Manon Aubry (LFI) : "L'enjeu aux européennes, c'est de l'emporter face au RN et aux macronistes"

  • l’année dernière
Manon Aubry, députée européenne La France insoumise et coprésidente du groupe de la Gauche au Parlement européen, est l'invitée de "Mardi politique". Roselyne Febvre et Frédéric Rivière reviennent sur l’épisode de la réforme des retraites et la stratégie de l’opposition, et évoquent aussi une éventuelle alliance pour les élections européennes sous la bannière de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes).

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Transcript
00:00 RFI et France 24 présentent Mardi Politique.
00:07 *Musique*
00:21 C'est l'heure de Mardi Politique sur France 24 et RFI.
00:24 Bonsoir Frédéric Rivière.
00:25 Bonsoir Roselyne, bonsoir à tous.
00:26 Et ensemble nous recevons Manon Aubry, députée européenne de la France Insoumise et coprésidente du groupe de la gauche au Parlement européen.
00:33 Bonsoir.
00:34 Bonsoir.
00:35 Et merci d'avoir accepté notre invitation.
00:37 Alors on va commencer par l'actualité française bien évidemment.
00:40 Le chef de l'État continue donc ses déplacements en région après la validation du Conseil constitutionnel de la réforme des retraites.
00:48 Et à chaque pas, il est rattrapé par des bruits de casserole.
00:51 Aujourd'hui Emmanuel Macron est dans le Loir-et-Cher pour parler des déserts médicaux, sujet crucial pour les Français.
00:58 Est-ce que la contestation n'empêche pas de traiter de sujets nécessaires pour les Français ?
01:04 D'abord vous voyez que c'est le même schéma qui se répète de déplacement en déplacement.
01:09 On a Emmanuel Macron qui sort de son palais doré de l'Elysée,
01:13 tente un déplacement pour détourner l'attention du sujet qui occupe encore beaucoup les esprits des gens,
01:19 c'est-à-dire la réforme des retraites, qu'il ne croit pas qu'elle est digérée pour une grande majorité des Français,
01:24 et même qu'ils le disent dans les sondages et qu'il appelle à une poursuite de la mobilisation.
01:28 Et puis il débarque, parfois il y a des arrêtés, anti-manifestation ou anti-port de casserole.
01:36 Il est même venu aujourd'hui avec son groupe électrogène.
01:39 Vous voyez à quel point on en est rendu compte, un président de la République qui se trimballe sous le bras avec son groupe électrogène.
01:44 Oui, c'est la dernière fois qu'il s'est fait couper l'électrogène.
01:46 Il repart en hélicoptère, et moi je pose la question, même pour lui, combien de temps ça peut durer de gouverner dans ces conditions ?
01:52 Et il le sait, la source de la colère, Emmanuel Macron ne s'est pas toujours déplacé dans ces conditions,
01:57 la source de la colère, on la connaît, c'est la réforme des retraites.
02:00 Et qu'il soit prévenu, et que les membres de son gouvernement soient prévenus.
02:03 Et bien d'autres choses aussi que la réforme des retraites.
02:05 Vous avez raison, on peut aussi parler par exemple de l'inflation.
02:08 Le président de la République s'est exprimé dans une interview dans le Parisien cette semaine.
02:12 Il a prévenu, merci grand maître, il nous dit, l'inflation va durer jusqu'à l'été.
02:17 Qu'est-ce qu'il propose ? Du dialogue social.
02:19 Alors le même dialogue social qu'il a refusé pour faire la réforme des retraites,
02:22 il le propose pour l'inflation alors que là il peut agir, et notamment agir en régulant les prix.
02:27 Donc vous voyez qu'on a un président de la République qui est isolé de la population au sens propre comme figuré.
02:34 Au sens propre parce que vous le voyez qu'il a du mal à entrer en contact avec les gens en vue de la colère qui existe.
02:40 Et au sens figuré parce que pour moi il vit complètement dans un autre monde.
02:44 Il y a quelque chose, Manon Aubry, d'assez voire de très modeste finalement dans les moyens mis en œuvre pour cette contestation.
02:50 Des casseroles, des cuillères en bois et on tape sur la casserole.
02:53 Mais il est vrai que les adversaires de la réforme des retraites sont à peu près partout où il y a un représentant de l'exécutif.
03:00 Mais est-ce que vous croyez que cette stratégie de harcèlement puisse donner des résultats au-delà
03:05 du côté un peu sans doute énervant, agaçant pour le président de la République ?
03:10 Est-ce que ça peut donner des résultats ?
03:12 Mais vous savez, on a tout essayé.
03:14 On a manifesté par plus de 12 fois, 12 grandes journées de mobilisation nationale.
03:19 C'est historique dans notre histoire.
03:22 Moi j'ai 33 ans d'en parler juste avant de commencer le plateau.
03:26 Je n'ai jamais vu de mobilisation aussi longue, aussi massive et aussi importante.
03:30 Et aussi soutenue dans la population française.
03:32 Les syndicats l'ont dit sur à peu près tous les tons.
03:35 On a une unité syndicale qui tient encore.
03:37 On a une unité aussi de l'opposition de gauche.
03:40 Je veux dire, qu'est-ce qu'il faut au bout d'un moment ?
03:42 Et donc c'est normal que les gens se saisissent de ce qu'ils ont autour d'eux.
03:46 Ça s'est déjà fait dans l'histoire au sens large.
03:50 Et qu'ils disent, puisqu'ils ne nous entendent pas, on va faire encore plus de bruit.
03:53 Ils utilisent des moyens de fortune.
03:55 Mais est-ce que ça peut produire des résultats ?
03:56 Moi je pense, parce que pour être honnête, évidemment personne n'a de boule de cristal
04:01 et ne sait quelle va être l'issue politique.
04:04 Ce dont je suis sûre, c'est qu'Emmanuel Macron, il a déjà perdu.
04:07 Alors la difficulté, c'est que nous, on n'a pas encore gagné.
04:09 On n'a pas encore gagné, notamment le retrait de la réforme des retraites.
04:12 Mais admettez, quelle que soit votre opinion politique,
04:15 qu'on peut difficilement imaginer qu'Emmanuel Macron continue à gouverner le pays
04:19 de cette manière pendant les quatre ans qui viennent.
04:21 On a tous, alors "célébrer" est un bien grand mot,
04:24 mais certains ont célébré l'anniversaire de la première année de mandat
04:28 de ce second quinquennat Macron.
04:30 On s'est tous dit "pardon mais putain c'était long"
04:33 et personne ne s'imagine que ça peut encore durer quatre ans.
04:36 Non mais je le dis comme on le pense, comme je le sens,
04:39 pardonnez-moi pour le langage châtier, vous avez raison,
04:42 mais je le dis assez spontanément, je ne vois pas comment il peut sérieusement
04:47 continuer dans ces conditions.
04:48 Et d'ailleurs lui-même, s'il se donne un compte à rebours de 100 jours,
04:51 c'est qu'il voit bien qu'il faut donner des échéances rapides.
04:54 Justement, c'est pour ça qu'il court, il court, le président Macron,
04:57 mais tout de même...
04:59 Oui, mais c'est ce qu'écrit d'ailleurs Laurent Geoffrin dans son journal.
05:04 Je ne l'ai même pas lu.
05:06 Les manifestations, les grèves, la mobilisation,
05:09 vous l'avez dit non visiblement pour l'instant, en tout cas pas,
05:12 personne n'a eu la peau de la réforme, mais est-ce que tout de même,
05:17 si on cherche un peu de positif quand même, est-ce que ça ne force pas,
05:22 cette mobilisation, un président à agir sur des sujets cruciaux, importants ?
05:28 Je le disais tout à l'heure, les déserts médicaux,
05:30 qui est quand même un sujet grave.
05:33 Il a augmenté l'épreuve, il conserve le bouclier tarifaire.
05:40 Est-ce que ce n'est pas une façon d'aiguiller aussi un président
05:42 pour qu'il agisse ?
05:43 Parce que c'est soit l'impuissance, soit on refile la patate chaude
05:48 de la réforme aux successeurs.
05:50 On pourrait prendre les sujets les uns après les autres.
05:52 Parlons de l'augmentation des profs, qui est loin de l'augmentation
05:54 que lui-même avait promis dans son projet d'augmentation de 10%.
05:58 De nouveau, faire du saupoudrage avec des primes.
06:01 Sur les déserts médicaux, quand on a abandonné, comme il l'a fait,
06:04 l'hôpital ces dernières années.
06:06 Sur l'inflation, il ne fait rien, alors qu'on a 40%.
06:10 Il y a le bouclier tarifaire quand même.
06:11 Alors pardon, mais d'abord on a Bruno Le Maire qui s'adresse
06:15 au supermarché pour dire, s'il vous plaît, faites des petits labels
06:21 pour indiquer les prix à la baisse.
06:23 - Mais vous diriez qu'il fasse quoi en fait ?
06:25 - Bloquer les prix. En fait c'est le rôle d'un État.
06:27 La régulation. Sinon ça s'appelle la main libre du marché
06:30 et ça produit l'inflation qu'on connaît à l'heure actuelle.
06:33 On vit dans un pays où on a 40% des gens qui sont en SMIC
06:37 qui ont arrêté un repas par jour, qui se privent d'un repas par jour.
06:42 Ça devrait être ça l'urgence du gouvernement.
06:44 Et au lieu de ça, ils font des faux débats sur l'immigration,
06:50 ils refusent d'entendre la colère sociale sur la réforme des retraites
06:53 et sur l'inflation. Et je veux le dire pour terminer
06:55 sur la question de la réforme des retraites.
06:57 Non, le combat n'est pas terminé. Et le prochain rendez-vous,
07:00 on sait quand il est. Il est le 1er mai.
07:02 Et ce sera, je l'annonce d'ores et déjà, un 1er mai qui est historique.
07:05 Déjà parce que le président de la République a quand même réussi
07:07 à faire quelque chose, c'est réunir les forces syndicales.
07:09 On n'avait pas défilé tous ensemble derrière les mêmes bannières syndicales
07:12 depuis très longtemps. Et donc je lui ai dit au 1er mai,
07:14 venez, je ne sais pas où est la caméra, mais je m'adresse aux gens,
07:17 venez avec vos voisins, votre famille, votre tante, votre oncle,
07:21 votre chien, votre chat, tous vos dispositifs sonores portatifs,
07:24 comme ils le disent, à qui ont été interdits.
07:27 On va voir si votre chien fait plus de bruit qu'une casserole, mais venez.
07:30 - Non, mais ce n'est pas pour autant qu'Emmanuel Macron va retirer la réforme.
07:33 - Eh bien, je ne sais pas. Je ne sais pas parce qu'aujourd'hui,
07:36 pareil, quelle que soit votre opinion politique,
07:39 je pense qu'on peut reconnaître qu'on est dans une impasse politique.
07:42 La Ve République arrive à bon souffle.
07:45 - Il avait réussi, Emmanuel Macron, à se sortir finalement de la crise des gilets jaunes ?
07:48 - Vous avez raison, mais sur les gilets jaunes, il avait reculé.
07:51 - Pourquoi n'y parviendrait-il pas à nouveau ?
07:52 - Vous avez raison, mais sur les gilets jaunes, il avait reculé sur une partie de la taxe carbone,
07:55 il avait fait des grands débats, il a, à l'époque, lâché bien davantage d'argent
07:59 que ce qui a été lâché en faveur des populations les plus pauvres.
08:03 Ce qui, j'interpelle aussi le président de la République,
08:06 ce qui pose la question des modalités d'action.
08:08 Est-ce que la modalité d'action, ça va être des mobilisations tous les samedis ?
08:14 À l'époque, Emmanuel Macron avait très peur des violences, etc.
08:18 Moi, je ne le souhaite pas.
08:19 Mais on voit très bien qu'aujourd'hui, le président de la République,
08:22 il est dans une situation de blocage et que ses issues, elles doivent être politiques.
08:26 Il peut repasser devant les urnes avec une dissolution, de nouvelles élections,
08:31 un référendum sur la réforme des retraites,
08:33 mais il faut qu'il se passe quelque chose, il faut qu'il y ait un électrochoc.
08:36 Sinon, je ne vois pas.
08:37 La crise politique, elle va atteindre son paroxysme et nul ne connaît l'histoire.
08:42 Pourquoi vous ne lui rendez pas grâce quand même du quoi qu'il en coûte ?
08:45 Quand même, dans peu de pays, il y a eu ce système protecteur.
08:49 Ça a sauvé des artisans, des entreprises.
08:52 Est-ce que tout de même, vous ne dites pas l'a bien su ?
08:56 Je vous conseille un livre que je suis en train de lire d'une économiste qui s'appelle Anne-Laure Delatte,
09:00 qui explique très bien comment le quoi qu'il en coûte a en réalité énormément bénéficié aux grandes entreprises
09:06 sans la moindre contrepartie.
09:08 C'est vrai, vous avez raison.
09:09 Au moment de la crise du Covid, l'État a déboursé comme jamais.
09:12 C'est vrai.
09:13 Mais l'État a aussi déboursé pour des grandes entreprises
09:16 en leur demandant aucune contrepartie sociale ni écologique.
09:19 Donc, on a des grandes entreprises qui ont bénéficié de l'argent de l'État,
09:22 c'est-à-dire vos impôts globalement,
09:24 sans que ça participe à maintenir notamment le niveau d'emploi.
09:29 Et dans le même temps, je rappelle que le président de la République,
09:32 c'est celui qui a fait des cadeaux fiscaux comme jamais.
09:35 L'impôt de solidarité sur la fortune, par exemple, pour ne prendre que celui-là.
09:38 La flat tax aux plus riches.
09:40 Donc, c'est des choix budgétaires, des choix fiscaux qui ont un impact
09:43 et qui creusent les inégalités dans notre pays.
09:46 Donc, le quoi qu'il en coûte, il faut l'analyser dans les détails,
09:48 à quoi il a servi.
09:49 Et puis surtout, Bruno Le Maire, la semaine dernière,
09:52 a annoncé un nouvel trajectoire de baisse des déficits d'ici la fin du quinquennat.
09:58 Ce qui veut dire une cure d'austérité comme jamais.
10:00 À l'heure où on est mardi aujourd'hui,
10:02 demain, la Commission européenne va annoncer une réforme des règles budgétaires
10:06 au niveau européen, qui va notamment se traduire par davantage de sanctions
10:11 des États qui ne sont pas dans les clous.
10:13 Voilà, et je lance l'alerte ici,
10:15 puisqu'on va en parler davantage demain quand ce sera annoncé.
10:18 Voilà ce qui nous attend à l'échelon européen.
10:20 C'est une véritable cure d'austérité,
10:22 comme si on n'avait pas appris les leçons de ces dernières années.
10:25 Est-ce que la NUPES doit se réunir prochainement
10:28 pour envisager ce que Jean-Luc Mélenchon, je crois, appelle l'acte 2 ?
10:32 On sait que cette alliance est par moments un peu fragile,
10:37 ou qu'il y a des tensions, qu'il y a des fractures.
10:39 Est-ce qu'il vous paraît possible de réussir un accord
10:43 pour aller unis aux élections européennes ?
10:46 Je pense que ça me paraît possible, mais c'est d'abord nécessaire.
10:49 Nécessaire parce que l'enjeu pour cette élection,
10:52 c'est d'abord de l'emporter face au Rassemblement national,
10:55 et face aux macronistes, c'est possible,
10:58 aux élections législatives sur un taux de participation similaire,
11:01 c'est bien la NUPES qui est arrivée en tête en termes de voix au premier tour.
11:04 C'est aussi nécessaire si on veut être une force d'alternance.
11:08 On n'a pas fait la NUPES pour amuser la galerie.
11:10 Si on a fait la NUPES, c'est parce qu'on veut se poser comme force de gouvernement.
11:14 Et si on veut se poser comme force de gouvernement,
11:16 alors il est difficile d'imaginer que d'une élection à une autre,
11:20 on ne se présente pas ensemble, y compris sur la question européenne.
11:24 Justement, là-bas, c'est un accord électoral, plus électoral que politique.
11:27 C'est d'abord un accord politique,
11:29 puisque c'est quand même un accord sur un programme de plus de 650 mesures,
11:32 y compris d'un chapitre qui porte sur les questions européennes.
11:35 Maintenant, je vais vous dire, j'entends les doutes,
11:38 les réticences qu'il peut y avoir chez les uns et les autres.
11:41 Par ailleurs, je les respecte.
11:42 Mon but, ce n'est pas de leur tordre le bras, mon but, c'est de les convaincre.
11:45 Donc, ce que j'essaie de faire, c'est de proposer une méthode
11:47 pour avancer concrètement et ne pas signer en entrant dans la salle,
11:52 mais au moins poser les conditions d'une discussion.
11:55 Prenez le scénario à l'inverse.
11:57 Imaginez, il y a des listes séparées.
11:59 Et, dans le même temps, on a une menace de dissolution,
12:01 où on fait campagne ensemble pour récolter des signatures
12:04 pour le référendum d'initiative partagée.
12:06 Donc, je vais venir sur votre plateau.
12:07 En début de plateau, je vais dire "Vive la NUPES,
12:09 on est une force d'alternance, de gouvernement, etc."
12:12 Puis, en fin de plateau, je vais dire "En fait, votez pour moi, aux européennes,
12:15 puisque nous, la France insoumise, on est plus beau, plus fort,
12:17 plus intelligent que les autres."
12:18 Vous voyez, tout ça n'a pas de sens.
12:20 Et donc, c'est pour ça que j'ai essayé de proposer une méthode
12:23 pour avancer concrètement.
12:25 Ce qu'on peut faire, c'est, d'ici l'été,
12:27 entamer trois chantiers.
12:29 Ça n'a pas besoin d'être...
12:30 - Ah, vous aussi, trois chantiers ?
12:32 - Oui, bah... - Vous avez vos chantiers ?
12:33 - Ah, des chantiers pour la NUPES.
12:35 - C'est les 100 jours de la NUPES, c'est ça ?
12:36 - Bien sûr, voilà, par exemple.
12:37 On peut faire les 100 jours...
12:38 Enfin, je vais l'appeler comme ça, désormais.
12:40 Les 100 jours de la NUPES...
12:41 - C'est un copyright, s'il vous plaît.
12:42 - D'ici l'été, avec grand plaisir,
12:43 j'en reviendrai sur votre plateau pour en parler, mais...
12:46 Faisons, d'ici l'été, trois chantiers pour la NUPES.
12:50 Un, discutons rapidement de notre bilan.
12:53 - Oui, rapidement, parce qu'il y a deux sujets
12:54 qu'on voudrait encore aborder.
12:55 - Un, discutons de notre bilan.
12:56 Deux, des priorités pour la campagne 2024.
13:00 Et trois, discutons des sujets qui fâchent,
13:03 y compris de l'Europe de la défense,
13:05 de la politique internationale,
13:06 dont on sait qu'on n'a pas toujours été d'accord,
13:08 mais dépassons les faux-semblants, les postures.
13:11 Certains, comme Yannick Jadot,
13:12 qui dit ce matin qu'on n'est pas d'accord sur l'Ukraine,
13:13 alors que c'est faux, on a voté ensemble,
13:15 c'est très bien, il siège au Parlement européen.
13:17 Et je pense que c'est une bonne méthode
13:19 pour voir et vérifier s'il y a une volonté commune
13:21 des féministes communes.
13:22 - Manon Aubry, vous êtes un sujet important.
13:24 Je le rappelais, vous êtes députée européenne
13:26 et beaucoup s'inquiètent de l'attitude
13:30 de l'allemand Manfred Weber,
13:32 le leader du PPE, les chrétiens démocrates européens,
13:36 qui veut faire alliance dans l'hémicycle
13:38 avec l'italienne Giorgia Meloni.
13:42 Est-ce que, d'après vous, c'est un tabou qui s'autorise ?
13:46 - Oui, et désolée de ne pas penser que j'ai une obsession,
13:49 mais c'est aussi une des raisons pour lesquelles
13:51 il faut une gauche unie.
13:52 Parce qu'au Parlement européen,
13:54 il y a un fait nouveau sous ce mandat,
13:56 c'est l'alliance des droites.
13:58 Au Parlement européen, jusqu'à présent,
13:59 il y avait ce qu'on appelait un cordon sanitaire,
14:01 c'est-à-dire une frontière assez stricte
14:04 entre la droite et l'extrême droite.
14:06 Et manifestement, l'extrême droite aime beaucoup les frontières,
14:09 mais il y en a une qu'ils ont réussi à faire tomber
14:11 au Parlement européen, c'est celle qui séparait
14:13 la droite et l'extrême droite.
14:14 Et de plus en plus, ils font alliance,
14:16 ils réfléchissent ensemble, ils s'allient.
14:18 Ils s'allient, par exemple, pour faire tomber des textes
14:20 sur le climat.
14:21 Je pense notamment à la fin des moteurs thermiques
14:24 qui sont très polluants pour 2035.
14:26 La droite et l'extrême droite ont voté ensemble contre.
14:29 Et cette dynamique qu'on observe dans certains États européens,
14:32 c'est le cas en Italie, en Finlande, en Suède,
14:34 on l'observe aussi au Parlement européen,
14:36 raison pour laquelle les gauches doivent travailler ensemble
14:38 parce que je pense qu'il y a un vrai risque
14:40 que l'on risque d'observer pour le mandat suivant.
14:43 - 10 ans quasiment jour pour jour,
14:46 après le dramatique accident qui avait fait plus de 1000 morts
14:49 dans l'usine Rana Plaza au Bangladesh,
14:52 la Commission des affaires juridiques du Parlement européen
14:54 a adopté hier en première lecture une proposition de directive
14:58 sur le devoir de vigilance des grandes entreprises
15:01 à l'égard de leurs salariés.
15:02 C'est une nouvelle dont vous vous êtes chaudement félicitées
15:06 parce que c'est un sujet sur lequel vous travaillez depuis plusieurs années.
15:09 Est-ce que vous pouvez nous dire concrètement
15:12 ce que devrait permettre à terme cette directive ?
15:15 Et d'abord, pourquoi ne concerne-t-elle que les...
15:18 Vous nommez les multinationales, pourquoi seulement les multinationales ?
15:20 - Sur les entreprises de plus de 250 salariés
15:23 et 40 millions d'euros du chiffre d'affaires.
15:25 Pour resituer, c'est en effet un des combats principaux
15:29 que j'ai voulu mener et apporter au Parlement européen.
15:32 J'ai réussi en arrivant au Parlement
15:34 à mettre à l'agenda cette question du devoir de vigilance des multinationales
15:38 dont les ONG dont je proviens ont bataillé depuis des années
15:41 sans réussir à le mettre à l'agenda politique.
15:43 L'objectif, et ce qui a été voté dans le texte adopté cette semaine,
15:47 c'est précisément qu'il n'y ait plus de Rana Plaza,
15:50 que les entreprises multinationales soient forcées
15:53 de prévenir les violations des droits humains
15:56 et que les victimes de ces violations prennent Rana Plaza.
15:59 C'est plus de 1100 personnes qui sont mortes
16:02 dans des chantiers et dans des usines au Bangladesh
16:06 qui profitaient à des entreprises comme H&M, Camaïeu et d'autres
16:09 et qui n'ont jamais obtenu justice.
16:12 Et donc concrètement, demain, quand cette directive sera mise en œuvre,
16:16 ce sont les centaines de milliers de paysans
16:20 qui sont déplacés en Ouganda par l'oléoduc de Total
16:24 qui pourra demander justice en France.
16:26 Ce sont les victimes des violations des droits humains
16:30 et les personnes qui sont mortes sur les chantiers de la Coupe du Monde au Qatar
16:35 qui pourront demander justice en France à des entreprises comme Vinci qui sont impliquées.
16:39 C'est aussi traîner devant les tribunaux des entreprises comme SHEIN et d'autres
16:44 qui profitent du travail forcé des griffons.
16:46 - Ou qui ont pollué aussi. - Et qui ont pollué.
16:48 - Par exemple, au Yémen, on l'a vu. - Exactement, le cas de Total.
16:50 Vous faites bien de le mentionner, qui est sorti cette semaine.
16:53 Notre référence, c'est évidemment les standards en droits internationaux
16:56 en matière de droits de l'environnement et de droits humains.
16:59 - En revanche, pour l'instant, le secteur financier serait à l'abri.
17:03 - Relativement exonéré.
17:05 Nous, dans la position du Parlement, on a quand même une responsabilité
17:08 qui est inclue pour le secteur financier.
17:10 Mais ce que je regrette, c'est que du côté du Conseil,
17:12 donc des États membres de l'Union européenne,
17:14 la France ait été le relais, au côté d'ailleurs de Giorgia Meloni,
17:19 des lobbies du secteur financier pour les exonérer un maximum de la responsabilité
17:24 alors que les banques peuvent aussi choisir qui et comment elles les financent
17:29 et ne pas être complices des violations des droits humains à travers le monde.
17:32 Donc c'est une révolution juridique, mais qui va changer beaucoup de choses
17:35 pour les victimes de violations de droits humains.
17:38 Et c'est la preuve que quand on mène des combats au niveau européen,
17:40 parfois on peut les gagner.
17:42 - Merci Manon Aubry. - Merci beaucoup.
17:44 Merci Frédéric. On vous écoute le matin sur RFI.
17:48 - C'est une bonne idée.
17:50 - Et merci à Flore Simon et à Camille Nérand d'avoir préparé cette émission.
17:54 Et merci à toute l'équipe technique. À très vite.
17:56 [Musique]

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