.
16:48 - Vous lui expliquez parfaitement ce qu'il aurait dû faire
16:50 il y a un an, mais aujourd'hui la situation est tout autre,
16:52 la situation est compliquée.
16:54 - Moi c'est très simple, il a perdu, je fais une cohabitation,
16:57 aujourd'hui à sa place, je mettrai un Premier ministre fort,
17:00 qui incarne une autre ligne, par exemple on signe,
17:03 j'ai lu dans la presse, je n'y crois pas vraiment,
17:07 mais par exemple le nom de Nicolas Sarkozy...
17:09 - Vous y croyez ?
17:10 - C'est ça ? - Premier ministre ?
17:11 - Moi je pense oui.
17:12 - Les Français le détestent autant que Macron ?
17:14 - Ce n'est pas le sujet, il faut qu'il...
17:16 Si, vous voyez, l'histoire du couple de l'exécutif,
17:21 c'est-à-dire le Premier ministre et le Président,
17:23 c'est aussi un système qui permet à l'exécutif d'être un peu plus fort,
17:26 parce qu'il y en a un qui prend tout le poids,
17:28 et puis après, on peut s'arranger.
17:30 Mais là, c'est Macron qui prend tout, il lui faut un Premier ministre fort.
17:35 Mais évidemment, moi je pense que Larcher,
17:37 ce serait une bonne solution aussi, Gérard Larcher, le Président du Sénat,
17:39 simplement évidemment, il ne voudrait pas y aller,
17:41 parce qu'il a envie de travailler avec Macron.
17:43 - Vous pensez que c'est de nature véritablement provoquer un sursaut, un électrochoc ?
17:46 - Ce n'est pas ce que je veux dire.
17:48 Je dis qu'il doit tenir compte du résultat d'élites latives,
17:52 il serait temps, un an après, quand même...
17:55 - Sinon quoi ? Sinon qu'est-ce qui peut se passer ?
17:57 - Eh bien, un lent délitement, vous savez,
18:00 le délitement auquel nous assistent, un délitement économique, je le dis,
18:03 vous le verrez tout à l'heure avec Agnès Verdier-Molinier,
18:06 il y a une sorte d'effondrement qui continue, avec, c'est vrai,
18:09 des signes positifs, parce que moi je fais partie de ceux,
18:12 j'aime mon pays, je pense que rien n'est foutu,
18:15 et que c'est pour ça qu'il faut se battre,
18:17 mais un lent délitement qui peut continuer comme ça pendant 4 ans.
18:20 Il y a des signes de réindustrialisation, par exemple,
18:23 il y a des signes positifs, mais vous savez très bien que globalement,
18:26 sur tous les sujets, l'autorité, l'éducation nationale,
18:29 tous les sujets, il y a une espèce de...
18:32 On peut dire que le mot qui convient à la situation, c'est le délitement.
18:35 D'autres parlent de déclin, moi je dirais vraiment...
18:38 Ou même parfois, sur le plan économique, on sent un effondrement,
18:41 c'est-à-dire, écoutez, moi, Le Grand Point, par exemple,
18:44 vous serez d'accord avec moi, 164 milliards de déficit du commerce extérieur,
18:49 c'est une catastrophe, c'est une catastrophe nationale.
18:52 Bon, personne n'en parle, personne n'en parle, c'est le sujet.
18:56 D'ailleurs, la presse n'en parle même pas, parce que la presse, je le répète...
18:59 - Ce ne sont pas les bons journaux. - Non, non, mais bien sûr, les échos en parlent.
19:02 Heureusement, l'Opinion, Le Point, il y a quelques journaux,
19:05 Le Figaro, Le Figaro Magazine, ils en parlent, mais si vous voulez,
19:08 globalement, ce n'est pas un sujet qui est...
19:11 C'est un sujet national, il faut qu'on retrousse nos manches,
19:14 qu'on règle ce problème, on ne pourra pas vivre à crédit,
19:17 comment dire, éternellement, ce n'est pas possible.
19:20 - On est en train de vivre dans une bulle, dans une illusion, aujourd'hui,
19:23 à parler de certains sujets, majeurs quand même, les retraites,
19:26 grands sujets d'avenir. - Les grands sujets, vous savez très bien,
19:29 c'est la réindustrialisation, remettre la France au travail,
19:33 c'est un vrai sujet, pour que la France redevienne ce qu'elle était.
19:36 - Vous avez entendu les trois grands chantiers d'Emmanuel Macron,
19:39 vous ne semblez pas y croire, c'est ce qu'il a tenté d'impulser, justement,
19:42 en prenant la parole. Non, mais je vois bien que les bras vous entendent.
19:45 - Il s'en fout, il change de sujet, c'est parti, c'est sur autre chose,
19:48 on ne comprend pas, on ne suit pas, on a du mal à suivre. La vie au travail,
19:51 la phase qu'on a... Où est-ce qu'il a trouvé ça ?
19:54 - Je cherche... - Brusquement, il devient écolo,
19:56 vous vous souvenez, pendant la campagne présidentielle,
19:58 il fait un discours lunaire à Marseille, complètement écolo,
20:00 mais on ne comprend pas, on ne sait pas qui il est toujours.
20:03 - Je ne comprends pas vous, si je peux me permettre,
20:05 parce que je cherche votre cap, vous dites Gérard Larcher,
20:07 imaginez, on serait Premier ministre de cohabitation...
20:09 - Attendez, je ne suis pas Macron. - J'ai bien compris, vous comprenez
20:12 ma question. - Vous me posez la question, si.
20:14 - Gérard Larcher, figure centriste de cohabitation, consensuelle,
20:17 Nicolas Sarkozy, figure énergique, plus clivante, plus polarisante,
20:21 fondamentalement, vous souhaitez un homme avant de souhaiter une ligne ?
20:25 - Ah non, une femme aussi, j'aimerais bien, une femme, bien sûr,
20:28 il y en a des femmes. - Le choix pour vous, c'est d'abord
20:31 une figure réportante au-delà de la ligne québécoise ?
20:34 - Non, c'est... Non, non, d'ailleurs, les deux, on ne peut pas dire
20:36 que ce soit tout à fait la même ligne, mais c'est plutôt une capacité
20:40 à prendre les choses en main. Les deux noms que j'ai cités,
20:43 on peut en citer plein d'autres. Il ne prendra pas l'heure envoquée,
20:45 parce que je pense qu'il y a une incompatibilité d'humeur
20:49 très violente entre les deux, réciproque, etc. C'est impossible.
20:53 Il ne prendra pas Bernard Cazeneuve exactement pour les mêmes raisons,
20:56 parce qu'on peut citer des gens de gauche aussi qui seraient
20:58 tout à fait capables. Il aurait pu d'ailleurs essayer de trouver un mix
21:00 avec, par exemple, après la présidentielle, et législative surtout,
21:05 tirer les conclusions de son échec et faire une cohabitation
21:09 avec un mix, je ne sais pas, Bruno Le Maire et Bernard Cazeneuve,
21:13 c'est une solution, vous voyez ce que je veux dire ?
21:15 - Vous ne comptez pas... - Oui, oui, non, mais attendez,
21:17 vous faites son truc ! Non, mais attendez, un peu d'expérience, ça aide.
21:21 - Vous qui avez l'expérience, puisque vous avez écrit "La Belle Époque",
21:23 si vous deviez nommer l'époque que nous vivons aujourd'hui
21:26 pour conclure cette première partie, que diriez-vous ?
21:28 Quelle époque nous sommes en train de vivre par rapport à "La Belle Époque" ?
21:32 - Ce serait facile de répondre à ça, l'époque, mais je ne suis pas sûr
21:36 que ça dure. Moi, je pense que l'effondrement n'est peut-être pas fini.
21:39 C'est-à-dire que là, on a quatre ans à tirer.
21:42 Non, parce que vous pouvez avoir aussi la victoire de Marine Le Pen.
21:45 Alors bon, quand on entend Jordan Bardella, on se dit peut-être que ça va bien se passer,
21:48 mais sinon, quand on regarde les programmes, on a un peu le froid dans le dos.
21:52 Économique, je parle de l'économie. L'économie, je trouve que c'est quand même
21:56 le sujet aujourd'hui central en France, et la France est en train de passer,
21:59 disons, dans la... est en train de devenir le mouton noir de l'Europe.
22:03 Faites bien conscience de ça, ce n'est plus l'Italie, c'est la France,
22:06 de plus en plus. - Vous nous offrez une formidable transition.
22:08 D'abord, je vous remercie, François-Olivier, je n'ai pas très en verve,
22:11 et en forme ce matin pour décrire la situation politique.
22:15 Je rappelle véritablement ce succès littéraire, "La belle époque",
22:20 "Histoire intime" de la cinquième réplique, avec le troisième tome à venir,
22:23 c'est en novembre. - Et là, je vais boire les paroles
22:26 d'Agnès Verdier-Molligny. - Très bien. Auteur du livre "Où va notre argent ?"
22:30 Tout de suite sur Europe 1 et CNews après une courte pause.
22:32 Deuxième partie du grand rendez-vous ce dimanche avec notre invitée,
22:36 Agnès Verdier-Molligny. Bonjour. - Bonjour.
22:38 - Merci d'être avec nous en direct. Vous êtes essayiste,
22:41 vous êtes directrice de la fondation IFRAP et auteur de ce livre très remarqué,
22:45 "Où va notre argent ?" aux éditions de l'Observatoire.
22:48 On va en parler. François-Olivier Gisberg, on a déjà parlé en introduction.
22:52 Agnès Verdier-Molligny, les promesses pleuvent en ce moment
22:55 de la part de l'exécutif après la promulgation de la réforme des retraites.
22:58 Alors peut-être commencer par l'une des dernières annonces.
23:01 L'exécutif qui promet de s'attaquer aux fraudes, notamment sociales,
23:04 pour éviter les fuites à l'étranger. Il y a des cotisations sociales,
23:08 des impôts versés par les Français et qui sont détournés.
23:11 On paye pour des fraudeurs. Est-ce qu'il faut y croire à cette lutte ?
23:15 Est-ce que vous-même qui travaillez sur ce sujet depuis longtemps,
23:17 vous y croyez désormais ? - Écoutez, moi, c'est un sujet
23:20 que j'ai beaucoup abordé dans nos travaux de la fondation IFRAP.
23:22 Dans mon livre, je fais une partie sur ce sujet qui s'appelle
23:26 "Et on paye aussi pour les fraudeurs". Et je crois que c'est absolument
23:29 essentiel de s'occuper de cette question parce qu'il y a le sentiment,
23:32 finalement, de ne pas avoir les mêmes devoirs, souvent dans la société,
23:37 que les autres. C'est-à-dire qu'on paye beaucoup d'impôts,
23:39 on paye beaucoup de cotisations, on paye beaucoup de CSG,
23:41 de taxes foncières. Et puis, à la fin, on se dit "mais attends,
23:45 finalement, il y en a d'autres qui n'ont pas du tout les mêmes obligations,
23:48 qui, finalement, n'ont pas besoin de sortir les mêmes papiers que nous
23:51 quand on fait des demandes". Là, depuis que j'ai sorti ce livre,
23:54 c'est incroyable le nombre de témoignages que j'ai de personnes
23:57 qui travaillent à l'intérieur de la puissance publique
24:00 et qui me disent ce qu'ils ont vu passer dans leur carrière.
24:03 Des fraudes au minimum vieillesse, des personnes qui se font faire
24:07 d'attestations de d'hébergement pendant dix ans en France,
24:12 alors que parfois, ils ont à peine habité en France,
24:14 pour toucher le minimum vieillesse qui est payé par les Français.
24:18 Et après, on se demande "mais attends, comment c'est possible ?
24:21 Pendant le Covid, il fallait sortir son attestation pour aller
24:23 acheter une baguette de pain et on peut falsifier hyper facilement
24:27 des documents pour toucher des minima qui ont explosé en termes de coûts.
24:31 Certains, ils coûtaient 2 milliards dans les années 2009-2010,
24:35 maintenant, on est à 10 milliards, je pense, au RSA, à la H,
24:40 au minimum vieillesse, etc. Et on se dit...
24:42 Mais on en parle depuis 10 ans ou 15 ans de la lutte contre la fraude sociale.
24:46 Là, maintenant, c'est le ministre des Comptes publics,
24:48 Gabriel Attal, qui nous explique qu'il va nous sortir un nouveau plan.
24:51 Les plans, ça succède et vous avez l'impression qu'il ne se passe
24:54 rien du tout, que le phénomène ne diminue pas ? Pourquoi ?
24:57 L'impression, c'est qu'on en parle beaucoup, qu'il ne se passe pas grand-chose.
24:59 Et pourquoi ? Il y a un laissé-faire, selon vous ?
25:01 Parce que qui contrôle la fraude sociale ? Ce sont des administrations sociales,
25:04 ce n'est pas l'administration fiscale.
25:05 C'est ça, c'est le sujet sur lequel on met le doigt, nous, depuis des années,
25:08 en disant "pourquoi est-ce que ce ne sont pas les mêmes contrôleurs ?"
25:11 Parce qu'en France, on a plutôt peur du contrôleur fiscal.
25:15 On sait que les impôts sont bien gérés et que si on fait quelque chose
25:19 un peu à la marge, de toute façon, on va se faire taper sur les doigts,
25:23 qu'on aura des amendes, etc.
25:24 Mais alors, quand on fait quelque chose à la marge, sur le social,
25:27 on se déclare parent isolé, mais on n'est pas parent isolé.
25:30 On a toutes les chances d'avoir aucun problème et de toucher des aides indues
25:33 pendant des années.
25:34 Donc, c'est vrai, on en parle depuis longtemps, c'est vrai, il ne s'est pas passé
25:37 grand-chose, mais il est temps qu'il se passe quelque chose parce que…
25:40 Justement, si je peux me permettre, le journaliste Alexandre Devecchio,
25:43 du Figaro, dit souvent que le préalable pour toute réforme sérieuse,
25:46 que ce soit les retraites ou autre chose, c'est la prise en charge
25:49 de la fraude sociale, parce que si ce détour n'est pas pris,
25:52 les Français ne donneront pas leur consentement aux prochaines réformes.
25:54 Vous partagez ce diagnostic ?
25:55 Oui, je le partage, parce que j'ai vu que pendant la réforme des retraites,
25:58 on me disait beaucoup, c'est toujours les mêmes qui font les efforts.
26:01 Et que finalement, il y avait ce sentiment que c'était un peu la France à deux vitesses,
26:05 celle qui travaille, qui bosse et qui cotise, et puis celle qui bosse moins,
26:09 qui profite et qui optimise et qui parfois travaille à côté sans déclarer.
26:13 Et ça, c'est plus possible, parce que c'est des passagers clandestins du système.
26:16 J'ai eu des témoignages aussi incroyables sur des radios, on m'appelle,
26:20 sur des émissions, on dit finalement, je touche le RSA, mais ce n'est pas assez.
26:23 Alors, je suis obligée de travailler à côté, mais non déclarée.
26:26 Mais attend, on est où là ? Elle est où la logique ?
26:30 Que les Français cotisent, paient des impôts pour des personnes qui finalement
26:33 considèrent qu'ils ont des droits, mais aucun devoir.
26:36 Et c'est ça qui se passe dans les pays du nord de l'Europe,
26:38 complètement aux antipodes de chez nous.
26:40 Il y a des aides, elles sont quasiment aussi généreuses que chez nous,
26:43 mais il y a l'obligation de reprendre un emploi.
26:45 Donc, ce contrôle du retour à l'emploi, et ça c'est intéressant,
26:47 on en parle depuis Nicolas Sarkozy, depuis 2008.
26:49 L'offre raisonnable d'emploi.
26:51 On devait, quand on avait refusé deux offres d'emploi,
26:54 être radiés pendant quelques semaines, un mois, finalement,
26:57 de ces indemnités chômage. Il n'y a que 200 personnes par an.
27:00 Vous ne parlez pas d'économie ici, vous parlez d'un effondrement civique en fait.
27:04 Je parle en réalité d'un coût énorme pour la société,
27:08 parce que derrière il y a le consentement à l'impôt.
27:10 Derrière il y a la question de, est-ce qu'on est d'accord pour travailler ?
27:13 Est-ce que ce que veut faire le gouvernement ?
27:15 C'est ça qui est en jeu, parce que le montant total de la fraude aux prestations,
27:19 votre estimation dans le livre, c'est environ 10 milliards d'euros par an,
27:23 et 2 milliards au total en incluant toutes les cotisations.
27:26 Alors, c'est énorme, évidemment, mais vous savez ce que certains vous disent,
27:29 c'est que 2,6% de la dépense totale des prestations sociales.
27:33 Qu'est-ce que vous répondez à cet argument ?
27:34 Je le dis moi-même dans le livre, oui.
27:36 Quand on regarde sur 800 milliards de dépenses sociales,
27:38 20 milliards en tout de fraude, finalement, on peut dire, c'est un tri de plumes.
27:43 Mais en fait, non, c'est hyper grave,
27:45 parce que d'abord, par rapport aux minima sociaux, c'est quand même plutôt 10%.
27:48 On sait que le RSA, par exemple, qui est le plus fraudé,
27:51 il est plutôt fraudé à 10% de la dépense que à 2,2 et quelques,
27:55 et donc c'est quand même un sujet.
27:57 Et puis ensuite, il y a la question qu'on abordait tout à l'heure du contrôle.
28:01 Pourquoi est-ce que ce ne sont pas les personnels de Bercy
28:04 qui contrôlent finalement les minima sociaux ?
28:06 Pourquoi est-ce que finalement, on a laissé aux caisses d'allocations familiales
28:10 autant de latitude ?
28:11 Pourquoi on n'arrive pas à avoir les données ?
28:13 Pourquoi il n'y a pas cette transparence ?
28:15 Parce qu'en fait, il y a du côté du social, l'idée que la fraude sociale,
28:19 ce n'est pas si grave que ça.
28:21 Et alors d'ailleurs, j'ai entendu sur tous les plateaux télé…
28:23 Justement, parce que le gouvernement, il lance une réforme sur le RSA,
28:26 ils ont commencé des expérimentations pour, effectivement,
28:28 que les gens qui sont au RSA travaillent une donne de 15 ou 20 heures.
28:33 Et on a l'impression que dans le pays, ça suscite beaucoup d'opposition.
28:37 Comment vous expliquez cette réaction ?
28:40 Justement, parce qu'il n'y a plus ce lien entre droit et devoir chez nous.
28:43 Parce qu'il y a quelque chose que je dis dans mon livre qui est assez incroyable.
28:46 Moi-même, en l'écrivant, je me disais, mais ce n'est pas possible.
28:49 Il y a seulement 40% des personnes qui touchent le RSA
28:51 qui sont inscrites à Pôle emploi.
28:53 Ça devrait être une obligation.
28:55 Alors, quand je dis ça sur les émissions ces derniers temps,
28:59 on me dit, mais moi, je suis au RSA,
29:03 ou je suis à l'allocation adulte handicapé, je voulais travailler.
29:06 Mais quand je suis allée à Pôle emploi, on m'a dit, non, non,
29:08 vous passez votre chemin, on ne peut pas s'occuper de vous,
29:10 continuez à toucher vos minima sociaux.
29:12 Donc, en fait, il y a cette idée que finalement, ça arrange un peu tout le monde.
29:16 Parce que ceux qui font du social disent,
29:18 mais nous, on aide, on ne veut pas savoir s'il y a de la fraude.
29:20 Et ceux qui sont à Pôle emploi disent,
29:22 mais finalement, ce n'est pas vraiment notre rôle d'accompagner ces personnes-là.
29:25 Et finalement, ça fait baisser les chiffres du chômage.
29:28 Et ça aussi, c'est quelque chose d'important.
29:30 La catégorie A, ben oui, la catégorie A,
29:32 les personnes qui sont sans emploi,
29:34 ils devraient être beaucoup plus nombreux en France.
29:36 D'ailleurs, le rapport sur France Travail...
29:38 Donc vous dites que c'est en train d'arranger tout le monde,
29:40 et que finalement, bon an, ben là, on a continué comme ça pendant des années.
29:42 Mais oui, parce que j'ai vu ce débat avec Olivier Dussopt, là, l'autre jour,
29:45 le ministre du Travail, et je lui ai dit, mais attendez,
29:47 cette histoire de RSA, vous-même, dans le rapport France Travail,
29:50 vous dites, il y a 5 millions de personnes
29:53 qui ne travaillent pas du tout et qui ont besoin d'un emploi.
29:56 Ce n'est pas du tout les 2 et quelques millions de personnes
29:58 dont on nous parle quand on dit qu'il y a 7% de chômeurs en France.
30:01 Donc, il y a un problème sur les chiffres aussi.
30:04 Et finalement, nos administrations qui gèrent toutes ces questions
30:07 sont assez alentes pour qu'on laisse tout ça sous le tapis.
30:10 Et moi, ce que je dis, c'est que maintenant, il faut que tout ça s'assorte.
30:13 Il faut qu'il y ait une obligation de s'inscrire à Pôle emploi.
30:15 Il faut que Pôle emploi, aussi, il y a 52 000 personnes à Pôle emploi,
30:19 une augmentation de 21% des effectifs ces dernières années,
30:22 et pour autant, il y a de moins en moins de personnes
30:24 qui retrouvent un emploi grâce au Pôle emploi.
30:26 Donc, il faut peut-être se poser la question de, où va l'argent ?
30:28 Pourquoi est-ce que finalement...
30:30 Mais derrière la fronte sociale, est-ce que l'enjeu plus fondamental,
30:33 ce n'est pas une dépense sociale excessive,
30:35 dont la fronte sociale n'est qu'un effet presque inévitable ?
30:37 Alors, sûrement, parce qu'on est les champions du monde de la dépense sociale.
30:41 On est à plus de 30% de dépenses sociales par rapport à la richesse nationale.
30:46 Donc, il y a un problème, à un moment,
30:48 le fait qu'on ait encore de la pauvreté en France,
30:51 qu'on ait encore des problèmes, finalement, d'emploi,
30:53 qu'on ait encore des soucis, de tout ce dont on parle en général.
30:57 Et pourquoi ? Parce que finalement, notre modèle social,
31:00 il désincite au travail, il désincite au retour à l'emploi.
31:03 Et finalement, il nous rend plus pauvres.
31:05 Et c'est ça aussi qui est hyper grave.
31:07 On va en parler, Agnès Verdier-Moulet, de la dépense sociale.
31:09 Je voudrais rester encore un peu plus, parce que sur la fraude sociale
31:11 et la lutte contre la fraude sociale, c'est quand même un classique
31:13 de la vie politique française.
31:15 Et c'est un petit peu teinté, parce que là, le gouvernement est accusé,
31:17 par la gauche, de courir derrière le RN,
31:19 pour avoir ciblé, par exemple, les fuites au Maghreb.
31:22 Mais quelle est la réalité des fillières ?
31:24 Est-ce qu'elles sont seulement maghrébines, ou est-ce que...
31:26 Renaud Lemaire n'a cité qu'un pan, justement, de ces fuites,
31:29 ne voulant pas citer d'autres pays auxquels on peut penser aussi.
31:32 Il y en a d'autres.
31:33 Oui, il y en a d'autres.
31:34 Il y a des personnes qui sont RSA qui vivent à Madagascar, par exemple.
31:37 Ça existe.
31:38 Et d'ailleurs, c'est assez intéressant, parce que nous,
31:41 ça fait des années qu'on s'intéresse à la question de l'expatriation fiscale,
31:44 en disant "attention, il y a beaucoup trop de Français,
31:46 2,5 millions de Français qui sont partis à l'étranger
31:48 pour des raisons fiscales, parce qu'on taxe tellement
31:50 quand on a des niveaux de revenus qui deviennent un peu élevés,
31:52 que finalement, on dissuade de rester en France".
31:54 Alors, c'est incroyable, parce qu'on finance d'un côté
31:56 des personnes qui ne travaillent pas, et de l'autre, on dit
31:58 "vous travaillez trop, on va vous taxer énormément".
32:00 Puis finalement, ceux-là, de plus en plus, c'est assez incroyable,
32:03 ils sont énormément, énormément surveillés.
32:06 La personne qui ne passe pas six mois et un jour à l'étranger,
32:10 tout de suite, le contrôleur, il va le retrouver.
32:13 Tandis que la personne qui touche un minima social,
32:15 mais qui n'est quasiment jamais en France,
32:17 alors là, tout le monde s'en fiche.
32:18 Donc, c'est une question d'idéologie aussi.
32:20 Un peu, parce que c'est assez incroyable,
32:22 ce que j'ai entendu ces derniers jours, on disait
32:24 "finalement, la fraude sociale, c'est rien du tout, c'est 1 milliard,
32:26 et la fraude fiscale, c'est 100 milliards".
32:28 Alors, de l'art de faire mentir, finalement,
32:30 parce que les chiffres ne sont pas du tout ceux-là.
32:33 Les chiffres, c'est plutôt 20 milliards de fraude sociale
32:35 et 30 milliards de fraude fiscale.
32:36 Alors oui, c'est vrai, sur la fraude fiscale,
32:38 on récupère à peu près la moitié, un peu moins de la moitié.
32:43 Donc, on est meilleur, quand même, sur la fraude fiscale.
32:45 Sur la fraude sociale, on récupère quasiment rien.
32:47 Mais ce sont les mêmes montants.
32:48 C'est relativement équitable, en termes de montants.
32:51 En tout cas, dans ce que nous, on évalue.
32:53 Parce qu'il y a des évaluations qui sont complètement fantaisistes
32:56 des syndicats de la CGT, etc., sur la fraude fiscale.
32:59 Et ils ne parlent jamais que de ça.
33:00 Ils ne parlent jamais de fraude sociale.
33:02 Et je rappelle quand même qu'un fraudeur social
33:05 est aussi un fraudeur fiscal.
33:06 Celui qui va toucher un minima social,
33:08 qui va travailler sans être déclaré,
33:10 il fraude quoi ?
33:11 Il fraude les cotisations, il fraude les prestations,
33:13 et il fraude les impôts.
33:14 Alors, franchement, c'est aussi grave
33:19 que n'importe quel fraudeur fiscal seul.
33:21 Donc, moi, je trouve qu'à un moment,
33:23 il faut qu'on suive ce qui a été annoncé,
33:26 mais qu'on aille encore plus loin.
33:28 Qu'on demande à ceux qui touchent des minima sociaux
33:30 de résider au moins 11 mois par an en France.
33:33 Pourquoi est-ce qu'ils pourraient, finalement...
33:35 Vous parlez du travail au noir et de la fraude aux cotisations.
33:37 Il y a aussi certains chefs d'entreprise
33:39 qui sont responsables de cette situation,
33:40 qui préfèrent employer des gens au noir
33:42 ou des travailleurs sans papier,
33:43 parce qu'ils les payent moins cher.
33:45 Ils participent aussi de ce phénomène, non ?
33:47 Bien sûr, mais attendez,
33:49 il n'y a pas un responsable employeur tout seul,
33:52 et le salarié n'est pas responsable.
33:54 Vous n'avez jamais entendu,
33:55 "Ne me salarie pas plus d'heures,
33:57 parce que je vais perdre ma prime d'activité.
33:59 Attention, je ne peux pas avoir
34:01 un montant plus élevé de rémunération."
34:03 C'est une chaîne que vous dénoncez, finalement.
34:05 Mais oui, mais pourquoi ?
34:06 Parce qu'au fond,
34:07 et ça, j'en parle aussi dans le livre,
34:09 on est surtaxé.
34:11 L'optimisation, elle ne se fait pas qu'en haut,
34:13 elle se fait partout,
34:15 à tous les échelons de la société.
34:16 Vous reconnaissez que c'est parfois plus facile
34:18 en haut de l'échelon,
34:19 ou alors pour vous, non ?
34:20 C'est un discours qui est...
34:21 Non, pas du tout.
34:23 C'est ça qui est assez incroyable.
34:25 Et finalement, le fait...
34:27 Nous, on avait proposé d'ailleurs
34:28 que tous les minimas sociaux
34:29 soient soumis à l'impôt sur le revenu.
34:31 Comme ça, au moins,
34:32 on connaîtrait les montants perçus,
34:33 parce que vu que c'est géré
34:34 par les caisses d'allocations,
34:36 ces caisses d'allocations,
34:37 elles ne sont pas très transparentes,
34:38 on ne sait pas vraiment ce que touchent les gens.
34:40 Bercy, ce n'est pas vraiment non plus.
34:42 Ça fait...
34:43 Depuis que Xavier Bertrand était ministre à l'époque,
34:44 on en parlait,
34:45 de réunir toutes les datas sur ce sujet.
34:47 On n'y est toujours pas.
34:49 Donc, plus de 10 ans après,
34:51 rien n'a changé.
34:52 Donc là, sur ce sujet-là,
34:54 c'est vrai qu'il faut être aussi dur
34:57 sur la fraude sociale
34:58 que sur la fraude fiscale,
34:59 parce qu'il en va aussi
35:00 de la cohésion de la société.
35:02 Justement, on va en parler...
35:03 On ne peut pas être hyper imposé
35:04 et de l'autre côté,
35:05 financer des fuites
35:06 partout dans le système.
35:07 Il en va de la cohésion sociale,
35:08 dites-vous Agnès Verdier-Mollinier,
35:10 pour ne pas continuer à aggraver
35:11 justement les fractures françaises.
35:13 Et il est vrai,
35:14 puisque Mathieu Bocoté a parlé de la dépense,
35:16 on va continuer à en parler,
35:17 école, hôpital, transport.
35:19 Pourquoi ?
35:20 Est-ce que, pour le dire aussi concrètement
35:22 que votre livre,
35:23 on n'en a pas pour notre argent,
35:24 comme on dit,
35:25 et tout de suite sur Europe 1.
35:26 Bruno Le Maire le dit aussi maintenant.
35:27 Tout à fait.
35:28 À la suite, ce dimanche,
35:29 avec notre invité Agnès Verdier-Mollinier,
35:31 nous avons parlé de la lutte
35:32 contre les fraudes sociales, fiscales.
35:34 Puis il y a cette question
35:35 probablement que nos téléspectateurs
35:37 et auditeurs se la posent.
35:38 Plus la France dépense pour ses services publics,
35:40 et plus ces derniers se dégradent.
35:42 Comment on peut expliquer ce paradoxe ?
35:44 C'est incroyable.
35:45 C'est-à-dire qu'on n'a jamais autant dépensé.
35:48 On est à 58 % de dépenses publiques
35:52 par rapport à l'ensemble de la richesse nationale.
35:54 Et on a l'impression
35:56 qu'on ne peut pas avoir un passeport,
35:58 une carte d'identité,
36:00 que les places en crèche...
36:01 Vous avez des témoignages à ce sujet ?
36:03 Oui. Là-dessus, je fais un chapitre dans mon livre.
36:07 Mais depuis, j'ai des retours,
36:09 notamment dans le Pays basque.
36:11 On me dit que j'ai pris un rendez-vous en février.
36:13 J'aurai le rendez-vous pour la demande
36:16 en juillet, à 20 km de chez moi.
36:19 La personne fait une réclamation au ministère de l'Intérieur,
36:23 qui répond qu'on gère beaucoup mieux en ce moment,
36:26 et qu'on est désolée pour la gêne occasionnée.
36:28 De quoi c'est symptomatique, selon vous ?
36:31 Finalement, il y a une perte de sens totale.
36:34 Qui au service de qui ?
36:36 Est-ce qu'on paye des impôts
36:38 pour financer des personnes à leur propre service,
36:41 ou au service des Français ?
36:43 Je finis par me poser la question.
36:45 Il y a quelques années,
36:47 on pouvait avoir un passeport en trois semaines.
36:49 Et là, il faut attendre
36:51 trois mois, quatre mois, six mois, plus.
36:54 Et alors, le problème,
36:56 c'est que c'est un peu la France à deux vitesses.
36:58 Celui qui a des connexions,
37:00 lui, il va avoir son rendez-vous.
37:02 Et puis, il aura son passeport
37:04 pour aller à son voyage professionnel,
37:06 ou partir en famille, je ne sais où.
37:08 Mais celui qui a zéro connexion,
37:10 comment il fait ?
37:12 C'est la débrouille, c'est le piston,
37:14 c'est ça qu'on veut pour la France.
37:16 Donc, ça aggrave encore plus, évidemment,
37:18 les fractures et le sentiment de dépossession,
37:20 comme l'explique le géographe.
37:22 Et puis, il n'y a pas que le sujet des passeports.
37:24 Il y a le sujet de l'école,
37:26 l'école d'hôpital.
37:28 Et on se dit, mais attends, on va mettre encore des milliards
37:30 et des milliards dans ce tonneau des Danaïdes.
37:32 Et finalement, derrière, on n'aura pas
37:34 de qualité de service public.
37:36 Et moi, ce qui me choque le plus,
37:38 c'est qu'on n'a plus le droit de demander
37:40 où est la qualité de nos services publics.
37:42 Par exemple, il y avait le point
37:44 qui faisait un classement des hôpitaux
37:46 et des cliniques. Depuis quoi ?
37:48 Depuis plus de 20 ans.
37:50 Tous les ans, avec les statistiques
37:52 qui étaient données, en fait,
37:54 par les organisations
37:56 de puissance hospitalière,
37:58 qui disaient, on vous donne les données,
38:00 ça s'appelle le PMSI, c'est toutes les données
38:02 informatiques de tous les hôpitaux, de toutes les cliniques.
38:04 Et ça permettait de dire,
38:06 vous avez votre maman qui a besoin d'une prothèse
38:08 de hanche, tiens, où est-ce que je vais
38:10 la faire soigner ?
38:12 Et alors là, maintenant, non, ce n'est plus possible.
38:14 Parce que la CNIL dit, maintenant, il ne faut pas
38:16 faire de la concurrence et pouvoir choisir.
38:18 Attends,
38:20 le sujet français, c'était, tu payes cher,
38:22 tu payes beaucoup d'impôts,
38:24 mais en face, tu as une qualité de service public
38:26 top niveau. Et on n'a pas arrêté de nous bassiner avec ça.
38:28 On a le meilleur système de santé
38:30 au monde, on a le meilleur système
38:32 d'éducation, etc. Et alors maintenant,
38:34 on nous dit, ah non, non, non, il ne faut pas savoir
38:36 où est-ce qu'on est bien soigné. Et puis alors, sur l'école,
38:38 c'est pareil. Quand on regarde,
38:40 est-ce qu'on peut classer les...
38:42 Il y a des classements partout, sur les écoles, les lycées,
38:44 les universités, les grandes écoles.
38:46 Les classements officiels, ils ne sont pas sur les notes,
38:48 en réalité. Alors, tout se fait sur les notes,
38:50 Parcoursup a fait le net et tout.
38:52 Mais alors, quand on veut le classement sur les notes,
38:54 nous, on a dû le refaire à la Fondation IFRAP sur les collèges.
38:56 On se rend compte que sur les 100 premiers collèges
38:58 sur les notes de l'écrit au brevet,
39:00 il n'y en a que 9 qui sont publiques.
39:02 Et alors, on n'arrête pas de nous dire que le privé,
39:04 c'est vraiment moche, il n'y a pas assez de mixité,
39:06 etc. Mais les
39:08 parents d'élèves et les élèves du privé
39:10 sont très contents.
39:12 Et il y a beaucoup de parents qui sont dans le public,
39:14 obligés d'être dans le public aujourd'hui,
39:16 qui aimeraient bien que leurs enfants aillent dans le privé.
39:18 Alors, les ministres et les députés,
39:20 leurs enfants, ils sont où à l'école ? Vous pouvez me dire ?
39:22 Ils ne sont pas dans le public.
39:24 - Les ministres de l'Éducation nationale
39:26 qui veulent justement plus de mixité aussi sociale dans les écoles.
39:28 - Mais visiblement, ce n'est pas pour ses enfants,
39:30 parce que lui, ses enfants, ils sont dans le privé.
39:32 Donc, est-ce qu'on peut arrêter l'hypocrisie un moment ?
39:34 Le privé, l'enseignement privé sous contrat,
39:36 il coûte moins cher à la collectivité.
39:38 C'est 3 000 euros en moins par élève
39:40 du lycée entre public et privé
39:42 et par an. Si on appliquait les tarifs
39:44 du privé sur le public, sur tous les élèves
39:46 du public, c'est 29 milliards d'économies par an.
39:48 Des économies, il y en a partout à faire.
39:50 - Mais à vous entendre, vous faites le portrait d'une France
39:52 où finalement, chacun cherche à se sauver
39:54 davantage qu'à sauver le biais commun. C'est-à-dire les uns vont vers le privé
39:56 pour fuir le public, les autres
39:58 prennent le piston pour avoir accès aux formulaires,
40:00 aux passeports, parce qu'il n'y a pas moyen d'y avoir accès directement.
40:02 La fraude sociale ne comptait,
40:04 la fraude fiscale de l'autre. Vous présentez
40:06 une situation qui semble irréversible.
40:08 - Je présente une situation où chacun jette l'opprobre
40:10 sur l'autre en disant "c'est la faute du voisin".
40:12 Alors qu'en fait,
40:14 par exemple, le public
40:16 est mal géré, il y a
40:18 beaucoup moins de capacités
40:20 aujourd'hui pour les élèves pour lire
40:22 ou pour mathématiques dans le public que dans le privé.
40:24 Et on va attaquer le privé sur la mixité.
40:26 Donc c'est toujours "je cache
40:28 la misère et
40:30 je dis que c'est l'autre qui est responsable".
40:32 - Mais alors comment on fait ? Parce que là, vous décrivez une situation
40:34 inversée. C'est comme si on marchait sur la tête, une inversion
40:36 des valeurs, finalement.
40:38 Et vous dites, à juste raison,
40:40 qu'on s'attache d'abord
40:42 aux droits et pas aux obligations
40:44 que nous avons aussi, qui est le corollaire des droits.
40:46 Comment on inverse ça ? C'est pas seulement
40:48 par des chiffres et par des politiques
40:50 publiques. Là, c'est une mentalité. - Moi, j'ai dit d'abord, il faut allumer
40:52 la lumière.
40:54 Parce que si on sait pas,
40:56 si on dit pas combien on dépense
40:58 dans tel établissement et quel
41:00 est le résultat, la qualité derrière de l'enseignement,
41:02 si on dit pas, par exemple,
41:04 sur les EHPAD, dans les collectivités locales,
41:06 les taux d'absentéisme,
41:08 ça devrait être marqué sur la porte.
41:10 Le taux d'absentéisme moyen, le nombre
41:12 de jours non travaillés pour absence
41:14 par agent et par an.
41:16 - Vous voulez que ce soit affiché ? - Mais que ce soit affiché.
41:18 Et d'ailleurs, après le scandale
41:20 à l'ORPA, qu'est-ce qui s'est passé ? Ils ont dit,
41:22 on mettra sur chaque maison de retraite,
41:24 on donnera les taux d'absentéisme.
41:26 Ils sont toujours pas publiés.
41:28 Donc, est-ce qu'on peut dire les choses
41:30 sur la productivité dans nos services publics ?
41:32 - Non, à part répondre non, on peut pas les dire.
41:34 - Non, mais le président de la République dit, il y a un problème
41:36 d'absence et de non-remplacement
41:38 des professeurs dans le public.
41:40 - Il promet que ce sera systématique, désormais.
41:42 - D'abord, c'est dans le public, c'est pas dans le privé.
41:44 Et puis alors, on dit en même temps,
41:46 nos professeurs sont pas du tout assez payés,
41:48 en Allemagne, ils sont plus payés. Mais alors, quand on regarde,
41:50 d'abord, un, quand on ajoute toutes les dépenses,
41:52 y compris les pensions,
41:54 on paye plus pour les professeurs en France
41:56 qu'en Allemagne. Donc déjà,
41:58 c'est pas tout à fait ce qu'on raconte.
42:00 Mais parce que les pensions des enseignants
42:02 publics, elles sont hyper chères
42:04 par rapport aux enseignants allemands.
42:06 C'est mieux à la retraite qu'en activité.
42:08 Donc déjà, il faut peut-être se poser la question
42:10 si c'est un gage derrière de qualité
42:12 de l'enseignement. Et puis l'enseignant allemand,
42:14 il est obligé de faire des remplacements
42:16 de ses collègues absents.
42:18 Il est obligé de surveiller à la cantine.
42:20 Il est obligé de surveiller en permanence les élèves.
42:22 Il doit corriger
42:24 les devoirs dans un bureau
42:26 qui est sur place. - Vous êtes en train de dire qu'on est des enfants
42:28 gâtés, en réalité, et qu'on ne... - En réalité,
42:30 on dépense n'importe comment l'argent des Français.
42:32 Et à un moment, je crois que c'est maintenant,
42:34 maintenant que l'argent magique s'est terminé,
42:36 il va falloir ouvrir ce dossier
42:38 et très vite. - Alors, il y a une fenêtre
42:40 pour vous, il y a une fenêtre historique qui se présente.
42:42 Il est possible aujourd'hui de faire des grandes réformes
42:44 que vous appelez depuis des années. Là, la crise
42:46 de l'argent magique, la fin de l'argent magique, qui rendrait possible
42:48 les réformes que vous souhaitez. - Là, le gouvernement
42:50 nous dit qu'ils vont faire une revue de dépenses.
42:52 Gabriel Attal dit "les services publics se dégradent".
42:54 Bruno Le Maire dit "on n'en a pas
42:56 pour notre argent". C'est peut-être le moment
42:58 de se réveiller. Parce qu'en plus,
43:00 on a besoin de sommes faramineuses pour
43:02 se financer. On nous dit toujours
43:04 l'État, c'est 270 milliards de besoins
43:06 de financement annuel. Mais en fait, c'est plus,
43:08 parce qu'il n'y a pas que l'État, il y a aussi l'ensemble des administrations
43:10 publiques, de sécurité sociale,
43:12 etc. Bon.
43:14 Donc, il y a des besoins énormes et il y a
43:16 des taux qui sont en train de monter
43:18 de façon incroyable. On est à 3%
43:20 sur la dette à 10 ans, là.
43:22 Et les taux vont continuer de monter. Et la charge
43:24 de la dette, là, le gouvernement nous dit
43:26 dans le programme de stabilité qu'on va atteindre
43:28 71 milliards en 2027 sur
43:30 l'État. Mais sur l'ensemble des administrations
43:32 publiques, ce sera beaucoup plus.
43:34 Ce sera plus de 80 milliards de...
43:36 C'est en tous les cas maintenant qu'il faut le faire. Et pour
43:38 conclure, Agnès Verdier-Molinier, le titre de votre
43:40 livre, c'est "Où va notre argent ?", le temps que vous écriviez
43:42 "Le sursaut est enfin arrivé", ça peut prendre
43:44 combien de temps, selon vous ? Écoutez, je crois
43:46 qu'on est vraiment à un tournant. Parce que
43:48 pendant des années, on s'est endetté à
43:50 taux négatif, c'était gratuit, c'était facile.
43:52 Tout le monde poussait dans le sens de la dépense.
43:54 Mais maintenant, on va se regarder dans la glace.
43:56 Et on va se dire, on ne peut plus
43:58 continuer comme ça. Et je crois
44:00 que ce sursaut, on peut y arriver.
44:02 D'abord, il y a tout en France pour y arriver.
44:04 Des entrepreneurs formidables, des gens formidables.
44:06 Il suffit de recréer
44:08 cette cohésion et de dire maintenant,
44:10 la fête est finie, on arrête de
44:12 profiter, on arrête de gaspiller.
44:14 Et je crois que tous les Français n'attendent que ça.
44:16 Le dernier baromètre, Paul Delouvrier,
44:18 il dit quoi ? Il dit
44:20 que 8 Français sur 10 pensent qu'on pourrait faire
44:22 mieux avec autant, voire avec
44:24 moins d'argent public. Donc, nos
44:26 compatriotes, ils sont prêts.
44:28 Ils sont prêts pour ce sursaut.
44:30 - Ils sont prêts à voir si les responsables politiques
44:32 le sont également. C'est la grande question notamment que
44:34 vous posez. Merci Agnès Verdier-Rolligny d'avoir été
44:36 notre invitée ce matin, ce dimanche.
44:38 Merci à mes camarades évidemment, Stéphane
44:40 et Mathieu. Restez avec nous
44:42 la suite de vos émissions à la fois sur Europe 1
44:44 et sur CNews. C'est tout de suite. A très bientôt.
44:46 Bon dimanche à vous.

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