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Transcription
00:00Gauthier Rybinski, vous avez entendu et écouté avec beaucoup d'attention ce que vient de dire Marjane Satrapi.
00:05Ce mouvement Femme, Vie, Liberté n'a pas encore sonné la fin du régime de cette république islamique d'Iran,
00:11mais est-ce qu'on peut déjà considérer qu'il l'a tout de même ébranlé ?
00:14Et comment ? Et comment parce que ce que disait Marjane Satrapi est tout à fait exact,
00:19c'est que ce n'est pas une affaire uniquement iranienne,
00:22c'est une affaire non seulement dans le rapport des êtres humains à la religion,
00:27et la place que peut prendre la religion quand elle devient une religion politique,
00:32et puis c'est aussi tout simplement la critique la plus sans doute sensée,
00:37la plus vécue de ce qu'on appelle le patriarcat.
00:40C'est-à-dire que quand vous voyez que des hommes iraniens sont dans ce mouvement,
00:45ça veut bien dire qu'eux-mêmes de l'intérieur ont parfaitement vécu ce que c'est que la domination patriarcale,
00:50et qu'ils trouvent ça particulièrement triste.
00:53Et que c'est parce que justement il y a de la tristesse dans la domination masculine vis-à-vis des femmes
00:59que précisément l'exemple iranien est lumineux.
01:02Il est lumineux d'abord parce que vous avez vu, si on rappelle les faits,
01:07à partir du moment où Abbas Salamani avait été tué,
01:10c'est la manière dont les manifestants s'en sont pris au symbole,
01:15au symbole non seulement, on va dire en images,
01:19les effigies de l'Héatola Romani qui ont été détruites,
01:24les mollas qui portent un turban, on leur a secoué le turban sur la tête,
01:29il y a des choses très très très fortes,
01:31très fortes parce que non seulement on met Abbas des symboles,
01:35mais parce que derrière il y a toute une volonté de vivre autre chose,
01:39et c'est d'autant plus remarquable qu'à l'époque où vous voyez en Occident
01:43comment soit on décrit le féminisme en disant que c'est un combat d'arrière-garde,
01:47soit le féminisme se décrit lui-même en devenant une sorte de corporatisme genré,
01:53eh bien là, toute la puissance et la valeur du combat féministe est là
01:57parce qu'il est universel et que ce que sont en train,
02:00ce que veulent absolument redéfinir les femmes iraniennes,
02:04c'est tout simplement une égalité qui est symbole de progrès,
02:08qui est symbole d'avenir, et non pas de, comment dirais-je,
02:12de régression et de naphtaline et d'odeurs de naphtaline
02:15telles que les molas peuvent la contenir et la propager.
02:19Vous voyez que c'est là le sens de ce mouvement,
02:23avec une petite remarque sur son origine, vous avez cité donc ce fameux slogan,
02:28et qui est très lié à une certaine forme du développement du kurdistan et du mouvement kurde.
02:33Dont est originaire l'âge universel.
02:36Et donc c'est quelque chose qui est intéressant parce que ça s'est propagé aussi,
02:39vous vous souvenez de cette expérience qui a été celle du Rojava dans le Kurdistan,
02:45où il y a une participation des femmes très très importante, y compris au combat,
02:49au combat militaire, et alors là-dessus ne soyons pas trop angéliques,
02:54on ne sait pas ce que c'est devenu.
02:55Mais si vous voulez cette idée que la femme lutte à la fois pour elle, bien sûr,
03:00mais qu'à travers ça c'est toute une société qui se transforme,
03:02c'est ce que nous disent les iraniens,
03:04et que nous, un petit peu au confort, on voit ça de très loin et de trop loin.
03:09Et ça rejoint justement le message que je partageais tout à l'heure,
03:12celui qu'a pu véhiculer Narges Mohammadi,
03:16c'est quand même le prix Nobel de la paix qui appelle les institutions et l'Occident
03:20à réagir, à ne pas simplement se contenter d'admirer ce mouvement.
03:23Oui.
03:24Qu'est-ce qu'il faut comprendre ?
03:25Ce qu'il faut comprendre c'est que l'Occident souvent se fourvoie
03:29dans la considération d'une géopolitique habituelle.
03:33Le commerce, comment on réagit à telle participation militaire,
03:37ce que disait d'ailleurs Marjane Satrapi,
03:39c'est important de voir que l'Iran des molas a plusieurs fers au feu
03:43dans le monde arabo-musulman.
03:45Mais on se satisfait de ça, et on ne pense qu'en rapport de force,
03:49à travers ces lieux communs de la géopolitique.
03:53Le commerce, les armes, la puissance.
03:55Non, ça c'est tout aussi important, voire beaucoup plus important
03:58que ce que je viens de citer, c'est que c'est ça qui remet en cause
04:02l'existence de régimes tyranniques.
04:04Alors là, c'est au nom de l'Islam, mais on pourrait en trouver
04:07au nom de la chrétienté, du christianisme, que sais-je encore.
04:10Donc c'est ça qui est important, c'est de voir que c'est aussi,
04:14sinon voire plus révolutionnaire et plus mobilisant,
04:18ce type de mouvement, que les attendus classiques
04:22de la géopolitique, dont des fois on ne sort pas.
04:25Voyez, le conflit en Ukraine, si on le considère uniquement
04:28sous l'aspect géopolitique classique, on n'en sort pas.
04:30Et ça, les femmes iraniennes, avec les hommes qui travaillaient avec elles,
04:34l'ont parfaitement compris, et c'est pour ça que c'est probablement
04:36ce qu'il y a de plus important, j'ajoute d'un mot,
04:38qu'il y avait un autre endroit où s'est joué quelque chose
04:41de très important, et malheureusement, là c'est passé un peu
04:44sous le bois sauve, c'est le Soudan.
04:46Le Soudan aussi a été dans sa révolution extrêmement inventif
04:50vis-à-vis du rôle des femmes, et les femmes ont pris leur place.
04:53Il ne faut pas l'oublier non plus.
04:54Il y en avait une qui scandait les slogans en place publique.
04:56Voilà.
04:57Oui, on se souvient de ce symbole.
04:58Merci beaucoup, merci à vous Gauthier.

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