Tous les extraits et émissions de "Touche pas à mon poste" sont à retrouver sur MyCANAL : https://www.mycanal.fr/c8/tpmp/touche-pas-a-mon-poste
TPMP sur les réseaux sociaux :
Facebook : https://www.facebook.com/TPMPTV
Twitter : https://twitter.com/TPMP
Instagram : https://instagram.com/tpmptv/
Category
📺
TVTranscription
00:00 - Vous avez quitté le métier ? - Oui, complètement.
00:02 - C'est à cause de l'électricité ?
00:04 - Ah ben ça m'a dégoûté, c'était le coup de massue en trop.
00:07 Comme on pouvait en sortir la tête de l'eau, et puis ben facture d'énergie,
00:10 on fait que, ils ont eu raison de moi.
00:12 - Ouais. Et donc impossible, tu pouvais pas t'en sortir.
00:14 - Non, non, impossible, on travaillait pour rien.
00:16 - Terminé pour toi ? - Complètement.
00:18 - On est clairement en train de tuer le métier, c'est fini les boulangeries,
00:20 on en aura... Parce que là, avec ce qui vient de tomber,
00:22 on va en parler dans un instant avec Damien,
00:24 mais avec ce qui vient de tomber, là, il n'y a plus de bouclier
00:27 au niveau de la facture d'électricité pour les boulangers.
00:30 Gilles, tu peux nous rappeler le...
00:32 - Oui, donc le bouclier tarifaire va être suspendu à la fin de l'année
00:35 pour les boulangers, c'est-à-dire que le ministre Lescure dit
00:38 "le tarif de l'électricité et du gaz baissant, il n'y a plus besoin".
00:41 Alors, il prend la précaution, il dit "pour l'instant",
00:43 avec une sorte de clause de revoyure, mais ça a été le choc,
00:46 parce que c'est prorogé pour les particuliers,
00:49 et les boulangers et tous les petits commerces se retrouvent d'un coup,
00:52 sans doute, obligés de payer des fortunes.
00:54 Donc c'est le choc monumental, dans l'opinion.
00:56 - Alors, donc, aujourd'hui, Julien, pour toi, tu te dis...
01:02 - C'est complètement fini, moi je suis dans l'usine automobile maintenant.
01:05 - T'as changé, toi ? - Complètement de branche.
01:07 - Tu fais quoi maintenant ? - Usine automobile.
01:09 - D'accord, et là, t'es bien ? - Ouais, je fais mes heures,
01:11 j'ai mon salaire qui rentre, j'ai plus le stress et la pression derrière.
01:14 - Tu gagnais combien quand t'étais boulanger ?
01:16 - Je sais pas, j'arrivais à me sortir 1 800 à peu près.
01:19 - Au départ, après t'arrivais à te sortir combien ?
01:21 - Ouais, bien sûr, ouais.
01:22 - Quand ça a commencé avec les factures d'électricité ?
01:24 - Je sortais plus rien, après. - Tu sortais plus rien.
01:26 - Voilà, donc 80 heures semaine, donc ouais, sortir rien du tout.
01:28 Et en plus, avant d'été, à la fin. - Ouais.
01:30 - Donc tu gagnes mieux ta vie aujourd'hui, enfin... - Complètement.
01:32 - Sur le lycée, sur l'année, t'as moins de pression ?
01:34 - C'est ça, y a plus de passion derrière, mais y a plus de stress, ouais.
01:37 - T'es plus heureux maintenant ?
01:39 - Plus ? Non, je pense pas, mais c'est une vie différente, ouais.
01:42 - Parce que c'était ta passion ? - Complètement.
01:44 - Pour toi, y aura plus de boulanger dans quelques temps ?
01:46 - C'est... Ouais, on y vient, là.
01:48 Moi, je vois dans ma région, donc en Lorraine, je vois que...
01:51 Dans tout le secteur chez nous, même des grosses boulangeries,
01:53 où on croit qu'ils ont les reins solides, mais en fait, non.
01:55 L'un derrière les autres, ils ferment.
01:57 - Ils ferment. Pour toi, c'est une honte, ça, ce qui vient de...
01:59 - C'est un scandale, ouais. - C'est un scandale.
02:01 Toi, aujourd'hui, tu te dis... J'ai bien fait de me barrer.
02:04 De toute façon, tu pouvais plus tenir. - Ah bah non, je pouvais plus tenir.
02:06 De toute façon, clairement, hein. - C'était terminé pour toi.
02:08 - Ouais. - Alors, on est avec Damien, aussi,
02:10 qui est... Il a 32 ans, il est boulanger dans le 91.
02:13 Vous êtes boulanger depuis combien de temps, Damien ?
02:15 - Moi, ça fait 16 ans que je suis boulanger. - 16 ans ?
02:17 - 16 ans que je suis boulanger, ouais. - Vous avez démarré à 16 ans ?
02:19 - J'ai démarré à 15 ans, ouais. - Oh, fort !
02:21 - Ouais, ouais. - C'est une passion, vous avez...
02:23 - C'est une passion totale, ouais. - C'est vrai que c'est votre kiff.
02:25 C'était de père en fils ? C'était quoi ?
02:27 - Non, pas du tout. Non, non. J'ai des parents hors milieu, carrément.
02:29 - Ah ouais, ah ouais. - Je suis tombé, quand j'étais petit,
02:31 en stage, et du coup... - Vous avez fait un stage en boulangerie ?
02:33 - Un stage en boulangerie, et puis du coup...
02:35 - Vous êtes tombé amoureux du métier ? - Ouais, c'est ça, exactement.
02:37 - Vous avez ouvert votre boulangerie... - Il y a 4 ans et demi.
02:39 - Il y a 4 ans et demi, avant, vous travailliez dans d'autres boulangeries.
02:41 - Exactement, sur Paris, tout le temps.
02:43 - Et là, vous vous êtes dit, ça y est, c'est mon moment.
02:45 - L'objectif de tout boulanger passionné, c'est d'ouvrir son commerce
02:47 et d'arriver à l'aboutissement final, d'avoir un nom sur une devanture.
02:49 - Ouais. - Et voilà, mais clairement,
02:51 aujourd'hui, on commence à être dégoûté.
02:53 - Alors, justement, on va en parler.
02:55 Ça a bien démarré, vous travaillez bien, au départ ?
02:57 Il y a 4 ans, ça a bien démarré, la boulangerie ?
02:59 - C'est correct, ouais, ça a bien démarré, ouais.
03:01 - Vous étiez content ? - Très bien démarré, de toute façon,
03:03 ouais, je suis content. On a fait un chiffre en constante augmentation
03:05 depuis 4 ans. - C'est ça.
03:07 Et là, alors là, on va en parler parce que...
03:09 Aujourd'hui, si on compare, il y a 2 ans,
03:11 vous payez beaucoup plus d'électricité.
03:13 C'est quoi, la différence ?
03:15 - On payait beaucoup plus d'électricité ?
03:17 Non, en fait, là, j'ai réduit ma consommation,
03:19 mais je paye plus. - D'accord.
03:21 - Donc, vous avez réduit votre consommation,
03:23 mais je paye plus. - D'accord.
03:25 - A contrario. - C'est-à-dire ?
03:27 - Ça veut dire que, grossièrement parlant,
03:29 je consomme un tiers d'électricité en moins,
03:31 mais je paye le double aujourd'hui.
03:33 Si j'avais pas réduit intelligemment,
03:35 on va dire, les choses au max,
03:37 arrêter les cuissons l'après-midi, offrir moins de choix aux clients,
03:39 je ne serais pas... Je ne pourrais pas,
03:41 aujourd'hui, espérer sortir la tête de l'eau.
03:43 Mais beaucoup de mes confrères, ils ont la tête dans l'eau
03:45 et ils ferment, de jour en jour.
03:47 Là, en Corse, moi, j'en ai 2 qui ferment.
03:49 - C'est combien que vous payez d'électricité par mois ?
03:51 - Je paye 2 000 euros d'électricité par mois.
03:53 - Ah ouais, c'est beaucoup. - J'étais à 1 000 avant.
03:55 - D'accord, donc vous avez doublé, mais bon...
03:57 - J'ai doublé, avec les aides comprises,
03:59 parce que les aides, c'est de la poudre.
04:01 - C'est-à-dire ? - C'est de la poudre, c'est que dalle.
04:03 300 euros d'aide, c'est ridicule.
04:05 - C'est par quoi ? - Par mois.
04:07 - Par mois. - Mais ça sert à rien du tout.
04:09 Quand on fait 1 x 2, j'aurais dû faire 2 400,
04:11 et je fais 2 100, à la place de 1 000 euros à la base.
04:13 - D'accord. Donc, en fait, votre facture d'électricité,
04:15 elle était à 2 400, il y a l'aide, donc il y a 2 100,
04:17 mais vous étiez à 1 000 euros à la base.
04:19 Donc, voilà, c'était à plus de 50 % d'augmentation.
04:21 - C'est x2, déjà, x2. - Ouais.
04:23 - Et x2, encore, moi, je suis un privilégié.
04:25 D'autres, c'est pas ça, c'est x6.
04:27 Là, j'ai un boulanger de Strasbourg.
04:29 En sachant, en fait, que je venais là,
04:31 j'ai eu des centaines de messages, parce que nous...
04:33 - Qu'est-ce qu'ils vous ont dit, les boulangers ?
04:35 - Il faut dénoncer la vérité, il faut dire la vérité.
04:37 - Le boulanger de Strasbourg, lui, il s'est allé
04:39 à combien, sa facture d'électricité ?
04:41 - Lui, il a pris un x6, il est passé de 1 000 à 6 000.
04:43 - Ah ouais. - Et là, 500 euros d'aide,
04:45 c'est ridicule. Alors, l'amortisseur, c'est pareil.
04:47 J'ai d'autres collègues à moi, ils passent...
04:49 Ça fait depuis janvier, ils ont pas reçu leur facture,
04:51 on est au mois de mai. C'est très grave.
04:53 Et ceux qu'ils ont reçus, des fois sans amortisseur
04:55 ou avec des amortisseurs erronés, ou alors, dans ce cas-là,
04:57 on est sur d'autres fournisseurs qui appliquent
04:59 leur propre loi ou leur propre règle,
05:01 c'est complètement débile, en fait. Désolé de dire ça,
05:03 mais c'est complètement débile. - Vous avez augmenté
05:05 les prix de vos produits ? - Oui. Ça fait 2 fois, déjà.
05:07 - Quoi, 2 fois ? - De 20 %. - Ah ouais,
05:09 donc vous avez fait 2 fois 20 % ?
05:11 - Non, 2 fois 10 %. - D'accord.
05:13 - J'ai fait par palier, mais même ça, ça suffit pas.
05:15 J'ai dû licencier 2 personnes. - Ouais.
05:17 - Je fais 80 heures semaine, je suis pas payé, moi.
05:19 Je me paye pas. - Ah, ça y est.
05:21 - Ça fait depuis 5 mois que je me paye pas.
05:23 - Rien ? - Derrière, j'ai 2 gosses à gérer.
05:25 Je passe des journées entières au boulot,
05:27 j'en profite pas, j'ai pas de vie.
05:29 J'ai des crédits sur le dos encore plus lourds,
05:31 des charges encore plus lourdes. Il faut arrêter.
05:33 On est des tonnes comme ça, des milliers.
05:35 Au bout d'un moment, il faut qu'ils prennent conscience.
05:37 Et là, l'arrêt du bouclier tarifaire,
05:39 mais on va où, quoi ? Stop, on va où ?
05:41 - Quand vous avez appris ça, vous vous êtes dit
05:43 "C'est la fin pour moi ?" - Je vais pas vous mentir,
05:45 je suis quelqu'un de très optimiste à la base,
05:47 mais là, plus les mois passent, plus on est pessimiste.
05:49 On arrête, quoi. Il y en a beaucoup
05:51 qui s'arrêtent. Les parents à Jérémy,
05:53 justement, qui est venu plusieurs fois ici,
05:55 ça y est, là, ils arrêtent à la fin du mois.
05:57 Ils n'en peuvent plus. Son père, il a 61 ans,
05:59 il va se retrouver, avec la réforme des retraites en plus,
06:01 à devoir rebosser à son âge,
06:03 après des années, des années de patronat.
06:05 Comme ça, c'est abusé, c'est aberrant.
06:07 Et il va repartir peut-être avec des dettes.
06:09 C'est pareil, ils ont fait 4 fois et demi leur somme,
06:11 avec un amortisseur dégueulasse, quoi.
06:13 - Quand ça marchait bien, vous arriviez à vous payer ?
06:15 - J'arrivais à me payer. Je touchais 1200 euros.
06:17 C'est pas mal, déjà, pour 81 heures.
06:19 - C'est sympa. Et là, aujourd'hui, c'est zéro.
06:21 - C'est zéro, que dalle.
06:23 - Zéro euro. Vous avez déjà eu
06:25 un augment de 10%, puis de 10% encore.
06:27 Qu'est-ce que vous avez dit à vos clients,
06:29 pour cette augmentation ?
06:31 - La chance que j'ai, c'est que je fais du fait maison,
06:33 et de la qualité. Donc, ma réputation,
06:35 on va dire, elle est déjà faite.
06:37 - Oui, mais des gars comme vous,
06:39 avec ce qui se passe, là,
06:41 dans 6 mois, il n'y en aura plus.
06:43 - Dans 6 mois, il n'y en aura plus.
06:45 Mais il y en a déjà qui font des crédits
06:47 pour payer leurs factures. Attention.
06:49 Ils bossent 2 fois plus, ils licencient des salariés.
06:51 Donc, au bout d'un moment, physiquement et moralement,
06:53 il y aura des morts.
06:55 C'est peut-être dur, cru, ce que je veux dire,
06:57 mais il y aura des morts, très clairement.
06:59 Et là, on ne peut plus se faire berner comme ça.
07:01 - Ils vous disent quoi, vos clients ?
07:03 - Mes clients me soutiennent. Ils sont tous derrière nous.
07:05 - Quand vous leur avez annoncé, vous leur avez dit
07:07 "je suis obligé d'augmenter", vous leur avez dit quoi ?
07:09 - Eux, ils me soutiennent. Je leur ai dit "je suis obligé d'augmenter"
07:11 parce que les matières premières ont augmenté,
07:13 déjà, 1, les factures d'énergie, 2...
07:15 - Tout a augmenté. - Leur pouvoir d'achat a baissé.
07:17 - La farine a augmenté. - La farine, entre 30 et 40%.
07:19 C'est énorme. Moi, j'ai mon meunier, il se fait exploser.
07:21 - Bien sûr. - Je suis désolé.
07:23 Après, je ne peux pas lui taper dessus, lui dire "non, tu augmentes tes farines,
07:25 tu déconnes". - Qu'est-ce qui a augmenté encore ?
07:27 - Le beurre, il a pris plus de 60%.
07:29 - Ouah ! - Le sucre, on parle au kilo,
07:31 il est passé de 80 centimes à 1,20 €.
07:33 La levure, elle a pris 50%.
07:35 Il ne faut pas déconner, les emballages, c'est pareil.
07:37 - Donc l'électricité, tu as doublé.
07:39 Donc en fait, aujourd'hui, le prix de ta baguette,
07:41 il te coûte beaucoup plus cher, ta baguette.
07:43 - Moi, je fais une baguette bio. Déjà, à la base, c'est de la farine bio.
07:45 Il faut savoir que c'est du top qualité, grossièrement parlant.
07:47 - C'est plus cher.
07:49 - J'ai augmenté de 20 centimes. Je suis passé à 1,40 €, ma baguette.
07:51 1,40 €, pour les gens, des fois, c'est trop cher.
07:53 J'ai augmenté de 10 centimes le dernier palier.
07:55 Il y en a qui m'ont dit "ça y est, c'est trop cher, je ne prends plus de pain".
07:57 Mais il faut arrêter.
07:59 Là, pour s'en sortir, il faudrait passer la baguette à 3 balles.
08:01 - Non.
08:03 - Et je ne crois pas que personne peut payer une baguette à 3 balles, aujourd'hui.
08:05 - Bien sûr.
08:07 - Honnêtement, à bout d'un moment, il va falloir arrêter les bêtises,
08:09 surtout que les industriels se gavent.
08:11 Les adversaires, ils se gavent, ils mettent leur prix.
08:13 Moi, j'ai comparé ma baguette céréale, que je fais bio, aussi, à 1,60 € que je la vends.
08:19 L'industriel le vend à 1,80 €.
08:21 Je ne citerai pas le nom de la chaîne, mais j'ai vu ça, je suis tombé de haut.
08:25 J'ai dit "attends, putain, mais ce n'est pas possible".
08:27 On va où ?
08:29 L'artisanat, ils le vendent, l'UNESCO, tout ça, c'est super.
08:31 Mais honnêtement, ça ne va pas nous sauver, tout ça.
08:33 Il va falloir qu'ils se réveillent, il faut sortir du marché européen.
08:36 - Comment tu t'en sors, aujourd'hui ?
08:38 Parce que tu me dis que tu ne prends pas de salaire depuis 5 mois.
08:40 - Alors, je m'en sors.
08:42 Je fais des économies de bout de chandelle, j'ai la famille qui est là, dont mes parents.
08:44 - Et ne me dis pas que tu as été tapé dans tes économies pour payer la facture de l'expédite.
08:48 - J'ai explosé, je n'ai pas d'économie.
08:50 Arrêtez, je n'ai pas d'économie.
08:52 Je ne roule qu'avec une voiture en leasing, je roule avec une Twingo à tout pourri.
08:54 Il faut arrêter, j'ai des enfants derrière, j'ai ça à gérer.
08:57 Moi, le temps qu'ils ont à manger dans leur assiette, ça me va.
08:59 - Tu te réveilles à quelle heure le matin ?
09:00 - Moi, je me réveille à 4h du mat.
09:02 - Tu te couches à quelle heure, tu finis à quelle heure le travail ?
09:03 - Ça dépend, vu que j'ai moins de personnel, je fais la vente l'après-midi.
09:06 Donc, en gros, je boucle la boutique à 19h30, en train de faire mon ménage, 21h.
09:09 - Tu fais 4h du matin, 21h.
09:11 - Voilà, exactement.
09:12 - Et tu me dis, aujourd'hui, tu as 0€ en poche.
09:14 - J'ai 0 balle.
09:15 - 0 balle.
09:16 - Ce qui me reste, en fait, gros, sereinement parlant, c'est l'aide de mes parents.
09:20 J'ai de la chance d'avoir des parents qui sont là.
09:21 - Non, mais est-ce que tu te rends compte de ce que tu dis ?
09:23 Parce que c'est ça, c'est ce que je dis tous les jours.
09:25 - Je leur prends compte.
09:26 - Non, mais tes parents, en plus, ils doivent se dire,
09:27 "Mon fils, le pauvre, il travaille de 4h du matin jusqu'à 21h,
09:30 et on est obligé de l'aider parce qu'aujourd'hui, il s'en sort pas."
09:34 - Très clairement, non, non, il s'en sort pas.
09:36 Et puis après, derrière, moi, je demande pas.
09:37 Après, on demande pas à l'aumône.
09:38 - Non, mais je sais.
09:39 Non, mais ce que tu viens de me dire, il y a un instant, tu m'as dit à 1 200€,
09:42 t'étais content ?
09:43 - Je m'en sortais, ouais, parce que voilà.
09:45 Mais comparé à des places où avant, je touchais 3 000€ par mois et tout, voilà.
09:49 Et là, je suis patron, je me suis dit,
09:50 "Attends, j'ai cravaché pour arriver là, j'arrive ici, même 1 200€,
09:55 bon, j'arrivais à bricoler et tout, ça va."
09:57 Mais derrière, au bout d'un moment, on peut plus.
09:59 Et puis là, sans argent, on peut pas.
10:00 - Bien sûr, sans argent, on peut pas.
10:02 Comment tu fais ?
10:03 - On peut pas.
10:04 Comme je vous dis, mes parents, c'est simple, ils sont là.
10:07 Derrière, économie de bout de chandelle, voilà.
10:09 Et puis après, je mange, voilà, il me reste des invendus et tout,
10:12 je mange des invendus.
10:13 - Ah, tu te nourris dans la boulangerie ?
10:15 - Bah ouais, je me nourris, mais je me plains, enfin, je me plains pas.
10:18 On va dire qu'on a pire que soi dans la vie, d'accord ?
10:20 J'ai la santé, ça va, mes enfants sont en bonne santé, ça aussi, ça me va.
10:23 Mais après, au bout d'un moment, on travaille pas bénévolement.
10:26 Ça veut dire que nous, derrière, on a fait le choix d'être patron, justement,
10:30 pour prospérer et justement vivre de notre passion.
10:33 On peut plus.
10:34 - Damien, aujourd'hui, là, on est le 24 avril.
10:40 Tu me dis, ça fait 5 mois que tu te payes pas.
10:43 Là, le gouvernement l'a annoncé, il n'y a pas de bouclier au niveau
10:46 de l'électricité pour les entreprises, donc pas pour toi,
10:49 donc pas pour les boulangers.
10:51 Tu te donnes combien de temps ?
10:53 Tu te dis que tu peux tenir combien de temps ?
10:55 Parce que tu me dis que là, déjà, t'as plus rien.
10:57 - Moi, j'ai le...
10:58 En fait, on va dire tout simplement, j'ai la passion qui me tient encore,
11:01 l'envie aussi de m'en sortir parce que je me dis,
11:04 le combat, on le mène depuis septembre.
11:06 Nous, on dénonce depuis septembre.
11:07 On dénonce, on a envoyé des messages à tout le monde, ici, je pense,
11:09 sur le plateau, ce soir et moi, on a envoyé des messages à tout le monde.
11:12 J'ai Maxime qui est venu, Jérémy, on a envoyé tous les boulangers,
11:14 même Isabelle qui était venue là, c'est nous.
11:16 Elle vient de chez nous, l'association Udabi qu'on a créée.
11:18 Et justement, on se bat depuis des mois.
11:20 Donc moi, dans mon optique, je veux pas fermer.
11:22 Je veux pas crever, je veux pas m'arrêter.
11:24 Ça veut dire que je vais me battre jusqu'au bout, jusqu'au dernier sou,
11:26 mais au bout d'un moment, voilà, la santé physique et tout,
11:29 au bout d'un moment, si je peux plus, si mon corps, il me lâche,
11:31 je vais dire stop.
11:32 Je vais dire stop.
11:33 Moi, j'ai un gars dans ma ville qui a fermé, là, au début du mois.
11:35 - Mais toi, aujourd'hui, tu peux tenir combien de temps sans rien gagner ?
11:40 - Je peux pas tenir.
11:41 Je peux pas tenir.
11:42 Je peux tenir peut-être 2, 3 mois jusqu'à l'été, là.
11:44 Après, stop, je vais tirer l'alarme.
11:46 Stop.
11:47 - Donc, si tu vas faire, tu vas fermer, toi aussi ?
11:48 - Parce que t'es sous la porte.
11:49 Bien sûr.
11:50 On travaille pas dans des conditions comme ça, sous perfusion.
11:53 C'est pas bon pour notre santé à nous.
11:55 C'est pas bon.
11:56 - Mais ça, aujourd'hui, est-ce que le gouvernement le sait,
11:58 parce qu'on en a parlé ici, il voit pas qu'il y a des boulangeries
12:00 qui ferment toutes les semaines ?
12:01 Parce que toutes les semaines, là, aujourd'hui,
12:03 si il y a des téléspectateurs qui nous rejoignent,
12:04 il est 21h06, on est en direct dans TPMP.
12:07 Des boulangeries à ce rythme-là, dans 2 ans, il n'y en a plus, non ?
12:10 - On a interpellé tout le monde.
12:12 On a interpellé Olivier Grégoire, qui nous a dit qu'on avait sorti
12:14 des calculs d'apothicaires.
12:15 Attendez, rendez-vous compte, ça mène chez eux, en plus, ces calculs.
12:18 C'est ça, le pire.
12:19 Donc, au bout d'un moment, quand ils nous disent oui, voilà,
12:21 ils le voient pas, ça.
12:22 Alors, ils vendent des chiffres comme quoi il y a plus de boulangeries
12:25 qui ouvrent, qui ferment.
12:26 D'accord ?
12:27 Sauf que, il est où, le détail ?
12:29 Alors, des points chauds, on appelle des boulangeries des points chauds ?
12:31 Ou des industriels ?
12:32 Ça compte dans des boulangeries ?
12:33 - Ouais.
12:34 - Non, je pense pas.
12:35 Donc, les vrais artisans, ils crèvent aujourd'hui.
12:37 - Bien sûr.
12:38 - Et ça continuera.
12:39 Et les industriels se frottent les mains.
12:40 Désolé de dire ça.
12:41 Donc, au bout d'un moment, il va falloir qu'ils sauvent notre patrimoine,
12:43 sinon, on est en train de le faire crever.
12:44 À l'étranger, la boulangerie française est reconnue.
12:46 - C'est vrai.
12:47 - Incroyablement.
12:48 Moi, j'ai envie de me barrer, très clairement.
12:49 J'ai des amis à moi qui sont partis à l'étranger,
12:51 mais ils cartonnent.
12:52 Moi, j'ai mes enfants en France.
12:53 - Bien sûr.
12:54 - J'ai ma famille.
12:55 - Les mecs à l'étranger cartonnent.
12:56 - Mais ils cartonnent à l'étranger.
12:57 Il y a des baguettes qui se vendent à l'équivalent de 4 euros ici.
12:58 - Je sais.
12:59 - Et ils se les arrachent.
13:00 - Nous, ici, on peut...
13:01 Moi, j'ai eu le bras droit d'Olivier Grégoire en ligne plusieurs fois.
13:05 - C'est sympa, les signes.
13:06 - Je l'ai eu en ligne et je lui ai dit, mais vous, vous accepterez...
13:09 Enfin, je ne sais pas.
13:10 Vous accepterez de travailler 80 heures semaine et pas vous payer et tout ?
13:14 Il me dit, ben non.
13:15 Je fais, voilà, vous n'accepterez pas ça.
13:17 Vous trouvez ça normal qu'à la boulangerie française,
13:19 on ne puisse pas en vivre en France ?
13:20 - C'est ça.
13:21 - C'est grave.
13:22 Surtout, moi, je suis passionné.
13:23 Je ne vais pas arrêter demain.
13:24 Je n'ai pas envie d'arrêter, d'aller partir dans l'automobile
13:25 ou faire des trucs ou des plateaux.
13:26 Je n'en ai rien à...
13:27 Voilà, honnêtement.
13:28 Moi, mon métier, c'est la boulangerie.
13:29 C'est ma passion.
13:30 J'ai envie de le transmettre.
13:31 Je le transmets à des jeunes tous les jours.
13:32 J'ai plein d'apprentis.
13:33 - Aujourd'hui, vous voyez beaucoup de boulangers se barrer ?
13:35 - J'en vois plein.
13:36 J'en vois plein.
13:37 Là, celui de Strasbourg, il a racheté une boutique, 450 000 euros.
13:40 Il a fait 150 000 euros de travaux dedans.
13:42 D'accord ?
13:43 Aujourd'hui, là, il a mangé un x6 en électricité par rapport à novembre.
13:46 D'accord ?
13:47 Il me dit, là, je vais crever.
13:49 C'est mort.
13:50 Terminé.
13:51 Je viens d'arriver, je suis déjà mort.
13:52 Et les anciens, c'est pareil.
13:55 Mon pote Jérémy, ses parents, un mot, c'est exactement pareil.
13:58 Il faut se dire qu'ils sont arrivés.
13:59 Attendez, ils sont en fin de carrière.
14:00 C'est respectable.
14:01 Ils ont 30 ans de métier.
14:02 30 ans de boîte.
14:03 D'accord ?
14:04 Ils vont repartir une mort de faim, une mort d'arrière.
14:05 30 ans.
14:06 Limite avec des dettes, c'est grave.
14:07 C'est grave.
14:08 C'est très, très grave.
14:09 Et au bout d'un moment, on va dire que c'est non-assistance à boulangers.
14:14 Enfin, à personne en danger.
14:15 Que ce soit toutes les TPE.
14:16 On ne parle pas que des boulangers, forcément.
14:18 Attention, c'est meurtrier parce qu'il y a beaucoup de TPE et de PME qui vont fermer.
14:23 Là, les défaillances, cette année, par rapport à 2022, il y a 44% d'augmentation.
14:27 C'est des chiffres officiels.
14:28 Attention, 44% d'augmentation.
14:29 On est entre 55 000 et 60 000 défaillances.
14:32 Ça veut dire liquidation, redressement judiciaire.
14:34 Ce n'est pas possible.
14:35 Il faut arrêter.
14:36 Au bout d'un moment, il faut regarder les gens dans les yeux.
14:38 Surtout, désolé, le gouvernement là, du coup, il va falloir se bouger un peu.
14:43 Si Macron regarde ça…
14:44 – Mais quand ils vous disent qu'on a reçu Oliva Grégoire ici,
14:47 elle a dit qu'il y avait beaucoup d'aide pour les boulangers.
14:50 – Eh bien, dis donc, si on me dit que, admettons, 6 000 euros, on donne 500 euros d'aide,
14:55 alors c'est pour quoi les 500 euros ?
14:56 Pour passer la pommade dans le dos et puis aller, ça va bien se passer.
15:00 On ne vous lâchera pas, ne vous inquiétez pas.
15:02 Son discours, il est bien, il est rodé.
15:03 – C'est-à-dire que ce que tu expliques au téléspectateur ce soir, Damien,
15:06 c'est que par exemple, toi, quand la facture d'électricité,
15:08 elle passe de 1 000 euros à 5 000 euros, tu vas avoir 300 euros d'aide ?
15:12 500 euros d'aide ?
15:14 – Alors qu'à la base, ils ont annoncé 40 %, après 20 % guichet plus amortisseur,
15:19 on va être autour de 40 %.
15:21 Non, les calculs ne sont pas bons, ils ne se trouvent pas selon les règles.
15:24 Chez moi, 500 balles sur 5 000 euros, c'est 10 %.
15:28 On est d'accord.
15:29 – Je te confie en toi.
15:30 – Et là, pour l'instant, même EDF ne sait toujours pas.
15:32 Alors, il y en a, ils ont dit "attends, on va attendre le mois de mai
15:35 pour vous passer les factures".
15:36 Mais non, attendez, j'ai un ami à moi, il a provisionné,
15:40 heureusement, au mois de mai, il va recevoir le 1er mai sa facture,
15:42 de janvier à mai.
15:43 Et il ne sait pas, il va manger un fois, trois, mais il ne le sait pas.
15:46 Donc il m'a dit "j'ai provisionné une somme", mais je ne sais pas.
15:48 Donc ils vont lui demander 40 000 balles d'un coup, ils vont dire "allez hop, 40 000".
15:51 Donc sort 40 000 euros pour un artisan.
15:53 – C'est impossible.
15:54 – C'est pas possible, il faut arrêter au bout d'un moment.
15:55 – Comment tu fais ?
15:56 – C'est mort.
15:57 Donc après, nous, on nous dit ça, moi j'ai fait un étalement de paiement,
15:59 je me suis dit "ok, TotalEnergie a accepté, on vous étale le 1er paiement là,
16:03 ok, pour l'instant je peux étaler, d'accord ?
16:05 Deuxième facture va arriver, dans deux mois,
16:08 au bout d'un mois je vais leur dire "attends, je vais rajouter sur le ré-étalage".
16:11 Donc du coup, ça, ou je vais faire un crédit peut-être,
16:13 après le PGE, le Covid, parce que le Covid, on est le dos large aussi.
16:15 – Bien sûr.
16:16 – Le Covid, nous on est resté ouvert, aller boulanger c'est des vaillants,
16:19 ok, super, mais on n'a pas été…
16:21 attention, on a perdu beaucoup d'argent pendant le Covid.
16:23 – Julien, c'est fini pour toi, tu es dans l'automobile.
16:25 – Complètement, en parlant des aides, justement,
16:27 moi j'ai reçu un courrier encore la semaine dernière,
16:29 que je n'étais pas éligible à une aide,
16:31 après laquelle je ne serais pas en particulier,
16:34 mais je sais que ma comptable s'était démenée,
16:36 elle avait fait plein de dossiers et tout machin,
16:38 et là, la semaine dernière, j'ai encore reçu,
16:40 tu vois, 3 ou 4 mois après la guerre.
16:42 – Aujourd'hui, c'était ta passion la boulangerie ?
16:44 – Complètement, oui.
16:46 – Tu es triste de ne plus exercer ton métier, ta passion ?
16:49 – Bah d'un côté oui, d'un côté non,
16:51 parce que tu vois maintenant,
16:53 quand je vois tous les sacrifices que j'ai faits pendant tant d'années,
16:56 avoir ça au final, tu vois, je me dis que…
16:58 – Ouais, après tu es con, je te dis oui.
17:00 – Je serais dégoûté, moi. – Ah bah moi je serais…
17:02 – Moi je serais dégoûté d'arrêter.
17:03 – Le mois de janvier, moi je te dis, j'ai fait une dépression,
17:05 j'étais sur le canapé, à bouffer des cachets et tout machin,
17:07 je ne voyais personne, tu vois. – Ça va mieux là.
17:09 – Et là, je remercie un de mes anciens clients, s'il nous regarde,
17:11 de m'avoir fait rentrer dans l'usine automobile, quoi,
17:13 et franchement, ça m'a redonné du bon mot de cœur, tu vois.
17:15 – Et ça, j'en ai plein tous les jours, moi, qui m'envoie des messages,
17:17 j'en ai plein, des messages, en me disant, Damien, je vais me pendre,
17:20 mais non, mais c'est vrai, moi, je ne te le montre pas,
17:22 c'est pas une expérience, je te le montre, j'ai une femme de Toulouse
17:25 qui est toute seule à gérer une boulangerie, d'accord,
17:27 elle est toute seule à gérer une boulangerie, elle m'a dit,
17:29 au bout d'un moment, Damien, elle me dit, je ne sais plus,
17:31 je ne sais plus avec qui parler, je ne sais plus quoi faire.
17:33 – On ne te rend pas compte, toi, dans quelle direction aller,
17:35 on ne sait pas où aller. – Moi, par exemple, voilà,
17:37 je suis solo, j'ai mes enfants, quand je n'ai pas mes enfants,
17:39 des fois, avec des journées bien chargées, on est malade,
17:41 on n'a pas le droit de s'arrêter, attention, moi, je me suis défoncé la cheville,
17:44 je ne me suis pas dit, non, non, je vais m'arrêter,
17:46 ah non, ben non, tu n'as pas le droit de t'arrêter, tu ne peux pas,
17:48 tu t'arrêtes, tu fermes une journée, tu perds 1000 balles,
17:50 – C'est ça. – Fini, tu fais quoi demain ?
17:52 – Rideau. – Tu ne peux pas, rideau, stop,
17:54 on ne peut pas, on est pris à la gorge, c'est limite, on travaille 7 sur 7,
17:57 80 heures semaine, c'est énorme. – On ne se rend compte,
18:00 c'est un rite de mammouth, si on n'a pas une bonne hygiène de vie, on est mort,
18:03 on est cuit, donc au bout d'un moment, il va falloir que, ça y est,
18:06 ils prennent leurs responsabilités et ils assument un petit peu, voilà, simplement.
18:09 – T'as bien envie de te réveiller demain matin ?
18:11 – Bien sûr, j'aime me réveiller, moi, tous les matins, je me réveille.
18:13 – Tu gardes espoir ? – J'ai toujours espoir,
18:15 sinon je ne serais pas là à vous parler, justement, c'est pour réveiller un peu.
18:18 – C'est incroyable que ça ne bouge pas du tout, je te jure, ça nous rend fou ici.
18:21 – Depuis septembre, en plus. – Parce que ça fait des semaines
18:23 qu'on n'en parle pas. – Moi, si vous voulez, je me ramène
18:25 un boulanger par jour, on avait parlé de ça, justement.
18:27 – Je vous jure que ça ne va pas demain. – Moi, je la ramène, des boulangers par jour.
18:29 J'en ai des centaines et des centaines. – Vous nous en ramenez un demain.
18:31 – Je ramène un demain, il n'y a pas de problème, je ramène un demain.
18:33 – Et bien, avec plaisir.
18:34 [Musique]