Ça ressemble à une très bonne nouvelle face à l'urgence climatique et l'idée vient de France. Le biochar, c'est une matière qui permet de réduire les émissions de CO2 tout en rendant l'agriculture plus durable. Comment ? Le climatologue Jean Jouzel nous explique.
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00:00 On est ici à Lagina au Brésil.
00:02 Cette usine va permettre de retirer des milliers de tonnes de CO2 de l'atmosphère tous les ans,
00:06 tout en rendant l'agriculture plus durable.
00:08 Cette matière noire que produit cette usine, ça s'appelle le biochar,
00:11 et selon ses promoteurs, c'est une très bonne solution face à l'urgence climatique.
00:15 Effectivement, ça ressemble à du charbon, et ça permet d'enlever du gaz carbonique, du CO2 de l'atmosphère.
00:21 Et cela, c'est tout à fait nécessaire pour limiter le réchauffement climatique.
00:24 Perso, j'avais jamais entendu parler du biochar,
00:26 et j'ai donc voulu savoir à quel point ça pouvait nous aider, et comment ça marchait.
00:30 J'ai donc demandé au climatologue Jean Jouzel,
00:32 qui a l'air depuis des années sur les risques du changement climatique.
00:35 J'ai été tout de suite assez convaincu par l'utilisation du biochar.
00:39 Ça a été cité dans le 5e rapport du GIEC, dans le 6e rapport du GIEC.
00:43 Tout commence ici, dans notre zone de stockage de la matière première,
00:47 la parche de café, des déchets issus du décortiquage du café.
00:51 C'est des résidus de plantes qui ont capté du carbone dans l'atmosphère,
00:56 et nous, on va extraire le carbone qu'il y a dans ces résidus.
01:00 Pendant leur croissance, ces grains de café absorbent du carbone, du gaz carbonique,
01:05 et puis il y a autour de ces grains de café, des coques qui les entourent,
01:09 qu'on appelle des parges, qui, en règle générale,
01:12 sont stockées à côté de l'usine à café et non utilisées.
01:16 Dans les régions tropicales, il y a énormément de résidus végétaux,
01:19 de différentes origines, qui ne sont pas utilisés,
01:22 qui se décomposent et qui réémettent des gaz à effet de serre.
01:25 Et donc, c'est extrêmement bénéficiaire d'utiliser cette matière organique à autre chose
01:31 et d'en extraire le carbone pour le stocker dans le sol.
01:33 La biomasse, elle est chargée derrière moi, dans ces silos.
01:37 Ça passe ensuite dans cette grosse machine qui est un séchoir
01:40 pour abaisser l'humidité de la biomasse au minimum.
01:44 Enfin, la biomasse passe dans le cœur du processus, qui est le réacteur de pyrolyse,
01:50 où on va chauffer les résidus agricoles à très haute température, sans oxygène,
01:55 pour extraire le carbone qu'ils contiennent et produire du biochar.
01:59 Cette usine, c'est la deuxième de l'entreprise NetZéro dans le monde.
02:02 C'est une entreprise française fondée en 2021
02:05 qui vise à déployer à grande échelle le biochar.
02:07 Jean Jouzel a participé à sa création.
02:10 Ce biochar va être stocké dans le sol,
02:12 donc ça améliore la fertilité des sols.
02:15 C'est assez poreux et ça permet d'accrocher ce qu'on appelle les nutriments
02:19 et donc de diminuer les émissions liées à l'utilisation d'engrais dans ces régions.
02:24 On entend souvent des remises en cause,
02:25 des solutions qui permettent de capturer ou stocker du CO2 sur le biochar.
02:29 Qu'est-ce qui laisse penser que c'est mature ?
02:31 Si on regarde les différentes méthodes, on peut parler de reforestation,
02:34 par exemple, ce qui est très intéressant,
02:36 mais ce n'est pas forcément un stockage à très long terme.
02:39 Cela dépend de ce que l'on fait de la végétation une fois qu'elle est arrivée à maturité.
02:45 Si on l'utilise dans des bâtiments, par exemple le bois,
02:48 ça peut être stocké très longtemps,
02:50 mais si cette matière organique retourne dans le sol,
02:53 elle se décompose à l'échéance de quelques décennies.
02:56 À l'inverse, l'intérêt du biochar, c'est sa stabilité une fois qu'il est dans le sol.
03:01 Il suffit d'en mettre une fois pour que la fertilité soit améliorée,
03:05 mais il ne se décompose pas à l'échéance de quelques siècles.
03:08 Il n'y a pas de technique parfaite,
03:10 mais le biochar n'a que très peu de points négatifs.
03:14 L'attention qu'il faut porter, je crois,
03:15 c'est d'être très attentif à utiliser des résidus qui ne seraient pas utilisés autrement.
03:21 Et puis aussi, il ne faut pas aller chercher ces résidus à des trentaines ou des centaines de kilomètres
03:25 parce que là, l'énergie qu'on met dans le transport perd autant l'intérêt.
03:29 Dans notre processus de pyrolyse de NetZéro,
03:31 à l'inverse de produire le biochar, nous produisons aussi le syngas.
03:35 Et nous pouvons l'utiliser en réinjectant le pan pour maintenir le système autosuffisant
03:41 du point de vue énergétique.
03:43 Et nous avons aussi un excesse d'énergie que nous pouvons utiliser pour générer de l'énergie électrique.
03:47 Si c'est si positif, pourquoi il reste si peu développé ce biochar ?
03:51 Eh bien, parce qu'il faut bien imaginer que du point de vue économique,
03:56 si on va dans ces régions-là,
03:57 il n'y avait pas, jusqu'il y a très récemment, de rentabilité de l'ensemble du processus.
04:02 Parce qu'à la fois, la production d'énergie est assez marginale, elle est intéressante,
04:06 la fertilisation du sol est intéressante,
04:08 mais généralement, les agriculteurs qui sont proches de l'usine ne sont pas non plus des agriculteurs très riches.
04:14 Donc on ne pourrait pas construire de modèle économique sans la prise en compte des crédits carbone.
04:18 Et c'est cela qui change, effectivement, la donne.
04:21 Certaines entreprises souhaitent compenser leurs émissions.
04:25 Et pour ça, elles achètent des crédits carbone.
04:27 On peut se dire, super, c'est une solution qui permet de stocker du CO2,
04:30 on n'a plus besoin de réduire nos émissions, c'est ce qu'on pourrait se dire comme ça.
04:34 Alors, disons, par rapport aux émissions, je pense qu'il faut donner quelques chiffres.
04:37 Comment fait-on pour que les jeunes d'aujourd'hui puissent s'adapter au réchauffement climatique
04:42 dans la deuxième partie de ce siècle ?
04:43 Nous pensons que limiter à un degré et demi le réchauffement planétaire
04:47 serait extrêmement souhaitable, et en tout cas de s'en éloigner le moins possible.
04:52 On émet à peu près 45 milliards de tonnes de CO2, de gaz carbonique dans l'atmosphère,
04:57 on y ajoute 15 milliards de tonnes à travers le méthane, le protoxyde d'azote,
05:00 les autres gaz à effet de serre.
05:02 L'absorption de la végétation de l'océan n'excède pas à 25 milliards de tonnes.
05:07 Donc, il faut à la fois diminuer nos émissions de façon extrêmement rapide,
05:11 il faudrait les diviser par deux d'ici 2030, mais il faut aussi,
05:16 et il faudra aussi dans le futur, en extraire de l'atmosphère.
05:19 Disons, par rapport à ces 60 milliards de tonnes d'équivalent CO2,
05:22 il faudrait être capable à moyen et long terme d'en extraire une dizaine de milliards de tonnes chaque année.
05:28 Le potentiel du biochar, à l'échelle planétaire,
05:32 c'est de 2 milliards de tonnes à peu près, entre 1 et 2 milliards de tonnes.
05:35 Il n'y a pas de concurrence entre les différentes méthodes,
05:37 au contraire, elles sont complémentaires et il faudra tout mettre en œuvre
05:41 pour être capable d'atteindre cet objectif d'extraction du CO2
05:45 qui sera absolument nécessaire pour assurer, disons, la stabilisation du climat.
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