SMART IMPACT - Capter et stocker le CO2 des usines

  • il y a 8 mois
Peut-on récupérer le CO2 émis par les usines les plus polluantes ? Comment ensuite stocker ce carbone dans des formations géologiques ? Quels sont les projets en cours ? On fait le point avec le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières), un établissement public français, et le groupe Lhoist, qui espère être le premier industriel à produire de la chaux décarbonée, grâce au captage et stockage de CO2.

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00:00 [Musique]
00:06 Le stockage géologique du CO2 comme solution à la décarbonation des industries les plus polluantes, c'est le thème de notre débat avec Richard Moriam.
00:15 Bonjour. Bienvenue. Vous êtes directeur des ressources humaines et des affaires publiques de l'Ouest Europe du Sud. Thomas Le Guénon, bonjour.
00:21 Bonjour. Bienvenue à vous aussi. Ingénieur de recherche, expert principal pour les activités de gestion des risques au BRGM, le Bureau de recherche géologique et minière.
00:32 Un peu de présentation pour commencer. L'Ouest, c'est un groupe belge. Si je ne me trompe, vous produisez quoi ?
00:38 Alors, si vous aimez l'histoire, un belge, oui, vous l'avez dit, mais c'est d'abord 1889. C'est un groupe qui a une certaine résilience.
00:44 C'est un groupe familial. Une cinquième génération est aux commandes aujourd'hui. C'est un groupe qui est présent sur 25 pays.
00:51 C'est une centaine de sites à travers le monde. Et c'est le, l'un des leaders mondiaux aujourd'hui de la Chaux, de la Dolomie et des solutions minérales.
01:00 Il y a plusieurs sites en France. Il y en a… C'est 16 sites en France. Le groupe, c'est 6600 collaborateurs. La France, c'est 660 collaborateurs.
01:08 Et donc, vous faites partie, certains de vos sites, des 50 sites industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France.
01:14 Ça veut dire quoi ? Vous donnez quoi ? Une feuille de route pour décarboner ? C'est ça l'objectif en ce moment ?
01:18 Alors, d'abord, c'est une ambition. Il faut le dire comme ça. C'est une ambition. Pourquoi ? Puisque dans la logique de 2030, l'objectif est une réduction d'un peu plus de 50% des gaz à émission d'effet de serre.
01:29 Et on vise pour 2050 une neutralité carbone. Ça, c'est notre première ambition. Pionnier parce que le groupe n'a pas attendu, si j'ose dire, sur quoi nous avons été convoqués il y a quelques mois,
01:41 pour travailler déjà sur ce qu'étaient des solutions de décarbonation. On a travaillé sur la biomasse, ce qui est une logique de substitution des énergies fossiles.
01:49 On travaille sur les panneaux photovoltaïques, pour vous donner une idée. C'est presque 200 000 panneaux photovoltaïques qui seront à ce terme sur le sol français.
01:56 Ce qui représente à peu près 70% de notre production énergétique. Et puis, on va y venir, évidemment, dans cette logique de pionnier, ces solutions de carbone capture dit "stockage" que l'on a abordé dans quelques instants.
02:09 Et on va expliquer ça tout de suite avec vous, Thomas Leguenand, au captage géologique du CO2. On va faire de la pédagogie pour commencer. Comment ça fonctionne si on parle d'un site industriel ? C'est quoi ce captage ?
02:21 Alors déjà, souvent on va distinguer trois phases. Captage, transport, stockage. Le captage, on va avoir des fumées qui comportent une partie de CO2, pas essentiellement du CO2.
02:33 Donc la première phase, ça va être séparer le CO2 du reste des fumées. À la sortie des cheminées ? À la sortie des cheminées, voilà. Alors il y a différentes solutions.
02:41 Une fois qu'on a un CO2 assez pur, on va le transporter par pipe, par camion, train, bateau, pour l'amener jusqu'à un site de stockage géologique.
02:51 Et alors là, ce qu'on recherche, c'est des roches. Par exemple, il y a des aquifères salins profonds. Donc c'est des roches poreuses, perméables, en profondeur, en général à plus de 1000 mètres de profondeur.
03:01 On vise aussi des réservoirs, par exemple, d'hydrocarbures déplétés. Donc pareil, toujours des roches poreuses.
03:09 Comment il est transformé ce CO2 ? Il devient quoi ? Liquide ? Pour essayer de comprendre le processus ?
03:15 Alors selon le mode de transport, on peut le liquéfier, par exemple pour le transporter en bateau. Sinon, en général, on va surtout le compresser et ça va être un gaz dense, qu'on appelle supercritique.
03:24 Essentiellement, c'est un gaz dense.
03:26 Gaz dense. Vous souhaitez installer un système de captage de CO2 dans votre usine de Réti, dans le Pas-de-Calais. Est-ce que ça suppose déjà beaucoup de travaux ?
03:36 C'est quoi en termes d'infrastructure et même d'investissement, un projet comme celui-là ?
03:40 C'est une magnifique question. C'est un budget d'à peu près 200 millions d'euros, pour faire simple. C'est une usine dans l'usine. On peut le dire de cette manière-là.
03:49 En fait, il y a trois étapes. La première, on en a parlé, c'est vraiment la capture. C'est vraiment l'innovation. Mais en même temps, c'est la solution technologique du moment, celle qui est reconnue également par le GIEC.
04:00 Ce n'est pas une découverte, cette phase de capture de CO2. On travaille avec Air Liquide. La première phase est actée technologiquement.
04:06 La deuxième phase est une phase de transport. Ce sera du transport pipe, vers une troisième étape, qui nous emmènera vers, effectivement, on l'a dit tout à l'heure, plutôt vers la mer du Nord aujourd'hui,
04:15 on va par bateau cette fois-ci, aller stocker. Dans ces couches géologiques, on est entre quelques centaines de mètres jusqu'à plusieurs milliers de mètres.
04:22 Mais pour répondre à votre question, effectivement, c'est une usine dans l'usine, comme on aime le dire.
04:27 C'est un investissement important. Objectif 2028, faire de cette usine de Rétuille la première au monde à produire de la chaux décarbonée.
04:34 Ça veut dire que vous en êtes où aujourd'hui ? Quel gain de décarbonation vous espérez atteindre, en quelque sorte ?
04:41 On l'a dit tout à l'heure, la première phase, c'est 50% de ces gaz émis sur le fait de serre. L'idée est vers une neutralité carbone 2050.
04:50 Et on sera sans doute entre les deux avec 80 à 90% dans les toutes prochaines années. Ce qui veut dire aussi qu'on sera ou on serait peut-être les premiers, effectivement, au monde à fournir une chaux décarbonée.
05:02 Et c'est une chaux qui peut effectivement voyager.
05:05 Comment vous évaluez le fait que cette technologie soit adaptée à tel type d'environnement ? Vous voyez ce que je veux dire ?
05:14 C'est-à-dire qu'on se pose toujours la question de combien il faut dépenser d'énergie pour faire ces différentes phases dont vous nous parlez.
05:23 Combien ça va coûter de le transporter si c'est loin, etc. Comment vous évaluez la faisabilité d'un projet, en quelque sorte ?
05:29 C'est une bonne question qui agite beaucoup de monde. On va dire que le captage-stockage, c'est une solution extrêmement adaptée à certains sites industriels qui ont notamment des émissions dues à leurs procédés.
05:44 Et donc, en fait, il n'y a pas d'autre alternative pour décarboner ces procédés.
05:50 Et c'est vrai que les usines de chaux et les cimenteries en particulier sont vraiment les bons "clients" pour le captage-stockage.
05:58 Dans ce cas particulier, c'est vraiment la meilleure solution ?
06:01 C'est, en tout cas pour l'instant, la seule réaliste à court terme.
06:05 Alors justement, la quantité d'énergie nécessaire, parce que ça c'est souvent une critique qu'on fait au projet de captation carbone.
06:11 S'il faut dépenser énormément d'énergie pour réussir à capter le carbone, à quoi ça sert ? Vous l'avez évalué, ça ?
06:16 Ça c'est "the question" comme dirait certains aujourd'hui.
06:19 Alors aujourd'hui, évidemment, et elle pose d'abord une problématique électrique. C'est effectivement les sujets qu'on a aujourd'hui avec le gouvernement.
06:26 C'est qu'on sait chiffrer cela, bien sûr, et en fonction de la donnée ou de la dimension que les industriels auront à pouvoir s'équiper de ce type de structure, il y a effectivement une question électrique.
06:36 Je ne rentrerai pas dans le détail ici, évidemment, mais en tout cas c'est quelque chose qui est clairement posé, clairement identifié, et pour lequel nous travaillons étroitement avec le gouvernement sur ce point-là.
06:45 Il y a certaines associations, je vais citer le réseau Action Climat par exemple, qui affirment que ces solutions nous détournent de l'impératif de changer de modèle. Qu'est-ce que vous répondez à ça ?
06:54 Je pense qu'il n'y a pas qu'une seule solution. Il y a une solution dont on est en train de parler, mais on en a aussi touché quelques mots tout à l'heure.
07:01 Il y a d'autres approches. Toute la problématique énergétique autour de la biomasse, toute la problématique énergétique autour du photovoltaïque.
07:08 C'est une solution parmi d'autres. C'est une solution reconnue, on l'a dit, le GEC a affirmé sur ce point-là, sur le fait que ça soit sûr, qu'on ait aussi la possibilité suffisante d'aller capaciter de stockage.
07:20 Ce n'est pas "the solution" comme on disait, mais c'est une partie de la solution, et c'est la solution du moment. On n'est pas encore avant 2030. Il y a 2030-2050, la technologie va avancer.
07:32 Et donc on est à cette ère-là, et justement la réponse c'est de dire, on n'attend pas les autres technologies, on prend déjà ce qui existe et on avance.
07:40 Thomas Leguenant, on a bien compris la phase de captation, le transport, ça peut être l'équipe très bien. Les sites où ce carbone va être stocké, il y en a beaucoup, c'est vraiment une question de Béossien, vous voyez ce que je veux dire.
07:54 Il y en a beaucoup, ils sont faciles à trouver, ils sont faciles d'accès ?
07:57 Alors il y en a beaucoup, on a des estimations extrêmement, on va dire de premier ordre, qui disent que la capacité mondiale est gigantesque en fait.
08:10 Donc on peut stocker beaucoup d'années d'émissions actuelles, mais c'est encore beaucoup d'incertitudes.
08:16 Donc en France par exemple, on a trois bassins sédimentaires, donc c'est le type de zone géologique qui nous intéresse, ce qu'on appelle les bassins sédimentaires.
08:26 En France ça va être ce qu'on appelle le bassin parisien, le bassin aquitain et le bassin du sud-est.
08:31 Donc c'est des zones où les sédiments sont déposés dans des fonds marins, aux aires géologiques qui nous intéressent.
08:39 Et où c'est relativement facile, je mets des guillemets, de stocker le carbone ?
08:45 Voilà, vraiment ce qu'on veut c'est une formation rocheuse perméable, poreuse.
08:53 Donc voilà, c'est exactement le même type de formation qu'on cherchait quand on cherchait les hydrocarbures.
09:01 Donc c'est les types de formations qu'on connaît le mieux en fin de compte.
09:04 D'accord, donc ça veut dire que technologiquement c'est pas un défi insurmontable ?
09:08 Non, le défi n'est pas technologique. Depuis qu'on envisage cette solution, ça commence peut-être il y a 20 ans sérieusement,
09:18 le défi n'a jamais été vraiment technologique.
09:21 Ça repose quand même sur des technologies plus ou moins maîtrisées depuis les années 70,
09:26 en particulier par le monde de l'oil & gaz, enfin de l'pétrole.
09:30 Ça a toujours été plutôt un défi financier et de modèle d'affaires.
09:34 Richard Moriam, vous disiez tout à l'heure, validé par le GDR, que vous êtes passé très vite là-dessus,
09:40 mais ça c'est un élément important ça.
09:41 Oui, parce que cette logique intergouvernementale nous aide aussi au quotidien,
09:45 c'est pas quelque chose qui est fait seul dans son coin.
09:48 Et je crois que la force des industriels aujourd'hui c'est aussi cette proximité, on l'a vu, avec notre gouvernement,
09:54 et peut-être pour n'en citer qu'un, mais en tout cas un ministre très actif sur ces sujets autour de nous.
09:58 Et aujourd'hui, évidemment, ce sont des décisions qui sont prises en interne dans nos entreprises sur l'aspect financier,
10:03 s'il fallait le résumer, mais techniquement, avec l'appui du GEC.
10:06 On l'a dit, il y a trois mots qui me paraissent clairs, c'est la technologie du moment, c'est sûr,
10:12 et suffisant pour répondre à l'enjeu court terme.
10:15 Il y a une question importante, parce que vous nous avez dit aller autour de 200 millions d'euros d'investissement,
10:21 comment il est financé ? Est-ce que vous allez répercuter le coût de ces investissements sur vos productions et donc vos clients ?
10:30 Avec toute la logique, d'abord il y a une enverture européenne sur ces projets-là,
10:34 il y a une part de financement importante de l'Europe, il y aura sans doute une part importante de financement de l'État français,
10:40 et ensuite il y a une répercussion sur les coûts, évidemment, qui sera sur nos prix de vente et sur nos produits.
10:45 Il y a déjà des projets existants en France, soit en test, soit en production ?
10:51 En France, il y a eu un pilote en 2010 qui a été initié par Total, maintenant Total Energy,
10:58 qui était un pilote dans la région de Lac, à côté de Pau,
11:03 donc ils ont injecté 50 000 tonnes dans un ancien réservoir de gaz.
11:07 C'est à ce jour le seul projet où on a vraiment injecté du CO2 et stocké du CO2.
11:12 Mais actuellement, il y a plusieurs projets de captage en cours de développement en France,
11:19 et au moins deux projets de stockage, encore une fois, sur des pilotes démonstrateurs à l'heure actuelle en France.
11:26 Merci beaucoup, merci à tous les deux d'être venus nous présenter cette perspective pour la captation du carbone.
11:33 On passe tout de suite à notre rubrique consacrée aux startups écoresponsables, c'est Smartinise.

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